Droit administratif

ATF 147 I 47 (f)

2020-2021

Transparence ; rapport d’audit ; document officiel ; document officiel ayant trait à une procédure pendante. Aux termes de l’art. 69 al. 2, CPDT-JUNE, l’accès aux documents officiels ayant trait aux procédures et arbitrages pendants est régi par les dispositions de procédure. Les documents élaborés en dehors d’une procédure judiciaire (et qui se trouvent dans le dossier de procédure au sens large) demeurent accessibles en vertu de la législation sur la transparence, alors que cette législation ne s’applique pas pour les actes qui ont été ordonnés expressément dans le cadre d’une procédure judiciaire. Tel est le cas d’un rapport d’audit commandé par le Conseil d’Etat en-dehors de toute procédure civile ou pénale ayant par la suite été déposé au dossier de ces procédures. Il n’est ainsi pas exclu du champ d’application de la CPDT-JUNE.

Compteur d’eau électronique ; transmission automatique des données ; sphère privée ; risque d’usage abusif de données personnelles. Un compteur d’eau électronique qui mesure continuellement et enregistre localement durant 252 jours l’état d’alarme, l’état actuel du compteur ainsi que les débits maximal et minimal, puis crypte les valeurs ainsi mesurées et les émet par ondes toutes les 30 ou 45 secondes, traite des données en ne répondant à aucun intérêt public. L’enregistrement de la valeur d’eau consommée le jour du contrôle, son émission pour être lue à distance (p. ex depuis la rue) par un lecteur protégé par mot de passe, et son utilisation pour la facturation de l’eau consommée, sont suffisants pour atteindre le but poursuivi par la commune, qui est de facturer ses prestations de fourniture d’eau. Les traitements dépassant cette mesure consacrent une violation du droit à l’autodétermination informationnelle (art. 13 al. 2 Cst.), outre le fait qu’ils ne disposent pas d’une base légale en l’espèce.

Publicité de la justice ; publication des jugements ; affaires matrimoniales. Le principe de publicité de la justice ancré à l’art. 30 al. 3 Cst. garantit un droit à l’accès à tous les jugements après le prononcé du jugement, même s’ils ont été rendus il y a quelque temps, et peu importe si la demande d’accès porte sur quelques jugements ou un grand nombre d’entre eux. En présence de nombreux jugements, le travail d’anonymisation et de caviardage ne doit pas submerger l’autorité. Le droit à la consultation des jugements après leur prononcé peut être restreint notamment pour protéger la sphère privée des parties, au terme d’une pesée d’intérêts en accord avec le principe de proportionnalité. L’intérêt des journalistes, des chercheurs et des avocats est en principe prépondérant. La confidentialité des procédures matrimoniales postulée à l’art. 54 al. 4 CPC n’a pas d’incidence sur la publicité des jugements après leur prononcé. Ceux-ci doivent également être rendus accessibles de manière appropriée.

Renseignement ; collecte de donnée ; surveillance de masse ; protection juridique ; intérêt digne de protection ; intérêt personnel ; chilling effect. L’association « Société Numérique » et sept personnes – parmi lesquelles un avocat et des journalistes – saisissent le service des renseignements de la Confédération (SRC) en lui demandant de mettre fin aux activités d’exploration radio et du réseau câblé du SRC et d’autres agences et d’établir que ces activités violent leurs droits fondamentaux selon la Cst. et la CEDH, demande à laquelle le SRC refuse de donner suite. C’est à tort que le SRC a refusé de rendre une décision basée sur les art. 25 LPD ou 25a PA. Sur le plan de l’intérêt personnel digne de protection à agir, s’il est vrai que les recourants journalistes et avocat pourraient se prévaloir d’un intérêt digne de protection se détachant de la collectivité, même eux ne font pas valoir que leurs données auraient été concrètement traitées par le SRC ; ils demandent bien plus un intérêt à faire vérifier le système de renseignement dans son entièreté. Cette requête est recevable, car une requête individuelle fondée sur le droit de la protection des données ne leur donnerait pas satisfaction en raison des obstacles liés à la confidentialité de l’activité en cause – il en va de même de l’exercice du droit d’accès au sens de l’art. 63 LRens, qui peut être reporté sur des décennies, et de la saisine du PFPDT au sens de l’art. 64 LPD, qui constitue un mécanisme de contrôle objectif et non une voie de droit remplissant les conditions de l’art. 13 CEDH. La jurisprudence de la CourEDH impose qu’au moins une autorité judiciaire nationale avant elle procède à l’examen du système de surveillance de masse des communications mis en place par un Etat membre. Le SRC doit donc rendre une décision en application de l’art. 25 LPD et examiner la demande des recourants consistant à déterminer si l’exploration radio et du réseau câblé viole leurs droits fondamentaux et, dans l’affirmative, quelles conséquences juridiques doivent y être rattachées. Cet examen devra intervenir à l’aune non seulement du droit régissant l’activité du SRC et d’autres agences impliquées (LRens et ordonnances d’application), mais aussi des éventuelles directives et instructions internes, de la pratique effective des autorités ainsi que du contrôle effectué par les autorités de surveillance.

58 Décision 2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) (FF 2008 4821). Le refus d’accès aux données personnelles d’une personne signalée dans le système d’information et de signalement de personnes et d’objets de l’espace Schengen (SIS II) constitue une grave atteinte au droit à l’autodétermination informationnelle (art. 13 al. 2 Cst. ; 8 CEDH). L’absence de renseignement empêche une protection juridique effective (art. 6 et 13 CEDH ; 29a Cst.). L’ignorance des données conservées empêche en outre d’exercer son droit à la rectification de données incorrectes et à la suppression de données conservées illicitement (art. 25 LPD). L’autorité doit donc s’assurer que le but de l’enregistrement dans la base de données justifie l’atteinte aux droits fondamentaux. Elle n’est en particulier pas liée par la prise de position de l’Etat ayant inscrit la personne quant à la divulgation : le principe de loyauté réciproque entre Etats implique de tenir pour vraies les explications données par l’Etat consulté à moins qu’elles présentent des lacunes manifestes, des contradictions ou des erreurs. L’autorité n’est pas non plus tenue de revoir la régularité de la procédure menée à l’encontre de la personne inscrite à l’étranger, à moins de vices graves. Elle est en revanche tenue, sur la base des informations obtenues, d’apprécier si le refus de divulgation est justifié ou non, en demandant cas échéant des informations supplémentaires à l’Etat inscrivant à propos de la nature, la durée et l’objet de la procédure en cours contre la personne inscrite. Si selon son appréciation, l’inscription est injustifiée, après avoir informé l’Etat inscrivant et éventuellement saisi le préposé européen à la protection des données, elle devra divulguer les informations auxquelles l’accès a été demandé.

Règlement d’organisation des Programmes nationaux de recherche (PNR) du FNS ; transparence ; souveraineté ; décision ; composition de l’autorité ; délégation. Seuls les documents qui concernent directement une procédure menant au prononcé d’une décision au sens de l’art. 5 PA sont sujets à la LTrans (art. 2 al. 1 let. b LTrans). Le Conseil de la recherche se prononce sur les demandes de subsides pour la promotion de la recherche. Pour ce faire, il met sur pied un comité de direction (Leitungsgruppe) chargé d’apprécier la qualité scientifique des demandes. Se pose la question de savoir si l’activité du comité directeur est si directement liée à la décision sur les subsides que les documents relatifs à sa composition par le Conseil de la recherche doivent être soumis à la LTrans. Tel est le cas, car faute de connaissances topiques, le Conseil de la recherche délègue l’appréciation de projets scientifiques de projets de recherche aux comités de direction, qui jouent alors un rôle important dans la sélection finale. Leurs recommandations revêtant un poids important, il faut retenir qu’ils agissent de manière souveraine, de sorte que le processus de création de ces comités est soumis à la LTrans en vertu de son art. 2 al. 1 let. b.