Propriété intellectuelle

Exercice illicite des droits, société de gestion. D’après l’art. 73 al. 2 LDA, l’exercice illicite des droits au sens de l’art. 70 LDA est poursuivi et jugé conformément à la DPA. Les dispositions générales du CP sont applicables selon les art. 333 al. 1 CP et 2 DPA. Par conséquent, le principe de la territorialité prévu par l’art. 3 al. 1 CP trouve application. L’infraction de l’art. 70 LDA est une contravention d’après l’art. 333 al. 3 CP. Mais l’art. 104 CP prévoit que les dispositions de la première partie du CP s’appliquent aussi aux contraventions. Vu l’art. 8 al. 1 CP, une contravention est donc réputée commise tant au lieu où l’auteur a agi ou aurait dû agir qu’au lieu où le résultat s’est produit. En l’espèce, le prévenu a facturé depuis Londres des droits d’exécution pour deux concerts ayant eu lieu en Suisse. Dans ce contexte, il a envoyé des e-mails et les factures en question à l’organisateur en Suisse. Bien que le prévenu ait agi à l’étranger, le résultat s’est donc produit en Suisse. Par conséquent, la compétence juridictionnelle des autorités suisses est donnée et le droit suisse s’applique. En vertu de l’art. 73 al. 2 LDA, l’infraction est poursuivie et jugée par l’IPI, qui agit d’office (consid. II.1). D’après l’art. 40 al. 1 let. a LDA, la gestion des droits d’exécution des œuvres musicales non théâtrales est soumise à la surveillance de la Confédération, sous réserve de la gestion par l’auteur lui-même ou ses héritiers. La personne qui gère des droits soumis à la surveillance fédérale doit être au bénéfice d’une autorisation de l’IPI, qui n’est délivrée que si les conditions de l’art. 42 LDA sont remplies. SUISA est la seule société en Suisse à bénéficier de cette autorisation. Une gestion personnelle au sens de l’art. 40 al. 3 LDA n’empêche pas de se faire représenter. Mais la représentation doit alors intervenir dans l’intérêt de l’auteur ou de ses héritiers, qui doivent pouvoir exercer un certain contrôle sur la gestion de leurs droits. Le représentant doit seulement offrir son aide pour la gestion. Les conditions de celle-ci, notamment le montant de la redevance, doivent être fixées par l’auteur lui-même, respectivement ses héritiers. Le représentant ne peut pas être un ayant droit dérivé et exercer les droits pour lui-même. En l’espèce, le prévenu offre un soutien administratif pour que des licences directes puissent être délivrées. Aucun droit ne lui est transféré. Les contrats avec les auteurs sont négociés individuellement et les auteurs déterminent les indemnités de licence à facturer aux organisateurs. Les licences sont délivrées au nom et sur mandat de ces auteurs. Les droits sont contrôlés par les ayants droit durant tout le processus de licence. A la différence d’une société de gestion, le prévenu n’est pas tenu de respecter l’égalité de traitement et d’appliquer les mêmes règles vis-à-vis de tous les auteurs. Ces derniers donnent leurs instructions individuellement, aussi en ce qui concerne la politique de répartition des redevances. Partant, le prévenu n’exerce pas illicitement des droits en Suisse. Mais la réserve de la gestion personnelle selon l’art. 40 al. 3 LDA ne vaut que pour les auteurs et leurs héritiers. Des ayants droit dérivés comme des éditeurs ou des producteurs ne peuvent pas s’en prévaloir et doivent passer par la société de gestion compétente. Or, le prévenu agit aussi pour des ayants droit dérivés. Mais il ne se rend pas coupable de complicité dans une violation de l’art. 70 LDA, car il faut tenir compte des traités internationaux. En l’espèce, il existe un état de fait international car le prévenu, sa société et les ayants droit qu’il représente ont leur domicile ou leur siège à l’étranger. D’après l’art. 5 al. 1 CB, les auteurs bénéficient de la protection minimale prévue par la Convention. Cela vaut aussi pour les ayants droit dérivés vu l’art. 2 al. 6 CB. L’art. 11 al. 1 CB donne un droit exclusif d’exécution et aucune possibilité de restreindre celui-ci n’est prévue par la Convention. Une obligation pour les ayants droit dérivés d’exercer ce droit pas une société de gestion ne peut pas être fondée sur l’art. 17 CB. L’art. 40 al. 1 let. a LDA n’est donc pas compatible avec la protection minimale prévue par la CB. Même dans le cadre de la gestion personnelle au sens de l’art. 40 al. 3 LDA, il serait contraire à la CB d’empêcher un auteur ou ses héritiers de s’adjoindre les services d’un tiers pour exercer le droit exclusif d’exécution. Cette conclusion ne vaut pas pour les artistes suisses car la protection minimale de la CB (qui devrait toutefois s’avérer plutôt désavantageuse en pratique) ne concerne pas les états de fait nationaux. Au surplus, le prévenu n’a exercé aucun droit sans avoir reçu le mandat de le faire. En conclusion, l’infraction de l’art. 70 LDA n’est pas réalisée, serait-ce au stade de la complicité (consid. II.2).

Tarifs des sociétés de gestion ; équité du tarif ; pouvoir de cognition de la CAF ; surveillance de la Confédération ; autonomie des sociétés de gestion ; frais de la procédure. La question de la licéité d’une modification d’un tarif en vigueur peut rester ouverte, SUISA ayant reformulé sa requête en cours de procédure en déposant un nouveau tarif A. Une telle requête vaut résiliation du tarif actuel (consid. 2.2). Il n’y a pas lieu de refuser d’approuver un projet de tarif couvrant de manière exhaustive un domaine d’utilisation dans l’intérêt de toutes les parties concernées, au motif qu’il régit aussi des utilisations non soumises à la surveillance de la Confédération. Mais, dans ce cas, l’approbation n’affecte le tarif que dans la mesure où il est soumis à la compétence de la CAF d’après l’art. 40 LDA (consid. 4). L’existence de plusieurs tarifs pour un domaine d’utilisation, en l’espèce le tarif A pour la SSR et le tarif commun S pour les diffuseurs privés, relève de l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Mais l’égalité de traitement doit être respectée (consid. 5.2). Le nouveau tarif A diffère de l’actuel en ce sens que la même indemnité forfaitaire, qui couvre aujourd’hui seulement des utilisations soumises à la surveillance de la Confédération, concernerait à l’avenir aussi d’autres utilisations, à savoir des utilisations en ligne sortant du cadre défini par l’art. 22c LDA. Le contrôle de l’équité implique que la CAF dispose d’une base de calcul claire et précise ainsi que de chiffres fiables. En particulier, lorsqu’un tarif couvre également des utilisations non assujetties à la surveillance de la Confédération, la rémunération correspondante doit être mise en évidence afin que l’on puisse identifier, en cas de procédure litigieuse ultérieure, la part de la rémunération concernée par le contrôle de la CAF. En l’espèce, on ne peut pas chiffrer précisément la réduction de l’indemnité annuelle venant rémunérer les utilisations soumises au contrôle fédéral. SUISA n’a pas fourni d’indications à ce sujet en raison des critères difficilement identifiables de l’art. 22c LDA. De telles indications auraient toutefois pour but de permettre un futur examen. Leur absence ne doit donc pas faire obstacle à l’approbation du présent tarif. Par ailleurs, même en utilisant une hypothèse extrême, la réduction de l’indemnité pour les utilisations soumises au contrôle fédéral est marginale, si bien que le tarif n’est pas inéquitable et ne modifie pas la situation actuelle de manière contraire à l’égalité de traitement (consid. 5.2.1). La taxe d’examen et d’approbation par la CAF est fixée d’après l’intérêt pécuniaire de l’affaire, selon les barèmes de l’art. 2 al. 2 OFIPA. La CAF détermine l’intérêt pécuniaire en fonction des effets économiques du tarif, par rapport à la situation dans laquelle la décision n’aurait pas lieu. En l’espèce, l’intérêt pécuniaire équivaut à la réduction – marginale – de l’indemnité pour les utilisations soumises au contrôle de la Confédération (consid. 6).

Qualité pour participer aux négociations tarifaires ; tarif des sociétés de gestion ; valeur litigieuse ; frais de procédure ; contestation pécuniaire. Les associations d’utilisateurs membres d’une association faîtière n’ont pas de droit à prendre part aux négociations tarifaires, à moins que l’association faîtière n’y participe pas. D’autre part, le TF estime qu’en raison du principe de la bonne foi, une association est légitimée à participer à la procédure d’approbation, même si elle n’est pas directement concernée par l’affaire, si sa qualité n’a pas été contestée durant les négociations tarifaires et devant la CAF. A plusieurs reprises, la CAF a toléré la participation simultanée à la procédure d’une association particulièrement concernée et de son association faîtière (consid. 5.1). Lorsqu’il n’existe pas d’associations d’utilisateurs, les sociétés de gestion négocient parfois directement avec les utilisateurs effectifs ou potentiels. Ceux-ci sont alors admis aussi dans le cadre de la procédure devant la CAF (consid. 5.2). Au regard de l’art. 2 OFIPA, il n’y a pas lieu de distinguer selon que le tarif à approuver est litigieux ou non. Cette question ne joue un rôle que pour déterminer la taxe au sein de l’échelon prévu (consid. 10.2.3). En l’espèce, la taxe est fixée d’après les recettes prévisibles que devrait rapporter le tarif durant sa période de validité (consid. 10.3.1), en tenant compte du fait que le tarif n’est pas litigieux et que la CAF a changé récemment sa pratique concernant la détermination de la taxe (consid. 10.3.2). Le montant décidé respecte les principes de l’équivalence et de la couverture des frais (consid. 10.3.3).

OG ZG S2021 49 (d)

2022-2023

Frais de procédure ; responsabilité des hébergeurs ; stay down ; action en cessation. D’après l’art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de la procédure pénale peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de cette procédure ou rendu plus difficile sa conduite. Il y a un comportement illicite si une personne prévenue enfreint clairement des règles juridiques qui l’obligent à agir ou à abstenir. Les frais de la procédure doivent être dans un rapport de causalité adéquate avec le comportement illicite sous l’angle du droit civil. Il est conforme à la Constitution et à la CEDH de condamner aux frais d’une procédure pénale une personne qui a agi de manière illicite au sens de l’art. 41 CO (consid. 2). L’entreprise des prévenus n’assure pas seulement l’accès à Internet, elle héberge les données de ses utilisateurs et utilisatrices, et est donc étroitement liée aux violations du droit d’auteur. Aussi bien les personnes qui téléversent les fichiers que celles qui les téléchargent sont clientes de cette entreprise. Ses prestations sont ainsi en rapport de causalité naturelle et adéquate avec les violations du droit d’auteur, au contraire de ce qui prévalait dans l’affaire objet de l’ATF 145 II 72 ss (consid. 7.2). L’art. 39d LDA n’était pas encore en vigueur au moment des faits reprochés aux prévenus (consid. 8.1). Une obligation de « stay down » était cependant déjà reconnue par une partie de la doctrine, dans des circonstances particulières et dans le cadre de l’action en cessation. Il fallait cependant un risque sérieux de violation future, tel que celui expliqué dans l’ATF 126 III 161 ss. Et l’ordre du juge était dépendant des possibilités d’intervention et de contrôle du fournisseur (consid. 8.2.1). Les fournisseurs d’hébergement n’ont pas l’obligation de surveiller de manière proactive les contenus placés sur leurs serveurs. Mais ils doivent réagir si des indications détaillées concernant une violation leur sont données. Selon certains avis de doctrine, ils ont un devoir de diligence accru aux conditions de l’ATF 126 III 161 ss, en particulier s’il y a déjà eu des violations dans le passé et que de nouvelles violations sont à craindre (consid. 8.2.2). Le modèle d’affaires de l’entreprise des prévenus était orienté sur le téléchargement et sur la distribution en masse de données (consid. 8.3.2). Il a occasionné un grand nombre de demandes de « take down » et de procédures pour violation du droit d’auteur, particulièrement en Allemagne. En d’autres termes, ce modèle d’affaires était lié à un risque fortement augmenté de violations du droit d’auteur, qui était connu des prévenus. Par conséquent, comme l’imprimeur dans l’ATF 126 III 161 ss, ils avaient un devoir de diligence accru (consid. 8.3.3). Les mesures prises par leur entreprise étaient manifestement insuffisantes (consid. 9.2) : l’anonymat des utilisateurs était toléré (consid. 9.2.1), les filtres utilisés n’étaient pas efficaces (consid. 9.2.2 et 9.2.4) et un « crawler » a été installé trop tardivement (consid. 9.2.3). Les prévenus ont donc provoqué l’ouverture de la procédure pénale de manière illicite et fautive, si bien que les frais doivent être mis à leur charge (consid. 11).

Tarif des sociétés de gestion ; équité du tarif ; valeur litigieuse ; frais de procédure ; contestation pécuniaire. Les sociétés de gestion ont la qualité pour recourir contre une décision de la CAF concernant les frais de la procédure d’approbation tarifaire. En l’espèce, les associations d’utilisateurs n’ont pas demandé à être parties (consid. 1). De jurisprudence constante, un changement de pratique doit reposer sur des raisons objectives sérieuses, qui doivent être d’autant plus importantes – vu le principe de la sécurité du droit – si l’ancienne pratique a été considérée pendant longtemps comme pertinente (consid. 2.2). D’après l’art. 16a al. 1 ODAu, les taxes pour la procédure d’approbation tarifaire se déterminent en appliquant par analogie les art. 1 let. a, 2 et 14 à 18 OFIPA (consid. 3). Par la décision attaquée, la CAF a changé sa pratique concernant les taxes : elle interprète l’ATF 148 II 92 en ce sens qu’en cas de tarif non litigieux elle agirait comme garante de l’intérêt public. Sa fonction ne serait alors pas de décider sur les conclusions des parties, mais de permettre aux sociétés de gestion d’exercer les droits soumis à la surveillance de la Confédération. Selon elle, l’intérêt pécuniaire se détermine donc en comparant les situations avec et sans tarif, en d’autres termes en appréciant les recettes à percevoir pendant la durée de validité du tarif (consid. 4). Cela découlerait aussi de l’effet contraignant du tarif pour les tribunaux, prévu par l’art. 59 al. 3 LDA (consid. 6.1). Toutefois, il ne résulte pas de l’ATF 148 II 92 que l’examen de la CAF irait au-delà d’un contrôle des abus ou aurait un effet constitutif (consid. 6.2). D’après les art. 59 et 60 LDA, la mission de la CAF est de veiller à l’équité des tarifs. Elle doit aussi examiner à titre préalable s’il existe des droits pouvant faire l’objet du tarif qui lui est soumis. Mais sa solution, à cet égard, ne lie pas les tribunaux civils (consid. 6.3). Par conséquent, l’exercice des droits par les sociétés de gestion n’est pas rendu possible sur la base de l’art. 59 LDA (consid. 6.4). Par son argumentation, la CAF se méprend sur sa fonction : cette dernière consiste uniquement à examiner le caractère équitable des tarifs, pas à agir comme garante de l’exercice des droits soumis au tarif (consid. 6.5). L’intérêt pécuniaire ne peut donc résulter que d’éventuelles différences dans l’appréciation de l’équité. Mais, vu la possibilité pour la CAF de modifier un tarif sur la base de l’art. 59 al. 2 LDA, il n’est pas forcément égal à zéro dans le cas d’un tarif consensuel (consid. 7.2). En l’espèce, cependant, la procédure d’approbation a eu lieu par voie de circulation et concernait un tarif sur lequel les parties étaient d’accord. Il n’y a eu ni conclusions contraires de tiers, ni séance d’audition des parties (consid. 7.3). Par conséquent l’intérêt pécuniaire doit être considéré comme faible. La CAF a eu tort de ne pas fixer les coûts de la procédure en retenant un intérêt pécuniaire de « 0 à 10’000 francs » selon le tableau de l’art. 2 al. 2 OFIPA. Comme le changement de pratique de la CAF ne repose sur aucune raison objective, il est inadmissible (consid. 7.4).

TF 4A_168/2023 (d)

2022-2023

Oeuvre photographique ; enrichissement illégitime ; restitution ; moyen de preuve. L’instance inférieure considère à juste titre que la valeur du marché fait foi pour déterminer le droit à la restitution dans le cadre de l’action en enrichissement illégitime. L’ATF 132 III 379, qui rejette la fixation du dommage selon la méthode de l’analogie avec la licence, ne vaut que pour l’action en dommages-intérêts de l’art. 41 CO et n’est donc pas pertinent en matière d’enrichissement illégitime. Le recourant ne conteste pas que l’art. 42 al. 2 CO puisse être appliqué par analogie lorsqu’il s’agit d’évaluer la valeur du marché (consid. 3.1). L’autorité inférieure a constaté sans arbitraire que le recourant n’avait pas prouvé que les recommandations de prix de l’association professionnelle SAB (Association Suisse des Banques d’Images et Archives Photographiques) représentaient la valeur du marché (consid. 3.3 et 3.4). En conséquence, elle pouvait à juste titre se fonder sur les moyens de preuve de la partie intimée (consid. 4.1). Les constatations qu’elle a effectuées sur cette base ne sont pas arbitraires et aucune erreur d’appréciation n’est établie. Il n’est pas démontré que le recourant se soit prévalu en première instance du tarif de ProLitteris de manière conforme aux règles de la procédure ; de même, l’autorité inférieure a tenu compte de la pratique de facturation du recourant, mais elle en a déduit sans arbitraire qu’il réclamait lui-même des licences inférieures aux recommandations de la SAB. On ne voit pas en quoi l’intégration automatique d’un filigrane dans la photographie augmenterait la valeur du marché de son utilisation, ni pourquoi il faudrait attribuer une plus grande valeur à une utilisation non autorisée parce que l’auteur n’a pas eu la possibilité d’influence les détails de l’utilisation de son œuvre (consid. 4.2).

TF 4A_317/2022 (f)

2022-2023

Programme d’ordinateur ; contrat de travail ; droit public ; droits moraux ; droit à la paternité de l’œuvre. Selon le principe du créateur de l’art. 6 LDA, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre. Cette personne dispose de prérogatives morales, dont le droit de faire reconnaître sa qualité d’auteur. L’intérêt d’une personne physique à faire constater qu’elle est l’auteur d’une œuvre ne saurait disparaître par l’écoulement du temps (consid. 3.1.1). En principe, la création d’une œuvre dans le cadre d’un contrat de travail n’empêche pas l’employé d’acquérir le statut d’auteur. L’employeur peut toutefois prévoir contractuellement un transfert en sa faveur des droits d’auteur sur une œuvre créée par le travailleur dans le cadre des rapports de travail (consid. 3.2). D’après l’art. 17 LDA, l’employeur est seul autorisé à exercer les droits exclusifs d’utilisation sur un logiciel créé par le travailleur dans l’exercice de son activité au service de l’employeur et conformément à ses obligations contractuelles. Historiquement, le projet de loi sur le droit d’auteur prévoyait une réglementation calquée sur l’art. 332 al. 1 CO, c’est pourquoi la formulation de l’art. 17 LDA correspond très largement à celle de l’art. 332 al. 1 CO. L’application de l’art. 17 LDA suppose la réalisation de deux conditions cumulatives, dont la formulation est analogue à celle de l’art. 332 CO, à savoir que le logiciel en question ait été créé par un travailleur « dans l’exercice de son activité au service de l’employeur » et « conformément à ses obligations professionnelles ». Il doit y avoir un lien étroit entre la création du programme informatique et l’activité de l’employé au sein de l’entreprise. D’après la jurisprudence relative à l’art. 332 CO, les deux critères précités sont interdépendants : si l’employé accomplit une obligation contractuelle, il agit forcément dans l’exercice de son activité. Il n’est en revanche pas décisif que le travailleur ait conçu le logiciel pendant ses heures de travail ou durant son temps libre, respectivement sur son lieu de travail ou ailleurs. La nature juridique du régime prévu par l’art. 17 LDA est controversée. Une partie de la doctrine y voit une cession légale en faveur de l’employeur, une autre une licence légale, une autre encore une présomption légale selon laquelle l’employeur a le droit d’utiliser le logiciel. Quoi qu’il en soit, le régime prévu par l’art. 17 LDA ne remet nullement en cause le principe du créateur : la personne qui a créé un logiciel dans le cadre de ses obligations professionnelles conserve en principe le droit à la reconnaissance de sa qualité d’auteur (consid. 3.3). Toutefois, selon la doctrine majoritaire, l’art. 17 LDA ne s’applique pas aux logiciels créés par des collaborateurs dans le cadre de rapports relevant du droit public (consid. 3.4). En l’espèce, il n’est pas nécessaire de trancher la question de savoir si c’est l’art. 17 LDA ou l’art. 70 al. 2 de la loi cantonale sur l’Université de Lausanne qui trouve application, et si le régime juridique prévu par ces deux dispositions est identique. L’autorité précédente a considéré que la loi cantonale réglait les droits d’utilisation des programmes informatiques de la même manière que l’art. 17 LDA. Or, la recourante ne conteste pas ce point. En l’espèce, la cour cantonale a retenu que la mention « travail de thèse » figurant dans le cahier des charges de la recourante englobait toute démarche relative à la réalisation de la thèse en question. Elle a en outre constaté, sans arbitraire, que les logiciels litigieux étaient un outil indispensable à la rédaction de la thèse de l’intéressée et que son travail n’aurait pas pu aboutir sans leur utilisation. L’affirmation de la recourante selon laquelle les logiciels qu’elle a conçus peuvent être utilisés dans d’autres domaines que le champ d’études de sa thèse n’y change rien (consid. 5.2.4). C’est donc bien l’Université de Lausanne qui peut exercer les droits d’auteur sur lesdits logiciels.

TF 4A_11/2022 (d)

2022-2023

Légitimation passive ; intérêt juridique à agir ; activité inventive. Cet arrêt concerne deux brevets européens sur des nucléotides modifiés, respectivement un procédé pour le séquençage d’ADN et son utilisation dans un procédé de séquençage par synthèse. L’intimée (demanderesse) avait intenté une action en interdiction de mise sur le marché d’appareils de séquençage en Suisse contre la recourante (défenderesse) auprès du Tribunal fédéral des brevets (TFB), compétent en la matière. La recourante y a fait valoir, sans succès, l’exception de l’invalidité des deux brevets en question. Le TFB a donné raison à l’intimée, de sorte que la recourante s’est vue interdire l’importation desdits appareils sur le marché suisse. Le TF a confirmé la décision du TFB, tout en précisant deux points intéressants. Le premier point concerne la légitimation passive, le second la question de l’évaluation de l’activité inventive.

Concernant la légitimation passive, s’il ressort de brochures publicitaires et/ou d’un site internet visant le marché mondial qu’une entreprise affiliée à un groupe assure non seulement le service après-vente, mais au surplus, qu’elle livre les produits contrefaisant un brevet en Suisse, la titulaire du brevet jouit d’un intérêt juridique à agir en justice contre cette entité en Suisse pour violation d’un brevet en Suisse (consid. 2.2). Concernant l’activité inventive, conformément à la jurisprudence des chambres de recours de l’Office européen des brevets (OEB), une approche peut être considérée comme évidente au sens de l’art. 56 CBE si l’homme du métier l’aurait exécutée en escomptant une amélioration ou un avantage. L’évidence n’est ainsi pas seulement présente lorsque les résultats sont clairement prévisibles, mais également lorsqu’il existe une attente raisonnable de succès. Il n’est pas nécessaire d’établir que le succès d’une solution envisagée à un problème technique était prévisible avec certitude. L’application de la jurisprudence des chambres de recours de l’OEB relative aux situations de « try and see » suppose que « ni la mise en œuvre ni l’expérimentation d’une approche proposée dans l’état de la technique ne présentent de difficultés techniques particulières [...] » (Jurisprudence des chambres de recours de l’Office européen des brevets, 9e éd. 2019, I.D.7.2). Dans un tel cas, l’activité inventive sera déniée (consid. 3.3.2).

TF 4A_41/2022 (d)

2022-2023

Faits nouveaux (nova) ; moyens de preuve ; modification des revendications ; nouveauté ; divulgation. Le 2 juin 2022, Delica SA (demanderesse) introduisait une demande visant à faire constater la nullité du brevet suisse CH 711 079 B1, détenu par Koninklijke Douwe Egberts B.V. (défenderesse). Le brevet litigieux concerne des capsules contenant une substance pour la préparation d’une boisson (typiquement du café moulu) à utiliser dans des machines de préparation de boissons (typiquement des machines à café). L’invention porte sur l’amélioration de l’élément d’étanchéité fixé à la capsule lequel, après insertion de la capsule dans l’espace réservé de la machine, assure l’étanchéité de la capsule. Sous l’angle procédural, selon une jurisprudence bien établie, les parties ont deux fois la possibilité illimitée de s’exprimer sur le fond et particulièrement d’introduire des faits nouveaux dans le procès. Après la clôture de l’instruction ou de l’échange des écritures, elles n’ont le droit de présenter des faits nouveaux et des moyens de preuve qu’aux conditions limitées de l’art. 229 al. 1 CPC (ATF 146 III 55 ss, consid. 2.3.1). Cela vaut en particulier aussi pour les réactions à ce que l’on appelle des Dupliknoven, à savoir des faits ou des moyens de preuve nouveaux présentés par la partie défenderesse pour la première fois dans la duplique. Si la partie demanderesse a besoin de véritables nova pour répondre aux allégations présentées dans la duplique et s’appuyant sur de nouveaux faits et moyens de preuve, ceux-ci peuvent être présentés sans autre, conformément à l’art. 229 al. 1 let. a CPC. En ce qui concerne les faux nova, l’art. 229 al. 1 let. b CPC exige en revanche qu’ils n’aient pas pu être présentés auparavant malgré une diligence raisonnable. Il faut partir du principe qu’il n’est ni possible ni raisonnable pour la partie demanderesse de réfuter à l’avance dans sa réplique tous les nova possibles et imaginables qui pourraient être amenés par la défenderesse dans la duplique. Si, dans cette dernière, la défenderesse présente des arguments que la demanderesse entend réfuter par de faux nova, la condition de l’art. 229 al. 1 CPC est remplie dans la mesure où ces arguments n’ont pas pu être présentés avant la clôture de l’instruction malgré une diligence raisonnable. Pour que la demanderesse puisse apporter la preuve de sa diligence, il faut que les Dupliknovensoient à l’origine de l’introduction de ces nova. Pour examiner ce lien de causalité, il est donc indispensable d’examiner de près les faits nouveaux et les moyens de preuve pertinents (ATF 146 III 55 ss, consid. 2.5.2) (consid. 2.2.). Ces conditions sont remplies lorsque, comme dans le cas d’espèce, les conclusions ont été modifiées dans la duplique en limitant les revendications d’un brevet, lorsque de nombreuses nouvelles pièces sont jointes au dossier et que la titulaire du brevet s’est exprimée sur les nouvelles conclusions, les nouvelles revendications et les nouvelles pièces en présentant de nouveaux arguments. En procédure civile, la reformulation des revendications d’un brevet doit être considérée comme équivalente à la présentation de nova (ATF 146 III 55 ss, consid. 2.5.1) (consid. 2.3.). La recourante ne doit pas se contenter d’objecter en bloc qu’une prise de position relative à une duplique est irrecevable et ne devait pas être prise en compte. Elle doit préciser en détail, dans sa prise de position sur la duplique, quels éléments d’une prise de position ne doivent pas être pris en compte pour absence de causalité (consid. 2.3). Sur le fond, la recourante se plaint d’un examen de la nouveauté contraire au droit. Elle invoque la violation de l’art. 26 al. 1 let. a, en relation avec l’art. 7 LBI, l’art. 1 al. 1 et l’art. 7 al. 1 LBI. L’objet de l’examen de la nouveauté est l’invention telle que définie dans la revendication correspondante. La revendication doit donc être interprétée. Les principes d’interprétation établis s’appliquent en premier lieu à l’appréciation de l’étendue de la protection, mais sont également applicables à l’examen de la nouveauté (ATF 132 III 83 ss, consid. 3.4). Une invention n’est pas nouvelle que si elle a été rendue accessible avec toutes ses caractéristiques avant la demande de brevet. Pour évaluer si tel est le cas, chaque solution antérieure doit être comparée individuellement avec l’invention brevetée. Ce n’est que si l’une d’entre elles est identique en tous points aux caractéristiques de l’invention que la nouveauté fera défaut. Il suffit, mais il est également nécessaire, qu’une exécution préalablement connue de l’invention transmette à la personne de métier l’enseignement technique revendiqué (ATF 133 III 229 ss, consid. 4.1). Selon la doctrine, n’est divulgué que ce qui, pour la personne de métier, découle directement et sans équivoque du document d’antériorité, y compris les caractéristiques qui n’y sont pas expressément mentionnées mais qui, pour la personne de métier, sont comprises dans le contenu divulgué, mais pas ce que la personne de métier ajouterait de manière évidente à la divulgation implicite (consid. 3.1 et 3.2).

Motif absolu d’exclusion ; signes propres à induire en erreur ; domaine public ; caractère distinctif. PUMA SE avait enregistré deux marques, « PUMA WORLD CUP QATAR 2022 » et « PUMA WORLD CUP 2022 », tandis que la FIFA avait enregistré les marques « QATAR 2022 » et « WORLD CUP 2022 ». Le tribunal de première instance a rejeté l’action en nullité de la marque introduite par la FIFA au motif que les marques de Puma ne constituaient pas de signes trompeurs. La demande reconventionnelle de Puma fut également rejetée au motif que les marques déposées par la FIFA ne constituaient pas de signes du domaine public. Les deux parties ont ainsi formé un recours au TF. Ce dernier a déclaré nulles les marques enregistrées par Puma ainsi que les marques enregistrées par la FIFA et a ordonné leur radiation du registre des marques. Dans son analyse de l’art. 2 let. c LPM, pour déterminer si l’on est en présence d’un signe trompeur, le Tribunal rappelle que le seul critère déterminant est de savoir si l’indication est objectivement de nature à éveiller chez le consommateur des idées ou des attentes erronées quant à l’offre désignée ; le risque de tromper le public visé est suffisant. Le risque d’induire en erreur doit en principe être apprécié au regard des produits et services concrètement revendiqués (ATF 147 III 326, consid. 2.1). Il est donc déterminant de savoir si, du point de vue du public concerné, la marque a un contenu sémantique qui peut induire en erreur en relation avec les produits revendiqués. L’art. 2 let. c LPM peut notamment s’opposer à l’admissibilité à la protection de signes qui font référence à un événement déterminé d’intérêt public, si cela éveille des attentes erronées. Or, l’association des éléments « PUMA » et « WORLD CUP QATAR 2022 » ou « WORLD CUP 2022 » fait naître, dans l’esprit du public pertinent, l’attente d’une relation particulière entre le titulaire de la marque et la Coupe du monde de football 2022 organisée par la requérante (consid. 3.2.3).

Concernant l’application de l’art. 2 let. a LPM, les motifs d’exclusion de la protection de signes appartenant au domaine public résident soit dans le besoin de libre disposition, soit dans l’absence de caractère distinctif, ce qui peut donner lieu à des recoupements (consid. 6.2.2). Selon la jurisprudence du TF, ne peuvent notamment pas être protégés les signes qui se limitent à des indications sur l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur ou d’autres caractéristiques des produits ou services désignés et qui ne présentent donc pas le caractère distinctif nécessaire à leur identification. Le caractère descriptif de telles indications doit être immédiatement perceptible par le public concerné, sans effort particulier de réflexion et d’imagination. Dans son appréciation de l’admissibilité à la protection par le droit des marques des deux signes « QATAR 2022 » (fig.) et « WORLD CUP 2022 » (fig.), le public comprend une telle désignation comme une description de la manifestation sportive elle-même et non comme une référence à son organisateur ou à la provenance des produits ainsi désignés (consid. 6.3.2). Les deux signes « QATAR 2022 » (fig.) et « WORLD CUP 2022 » (fig.) déposés par la requérante au registre des marques sont dépourvus de caractère distinctif intrinsèque.

Sondage en matière de droit des marques dans le procès civil ; moyen de preuve. Dans le cadre d’un litige fondé sur le droit des marques et le droit de la concurrence déloyale contre Lidl Schweiz AG et Lidl Schweiz DL AG, Lindt & Sprüngli AG a déposé des sondages démoscopiques pour prouver l’usage commercial d’une marque. Le tribunal de première instance a considéré ces enquêtes comme des expertises privées. Selon le TF toutefois, les enquêtes démoscopiques ne sont pas comparables à des expertises privées (p. ex. ATF 141 III 433). Les enquêtes démoscopiques s’appuient sur des sondages dont la méthodologie (de sondage), les questions posées et les chiffres obtenus, c’est-à-dire des paramètres objectifs, compréhensibles et vérifiables par le tribunal, sont importants. Un sondage qui a été conçu scientifiquement et réalisé correctement, tant en ce qui concerne les personnes interrogées que les méthodes utilisées, est apte à prouver l’usage commercial d’une marque dans le cadre d’un procès civil, et constitue même le moyen de preuve le plus approprié. Il convient en outre de souligner que dans la procédure administrative d’enregistrement d’une marque devant l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), un sondage (coûteux) à demander aux parties pour prouver (rendre vraisemblable) le caractère distinctif de la marque dans le commerce est non seulement autorisé, mais exigé de fait. Selon le TF, il ne serait pas cohérent, ni économique en termes de procédure et de coûts, de dénier d’emblée toute valeur probante au même moyen de preuve dans le cadre d’un procès civil en droit des marques et de faire procéder à un nouveau sondage. Les sondages produits par une partie pour prouver l’usage commercial d’une marque sont des moyens de preuve en tant que titres dans le cadre du procès civil. Les règles de récusation qui s’appliquent aux experts désignés par les tribunaux ne sont pas applicables à l’auteur d’un tel sondage. La proximité de celui-ci avec les parties doit toutefois être prise en compte dans le cadre de l’appréciation des preuves, de même que la conception du contenu du questionnaire, ainsi que le déroulement et la réalisation du sondage (consid. 4.5 et 4.6).

TF 4A_286/2022 (d)

2022-2023

Utilisation illicite d’un signe et communication de renseignements. Le tribunal de première instance a admis partiellement une demande concernant l’utilisation illicite du signe REICO en admettant que la défenderesse doive communiquer des renseignements sur la quantité de produits vendus sur le territoire suisse. Conformément à l’art. 55 al. 1 let. c LPM, le défendeur peut être tenu d’indiquer la provenance et la quantité des objets sur lesquels la marque ou l’indication de provenance ont été illicitement apposées et qui se trouvent en sa possession et qu’il désigne les destinataires et la quantité des objets qui ont été remis à des acheteurs commerciaux, ceci afin de prévenir des atteintes existantes ou imminentes. L’action en fourniture de renseignements selon l’art. 55 al. 1 let. c LPM peut également servir à préparer ou à déterminer des prétentions financières, en parallèle à son but principal – à savoir déterminer la chaîne de production et de commercialisation des objets portant atteinte au droit afin de lutter contre la contrefaçon à la source et d’empêcher la poursuite de la distribution (consid. 6.2 et 6.3.1). Le droit à la fourniture de renseignement selon l’art. 55 al. 1 let. c LPM constitue du droit matériel et peut faire l’objet d’une action en exécution indépendante. La partie demanderesse est libre d’intenter cette action seule, que ce soit dans le cadre d’un cumul d’actions objectif ordinaire ou dans le cadre d’une action échelonnée en tant que forme particulière du cumul d’actions objectif. L’action échelonnée ne sert pas à restreindre les possibilités d’action existantes, mais à les compléter. Le droit à la fourniture de renseignements ne présuppose pas qu’une prétention en réparation soit invoquée simultanément (consid. 6.2, 6.3.1). L’action échelonnée contient une action en revendication non chiffrée selon l’art. 85 CPC. Elle doit en remplir les conditions ; la partie demanderesse doit notamment démontrer de manière suffisante pourquoi il n’est pas possible de chiffrer le dommage. Les deux étapes, soit la fourniture de renseignement puis l’examen du bien-fondé des prétentions en réparation dans une seconde étape, sont jugées séparément. L’examen du bien-fondé des demandes de réparation reste suspendu au cours de la première étape (consid. 6.2, 6.3.2). L’action en fourniture de renseignements selon l’art. 55 al. 1 let. c LPM peut servir également à préparer ou à déterminer des prétentions financières, en parallèle à son but principal – à savoir déterminer la chaîne de production et de commercialisation des objets portant atteinte au droit afin de lutter contre la contrefaçon à la source et d’empêcher la poursuite de la distribution. En conséquence, on ne saurait dénier à la demanderesse un intérêt pour agir relatif à sa demande de renseignements, notamment au seul motif qu’il ne s’agit pas pour elle d’obtenir des renseignements sur l’origine des contrefaçons (consid. 6.1, 6.3.2, 9.1, 9.2). La violation du droit à la marque selon l’art. 55 al. 1 en relation avec l’art. 13 al. 2 let. d et al. 2bis LPM est une condition préalable aux actions en exécution de l’art. 55 al. 1 let. a-c LPM. Dans ce contexte, la violation ou l’atteinte au droit des marques se réfère à des droits sur des marques suisses. D’un point de vue territorial, cela signifie que la violation ou l’atteinte doit avoir lieu en Suisse (consid. 9.3). Les renseignements doivent être limités aux informations concernant la cession à des acheteurs commerciaux. Les informations concernant la transmission ou la vente à des consommateurs privés ou à l’interne de l’entreprise ne sont pas couvertes (consid. 9.3.1).

TF 4A_464/2022 (f)

2022-2023

Défaut d’usage ; degré de preuve et appréciation des preuves. Une entreprise suisse a présenté à l’IPI une demande de radiation totale de la marque d’une entreprise étrangère pour défaut d’usage. Lorsque, pendant une période ininterrompue de cinq ans, le titulaire d’une marque protégée s’abstient de l’utiliser en relation avec les produits ou les services enregistrés, il ne peut plus faire valoir son droit à la marque, à moins que le défaut d’usage ne soit dû à un juste motif (art. 12 al. 1 LPM). Toute personne peut alors demander la radiation de la marque pour défaut d’usage auprès du juge civil. Les art. 35a ss LPM prévoient une procédure simplifiée de radiation pour défaut d’usage de la marque qui se déroule auprès de l’IPI. Saisi d’une telle demande, l’IPI doit la rejeter si le requérant ne rend pas vraisemblable le défaut d’usage (art. 35b al. 1 let. a LPM) ou si le titulaire de la marque rend vraisemblable l’usage de la marque ou un juste motif du défaut d’usage (art. 35b al. 1 let. b LPM). L’autorité doit simplement disposer d’indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu’il puisse en aller différemment. C’est par conséquent de manière indirecte, sur la base d’un faisceau d’indices, que le défaut d’usage doit être rendu vraisemblable. Si le requérant parvient à rendre vraisemblable le défaut d’usage, il appartient alors au titulaire de la marque de rendre vraisemblable l’usage de la marque ou un juste motif du défaut d’usage (consid. 3.2). Un rapport de recherche d’usage d’une marque établi par un professionnel, s’il est certes à lui seul insuffisant, peut permettre de rendre vraisemblable le défaut d’usage d’une marque lorsque ses conclusions sont confirmées par d’autres indices, tels que des recherches effectuées sur Internet, une enquête menée auprès de commerçants du domaine concerné ou une déclaration d’un spécialiste de la branche concernée (consid. 6.1, 6.2 et 6.3).

TF 4A_509/2021 (f)

2022-2023

Marque d’exportation. La radiation d’une marque a été requise pour défaut d’usage (art. 12 al. 1 LPM). La recourante conteste que l’on puisse retenir un « usage pour l’exportation » au sens de l’art. 11 al. 2 in fine LPM alors que les marques ont préalablement été commercialisées en Suisse. Pour pouvoir maintenir son droit à la marque enregistrée, le titulaire doit utiliser celle-ci de façon effective (art. 11 al. 1 LPM). Pour retenir un usage propre à assurer un maintien de la marque, il suffit d’apposer celle-ci en Suisse sur les produits (ou leur emballage) destinés exclusivement à l’exportation. Le principe est le même qu’en droit européen (consid. 3.3). L’art. 11 al. 2 LPM allège l’exigence de l’usage sur le sol suisse sans renoncer complètement à un rattachement avec ce territoire. Pour bénéficier de la protection, la marque d’exportation peut aussi être utilisée dans le commerce, mais à l’étranger (arrêt 4A_515/2017 consid. 2.3). L’usage doit être sérieux. Il est possible de se fonder notamment sur l’offre, le nombre de ventes réalisées à l’étranger, la durée de l’usage et son étendue géographique. La marque doit être utilisée de façon à ce que le marché y voie un signe distinctif ; elle doit sortir de la sphère interne de l’entreprise du titulaire pour être utilisée sur le marché. Un usage public est donc nécessaire (consid. 4.1).