Droit administratif

ATF 143 I 37 (f)

2016-2017

Art. 5 al. 2, 27, 94 Cst.

Activité de valet de parking sur le site de l’Aéroport International de Genève (ci-après : l’Aéroport) ; patrimoine administratif ; liberté économique ; proportionnalité.

Les parkings dont l’Aéroport est propriétaire font partie de son patrimoine administratif. En vertu du droit fédéral et cantonal, l’Aéroport a la compétence et l’obligation de les gérer dans le respect des impératifs d’intérêt public poursuivis ; il peut ainsi poser des conditions à leur usage et limiter une utilisation qui n’est pas conforme à leur but premier. Tel est le cas de l’activité de valet de parking exercée sans concession ou autorisation écrite. Le recourant ne peut se prévaloir de sa liberté économique au sens de l’art. 27 Cst. lorsqu’il entend utiliser les parkings de l’Aéoroport pour exercer son activité à d’autres fins (usage extraordinaire) que le but d’intérêt public poursuivi par l’Aéroport en lien avec les parkings de courte durée du site aéroportuaire. Le recourant peut néanmoins invoquer sa liberté écomique pour se plaindre d’une inégalité de traitement avec des entreprises concurrentes en lien avec cet usage.

ATF 142 I 99 (d)

2016-2017

žArt. 27, 76 al. 2 et 4, 94 Cst. ; 39, 41 et 60 LFH ; 2 al. 7 LMI.

Conformité au droit fédéral ; dispositions révisées relatives à la concession d’usage privatif selon le droit d’usage de l’eau du canton d’Uri ; situation de concurrence lors de l’octroi de la concession.

La Confédération jouit d’une compétence concurrente limitée aux principes quant à la réglementation de l’usage de l’eau. La Constitution attribue aux cantons la souveraineté sur les ressources en eau et ainsi le pouvoir d’en disposer. Ils peuvent par conséquent soit utiliser eux-mêmes les eaux publiques, soit en concéder l’utilisation à un tiers par le biais d’une concession. En revanche, les cantons ne sont pas dans l’obligation de procéder à un appel d’offres public avant de concéder ce droit d’utilisation en raison de l’art. 60 al. 3bis LFH. Il n’y a pas de droit à l’octroi d’une concession, ainsi l’art. 6 § 1 CEDH n’est pas invocable par les personnes intéressées lors de la procédure d’octroi de la concession. Le droit de disposer des ressources en eau confère aux cantons un droit régalien qui est exclu du champ d’application de la liberté économique. Donc l’octroi d’une concession de force hydraulique est laissé à l’appréciation de l’autorité concédante, qui n’est limitée que par les principes généraux et, le cas échéant, par des dispositions légales particulières. En l’espèce, la procédure d’octroi de la concession prévue par l’Ordonnance du 19 novembre 2014 sur l’usage des eaux uranaises dans sa nouvelle teneur correspond aux exigences du droit fédéral, notamment quant à la limitation dans le temps (180 jours) des offres concurrentes. Le droit cantonal peut spécifier les critères d’octroi des concessions dans les limites du cadre imposé par le droit fédéral ; il peut notamment réserver les concessions aux entreprises dans lesquelles le canton détient une participation importante. De plus, la compétence de choisir parmi plusieurs candidats à l’utilisation du même tronçon du cours d’eau peut être attribuée à un organe politique par le droit cantonal.

ATF 143 I 220 (f)

2016-2017

Art. 127 al. 1 Cst.

Taxe de consommation d’eau ; taxe causale d’orientation.

La Commune de Blonay prélève une taxe d’eau potable, composée d’une finance annuelle fixe et d’un prix de vente au mètre cube. Cette taxe constitue une contribution causale (ou taxe d’utilisation), car elle vise à couvrir les coûts liés à l’exploitation du système d’approvisionnement en eau potable et représente la contreprestation pour la livraison de l’eau. Elle vise aussi à inciter les consommateurs à limiter leur consommation d’eau par l’instauration de tranches tarifaires. Elle doit être qualifiée de taxe causale d’orientation. Néanmoins, ni l’ancien Règlement de la Commune de Blonay du 29 février 2000 sur la distribution de l’eau (aRDE), base légale formelle prévoyant la taxe en cause quant à son principe (notamment l’existence d’une finance annuelle et d’un prix de vente), ni la loi vaudoise du 30 novembre 1964 sur la distribution de l’eau (LDE/VD) dans sa version applicable en 2013 dans la Commune de Blonay, ne contiennent de chiffres ou de critères permettant de déterminer le mode de calcul de la taxe de base (finance annuelle), respectivement de la taxe de consommation (prix de vente de l’eau). En conséquence, la contribution ne repose pas sur une base légale suffisante et viole ainsi le droit fédéral (art. 127 al. 1 Cst.).

Art. 105 Cst., 2 et 23bis LAlc.

Assujettissement et imposition des produits « Martini Rosso aromatised wine based drink » et « Martini Bianco aromatised wined based drink » selon la LAlc.

La Régie Fédérale des Alcools (RFA) a la qualité pour recourir sur la base de l’art. 89 al. 1 LTF et de la jurisprudence. La notion de « boissons distillées » (« gebrannte Wasser ») de l’art. 2 LAlc est plus large que celle de l’art. 105 Cst. (« alcool obtenu par distillation », mais « gebrannte Wasser » en allemand) ; le but de préservation de la santé publique de la législation sur l’alcool prône une telle extension de la notion. Les produits Martini Rosso et Bianco aromatised wine based drink doivent être considérés comme des boissons distillées au sens de l’art. 2 al. 1 LAlc. En effet, le procédé de concentration par congélation, par lequel la teneur en alcool d’un vin naturel obtenu par fermentation est augmentée, fait qu’un vin autant concentré est un produit alcoolique au sens de cette disposition. Enfin, les produits Martini Rosso et Bianco aromatised wine based drink ne répondent pas à la définition de « vermouths et autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques » de l’art. 23bis al. 2 let. c Lalc cum art. 19 et 21 de l’Ordonnance du DFI sur les boissons alcooliques (RO 2013 4977, abrogé le 1er mai 2017, dont les dispositions figurent désormais dans l’Ordonnance du DFI sur les boissons [RS 817.022.1]). Par conséquent, ils doivent être imposés à un taux plein (art. 23bis al. 1 LAlc, CHF 29 par litre d’alcool) et non réduit (art. 23bis al. 2 LAlc, CHF 14.50 par litre d’alcool).

ATF 143 II 37 (d)

2016-2017

žArt 14 s. LApEl ; ancien art. 31b OApEl ; 102 ss CO.

Intérêts sur le remboursement d’acomptes versés sur une base illégale pour les services-systèmes (intérêts en droit public) ; intérêts moratoires, rémunératoires et dus pour cause d’enrichissement illégitime.

A la suite de l’ATAF 2010/49 ayant déclaré l’ancien art. 31b OApEl illégal, Swissgrid doit rembourser les acomptes payés à tort par les exploitants de centrales électriques, tenu par les règles sur l’enrichissement illégitime. S’agissant des intérêts moratoires, le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de leur exigibilité et notamment le fait de concilier le principe selon lequel l’obligation de payer ne disparaît pas tant que la décision dans laquelle elle se trouve n’est pas annulée avec l’illégalité de la disposition fondant le paiement. L’exigence de la mise en demeure pour les intérêts moratoires vaut en droit public dans les mêmes termes qu’en droit privé. Au vu notamment de la situation des marchés financiers, l’exception selon laquelle un intérêt rémunératoire peut être dû sans base légale doit être interprétée strictement. Quant aux intérêts dus pour cause d’enrichissement illégitime, le Tribunal fédéral laisse entendre qu’ils ne valent pas pour les collectivités publiques.

Art. 2 al. 1 let. a et b, 10 al. 1 LTrans ; 38 al. 2 de l’Ordonnance sur le vin ; 5 PA.

Demande d’accès à des documents officiels auprès du Contrôle suisse du commerce des vins (CSCV).

L’OLOGA a récemment prévu que le rattachement des acteurs remplissant des tâches administratives à l’administration fédérale décentralisée ou à la catégorie des organisations ou personnes de droit public ou de droit privé extérieures à l’administration fédérale chargées de tâches administratives devait se faire en fonction d’une combinaison de critères typologiques, comme la forme juridique et organisationnelle, le type de tâches et les différentes possibilités de pilotage par la Confédération. Le CSCV ne fait pas partie de l’administration fédérale au sens de l’art. 2 al. 1 let. a LTrans, mais est une personne de droit privé extérieure à l’administration fédérale exerçant des tâches administratives ; en effet, il s’administre, s’organise et se finance (quasiment) sans l’aide de la Confédération et sans que celle-ci ne puisse directement l’influencer dans ses activités. Le CSCV est habilité à rendre des décisions au sens de l’art. 5 PA uniquement en matière d’émolument. En l’espèce, les documents auxquels l’accès a été requis sont le rapport du CSCV à l’attention du chimiste cantonal, à la suite de dénonciations, et son règlement interne. Ces documents étant dépourvus de tout lien avec le domaine des taxes, leur accès n’est pas soumis à la loi.

žArt. 5 PA ; 2 al. 2 let. c, 8, 9 LPD

Champ d’application de la LPD dans les procédures pendantes ; ajournement de la communication des renseignements.

La réponse à une demande d’accès à des données personnelles en vertu de l’art. 8 LPD qui indique que les données ne peuvent être communiquées pour le moment produit un effet juridique au sens d’un ajournement selon l’art. 9 al. 1 LPD et constitue donc une décision au sens de l’art. 5 PA. Le droit d’accès à des données personnelles au sens de l’art. 8 LPD et le droit à la consultation des pièces au sens de la PA sont des droits indépendants qui n’interfèrent pas entre eux et peuvent être, sous réserve de leurs conditions d’application et étendue respectives, revendiqués de manière indépendante l’un de l’autre. Le droit à la consultation des pièces peut être invoqué par toute personne partie à la procédure et couvre toutes les pièces de la procédure qui concerne la partie. En revanche, le droit d’accès à des données personnelles est invocable par toute personne concernée par les données en questions et s’étend exclusivement à ces données personnelles. L’exception de l’art. 2 al. 2 let. c LPD exige qu’une procédure ait été ouverte de manière à déclencher l’application des normes de procédure applicables, tant sur le plan temporel que personnel. Néanmoins, les tiers qui ne sont pas parties à la procédure et qui donc ne bénéficient pas des droits de procédure, peuvent bénéficier du droit d’accès à des données personnelles mêmes durant des procédures pendantes. L’effet suspensif d’un moyen de droit soulevé contre la décision de publication qui traite de la publication d’une sanction prononcée par la COMCO, ne permet pas de reporter le droit à l’accès. En effet, afin de sauvegarder l’intérêt au maintien du secret des entreprises parties à la procédure, le report du droit à l’accès aux données personnelles ne constitue pas le moyen adéquat. Des mesures immédiates propres à maintenir le secret doivent être prises.

Art. 5 al. 1 et 3, 7 al. 1 Ltrans

Demande de consultation de l’agenda électronique Outlook de l’ancien directeur général de l’armement.

L’application de la loi sur la transparence fait partie des tâches de toute l’administration fédérale de sorte qu’en vertu de l’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur l’organisation du DDPS, l’Office fédéral de l’armement (Armasuisse) a qualité pour recourir au Tribunal fédéral. L’agenda Outlook du chef de l’armement est un document officiel au sens de l’art. 5 al. 1 LTrans. Les exceptions prévues par l’art. 5 al. 3 LTrans ne sont pas applicables au cas d’espèce. Il incombe à l’autorité qui refuse d’autoriser la consultation complète d’un document, dans la décision définitive, de motiver de manière détaillée et d’indiquer pour chaque caviardage en quoi les informations qu’il révèle pourraient sérieusement menacer des intérêts publics ou privés, en quoi, à l’issue d’une pesée d’intérêts, l’intérêt au secret prime celui de la transparence et pourquoi un droit d’accès restreint n’entre pas en considération. Un risque abstrait de mise en danger ne suffit pas, il faut que l’atteinte aux intérêts publics ou privés en cause paraisse vraisemblable.

Art. 5, 7 al. 1 let. g et al. 2, 11 al. 1 LTrans

Demande d’accès aux informations concernant des experts privés ayant collaboré à une procédure de mise sur le marché d’un médicament auprès de Swissmedic.

Les documents de la partie 1.4 du « common technical document » sont des documents officiels au sens de l’art. 5 LTrans. L’identité des experts, dont les rapports ont été produits à la demande d’autorisation, n’est pas couverte par le secret d’affaires (art. 7 al. 1 let. g LTrans). Dans le cadre d’une pesée des intérêts anticipée, l’intérêt public à la transparence prime l’intérêt privé à empêcher la divulgation de l’identité des experts. Et ainsi l’autorité qui envisage de donner suite à une demande d’accès qui vise des documents officiels contenant des données personnelles, doit entendre les experts concernés, afin de leur fournir l’occasion de faire valoir les intérêts opposés à la divulgation selon l’art. 11 al. 1 LTrans. Ce qui n’a pas été fait en l’espèce.