Droit administratif

ATF 148 II 16 (f)

2021-2022

Demande d’accès à un procès-verbal d’une séance du comité de la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève portant sur l’abaissement du taux technique et le changement de table de mortalité. L’obligation de garder le secret prévue par l’art. 86 LPP est formulée de manière large et ne fait qu’exprimer, sous une forme modifiée, le secret de fonction général. Sa portée doit donc être définie de manière concrète en coordination avec la LTrans : l’obligation de garder le secret ne s’applique plus qu’aux informations qui ne sont pas accessibles aux termes de la loi sur la transparence. Il faut en déduire que l’entrée en vigueur de la LTrans a réduit la portée de l’obligation de garder le secret de l’art. 86 LPP (consid. 3.4.2). Par conséquent, sur le plan fédéral, l’art. 86 LPP ne constitue pas une disposition spéciale au sens de l’art. 4 let. a LTrans. Il ne protège ainsi plus que les informations couvertes par le secret en application des exceptions prévues aux art. 7 et 8 LTrans (consid. 3.4.3). Le droit fédéral ne fait donc pas obstacle au droit d’accès aux documents prévu par la législation genevoise (art. 26 al. 4 LIPAD/GE) (consid. 3.5).

ATF 148 II 92 (d)

2021-2022

Application de la LTrans à la Commission arbitrale dans la procédure d’approbation des tarifs en cas d’accord sur le tarif. La Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d’auteur et de droits voisins instituée par la LDA tombe, pour ce qui est de son activité relative à l’approbation des tarifs, dans le champ d’application de la LTrans (consid. 5). Description de ladite procédure (consid. 6). La Commission arbitrale n’assume pas de fonction juridictionnelle dans la procédure d’approbation des tarifs, du moins en cas d’accord sur les tarifs ; il s’agit alors d’une procédure administrative de première instance soumise à la LTrans (consid. 7.5).

Consultation des archives de la Confédération ; délai de protection. Cercle des personnes appartenant à l’histoire contemporaine, dont l’intérêt privé ne peut être invoqué pendant la période de protection. Rappel de la jurisprudence du TF selon laquelle on distingue entre les personnalités de l’histoire contemporaine de notoriété absolue ou relative (consid. 5.2). La distinction n’est pas entièrement satisfaisante et l’on peut ajouter à la casuistique les personnes relativement connues, pour lesquelles il faut procéder à une pesée des intérêts entre l’intérêt à rendre compte de ces personnes et leur droit au respect de la vie privée (consid. 5.5.3). Une personne dont la demande d’asile a été rejetée et qui a fait l’objet d’une mesure d’expulsion n’est pas une personne appartenant à l’histoire contemporaine de manière relative, faute de lien avec un événement concret, bien que la procédure ait été médiatisée et que celle-ci ait été relatée dans une autobiographie intitulée « L’asile en Suisse : nègres s’abstenir ou la démocratie à l’épreuve » (consid. 5.3). Une demande d’accès aux archives la concernant doit faire l’objet d’une pesée complète des intérêts, étant précisé que la demande de consultation a lieu à des fins scientifiques pour la rédaction d’une thèse de doctorat, et qu’il s’agit de pondérer différemment l’intérêt privé des membres de la famille de la personne en cause de celui de ladite personne (consid. 6.5).

Réglementation du canton de Berne relative à la détermination des valeurs officielles des immeubles non agricoles. N’a pas la qualité pour recourir la personne qui invoque, dans un recours contre une norme en matière de contributions publiques, une détérioration du budget de l’Etat et de ce fait une probable augmentation d’impôt, faute de démontrer une probabilité minimale d’être indirectement touchée ; les contribuables peuvent néanmoins exiger que les impôts directs sur le revenu et la fortune respectent le principe de l’égalité de traitement ainsi que celui de l’imposition selon la capacité contributive. En revanche, une personne assujettie à une taxe a la qualité pour recourir, même si un avantage accordé à d’autres personnes assujetties à ladite taxe ne lui porte pas directement préjudice. Les exigences en matière de densité normative et de délégation législative valant en matière de taxes, telles que développées dans la jurisprudence du TF, ne s’appliquent qu’à la délégation aux autorités exécutives, non aux décrets adoptés par le parlement lorsqu’il est par ailleurs compétent pour fixer les taxes (consid. 3).

Licenciement ; qualité pour recourir ; enquête administrative ; demande de récusation ; droit d’être entendu ; droit à une indemnité ; discrimination basée sur le sexe ; motifs objectivement suffisants. Le fait qu’aucun licenciement n’ait été prononcé dans les cas de collègues masculins pour lesquels des manquements semblables ont été constatés ne permet pas encore de conclure à une discrimination basée sur le sexe. Les mesures disciplinaires dépendent toujours des circonstances concrètes du cas d’espèce. Il ne faut pas seulement tenir compte de la gravité objectivement constatée des fautes, mais aussi, du côté subjectif, outre la forme de la faute, de la personnalité globale de la personne concernée et de son attitude face aux fautes qu’elle a commises. Même en cas de comportement fautif de même gravité d’un point de vue objectif, des mesures différentes peuvent donc se justifier en raison d’aspects subjectifs. Le fait que le premier licenciement d’une professeure ordinaire à l’EPFZ concerne une femme ne suffit pas à rendre vraisemblable une discrimination fondée sur le sexe. Une résiliation certes injustifiée mais ni abusive ni discriminatoire ne suffit pas à justifier la réintégration selon l’art. 34c al. 1 let. b LPers. Alors que l’indemnité prévue à l’art. 34b al. 1 let. a LPers a le caractère d’une sanction pour licenciement entachée d’un vice, l’indemnité de départ prévue à l’art. 13a de l’Ordonnance sur le corps professoral des EPF a exclusivement le caractère d’un salaire et a pour but de compenser les inconvénients subis par l’employée en raison d’un licenciement non fautif. En raison de leur finalité différente, les deux indemnités ne doivent pas être accordées de manière alternative, mais cumulative.

Résiliation ; obligation de motiver ; devoir d’assistance. En droit de la fonction publique, le devoir général d’assistance de l’employeur envers ses employés découle de l’art. 4 al. 2 let. g LPers ainsi que de l’art. 6 al. 2 LPers en relation avec l’art. 328 CO. L’employeur est donc tenu d’accorder protection et assistance à ses employés dans le cadre des rapports de travail et de sauvegarder leurs intérêts légitimes en toute bonne foi. Dans le cadre d’un emploi aux CFF, le devoir d’assistance de l’employeur s’exprime sous la forme d’un plan de réintégration, qui doit être élaboré et mis en place dans les trois mois, pour réintégrer dans la vie professionnelle les collaborateurs dont la capacité de travail est réduite en raison d’une maladie ou d’un accident. Il s’agit notamment d’aider une personne employée dont la capacité de travail est limitée par une maladie ou un accident à surmonter les effets de la maladie, de l’accompagner et, dans la mesure du possible, de la réintégrer dans le processus de travail. Si elle fait appel à ce soutien, la personne concernée doit participer activement à ces efforts.

Violation du droit d’être entendu ; violation du principe de la bonne foi ; résiliation durant le temps d’essai ; motifs objectifs suffisants ; quotité de l’indemnité. La législation relative à la fonction publique ne précise pas quand une nouvelle période d’essai est autorisée dans le cadre d’un nouveau contrat de travail avec le même employeur. Il convient donc de répondre préalablement à cette question par analogie avec le CO et la pratique qui s’y rapporte. En ce qui concerne la question de l’admissibilité d’une deuxième période d’essai dans le droit de la fonction publique, il convient de respecter le principe de proportionnalité de l’art. 5 al. 2 Cst. En outre, le fait de ne laisser une employée s’exprimer que pro forma quant à une décision de résiliation et que les arguments soulevés ne ressortent pas de la décision constitue une violation du droit d’être entendu et justifie l’octroi d’une indemnité. L’ensemble de ces circonstances doit être prise en compte lors de l’évaluation du montant de l’indemnité. En particulier, la très courte durée de l’emploi sans prestation de travail proprement dite et le fait que la plaignante n’ait pas été touchée par une difficulté due à la perte de gain pèsent dans la balance. L’indemnité doit représenter une réparation pour les attentes déçues et l’atteinte à la réputation éventuellement subie.

Droit à des indemnités pour violation du droit d’être entendu et pour résiliation du contrat de travail sans faute de l’employé. La doctrine et la jurisprudence ont clairement distingué la situation dans laquelle les aptitudes et capacités insuffisantes sont liées à des problèmes de santé de l’employé de celle où elles résultent d’une mauvaise volonté de celui-ci, qualifiant la première de non fautive contrairement à la seconde. Ce n’est que depuis la modification de l’OPers au 1er janvier 2017 que le motif de résiliation de l’art. 10 al. 3 let. c LPers est à imputer à l’employé même en cas d’incapacité de travail pour maladie ou accident. Concernant donc l’art. 49 OPers-EPF et ce qu’il faut entendre par licenciement sans faute de l’employé, on ne voit pas de motif de s’écarter de l’acception de cette notion telle qu’elle a été retenue par la pratique constante dans le domaine du droit du personnel de la Confédération jusqu’à la modification des art. 31 et 78 OPers, qui donnent une définition plus restrictive de la notion de résiliation sans faute de l’employé.

Révocation disciplinaire ; abus de pouvoir. Dans le domaine de l’enseignement, la révocation constitue, en tant que mesure disciplinaire, la sanction la plus lourde et s’impose en particulier en cas de violation grave ou continue des devoirs de service, l’agent ayant démontré qu’il n’était plus digne de rester en fonction. Elle a un caractère infamant. La gravité du manquement doit être analysée sur la base des exigences particulières liées à la fonction occupée. Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, l’autorité choisissant la sanction doit respecter le principe de la proportionnalité. Le fait qu’un enseignant ait eu un comportement inadéquat à plusieurs reprises au cours de la même soirée ne constitue pas un enchainement inévitable d’événements malheureux, mais le résultat prévisible d’une multitude de décisions, dont chacune séparément correspondait déjà à une violation des devoirs de l’enseignant incompatibles avec la mission éducative. Par ailleurs, la gravité des manquements repose sur leur incompatibilité avec la fonction d’enseignant ainsi que sur la réitération des comportements inadaptés, et ne saurait être atténuée en raison du court laps de temps durant lesquels ils se sont déroulés, ni par le fait que l’intimé ait fini par admettre les faits.

Résiliation des rapports de service ; comportement incompatible avec la fonction exercée ; implication d’un fonctionnaire dans une procédure pénale. Bien que le fonctionnaire ait droit à la protection de sa vie privée, son devoir de fidélité, afférent au caractère public de sa fonction, lui impose certaines obligations, lesquelles limitent l’exercice de ses libertés personnelles au-delà de ce que l’ordre juridique permettrait pour de simples particuliers. Même hors service, les collaborateurs doivent ainsi adopter un comportement propre à inspirer la confiance de la population dans l’administration à qui est confiée la gestion des affaires publiques. Ce devoir de dignité ne saurait toutefois dépasser ce qui est requis pour la correcte exécution de leurs tâches et dépend de la position occupée et de la nature des fonctions. En particulier, les fonctionnaires ne doivent commettre ni crimes ni délits passibles de condamnation devant les tribunaux pénaux, au moins dans la mesure où il s’agit de délits dénotant une attitude incompatible avec la fonction publique. Pour qu’un licenciement se justifie, il faut que l’infraction ait eu, selon une appréciation objective, un impact négatif tel sur la qualité du travail, sur le climat de travail ou sur la réputation de l’employeur public, que l’on ne peut plus raisonnablement exiger de lui qu’il poursuive les rapports de service. L’implication du recourant dans des sous-locations d’appartements, pour des loyers exorbitants, à des ressortissants étrangers sans-papiers devant vivre dans des conditions insalubres et inhumaines, atteint sans conteste un degré de gravité particulièrement lourd, ce qui justifie la résiliation des rapports de service.

Licenciement ; réintégration ; effet rétroactif. Paiement du salaire pour la période allant de la date de la résiliation des rapports de service à celle de l’entrée en force du jugement ordonnant la réintégration. La reconnaissance d’un droit au paiement du traitement qui aurait été dû si les rapports de service n’avaient jamais cessé découle de la notion même de réintégration, en l’absence de disposition qui exclurait le droit à un traitement rétroactif en cas de réintégration ordonnée par l’autorité judiciaire. Un ordre de réintégration ne peut être exécuté qu’ex nunc, à tout le moins, en droit fribourgeois, lorsqu’il y a eu cessation de fait des rapports de service (cf. art. 41 LPers) en l’absence d’effet suspensif (cf. art. 84 CPJA) du recours contre la décision de licenciement. Ainsi, que l’intimée n’ait pas été réintégrée dans ses fonctions pendant la durée de la procédure cantonale ne change rien au fait qu’une fois la réintégration ordonnée par arrêt entré en force, elle a droit au paiement du salaire qui aurait été dû si les rapports de service n’avaient jamais cessé. Pour les mêmes motifs, le fait que l’intimée n’aurait pas offert ses services au recourant après avoir été licenciée apparaît dénué de pertinence.

ATF 148 II 73 (f)

2021-2022

Responsabilité de l’Etat ; lacune de prévoyance professionnelle. Le TF se penche sur les conditions de la responsabilité de l’EPFL (consid. 3). Une omission peut constituer un acte illicite au sens de l’art. 3 al. 1 LRCF uniquement s’il existe une disposition la sanctionnant ou imposant de prendre la mesure omise. Ce chef de responsabilité suppose que l’Etat se trouve dans une position de garant à l’égard du lésé et que les prescriptions déterminant la nature et l’étendue de ce devoir ont été violées (consid. 3.2). L’EPFL avait en l’occurrence une obligation d’agir en vertu des règles sur la prévoyance professionnelle (cf. art. 10 al. 1 LPP et art. 10 OPP 2), à savoir d’annoncer son employé à l’institution de prévoyance et de payer l’intégralité des cotisations ; elle assumait dans ce cadre une position de garant envers son employé. Bien que le défaut d’annonce et de paiement des cotisations découle d’une qualification erronée des relations contractuelles en contrat de mandat, cela ne constitue pas un motif justificatif permettant d’écarter le caractère illicite de l’omission (consid. 5.2). Le TAF a à juste titre fixé le point de départ du délai de péremption absolu hors de la période correspondant aux années de cotisations prescrites ; A. a donc agi dans le délai absolu de dix ans (consid. 6.2.4). Le TF se penche ensuite sur une éventuelle faute propre du lésé, qu’il rejette (consid. 7), et sur le montant du dommage (consid. 8).

Responsabilité de la Confédération ; prise en charge des frais de l’assistance judiciaire gratuite ; sujet de responsabilité. L’art. 19 LRCF règle la responsabilité des entités extérieures à l’administration et présuppose que ladite entité a été chargée d’une tâche de droit public par la Confédération. L’art. 19 LRCF n’est pas applicable lorsque la Confédération fait appel à des particuliers uniquement pour des activités administratives auxiliaires dans le cadre de l’accomplissement de ses tâches (consid. 3.2). La doctrine exige en principe que la délégation d’une tâche administrative figure dans une loi formelle. Des exigences particulièrement strictes s’appliquent lorsque la tâche touche au monopole de la puissance publique, notamment en ce qui concerne l’étendue de la délégation (consid. 3.3.3). La garantie de la sécurité dans un centre d’hébergement pour requérants d’asile construit et géré par la Confédération doit être qualifiée de tâche de droit public de la Confédération. Les tâches prévues par la Convention-cadre entre l’ODM et l’entreprise Securitas (contrôles, fouilles de personnes, traitement des personnes récalcitrantes) sont des mesures policières et de contrainte au sens des art. 5 et 6 LUsC qui relèvent de la compétence de la Confédération (consid. 4.3). Le monopole de la violence appartenant à l’Etat, des exigences particulièrement élevées s’appliquent donc à l’externalisation de ce type de tâches, notamment en ce qui concerne l’exigence de la base légale formelle (art. 178 al. 3 Cst.), d’autant plus dans les centres d’asile, qui comportent des risques particuliers de conflits (consid. 4.4). L’art. 26 LAsi ne constitue en l’occurrence pas une base légale suffisamment précise pour la délégation globale de tâches de sécurité intervenue dans la conclusion de l’accord-cadre (consid. 5.5.3). L’art. 22 LMSI n’entre par ailleurs pas en ligne de compte dans la mesure où cette disposition ne confère pas de compétences de délégation aux offices, mais uniquement au Conseil fédéral (consid. 5.4.1-5.4.3). Par conséquent, l’entreprise Securitas ne peut donc pas être considérée comme une organisation chargée d’une tâche de droit public de la Confédération au sens de l’art. 19 LRCF, de sorte qu’elle n’est ni un sujet de responsabilité au sens de la loi sur la responsabilité, ni compétente pour mener la procédure en responsabilité engagée contre elle ou pour décider dans ce cadre de l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite. La Confédération est directement responsable (consid. 6).

ATF 148 II 106 (i)

2021-2022

Marchés publics ; peine pécuniaire à la suite d’une sous-traitance sans l’autorisation du pouvoir adjudicateur ; nature ; prescription ; application par analogie du délai de prescription de l’art. 49a al. 3 let. b LCart. La récente révision du droit des marchés publics a renforcé et systématisé le système de sanctions. Illustration des principales caractéristiques de ce nouveau système (consid. 4.5.4.1). Tant sous le régime de l’ancien (art. 45 et 45aLCPub ; consid. 4.5.1) que de l’actuel droit cantonal (art. 45a et 45b LCPub ; consid. 4.5.2), la peine pécuniaire litigieuse constitue une sanction administrative. Exposé du nouveau droit fédéral et intercantonal en la matière (consid. 4.5.4.2, 4.5.4.3 et 4.5.4.4). Une peine pécuniaire prononcée dans le cadre d’une procédure administrative doit être considérée comme une sanction administrative et non comme une sanction de droit pénal, même si elle déploie des effets analogues à cette dernière (consid. 4.5.5). S’agissant du délai de prescription de l’action, la Cour cantonale n’a pas fait preuve d’arbitraire en appliquant par analogie le délai de prescription de cinq ans prévu à l’art. 49a al. 3 let. b LCart (consid. 4.6). Celui-ci commence en l’occurrence à courir à partir du moment de l’achèvement des travaux effectués par les sous-traitants non autorisés, et non à partir du moment de la conclusion du contrat de sous-traitance (consid. 4.7).