Droit administratif

ATF 148 II 564 (f)

2022-2023

Attribution d’un monopole d’affichage sans appel d’offres ; question et conséquences de la nullité d’une telle décision. En attribuant une concession d’affichage exclusive sur son domaine privé et public, excluant de ce fait durablement la concurrence au profit d’une entreprise, ce sans procéder à aucun appel d’offres, la commune bafoue les deux exigences fondamentales au cœur de l’art. 2 al. 7 LMI, à savoir l’organisation d’un appel d’offres et l’interdiction de la discrimination ; la décision litigieuse est susceptible de réduire la compétitivité de l’économie suisse dans le secteur concerné et d’affecter négativement la cohésion économique du pays, va à l’encontre du principe de la liberté économique, porte atteinte aux principes de libre concurrence et de neutralité de l’Etat en matière de concurrence, ainsi qu’au droit des concurrents à l’égalité de traitement. Il s’agit d’un vice particulièrement grave entraînant la nullité de la décision. Le constat de nullité ne met pas sérieusement en danger la sécurité du droit puisqu’il n’a de conséquence directe que pour la commune et l’entreprise concernée (consid. 7). Pour ce qui est des conséquences de ce constat de nullité, ce sont les principes généraux en matière de rétablissement d’une situation conforme au droit qui s’appliquent, non les conséquences spécifiques prévues par le législateur en matière de marchés publics, de sorte qu’il peut être ordonné à la Commune d’organiser dans les six mois une procédure d’appel d’offres « de rattrapage » devant conduire à l’attribution d’une nouvelle concession d’affichage au soumissionnaire gagnant ou, dans l’hypothèse où la Commune ne souhaiterait pas procéder à un tel appel d’offres, de renoncer à déléguer toute activité d’affichage sur son domaine à une entreprise privée (consid. 8). Enfin, le TF évoque, sans trancher, les différentes conséquences possibles de la nullité de la décision sur la validité de la concession ultérieurement conclue (consid. 9).

ATF 149 I 2 (d)

2022-2023

Suppression par la SSR d’un commentaire d’utilisateur sur Instagram dans le cadre de ses autres services journalistiques ; voie de droit. Bien que non directement couverte par la concession de radio-télévision, la gestion des commentaires des utilisatrices et utilisateurs relatifs aux contenus rédactionnels est étroitement liée aux tâches relevant de la concession dans le domaine des programmes qui ont été confiées à la SSR et qui sont financées par les redevances de radio et de télévision ; elle sert à l’échange et à la formation de l’opinion autour de la contribution rédactionnelle de la SSR dans le cadre des autres services journalistiques et forme une unité avec celle-ci, raison pour laquelle la SSR doit, en vertu de l’art. 35 Cst., respecter les droits fondamentaux. Etant donné que, faute d’efficacité, les voies de droit civil, droit pénal et de surveillance ne satisfont pas aux exigences de l’art. 29a Cst. Dans ce contexte, il convient d’ouvrir la voie de droit administratif auprès de l’organe de médiation de la SSR, qui a une fonction de conciliation, puis de l’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision.

Constatation arbitraire des faits. Pour déterminer la nature juridique d’un contrat qui n’est défini dans aucune législation, le critère à privilégier est celui de l’objet du contrat considéré sous l’angle des intérêts en présence et de la fonction du contrat. En l’occurrence, en l’absence de choix politique visant à faire de l’accueil d’enfants en âge préscolaire une tâche publique, tant le critère des intérêts que celui de la fonction imposent de retenir que la prestation déployée par l’Association ressortit au droit privé. En revanche, le barème fixant le prix de pension à payer par les parents est de la compétence exclusive de l’autorité communale, afin de garantir l’égalité de traitement entre les parents dont les enfants fréquentent une structure d’accueil subventionnée et de fixer un prix correspondant à leur capacité financière ; ledit barème constitue donc une clause relevant du droit public dont la mise en œuvre doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle par le juge administratif.

Le transfert du dossier personnel établi par le Ministère public des mineurs du canton de Bâle-Ville ainsi que les dossiers médicaux, tenus par les Cliniques psychiatriques universitaires de Bâle, aux archives cantonales du canton de Bâle-Ville, constitue une atteinte à la sphère privée et au droit à l’autodétermination informationnelle des personnes concernées. Une telle atteinte est toutefois admissible dans le cas d’espèce. Dans cet arrêt, le TF rappelle le rôle essentiel de l’archivage pour la compréhension de la diachronie des structures démocratiques ainsi que de l’Etat de droit (consid. 5.2.6). Il constate qui plus est une inégalité de traitement entre les hôpitaux privés et publics en matière d’archivage de données sensibles (consid 7.2).

Une activité de surveillance peut engager la responsabilité de l’Etat. En l’espèce, un curateur d’une fondation avait soumis à l’Autorité fédérale de surveillance des fondations une convention prévoyant un partage de fonds à l’amiable ; en approuvant cette convention à tort, l’Autorité fédérale de surveillance des fondations a de ce fait engagé la responsabilité de l’Etat.

Une détention à des fins d’organisation (Organisationshaft), avant que le recourant ne soit transféré dans une structure adéquate, peut entraîner la responsabilité de l’Etat dans la mesure où elle contrevient à l’art. 5 ch. 1 let. e CEDH. Cette disposition couplée à l’art. 5 ch. 5 CEDH représente une norme de responsabilité autonome, dont l’application en procédure cantonale est indépendante d’un éventuel droit de la responsabilité étatique plus restrictif, si bien que le TF estime préférable d’entamer son raisonnement par l’analyse de la responsabilité conventionnelle par rapport aux autres griefs soulevés (consid. 4.2).

ATF 149 II 96 (d)

2022-2023

Le dépassement par la droite sur une autoroute ou une semi-autoroute en déboîtant puis en se rabattant n’entraîne plus systématiquement le retrait du permis de conduire. La lex mitior peut trouver application en procédure administrative dans des constellations régies par l’art. 16 al. 2 LCR (consid. 4.3). En l’espèce, le TF a appliqué la nouvelle réglementation, en rappelant que l’application de la lex mitior implique une comparaison concrète entre le nouveau droit et l’ancien droit (Grundsatz der konkreten Vergleichsmethode) et que la situation plus favorable n’est point à décider à l’aune du ressenti subjectif de l’auteur, mais dans une visée objective (consid. 5.1). Selon la jurisprudence du TF valable jusqu’à ce jour, le dépassement par la droite sur l’autoroute constitue en principe une violation grave des règles de la circulation routière (consid. 5.3.2). Cette jurisprudence a été critiquée par la doctrine comme étant trop sévère (consid. 5.3.2). Dans le présent arrêt, le TF adapte sa pratique à la nouvelle situation juridique soumise à sa cognition, sans toutefois renoncer à une interprétation et une application restrictives (consid. 5.6.3).