Propriété intellectuelle

Une société ayant son siège dans le canton du Valais commercialise une bière appelée « Saas das Bier ». Outre cette dénomination, l’étiquette apposée sur les bouteilles comporte une étoile valaisanne aux couleurs rouge et blanche des armoiries cantonales, ainsi qu’un panorama de montagne. La bière n’est pas produite en Valais, la société ne disposant pas de ses propres installations de brassage. Le lieu où est effectivement brassée et mise en bouteille la bière est indiqué en petits caractères sur l’étiquette. La loi sur les denrées alimentaires (LDAl, RS 817.0) a notamment pour but de protéger les consommateurs contre les tromperies en matière de denrées alimentaires et d’objets usuels, et de mettre à leur disposition les informations nécessaires à l’acquisition de ces produits (consid. 6.1). Concernant la protection contre la tromperie, l’art. 18 al. 1 LDAl dispose que toute indication concernant des denrées alimentaires doit correspondre à la réalité. L’al. 2 précise que la présentation, l’étiquetage et l’emballage des produits visés à l’al. 1 ainsi que la publicité pour ces produits ne doivent pas induire le consommateur en erreur. Les dispositions de la LPM relatives aux indications de provenance suisse sont réservées. Selon l’al. 3, sont notamment réputés trompeurs les présentations, les étiquetages, les emballages et les publicités de nature à induire le consommateur en erreur sur la fabrication, la composition, la nature, le mode de production, la durée de conservation, le pays de production, l’origine des matières premières ou des composants, les effets spéciaux ou la valeur particulière du produit. Selon l’art. 12 al. 1 de l’Ordonnance sur les denrées alimentaires et les objets usuels (ODAlOUs, RS 817.02), qui concrétise cette protection, les dénominations, les indications, les illustrations, les conditionnements, les emballages et les inscriptions qui figurent sur les conditionnements et sur les emballages, ainsi que la présentation, la publicité et les informations alimentaires doivent correspondre à la réalité et exclure toute possibilité de tromperie quant à la nature, à la provenance, à la fabrication, au mode de production, à la composition, au contenu et à la durée de conservation de la denrée alimentaire concernée (consid. 6.1.1). Sont notamment trompeuses les indications inexactes sur la provenance d’une denrée alimentaire ou les indications qui donnent l’impression erronée que le produit ou ses matières premières proviennent d’une région déterminée. La question de savoir si la présentation d’un produit alimentaire doit être qualifiée de trompeuse dépend de différents facteurs. Une violation de l’interdiction d’induire en erreur peut résulter d’indications isolées sur la denrée alimentaire, mais aussi, le cas échéant, seulement de son apparence globale. Le critère permettant de déterminer si la présentation d’une denrée alimentaire doit être considérée comme trompeuse au sens des dispositions précitées s’apprécie du point de vue du consommateur moyen. Son besoin légitime d’information est déterminant, en partant du principe qu’il ne connaît généralement pas les prescriptions détaillées du droit des denrées alimentaires. En outre, l’aptitude objective à la tromperie est suffisante. Il n’est pas nécessaire de prouver qu’un certain nombre de consommateurs moyens ont effectivement été trompés. En revanche, la possibilité éloignée que le produit suscite des idées erronées chez le consommateur moyen n’est pas suffisante (consid. 6.1.2). Le produit « Saas das Bier » relève incontestablement du champ d’application matériel de la législation sur les denrées alimentaires, qui englobe la bière en tant que denrée alimentaire (art. 4 al. 1 et al. 2 lit. a LDAl, ainsi que l’art. 1 al. 1 lit. g ch. 1 et art. 63 ss de l’Ordonnance du DFI sur les boissons, RS 817.022.12). Le produit de la recourante doit donc respecter les prescriptions de la législation sur les denrées alimentaires. Il découle de l’art. 12 al. 1 ODAlOUs que, nonobstant la formulation trop étroite de l’art. 18 al. 3 LDAl, la protection contre la tromperie interdit non seulement les allégations trompeuses concernant le pays de production, mais également celles qui concernent d’autres provenances, éventuellement régionales ou locales (consid. 6.2.1). Selon les constatations de l’instance précédente, la présentation de la bière fait référence à plusieurs endroits à la vallée de Saas, située dans le canton du Valais. En particulier, la dénomination spécifique « Bier », au sens de l’art. 65 al. 1 de l’Ordonnance du DFI sur les boissons, est précédée de l’indication de provenance « Saas ». Au-dessus, l’étiquette du produit comporte une étoile valaisanne aux couleurs blanche et rouge des armoiries cantonales. Sous la désignation, un panorama de montagne est représenté, établissant une référence claire au canton montagneux qu’est le Valais. Par cette présentation, la recourante donne à croire au consommateur moyen que le produit « Saas das Bier » provient de cette région (consid. 6.2.2). Le fait que l’étiquette de la bière indique, en petits caractères, le lieu où la bière est effectivement brassée et mise en bouteille n’y change rien. En raison des autres éléments qui figurent sur l’étiquette, les consommateurs n’ont aucune raison objective de supposer que la bière pourrait provenir d’un autre endroit. La protection contre la tromperie prévue par la législation sur les denrées alimentaires a pour but de protéger les consommateurs contre les fausses représentations causées par une présentation ou par un étiquetage trompeur, sans leur imposer une obligation de se renseigner plus avant. En outre, même s’il lit l’indication, le consommateur moyen a inévitablement l’impression que le produit de la recourante doit avoir un quelconque lien avec la vallée de Saas, dans le canton du Valais (consid. 6.2.3). Le produit « Saas das Bier » de la recourante éveille ainsi clairement l’impression trompeuse que ses propriétés caractéristiques lui ont été conférées dans la vallée de Saas, dans le canton du Valais. Sa présentation doit donc être considérée comme trompeuse au sens de l’art. 18 LDAl et de l’art. 12 al. 1 ODAlOUs. Contrairement à l’avis de la recourante, il n’est pas déterminant qu’elle n’ait pas eu l’intention de tromper avec la présentation et la désignation de la bière. Il suffit, comme c’est le cas en l’espèce, que la présentation d’un produit soit objectivement de nature à induire en erreur (consid. 6.2.4). Le signe « Saas das Bier » a été enregistré en mars 2020 comme marque combinée, notamment pour des bières provenant de Suisse (CH 744978). La réserve de l’art. 18 al. 2 LDAl, qui renvoie aux dispositions de la LPM relatives aux indications de provenance suisse, ne doit pas être comprise de telle manière qu’il ne subsiste pas de champ d’application indépendant pour la protection contre la tromperie selon le droit des denrées alimentaires dès qu’une denrée alimentaire porte une indication de provenance au sens des art. 47 ss LPM. En particulier, l’utilisation d’une indication de provenance licite au sens de la LPM ne justifie pas une présentation de denrées alimentaires qui éveille chez les consommateurs des représentations erronées sur leur provenance. Les règles de la LPM ne prévalent pas sur celles du droit alimentaire (consid. 6.3). Le recours est rejeté (consid. 7).

La recourante est une association ayant pour but de défendre et de promouvoir les intérêts idéaux, économiques et déontologiques des indépendants et des entreprises de l’artisanat, du commerce, des services et de l’industrie. En l’espèce, elle se plaint de médias ayant critiqué la manière dont l’un de ses membres a appliqué une convention collective de travail. Le recours porte sur sa légitimation active (consid. 2). Selon l’art. 9 al. 1 LCD, celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé peut demander au juge de l’interdire si elle est imminente, de la faire cesser si elle dure encore ou d’en constater le caractère illicite, si le trouble qu’elle a créé subsiste. Sont ainsi légitimés à agir les sujets de droit qui participent eux-mêmes à la concurrence économique et qui peuvent faire valoir leurs propres intérêts économiques, à condition qu’ils aient un intérêt direct à assurer ou à améliorer leur position dans la concurrence par le succès de l’action (consid. 2.1). Les associations professionnelles ou économiques que leurs statuts autorisent à défendre les intérêts de leurs membres peuvent également intenter les actions prévues à l’art. 9 al. 1 LCD (art. 10 al. 2 lit. a LCD). On vise ici des groupements dotés de la personnalité juridique, dont les membres participent à la concurrence et se réunissent par intérêt économique. L’art. 10 al. 2 let. a LCD confère aux associations professionnelles ou économiques, à certaines conditions, un droit d’action propre et autonome. Le droit d’agir de l’association n’est donc pas dérivé du droit des membres dont l’association économique défend les intérêts. C’est pourquoi les « intérêts économiques » de l’art. 10 al. 2 let. a LCD ne désignent pas les intérêts économiques individuels qui, selon l’art. 9 al. 1 LCD, habiliteraient les membres à intenter une action individuelle. En conséquence, l’association n’a ni à alléger ni à prouver que ses membres auraient parallèlement qualité pour agir. La notion d’« intérêts économiques » est large. Elle vise les intérêts dans le domaine économique en général, ce qui délimite le champ d’application par rapport aux intérêts purement idéologiques, scientifiques ou sociaux. Par ailleurs, les intérêts dont il est ici question doivent être ceux des membres, ce qui implique une certaine collectivité de ces intérêts. L’association ne peut pas représenter les intérêts économiques individuels d’un seul membre. L’association peut également faire valoir, par son action, les intérêts collectifs d’une petite partie seulement de ses membres, étant donné que, selon le texte et le but de la norme, il n’est pas nécessaire que tous les membres, la majorité ou une partie importante d’entre eux soient concernés. Même si l’acte de concurrence déloyale n’est dirigé que contre un seul membre de l’association, les intérêts d’autres membres de cette dernière peuvent aussi être touchés (consid. 2.2). Il n’est pas nécessaire d’alléguer et de prouver une atteinte réelle aux intérêts économiques d’un membre de l’association. Il suffit qu’une menace d’une atteinte imminente soit étayée. Si l’auteur du trouble a déjà agi, mais que le trouble ne s’est pas encore produit, c’est l’aptitude objective de l’acte à provoquer une distorsion de concurrence qui est déterminant. La question de savoir si cette aptitude objective existe en l’espèce devra être examinée par l’instance précédente (consid. 3.2.3). Dans le cas d’espèce, il faut admettre que l’intérêt économique touché n’est pas seulement l’intérêt économique d’un des membres de l’association, mais qu’il s’agit plutôt d’un intérêt collectif suffisant des membres de l’association, que celle-ci est légitimée à défendre (consid. 3.3). La cause est renvoyée à l’instance précédente pour nouveau jugement (consid. 4).

ATF 148 II 92 (d)

2021-2022

Une décision de renvoi du TAF à la CAF est en principe une décision incidente contre laquelle un recours au TF n’est possible qu’aux conditions des art. 92 ou 93 LTF (consid. 1.2.1). Lorsqu’elle ne contient pas d’instructions contraignantes de droit matériel, une décision de renvoi ne cause en principe aucun préjudice irréparable car elle peut encore être attaquée avec la nouvelle décision finale d’après l’art. 93 al. 3 LTF (consid. 1.2.2). En l’espèce, la décision de renvoi contient des instructions contraignantes de droit matériel puisqu’elle constate que la LTrans est applicable à une demande d’accès aux documents de la CAF. Si la CAF donne l’accès au requérant sur la base de cette décision, le DFJP n’aurait pas qualité pour recourir au TAF et contester l’application de la LTrans, car l’art. 48 PA ne contient aucune règle semblable à celle de l’art. 89 al. 1 lit. a LTF (recte : art. 89 al. 2 lit. a LTF). En l’espèce, il faut donc admettre que le DFJP subit un préjudice irréparable du fait de la décision attaquée, d’autant que la protection de la propriété intellectuelle fait partie de son domaine d’activité. Un intérêt digne de protection spécifique n’est pas exigé dans le cadre de l’art. 89 al. 2 lit. a LTF ; l’intérêt à l’application correcte du droit fédéral suffit. Le DFJP a donc en l’occurrence qualité pour recourir au TF (consid. 1.2.4). En l’espèce, il faut uniquement déterminer si la LTrans est applicable à la CAF dans une procédure d’approbation d’un tarif sur lequel les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs sont d’accord. En d’autres termes, il faut se demander si la CAF tombe dans le champ d’application personnel de la LTrans, respectivement si une telle procédure est couverte par son champ d’application matériel (consid. 5). Les unités administratives décentralisées sont aussi visées par la LTrans (consid. 5.1.1). De même, cette loi s’applique aux procédures administratives de première instance, dans la mesure où elles ne sont plus pendantes (consid. 5.1.2). Il est possible qu’une autorité relève du champ d’application personnel de la LTrans, mais que son activité soit exclue du champ d’application de cette loi à raison de la matière (consid. 5.2). D’après le chiffre 2 de l’annexe 2 à l’OLOGA, la CAF est une commission extraparlementaire rattachée au DFJP. La subordination au DFJP résulte d’ailleurs aussi de l’art. 58 al. 1 LDA. Les commissions extraparlementaires font partie de l’administration fédérale décentralisée d’après l’art. 7a al. 1 lit. a OLOGA. En droit fédéral, on ne trouve aucune indication selon laquelle la CAF devrait être rattachée au pouvoir judiciaire ; en particulier, il n’existe aucune règle de procédure spéciale concernant la consultation des dossiers de la CAF (consid. 5.3). Cette dernière relève donc du champ d’application de la LTrans à raison de la personne. Reste à savoir si la procédure d’approbation d’un tarif consensuel (« Einigungstarif ») fait partie du champ d’application matériel de cette loi (consid. 5.4). La CAF a été instituée en 1940 par l’ancienne LPerc (RS 231.2), laquelle a été adoptée en réaction à une situation de concurrence entre sociétés de gestion désavantageuse aussi bien pour les auteurs que pour les « consommateurs ». La procédure d’approbation tarifaire devait alors prévenir les abus (consid. 6.1). Depuis la révision de la LDA de 1992, la CAF doit aussi vérifier l’équité des tarifs (consid. 6.2). Avec l’entrée en vigueur de la réforme de la justice en 2007, les commissions fédérales de recours ont été abolies et remplacées par le TAF. De même, l’OJ a été remplacée par la LTF. Mais la CAF a été maintenue parce qu’on ne l’a pas considérée comme une instance de recours, mais plutôt comme une autorité de même niveau qu’un office fédéral, une commission extraparlementaire ou une autorité de régulation indépendante, dont les décisions sont revues par le TAF avec pleine cognition. Tandis que les décisions de la CAF pouvaient antérieurement être portées directement au TF, elles doivent désormais d’abord être examinées par le TAF (consid. 6.3). Ce système a été maintenu lors de la révision du droit d’auteur entrée en vigueur le 1er avril 2020 (consid. 6.4). Par un arrêt de 1956, le TF a estimé que la CAF ne fonctionnait pas comme un juge, mais qu’elle était comparable à une autorité administrative qui contrôle les prix ou veille à ce que des contrats de droit privé ne lèsent pas l’intérêt public. Plus tard, en 1995, il a considéré dans une procédure concernant un tarif litigieux que la CAF était une autorité judiciaire au sens de l’art. 105 al. 2 OJ et il s’est ensuite plusieurs fois référé à cette décision. Il n’a cependant plus examiné la question depuis la réforme de la justice, ni celle de la nature juridique de la procédure d’approbation tarifaire (consid. 6.5). Une procédure judiciaire se caractérise par un contentieux entre différentes parties. En procédure administrative, il y a un différend entre l’administration qui prend une décision et une personne qui la conteste ; un tribunal indépendant arbitre alors ce litige. L’administration sauvegarde l’intérêt public, tandis que le recourant cherche à défendre ses intérêts privés. Lorsqu’une autorité a pour rôle d’agir dans l’intérêt public, cela parle contre sa qualification d’instance judiciaire (consid. 7.1). D’après l’art. 10 al. 3 ODAu, en cas d’accord sur un tarif, il n’est pas nécessaire que le ou la président-e de la CAF requiert les observations des associations représentatives des utilisateurs. La CAF décide alors par voie de circulation, pour autant qu’aucun de ses membres ne s’y oppose. En revanche, en cas de tarif litigieux, les parties sont entendues lors d’une séance, conformément aux art. 12 et 13 ODAu. A l’issue de celle-ci, la CAF décide et peut elle-même modifier le tarif selon le système des art. 14 et 15 ODAu (consid. 7.2). La procédure d’approbation tarifaire concrétise les prescriptions légales tendant à un équilibre approprié des intérêts servant la sécurité juridique, et elle est orientée vers le consensus entre les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs. Elle prévient les abus de position de monopole de la part des sociétés de gestion (consid. 7.3). En l’espèce, la demande d’accès aux documents concerne une procédure d’approbation d’un tarif consensuel, qui a eu lieu par voie de circulation. La CAF n’a pas tranché de contentieux, mais elle a agi comme autorité d’approbation dans l’intérêt public. La qualification d’une procédure devant la CAF en cas de tarif litigieux, ou lorsque des tiers interviennent en prenant des conclusions divergentes, peut rester ouverte (consid. 7.4). Dans le cas ici en cause, la procédure relève du champ d’application de la LTrans à raison de la matière (consid. 7.5). L’art. 25 LTAF n’a pas été violé car le recourant ne démontre pas qu’il y ait eu un changement de jurisprudence. De toute manière, il est douteux qu’il puisse se prévaloir de cette règle interne au TAF, dont la violation aurait des conséquences juridiques (consid. 8).

Seule une simple transformation technique d’une œuvre sur un autre support ou son transfert dans une autre technologie ne constitue pas une modification de l’œuvre au sens de l’art. 11 al. 1 lit. a LDA (consid. 5.2). En l’espèce, différents passages des œuvres originales ont été supprimés, des mots ont été changés et/ou ajoutés. Il s’agit de modifications qui, en principe, nécessitent l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants cause (consid. 5.3). Une parodie au sens de l’art. 11 al. 3 LDA ne doit pas affecter l’exploitation normale de l’œuvre. Le champ d’application de l’exception de parodie, de même que la notion de parodie, doivent être compris largement et concernent toutes les représentations comiques d’une œuvre préexistante à des fins de critique (consid. 6.1). L’effet humoristique est obtenu généralement par contraste entre l’original et la parodie. La critique peut concerner l’œuvre préexistante, son auteur ou des situations ou personnes sans rapport avec cette œuvre. Pour que la liberté de parodier soit reconnue, la parodie ne doit pas pouvoir être confondue avec l’œuvre originale, mais elle ne doit pas non plus trop s’en éloigner. L’œuvre originale doit rester reconnaissable, de sorte que la parodie constitue une œuvre de seconde main au sens de l’art. 3 al. 1 LDA (consid. 6.3). Ces conditions sont réalisées en l’espèce (consid. 6.4 et 6.5).

Le nouveau TC 14 se base sur les art. 13a et 35a LDA introduits par la révision du droit d’auteur entrée en vigueur le 1er avril 2020. Il couvre les actes suivants : Transactional Video on Demand (TVOD), Electronic Sell Through (EST), Subscription Video on Demand (SVOD), Advertising-based Video on Demand (AVOD) et Free Video on Demand (FVOD). Les utilisations au sens de l’art. 22c LDA sont réservées, de même que celles faisant l’objet des TC 4i, 7 et 12 (consid. 1). SUISA n’est pas partie au TC 14, vu l’art. 13a al. 5 LDA qui exclut la musique contenue dans des œuvres audiovisuelles (consid. 4). La SSR est une utilisatrice pour des actes visés par le TC 14, mais il ne ressort ni de la requête d’approbation tarifaire, ni de ses statuts, qu’elle représenterait un cercle important d’utilisateurs. Elle a participé aux négociations tarifaires en tant qu’invitée (consid. 5). Le droit à rémunération des art. 13a et 35a LDA résulte de l’exercice du droit de mise à disposition au sens de l’art. 10 al. 2 lit. c LDA. Il n’est pas applicable lorsque le droit de distribution de l’art. 10 al. 2 lit. b LDA – technologiquement neutre – est exercé. En cas d’EST, le droit à rémunération vaut donc seulement si l’utilisateur final n’est pas autorisé, d’après le but de la transaction, à disposer librement de l’exemplaire téléchargé, notamment à l’aliéner à nouveau. En effet, si tel était le cas, le droit de distribution serait concerné. Selon la réserve de réciprocité des art. 13a al. 4 et 35a al. 4 LDA, le droit à rémunération ne vaut que si le pays de production de l’œuvre audiovisuelle prévoit aussi un droit à rémunération soumis à la gestion collective. Une gestion collective partielle sur une base volontaire ne suffit pas (consid. 7).

La procédure devant la CAF est régie par les art. 57 à 59 LDA, 1-16d ODAu et, sur la base de l’art. 55 al. 2 LDA, par les dispositions de la PA (consid. 2). D’après le texte des art. 46 al. 2 LDA et 10 al. 2 ODAu, les parties à la procédure d’approbation devant la CAF sont les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs. La qualité de partie donne d’importants droits et des obligations de procédure. L’autorité doit déterminer d’office qui est partie au sens de l’art. 6 PA, qui est éventuellement « autre intéressé » à une procédure et qui doit en être exclu. La personne qui, malgré ses conclusions, n’est pas acceptée comme partie dans une procédure acquiert la qualité de partie pour ce qui concerne les débats sur cette question. Ni la LDA, ni l’ODAu ne prévoient un élargissement de la qualité de partie. En particulier, avec le système de la gestion collective, il est exclu que des ayants-droit particuliers participent à une procédure tarifaire puisque les sociétés de gestion sont tenues d’exercer les droits relevant de leur domaine d’activité, ce qui inclut l’obligation d’établir des tarifs selon l’art. 46 LDA (consid. 5.1). Toutefois, les personnes qui ont qualité pour recourir contre la décision selon l’art. 48 PA ont aussi la qualité de partie au sens de l’art. 6 PA pour la procédure devant la CAF (consid. 5.2). D’après l’art. 48 PA, pour avoir la qualité pour recourir, il faut notamment être spécialement atteint par la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Etre « spécialement » atteint signifie l’être plus que le grand public, avoir un lien significatif et étroit avec l’objet du litige. L’inconvénient que la partie recourante entend éviter doit être d’un certain poids et avoir une certaine vraisemblance. Mais une preuve absolue n’est pas nécessaire. En matière tarifaire, l’atteinte spéciale se détermine par rapport à l’ensemble des personnes concernées par le tarif. Quant à l’intérêt digne de protection, il ne s’agit pas d’un intérêt juridiquement protégé. Il peut être juridique ou factuel, mais il doit avoir une utilité pratique et être actuel. Il n’existe pas s’il pourrait être sauvegardé par une autre procédure, par exemple un procès civil. En l’espèce, ces conditions ne sont pas remplies (consid. 5.3). Le requérant ne peut pas non plus être un « autre intéressé » au sens de l’art. 57 PA, car une intervention accessoire en procédure devant la CAF est exclue (consid. 5.4). L’art. 12 PA consacre la maxime inquisitoire. Celle-ci est toutefois assouplie dans les procédures qui n’ont pas lieu d’office, mais sur requête d’une personne privée. Si l’autorité n’agit pas d’elle-même, les personnes privées décident de manière autonome d’ouvrir une procédure administrative et en définissent l’objet selon les principes de la maxime de disposition. Les art. 59 al. 2 LDA et 15 ODAu précisent toutefois que la CAF peut elle-même modifier un tarif qui n’est pas approuvable. En l’espèce, c’est la requête de ProLitteris qui détermine l’objet de la procédure. Elle peut donc demander la prolongation de deux tarifs par la même procédure (consid. 8). La personne dont la qualité de partie est refusée peut-être condamnée à payer des frais de procédure (consid. 11).

Les associations d’utilisateurs membres d’une association faîtière n’ont pas le droit de prendre part aux négociations tarifaires, à moins que l’association faîtière n’y participe pas. D’autre part, le TF estime qu’en raison du principe de la bonne foi, une association est légitimée à participer à la procédure d’approbation, même si elle n’est pas directement concernée par l’affaire, si sa qualité n’a pas été contestée durant les négociations tarifaires et devant la CAF. Une représentation au sens de l’art. 32 CO est possible en procédure tarifaire et la CAF doit l’examiner d’office en pouvant pour cela exiger des justificatifs (consid. 6.1). Lorsqu’il n’existe pas d’associations d’utilisateurs, les sociétés de gestion négocient parfois directement avec les utilisateurs effectifs ou potentiels. Ceux-ci sont alors admis aussi dans la procédure devant la CAF. Cela vaut également lorsque ces utilisateurs étaient antérieurement représentés par une association qui n’existe plus (consid. 6.4). D’après l’art. 60 al. 3 LDA, les utilisations à des fins pédagogiques au sens de l’art. 19 al. 1 lit. b LDA sont soumises à des tarifs préférentiels. En pratique, elles bénéficient d’une réduction d’un tiers. De même, le nouvel art. 60 al. 4 LDA, entré en vigueur le 1er avril 2020, prévoit des tarifs préférentiels pour la location d’exemplaires d’œuvres au sens de l’art. 13 par les bibliothèques en mains publiques ou accessibles au public (consid. 10.1). Dans ce cas aussi, une réduction d’un tiers est équitable. Une provision ou un rabais pour une association d’utilisateurs qui procède à l’encaissement des redevances n’est pas un indice d’inéquité, d’autant plus que d’autres tarifs contiennent des clauses semblables (consid. 10.3). Une révision anticipée du tarif en raison d’un changement fondamental de circonstances nécessiterait une requête d’approbation d’un nouveau tarif à la CAF, qui devrait être interprétée comme une résiliation de l’ancien tarif pour la date d’entrée en vigueur du nouveau. Une modification de la clause tarifaire permettant une telle révision pour changement fondamental des circonstances n’est donc pas nécessaire, respectivement apparaitrait comme disproportionnée (consid. 11).

Il n’y a pas de raison de refuser d’approuver un tarif réglant un domaine d’utilisation de manière complète, dans l’intérêt de toutes les parties, au motif qu’il n’est pas intégralement soumis au contrôle de l’équité. Ce contrôle et l’approbation de la CAF ne concernent cependant que les droits soumis à la surveillance de la Confédération, ratione loci et materiae (consid. 9.3). D’après l’art. 60 al. 3 LDA, les utilisations d’œuvres à des fins pédagogiques sont soumises à des tarifs préférentiels. En pratique, les tarifs prévoient une réduction d’un tiers (consid. 10.1). Un tarif déterminant une redevance par renvoi à d’autres tarifs, dont la durée de validité n’est pas identique à celle du premier, est source d’insécurité juridique. Ce renvoi a toutefois été supprimé par la suite (consid. 11.3).

Des contributions journalistiques sont protégées par le droit d’auteur, sauf s’il s’agit de courtes dépêches sans individualité. Ce qui compte est de savoir si de simples informations ou nouvelles sont transformées en œuvre autonome dans une forme individuelle avec de propres affirmations et prises de position (consid. 2.2.1). De simples raccourcissements, reproductions partielles, extensions ou amendements d’une œuvre originale sont rarement suffisamment individuels pour que le résultat constitue une œuvre de seconde main protégée de manière autonome. Il en va de même de la restructuration d’un texte. En revanche, un article journalistique écrit avec de propres mots sur la base d’un texte protégé préexistant peut lui-même bénéficier d’une protection (consid. 2.2.2). En l’espèce, la demanderesse n’allègue et ne prouve pas suffisamment l’individualité des articles litigieux. Elle devait le faire, même s’il y en a plusieurs milliers (consid. 2.3.2). A supposer qu’ils soient protégés, elle ne démontre pas non plus sa qualité pour exercer les droits d’auteur sur ceux-ci, donc sa légitimation active (consid. 3). L’usage interne au sens de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA concerne des personnes liées à une organisation par un rapport de travail ou de sociétariat, au sens large du terme. Tel peut être le cas notamment pour des employés, des actionnaires ou des membres d’associations. Même des personnes morales, comme les membres d’une association économique, de groupes d’intérêt ou de groupes internationaux peuvent être concernées. Mais, d’après l’art. 19 al. 3 lit. a LDA, la reproduction de la totalité ou de l’essentiel d’exemplaires d’œuvres disponibles sur le marché n’est pas autorisée, sauf en cas de copies confectionnées lors de la consultation à la demande d’œuvres mises à disposition licitement au sens de l’art. 19 al. 3bis LDA (consid. 4.2.2). Pour l’interprétation de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA, le test des trois étapes peut être pris en compte (consid. 4.2.3). Le tiers au sens de l’art. 19 al. 2 LDA n’est pas seulement autorisé à participer à la reproduction, mais aussi à la distribution dans le cercle interne (consid. 4.3.2.1). Il ne peut cependant mettre les copies à disposition de personnes n’appartenant pas au cercle interne de l’organisation qui peut se prévaloir de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA (consid. 4.3.2.2). Mais, en l’espèce, la défenderesse n’agit pas en tant que tiers au sens de l’art. 19 al. 2 LDA. Elle dispose de son propre cercle interne, auquel ses actionnaires appartiennent. Il en va de même de ses partenaires, lesquels sont avec elle dans un rapport plus étroit qu’un simple client ou qu’un simple acheteur. Entre elle et ses partenaires, il y a une relation semblable à celle qui existe au sein d’un groupe d’intérêt (consid. 4.3.3). L’art. 19 al. 3bis LDA élargit la licence légale de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA, de telle sorte qu’un exemplaire d’œuvre entier puisse aussi être acquis par voie électronique. Ensuite, cet exemplaire entier peut être mis à disposition dans le cercle interne défini par l’art. 19 al. 1 lit. c LDA (consid. 4.3.7.2 et 4.3.7.3). Un gain ne peut pas être réalisé grâce aux copies destinées à l’usage interne, mais cela n’exclut pas une contribution destinée à couvrir les frais (consid. 4.3.8.1). Une telle contribution n’est pas contraire à l’exigence d’un « cas spécial » selon le triple test (consid. 4.3.8.2). De même, comme il n’est pas prouvé que la demanderesse ait subi un manque à gagner, l’exploitation normale de l’œuvre au sens de ce test n’est pas compromise (consid. 4.3.8.3). Enfin, pour la même raison, il n’y a aucune atteinte aux intérêts légitimes de la demanderesse, d’autant qu’il y a un intérêt public à ce que les journalistes bénéficiant de la documentation puissent accomplir facilement leur travail et que les copies sont rémunérées sur la base de l’art. 20 al. 2 LDA – certes pour leur mise à disposition, et non pour leur reproduction vu l’art. 19 al. 3bis LDA (consid. 4.3.8.4 à 4.3.8.6). C’est donc aussi parce que l’exception de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA est réalisée que la demande doit être rejetée (consid. 4.3.9).

L’affirmation du TF, selon laquelle les exigences relatives à l’individualité de l’œuvre dépendent de la marge de manœuvre de l’auteur, est critiquée en doctrine (consid. 5.2). Cependant, elle ne signifie pas que des conditions de protection différentes s’appliquent aux diverses catégories d’œuvres. Au contraire, les exigences en matière d’individualité sont les mêmes pour tous les types d’œuvres ; il s’agit toujours d’évaluer le caractère individuel en fonction de la marge de manœuvre disponible pour la conception de l’œuvre, car c’est seulement à l’intérieur de cet espace que l’effort créatif peut se manifester. Dans le cas d’objets utilitaires, cette marge de manœuvre est limitée par la destination de l’œuvre – contrairement aux œuvres d’art purement esthétiques. L’expression artistique individuelle doit résulter de la partie qui n’est pas déjà imposée par le but utilitaire. En ce sens, les conditions d’une création individuelle ou originale peuvent varier considérablement d’un type d’œuvre à l’autre. Par conséquent, le critère du caractère individuel doit également être compris comme relatif au genre d’œuvre concerné. Il faut partir du principe que les exigences en matière d’individualité ne sont pas fondamentalement différentes pour les objets utilitaires que pour les œuvres d’art. Au contraire, l’affirmation du TF susmentionnée, et la règle du défaut de protection en cas de doute, reposent sur la constatation pratique que l’individualité est plus difficile à satisfaire lorsque le but utilitaire détermine la forme habituelle. Compte tenu de la longue durée de protection du droit d’auteur, les exigences en matière d’individualité ne doivent pas être trop faibles, cela pour toutes les œuvres, pas seulement pour les objets utilitaires (consid. 5.3). La LDA exige une prestation « individuelle », tandis que la LDes réclame une prestation « originale ». La première condition est plus stricte que la seconde. Une œuvre des arts appliqués ne peut être individuelle au sens du droit d’auteur que si elle est au moins, clairement et incontestablement, originale d’après le droit du design. Dans ce dernier domaine, l’originalité est donnée si l’impression d’ensemble du produit pour les acheteurs directement intéressés se distingue notablement de ce qui était connu jusque-là. Comme les œuvres des arts appliqués sont conditionnées par leur destination, il est nécessaire que leur aspect artistique aille au-delà des formes connues au point d’apparaître comme unique. En cas de création minimaliste, la réduction à l’essentiel ne suffit pas. Il faut encore que la création se distingue de ce qui était connu jusqu’alors. Le choix de la forme doit apparaître comme surprenant et inhabituel (consid. 6.1.2). Les œuvres des arts appliqués au sens de l’art. 2 al. 2 lit. f LDA dépendent de leur but utilitaire – en d’autres termes, elles sont limitées en ce qui concerne leur conception individuelle. C’est pourquoi – comme déjà expliqué – il est déterminant de savoir si, dans le cadre de ce but, l’aspect artistique se distingue si clairement des formes déjà connues qu’il apparaît comme unique ou original. Indépendamment du but utilitaire, des restrictions à la liberté artistique peuvent aussi résulter d’exigences techniques. Il est évident qu’un brevet, avec les améliorations techniques qu’il implique, peut avoir un impact sur la forme de l’objet ; mais cela ne signifie pas que l’invention ne puisse être mise en œuvre que d’une seule façon. Le fait que les exigences techniques liées au brevet ne laissent plus aucune marge de manœuvre devrait être démontré par les défendeurs, en tant qu’obstacle à l’exercice d’un droit (consid. 6.3.2). Il faut partir du principe que l’étendue de la protection d’un objet utilitaire est d’autant plus faible que le caractère individuel, résultant de l’exploitation de la marge de manœuvre existante, est moindre (consid. 7.3). Seule la personne dont le signe est utilisé antérieurement peut se prévaloir de la protection de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (priorité d’usage). Ce qui est déterminant, c’est l’usage antérieur prouvé, perceptible de l’extérieur dans les relations commerciales. La simple intention d’utiliser le signe ne suffit pas. Sur la base des faits constatés par l’instance précédente, le signe invoqué par le requérant n’a pas de priorité d’usage et ne remplit donc pas l’une des conditions de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD. Par conséquent, une prétention fondée sur l’art. 2 LCD n’entre pas non plus en ligne de compte (consid. 8.2).

Le droit suisse connaît le principe du créateur, selon lequel seule une personne physique, à savoir celle qui a créé l’œuvre, peut être auteur. Une personne morale ne peut pas l’être. La règle de l’art. 8 al. 1 LDA, qui concerne le fardeau de la preuve, ne se rapporte qu’au créateur de l’œuvre selon l’art. 6 LDA, donc à une personne physique. Mais les personnes morales peuvent devenir titulaires de droits d’auteur à titre dérivé, à la suite d’un acte juridique. Le transfert de droits d’auteur – « cession » – a un effet absolu – quasi réel – et a pour conséquence que la position juridique du cédant passe au cessionnaire. Ce dernier peut alors, en particulier, faire valoir en justice les droits d’auteur transférés. La règle de l’art. 8 al. 2 LDA doit être distinguée de ce qui précède. Elle prévoit que la personne qui a fait paraître l’œuvre, subsidiairement celle qui l’a divulguée, peut exercer le droit d’auteur lorsque l’auteur n’est pas désigné (ou est inconnu). Il peut s’agir d’une personne morale. La disposition a par ailleurs pour but de permettre à l’auteur de faire valoir ses droits tout en conservant l’anonymat. La personne qui a fait paraître l’œuvre ou celle qui l’a divulguée n’acquiert pas de droit d’auteur propre, mais seulement le pouvoir d’exercer en son nom les droits de l’auteur. Si ce dernier est nommé par la suite, ledit pouvoir tombe (consid. 4.1). Les règles précitées valent aussi en cas de création d’une œuvre dans le cadre de rapports de travail ou de mandat, sous réserve de l’art. 17 LDA pour les logiciels. Le travailleur qui crée une œuvre est donc originairement auteur. Le droit suisse ne connaît pas le principe anglo-saxon du « work for hire », selon lequel le droit d’auteur peut naître directement en la personne de l’employeur ou du mandant. Il en va différemment des droits sur les inventions et les designs, d’après les art. 332 et 321al. 2 CO. L’employeur peut toutefois se faire céder les droits contractuellement, librement, également à l’avance et de manière globale. L’interprétation du contrat de travail conduira alors normalement à admettre facilement une cession des droits d’auteur par acte concluant, ou au moins une licence, dont l’employeur a besoin pour atteindre son but. Mais cela doit être établi sur la base des rapports contractuels concrets et des circonstances du cas particulier. Dans la mesure où l’auteur n’est pas désigné sur l’exemplaire de l’œuvre et où l’employeur est la personne qui a fait paraître l’œuvre ou l’a divulguée, il pourra exercer les droits de son employé sur la base de l’art. 8 al. 2 LDA (consid. 4.2). Vu ce qui précède, le jugement attaqué est conforme au droit fédéral : la recourante n’a pas établi qui avait écrit quelles contributions journalistiques ; elle n’a pas allégué non plus que les auteurs seraient non désignés au sens de l’art. 8 al. 2 LDA. Au contraire, elle donne le nom de certains auteurs. Sur la base de ses allégations de fait, on ne peut pas conclure qu’elle est légitimée à exercer les actions de l’art. 62 LDA : rien ne montre qu’elle aurait acquis des droits par cession ou qu’elle serait devenue licenciée exclusive au sens de l’art. 62 al. 3 LDA ; rien non plus ne dit qu’elle pourrait se prévaloir du pouvoir d’exercice prévu par l’art. 8 al. 2 LDA. L’argument selon lequel elle aurait qualité pour agir car toutes les contributions litigieuses qui émanent de ses employés est trop absolu et, sans examen des contrats de travail concrets, il n’est pas pertinent d’après la conception légale suisse (consid. 4.3).

En novembre 2017, la recourante a intenté une action en contrefaçon de brevet contre l’intimée auprès du TFB. En janvier 2020, une autre société (ci-après « deuxième plaignante ») a ouvert une action similaire, visant les mêmes produits (des stylos injecteurs), contre l’intimée. En février 2020, l’intimée a requis la récusation du juge spécialisé officiant dans la première procédure, au motif qu’il travaillait comme conseil en brevets dans une étude d’avocats exerçant des activités purement administratives pour le compte de la deuxième plaignante, consistant à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou de l’IPI. Comme l’a à juste titre considéré l’instance précédente, cette activité n’est pas en elle-même problématique, car elle n’implique pas la nécessité pour l’étude d’adopter le point de vue de son client, ce qui limiterait pour son employé la possibilité de juger en toute indépendance (consid. 4.1). L’étude, qui fait partie des plus grandes études de conseils de brevets en Suisse, exerce pour la deuxième plaignante une activité qui porte sur près de 100 droits de propriété intellectuelle, depuis plus de 15 ans, et dont l’ampleur doit par conséquent être relativisée (consid. 4.2). L’apparence de partialité, fondant un devoir de récusation, peut toutefois résulter de l’incidence du premier procès sur le second, qui concerne les mêmes produits de l’intimée (consid. 5). L’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en concluant à la nécessité d’une récusation sur la base de son appréciation des circonstances du cas d’espèce, et en particulier de l’interaction entre les deux procédures concernées (consid. 5.3). Le présent cas illustre de manière exemplaire les difficultés qui peuvent surgir, sous l’angle de l’art. 30 al. 1 Cst., en relation avec les tribunaux spécialisés dont la plupart des juges travaillent à temps partiel, en raison de la petite taille de la Suisse. Concernant le TFB, le faible nombre de juges pouvant officier comme juges spécialisés et le fait que certains juges ordinaires ne puissent travailler qu’à temps partiel pour le tribunal, et exercent par ailleurs d’autres fonctions dans le domaine du droit des brevets, constituent des difficultés supplémentaires. Ces problématiques ne sauraient toutefois contrebalancer la grande importance que revêt la garantie d’un juge indépendant et impartial, qui peut justement être affectée par des circonstances organisationnelles. Au contraire, il convient dans de tels cas de veiller tout particulièrement à l’indépendance du juge, tout en tenant compte de l’organisation voulue par le législateur dans le cadre de l’appréciation toujours nécessaire du cas d’espèce. Dans le présent contexte, cela signifie notamment que les activités purement administratives de l’étude d’un juge fédéral des brevets doivent être soumises à une appréciation moins stricte que les activités typiques d’un avocat ou d’un conseil en brevets. Toute activité administrative n’est pas suffisante pour justifier une apparence de partialité. Il faut plutôt que des circonstances objectives indiquent une certaine intensité de la relation. Toutefois, compte tenu de la grande importance que revêt le droit à un tribunal indépendant et impartial selon l’art. 30 al. 1 Cst. pour la crédibilité de la justice, le seuil pour un motif de récusation ne doit pas être fixé trop haut, même pour des activités administratives. L’instance précédente a respecté ces principes, et a procédé à une pesée appropriée des circonstances du cas d’espèce (consid. 6). Le recours est rejeté (consid. 8).

ATF 147 III 89 (d)

2021-2022

Un conseil en brevets qui agit en tant que juge peut être considéré comme partial indépendamment du fait que le mandat ait ou non un lien factuel avec l’objet du litige. Le juge est également considéré comme partial si, en tant qu’avocat, il représente ou a représenté l’une des parties au litige dans une autre procédure ou si un tel rapport existe ou existait avec la partie adverse dans la procédure en cours (consid. 4.2.2). La partialité peut également apparaître lorsqu’un autre avocat dans le même cabinet a déjà été mandaté plusieurs fois par l’une des parties, a fortiori dans le cas d’une relation permanente. En effet, le client s’attend non seulement à ce que son avocat respecte ses obligations envers lui, mais que, dans une certaine mesure, il en soit de même pour les autres avocats au sein du cabinet (consid. 4.2.3). Toutefois, certaines situations ne peuvent remettre en cause l’impartialité du juge. Tel est le cas d’activités purement administratives, à condition que l’intensité de la relation ne puisse susciter de crainte de partialité. Cette intensité est appréciée sur la base des circonstances objectives du cas d’espèce (consid. 5.2). Dans le cas d’un brevet européen, l’activité du représentant de la partie suisse du brevet qui se limite à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou de l’IPI, est purement administrative. Dans pareille situation, le conseil en brevets joue un rôle d’intermédiaire passif et non de représentation active ou de conseil. Dès lors, l’examen de l’impartialité ne se fait pas de manière aussi sévère que dans le cas d’une activité de conseil (consid. 6.2). En outre, même s’il existe des directives internes en la matière comme celles du TFB, elles n’ont pas de valeur normative, mais sont utiles au juge afin qu’il évalue sa partialité. Dès lors, un motif de récusation s’apprécie uniquement à la lumière de l’art. 47 CPC en tenant compte des principes découlant de l’art. 30 al. 1 Cst. (consid. 6.3).

Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du TFB, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (consid. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (consid. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (consid. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification du procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquent irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (consid. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent à propos duquel le TFB dispose d’un pouvoir d’appréciation (consid. 5).