Droit du développement territorial

ATF 144 II 77 (d)

2017-2018

Art. 13 al. 2 Cst. ; 7 al. 1 et 9 Ltrans ; 19 al. 1bis LPD

Demande d’accès aux informations de la nouvelle banque de données des événements relatives aux atteintes à la sécurité et aux incidents concernant les 26 entreprises de transport suisses les plus importantes. Pour qu’un droit d’accès soit limité, différé ou refusé, en application de l’art. 7 al. 1 LTrans, l’octroi de celui-ci doit constituer une menace sérieuse contre des intérêts publics ou privés, dont la réalisation présente une certaine vraisemblance; une véritable pesée des intérêts n’est à cet égard pas nécessaire. Si un document officiel contient en revanche des données personnelles ne pouvant être anonymisées, une pesée complète des intérêts s’impose, conformément à l’art. 19 al. 1bis LPD (respectivement art. 7 al. 2 LTrans). Dans ce contexte, l’intérêt à la transparence peut non seulement être mis en balance avec l’intérêt à la protection de la sphère privée, respectivement au droit à l’autodétermination informationnelle, mais également avec des préoccupations publiques importantes, qui s’opposent à l’octroi d’un droit d’accès, sans pour autant tomber sous le coup d’une exception au sens de l’art. 7 s. LPD. Est en l’occurrence laissée ouverte la question de savoir si les entreprises de droit public, titulaires d’une concession, peuvent se prévaloir du droit à l’autodétermination informationnelle, dans le cadre de l’exécution de tâches publiques. Demande d’accès admise.

ATF 144 II 91 (d)

2017-2018

Art. 5 al. 1, 7 al. 1 et. 9 Ltrans ; 4 al. 1 de la Convention d’Aarhus ; 10g LPE ; art. 19 al. 1bis LPD

Demande d’accès aux données d’émission (données EMI) de la cheminée de la centrale nucléaire de Leibstadt. Les données EMI de la centrale nucléaire de Leibstadt constituent un document officiel au sens de l’art. 5 Ltrans. Leur suppression des registres par l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), conformément à l’ancienne ordonnance sur la radioprotection, ne fait pas tomber la condition de la détention selon l’art. 5 al. 1 let. b Ltrans car, bien que l’IFSN, détruise ces données 30 jours après réception, l’exploitante est tenue de les conserver durablement à son intention. Les informations sur des émissions ne représentent pas en principe des secrets d’affaires au sens de l’art. 7 al. 1 let. g LTrans, respectivement de l’art. 4 al. 4 let. d de la Convention d’Aarhus. La pesée des intérêts selon l’art. 19 al. 1bis let. b LPD entre l’intérêt public à l’accès aux documents et — principalement — les intérêts privés à la protection des données personnelles peut en matière d’environnement se trouver dans un rapport de tension avec l’exception de l’art. 4 al. 4 let. f de la Convention d’Aarhus car celui-ci protège uniquement les données personnelles des personnes physiques et non pas celles des personnes morales, comme in casu la centrale nucléaire de Leibstadt. L’accès peut être autorisé alors même qu’il ne correspond pas au but reconnaissable de la collecte des données ; en effet, si la communication des informations présentes dans un document officiel était refusée au motif que cette communication ne répond pas au but de la collecte, le changement de paradigme et l’instauration du principe de la publicité réalisés avec la loi sur la transparence seraient dans une large mesure vidés de leur substance. Demande d’accès admise.

ATF 143 II 485 (f)

2017-2018

Art. 24b al. 1 et 1ter LAT ; 40 al. 1 OAT

Exploitation d’une buvette dans un chalet d’alpage qui ne dispose plus de fonction agricole. L’art. 24b al. 1 LAT autorise les travaux de transformation destinés à l’exercice d’une activité accessoire non agricole lorsqu’une entreprise agricole ne peut subsister sans un revenu complémentaire. L’al. 1ter de cette disposition précise les conditions pour les centres d’exploitation temporaire, tels que les chalets d’alpage. Selon l’art. 40 al. 1 OAT, l’activité accessoire non agricole doit être proche de l’exploitation agricole. Est déterminante la proximité géographique, mais également la proximité matérielle, liée à la nature de l’activité en cause, et pour laquelle le caractère agricole de la ferme doit rester pour l’essentiel inchangé (art. 40 al. 1 let. c OAT). Or en l’espèce, le chalet d’alpage n’est plus nécessaire à l’exploitation agricole puisque le bétail qui est estivé dans les alentours demeure en permanence au pâturage. Il s’agit de plus uniquement de vaches allaitantes qui n’ont pas besoin d’être traites. Aucune infrastructure, existante ou prévue dans le projet de buvette, ne permet d’héberger ou de soigner les animaux. La fonction agricole au sens de l’art. 40 al. 1 OAT n’est plus remplie et le bâtiment ne peut pas être considéré comme un centre d’exploitation temporaire au sens de l’art. 24b al. 1ter LAT. Il ne peut dès lors bénéficier d’une autorisation pour l’exploitation d’une buvette.

ATF 143 II 568 (i)

2017-2018

Art. 5 al. 1, 1bis et 1quinquies let. b LAT ; 9 et 49 al. 1 Cst. ; 93 de la loi tessinoise sur le développement territorial (LST)

Compensation des avantages majeurs résultant de mesures d’aménagement ; exemption et limite à l’exemption de la taxe. L’art. 93 LST fixant la valeur-seuil à 100 000 CHF pour la perception de la taxe sur la plus-value résultant de toute augmentation de valeur d’un terrain est contraire au principe d’égalité sur lequel repose l’art. 5 al. 1 LAT. Elle viole particulièrement l’art. 5 al. 1quinquies let. b LAT, ne permettant dès lors pas la mise en œuvre d’une compensation adéquate des avantages et inconvénients majeurs, puisque le produit fiscal escompté pour ce montant pourrait, selon le système applicable, dépasser de manière excessive la couverture des frais de perception de l’impôt. Le Tribunal fédéral relève en outre un problème d’interprétation de la disposition tessinoise. Il n’est en effet pas clair de savoir si le montant de 100 000 CHF constitue une valeur-seuil (« Freigrenze ») ou un montant exempté en tant que tel (« Freibetrag »).

ATF 143 II 588 (d)

2017-2018

Art. 16, 16a et 18 LAT ; 38 OAT

Zone agricole spéciale. La création d’une arène de combat de reines et d’une halle marchande de la Chambre d’agriculture ne peut être envisagée dans le canton du Valais, le plan directeur cantonal ne prévoyant pas, de manière positive ou négative, l’implantation de zones agricoles spéciales. De plus, aucune autorisation ne peut être délivrée sur la base de l’art. 18 LAT, s’agissant d’une zone à bâtir spéciale dont la compensation est nécessaire en application de l’art. 38a al. 2 LAT et de l’art. 52a al. 2 OAT.

ATF 144 II 41 (f)

2017-2018

Art. 21 al. 2 LAT

Contrôle incident de la planification ; modification sensible des circonstances. Bien que relevant d’un intérêt public important, la réduction des zones à bâtir prévue par le nouvel art. 15 al. 2 LAT ne constitue toutefois pas en soi le seul critère pertinent pour déterminer la nécessité d’entrée en matière sur une demande de révision d’un plan au sens de l’art. 21 al. 2 LAT. Les dispositions transitoires de la LAT bloquent en effet l’extension de la zone à bâtir dans l’attente de l’adoption des plans directeurs conformes au droit mais n’interdisent pas la mise en œuvre de planifications existantes conformes à la LAT. Pour constituer une modification sensible des circonstances, d’autres circonstances, telles que la localisation de la parcelle par rapport à la zone à bâtir existante, le niveau d’équipement de la parcelle ou la date d’entrée en vigueur du plan d’affectation s’avèrent nécessaires, de même qu’une pesée complète des intérêts en présence.

ATF 144 II 49 (f)

2017-2018

Art. 7 al. 1 let. a et 14 al. 1 let. b LRS ; 75b Cst.

Abus de droit en matière de résidences secondaires. Il revient à l’autorité chargée de la délivrance du permis de construire de déterminer si les conditions pourront être respectées et de déterminer dans ce cadre si le requérant de l’autorisation de construire une résidence principale n’a pas en réalité pour but de réaliser une résidence secondaire par le biais de l’art. 14 al. 1 let. b LRS, ce qui serait constitutif d’un abus de droit. Le prix, la situation de l’immeuble, les circonstances tenant à la personne qui entend y habiter sont autant d’indices qui permettent de le déterminer. Lorsque les futurs occupants ne sont pas connus, l’autorité doit prendre en compte le critère de la demande de résidences principales dans le même secteur. En l’espèce, le requérant ne fait valoir aucune offre d’achat sérieuse et concrète, entraînant dès lors une incertitude quant à l’usage à des fins de résidence principale. En raison de la situation sur le marché immobilier (notamment la diminution du nombre d’habitants dans la commune et les nombreux biens de nature comparable disponibles à la vente), la demande de résidences principales n’est pas établie et suffisante pour justifier le projet du requérant.

Art. 25 al. 1 LRS

Résidences secondaires ; application de la LRS aux demandes d’autorisation contestées par recours après l’entrée en vigueur de la loi. Il ressort clairement du Message du Conseil fédéral du 19 février 2014 concernant la LRS et de l’art. 25 al. 1 LRS que la loi est applicable aux demandes d’autorisation de construire qui sont contestées par recours après son entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Bien que cette solution aille à l’inverse de celle développée par le Tribunal fédéral jusqu’à l’entrée en vigueur de la LRS et soit critiquée par la doctrine, elle apparaît toutefois claire et demeure celle choisie par le législateur fédéral.

ATF 143 I 395 (d)

2017-2018

Art. 27 et 91 Cst. ; 4 al. 2 et 7 ss LEne ; 1, 5, 6, 13 LApEl ; 8 al. 2 OApEl

Il n’existe aucun monopole en matière de système de mesure du réseau ; le choix du prestataire du système de mesure relève de la liberté économique du producteur. L’exploitant d’installations photovoltaïques est un producteur d’électricité ; l’entreprise gestionnaire compétente du réseau de distribution a donc l’obligation de lui fournir un raccordement au réseau d’électricité. Le litige portait sur le point de savoir si le producteur d’électricité devait utiliser les prestations de système de mesure de l’entreprise gestionnaire du réseau de distribution ou s’il pouvait mandater un autre prestataire. Cette question relève de la sphère de protection de la liberté économique, de sorte qu’il n’y a pas lieu de se demander s’il existe une base légale pour la libéralisation du système de mesure, mais de savoir si la restriction à cette liberté repose sur une base légale. Le gestionnaire de réseau a certes, de par la loi, un droit exclusif à l’exploitation du réseau dans sa zone, mais qui trouve néanmoins une limite dans la liberté économique. Les prestations de système de mesure n’appartiennent pas à la gestion du réseau.