Droit administratif

ATF 143 III 242

2017-2018

Art. 679 CC

Eaux publiques ; responsabilité du propriétaire foncier ; responsabilité causale ; responsabilité étatique ; responsabilité du canton pour le fait d’un tiers. Le propriétaire foncier a qualité pour défendre à une action fondée sur l’art. 679 CC non seulement lorsqu’il cause lui-même un dommage, mais également quand celui-ci est le fait d’une tierce personne qui utilise directement son immeuble et qui y est autorisée en vertu du droit privé ou public. Cet article trouve aussi application lorsque le fonds d’où émane l’atteinte appartient à une collectivité publique. Tel est le cas sans restriction lorsque ce fonds ressortit au patrimoine financier de la collectivité publique concernée (composé de biens servant indirectement à remplir des tâches publiques) vu que ces biens sont en principe gérés selon le droit privé. Quant aux biens du patrimoine administratif (qui servent directement à remplir une tâche publique, tels que gares, hôpitaux ou écoles) et ceux destinés à l’usage commun, ils peuvent rester soumis au droit privé dans la mesure compatible avec leur affectation et pour autant que la loi ne prescrive pas une solution différente ; un examen du cas concret est donc nécessaire pour déterminer si l’accomplissement de tâches publiques déterminées par la loi exclut l’application du droit civil. Toutefois, si les immissions proviennent de l’utilisation, conforme à sa destination, d’un ouvrage d’intérêt public pour la réalisation duquel la collectivité disposait du droit d’expropriation, et si la tâche publique ne peut pas être exécutée sans provoquer des immissions dans les environs (immissions inévitables ou ne pouvant être écartées sans frais excessifs), le voisin ne peut pas exercer les actions du droit privé prévues à l’art. 679 CC. Dans un tel cas, la prétention au versement d’une indemnité d’expropriation se substitue à ces actions et il appartient non plus au juge civil, mais au juge de l’expropriation de statuer sur l’existence du droit à l’indemnité et sur le montant de celle-ci. En l’espèce, à l’instar du propriétaire d’immeuble qui répond de l’usage illicite qu’en fait son fermier, le canton engage sa responsabilité du fait d’inondations consécutives à une remontée de la nappe phréatique, provoquée par des travaux d’extraction industrielle de gravier dans le lit du Rhône effectués à une profondeur plus basse que la limite fixée dans l’autorisation délivrée par le canton.

Art. 58 al. 1 LCR

Responsabilité pour les dommages causés pendant l’examen du permis de conduire ; notion de détenteur. Le détenteur d’un véhicule est la personne qui utilise ledit véhicule pour son usage et dans son intérêt propre, qui en a la maîtrise et qui assume les risques liés à son utilisation. En l’espèce, le canton ne peut pas être considéré comme détenteur de la voiture d’auto-école utilisée durant l’examen, en raison notamment de la durée de l’utilisation du véhicule, de son but et de l’intérêt en cause. L’auto-école n’a aucune obligation de prêter une voiture pour l’examen pratique, elle la prête à des fins commerciales, de sorte qu’elle en reste détentrice et ce indépendamment du fait qu’elle n’a pas d’influence sur ce qui se produit pendant l’examen.

ATF 143 II 598

2017-2018

Art. 27 et 94 Cst. ; 2 al. 7 LMI

Système intercommunal d’attribution d’autorisation à des compagnies et à des conducteurs individuels de taxis de place (« taxis A ») ; concession d’usage du domaine public ; obligation de procéder à un appel d’offres. Les autorisations de place attribuées à des compagnies et à des conducteurs de taxis (« taxis A ») doivent être qualifiées de concessions d’usage du domaine public vu l’utilisation exclusive qu’elles engendrent au profit de leur titulaire. Les autorités – intercommunales – compétentes ont partant l’obligation de procéder à un appel d’offres selon l’art. 2 al. 7 LMI.

Art. 8 AIMP/GE ; 9 et 29 al. 1 Cst.

Exploitation d’un système de vélos en libre-service ; tâche publique ; marchés publics ; concession d’occupation du domaine public ; publication visant à sélectionner le concédant ; appel d’offres. Il y a marché public lorsque la collectivité publique intervient sur le marché libre en tant que « demandeur », afin d’acquérir auprès d’une entreprise privée, moyennant le paiement d’un prix, les moyens nécessaires dont elle a besoin pour exécuter ses tâches publiques. L’accomplissement d’une tâche publique par une entreprise privée peut être rémunéré dans une autre forme que le paiement d’une somme d’argent par la collectivité. Ainsi, l’octroi d’un droit exclusif pour l’accomplissement d’une tâche publique et la mise à disposition du domaine public constituent une contrepartie octroyée par la collectivité. Le fait de faciliter le transfert modal des habitants du transport individuel motorisé au vélo constitue une tâche publique et la publication publique d’une annonce visant à permettre de sélectionner le futur concédant d’une concession d’occupation du domaine public permettant exploitation d’un système de vélos en libre-service visant à poursuivre cette tâche publique constitue un appel d’offres susceptible de recours.

ATF 143 I 272 (d)

2017-2018

Art. 50 al. 1, 189 al. 1 let. e Cst. ; 83, 84 Cst./ZH ; 3 al. 2 et 177 LC/ZH

Hiérarchie des normes au niveau cantonal ; fusion de commune scolaire et politique. La décision de dissolution d’une commune scolaire requiert la majorité des suffrages au sein de cette commune selon l’art. 84 al. 2 Cst./ZH. Il s’agit d’une garantie constitutionnelle cantonale en faveur de l’autonomie des communes scolaires. Partant, dans la mesure où la constitution cantonale prime les normes de rang inférieur et qu’aucune interprétation conforme à la constitution cantonale n’est possible, les dispositions révisées de la loi sur les communes prévoyant la suppression de la consultation des communes scolaires en cas de fusion doivent être annulées.

ATF 144 I 1 (d)

2017-2018

Art. 19 Cst. ; 39 al. 1 et 2 de la loi thurgovienne sur l’école obligatoire

Droit à un enseignement de base suffisant et gratuit ; participation financière des parents. La participation financière des parents à des frais d’alimentation, de transport, de logement ainsi qu’à des frais relatifs à la participation obligatoire à des cours de langue et à des services d’interprétation, prévue par un droit cantonal, est contraire à l’art. 19 Cst. Cette participation financière des parents qui va au-delà des frais économisés est donc contraire à la garantie d’un enseignement de base suffisant et gratuit.

ATF 143 I 352 (f)

2017-2018

Art. 49 al. 1 Cst. ; 43 LPMéd ; 191 LSP/VD

Mesures disciplinaires ; publication d’une sanction ; cumul de sanctions ; exercice d’une profession médicale universitaire à titre indépendant ; primauté du droit fédéral ; délimitation des compétences fédérales et cantonales. Les mesures disciplinaires infligées à un membre d’une profession libérale soumise à la surveillance de l’Etat ont principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, de sauvegarder le bon renom et la confiance des citoyens envers cette profession, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci. La LPMéd a pour but d’unifier le droit disciplinaire notamment quant aux mesures prévues en cas de violation des obligations professionnelles. Elle contient à son art. 43 une liste exhaustive de mesures disciplinaires pouvant être infligées aux personnes exerçant une profession médicale à titre indépendant. Cette liste ne peut être ni restreinte ni élargie par les cantons. Partant, en prévoyant la possibilité de publier une sanction infligée et faisant de cette publication une sanction à part entière, l’art. 191 al. 3 LSP/VD viole doublement le droit fédéral vu que cette mesure n’est pas prévue par le droit fédéral et que le seul cumul de sanctions possible est celui de l’amende avec l’interdiction de pratiquer à titre indépendant.

ATF 143 I 253 (d)

2017-2018

Art. 13 al. 2 Cst ; 17 LPD ; 23 LFINMA

Traitement des données ; surveillance des marchés financiers. L’inscription d’une personne au fichier de contrôle de la FINMA constitue une restriction à son droit à l’autodétermination en matière d’informations personnelles pour laquelle une base légale formelle est nécessaire selon l’art. 36 al. 1 Cst. d’une part et 17 al. 2 LPD d’autre part. Cette sauvegarde des données relatives à une personne déterminée ne répond pas à l’exigence de base légale, de sorte que le traitement doit cesser et les données récoltées détruites. Seules les données relatives à l’agence bancaire peuvent être conservées sur la base de l’art. 23 al. 2 LFINMA.

ATF 143 II 443 (d)

2017-2018

Art. 6 LTr ; 26 OLT 3 ; 57i-q LOGA ; 10 et 11 de l’ordonnance sur le traitement des données personnelles liées à l’utilisation de l’infrastructure électronique de la Confédération ; 29 al. 1 Cst. ; 6 par. 1 CEDH

Utilisation abusive et analyse de l’infrastructure électronique ; moyens de preuve obtenus de manière illicite ; pesée des intérêts publics et privés ; résiliation immédiate des rapports de travail pour motif grave. L’enregistrement et l’analyse de données personnelles liées à l’utilisation de l’infrastructure électronique de la Confédération sont réglés de manière détaillée et exhaustive par la LOGA et les dispositions d’application. Une analyse nominale contraire à l’art. 57o LOGA est illicite et les données ainsi traitées ne peuvent pas être exploitées à titre de moyen de preuve sauf si un intérêt public prépondérant l’emporte sur l’intérêt privé au respect de la vie privée. En l’espèce, l’employeur pouvait faire usage des résultats de l’analyse informatique obtenus de manière illicite et il pouvait résilier de manière immédiate les rapports de travail pour motif grave car l’employé a consulté des sites Internet non autorisés de manière excessive, répétée et sans prendre en compte les avertissements électroniques envoyés de manière automatique par le système afin d’attirer son attention sur l’illicéité de ses actes.

ATF 144 II 77 (d)

2017-2018

Art. 13 al. 2 Cst. ; 7 al. 1 let. b LTrans ; 19 al. 1bis LPD

Transmission du fichier des incidents survenus dans l’exploitation des chemins de fer ; données susceptibles d’entraver l’activité de surveillance sur les chemins de fer. La divulgation d’incidents survenus dans les transports publics répond à un intérêt public important. Partant, il existe un droit d’accès au fichier des incidents survenus dans l’exploitation des chemins de fer.

ATF 144 II 91 (d)

2017-2018

Art. 5 al. 1 let. a à c et 7 al. 1 let. b LTrans ; 19 al. 1bis LPD

Demande d’accès à des données ; transparence ; données relatives aux rejets aériens d’une centrale nucléaire (données « EMI »). Les centrales nucléaires ont l’obligation de transmettre des données « EMI » indépendamment du fait que ces données soient immédiatement compréhensibles ou au contraire nécessitent une interprétation. Ces données contiennent du contenu informatif et s’inscrivent dans le cadre d’un rapport de surveillance entre les centrales nucléaires et l’IFSN, de sorte qu’elles concernent l’accomplissement d’une tâche publique et qu’elles constituent dès lors un document officiel auquel l’art. 6 LTrans confère un droit d’accès. Même si ces données ne se prêtent pas à l’anonymisation, il ressort d’une pesée entre l’intérêt public à accéder aux informations et de l’intérêt privé de la centrale à les garder secrètes, qu’aucun élément ne permet d’y restreindre le droit d’accès.