Art. 6 par. 1 et 3 let. a CEDH
Droit d’être informé de la nature et de la cause de l’accusation ; droit à un jugement motivé. Si le requérant a eu l’occasion de présenter son grief tiré d’une violation du principe accusatoire (art. 6 par. 3 let. a CEDH) devant l’autorité de deuxième instance et que celle-ci a pu se livrer à un examen complet de sa cause, il faut admettre que les vices ayant pu entacher la procédure devant la juridiction inférieure ont été purgés et qu’il n’y a pas de violation de l’art. 6 par. 3 let. a CEDH. En revanche, le TF contrevient à l’exigence d’un procès équitable (art. 6 par. 1 CEDH) lorsqu’il ne répond pas au grief du recourant concernant la violation du principe accusatoire. Les jugements doivent indiquer de manière suffisante les motifs sur lesquels ils se fondent. La partie à une procédure judiciaire doit pouvoir s’attendre à une réponse spécifique et explicite quant aux moyens décisifs pour l’issue de la procédure en cause, tels que le grief tiré de la violation du principe accusatoire. Le TF aurait donc soit dû admettre le recours s’il l’avait jugé fondé, soit le rejeter en motivant sa décision s’il l’avait jugé mal-fondé.
Camille Montavon
Art. 107, 139 al. 2 CPP
Droit d’être entendu ; fait notoire. La définition d’un mot (en l’espèce, « muzz ») issue du site internet Wiktionnaire ne répond pas aux critères du fait notoire. Pour ce qui est d’internet, seules les informations bénéficiant d’une empreinte officielle peuvent être considérées comme notoires au sens de l’art. 139 al. 2 CPP, dans la mesure où elles proviennent de sources non controversées et faciles d’accès. Pour le reste, la prudence s’impose dans la qualification d’un fait notoire, dès lors qu’il en découle une exception aux principes régissant l’administration des preuves (art. 139 ss CPP). Le site internet Wiktionnaire ne revêtant aucun caractère officiel et les définitions qu’il offre pouvant librement être modifiées par tout un chacun, celles-ci ne peuvent être considérées comme des faits notoires. Partant, en ne donnant pas la possibilité au prévenu de s’exprimer sur le sens que revêtait pour lui le mot considéré, l’autorité cantonale a violé son droit d’être entendu.
Camille Montavon
Art. 147 al. 1, 149 al. 2 let. b CPP ; 6 par. 3 CEDH
Renonciation au droit de participer à l’administration des preuves ; confrontation indirecte. Une renonciation du prévenu au droit de participer à l’administration des preuves par le ministère public peut également émaner du défenseur. Si le défenseur présent à l’audition ne s’oppose pas à l’absence de son client et ne requiert pas sa participation, il faut en déduire que ce dernier renonce à son droit de participer à l’administration des preuves. Si la renonciation est valable, il est contraire à la bonne foi d’invoquer, en procédure d’appel, le grief tiré d’une violation du droit de participer à l’administration des preuves. En outre, lorsque l’on ne peut exiger une confrontation directe de la victime et que le prévenu doit quitter la salle pendant l’audition des témoins, il n’est pas contraire à l’art. 6 par. 3 CEDH de ne pas retransmettre l’audition par vidéo, ce d’autant plus si le prévenu a suivi l’audition par enregistrement audio et si son défenseur a eu l’occasion de poser des questions.
Camille Montavon
Art. 76 ss, 409 al. 1 CPP
Procès-verbal de l’audience de première instance ; annulation et renvoi du jugement. L’autorité de première instance contrevient aux règles sur la tenue du procès-verbal lorsqu’elle procède uniquement de manière sommaire à un enregistrement sonore des débats, et ne l’accompagne que d’un bref résumé écrit de leur déroulement. Un enregistrement avec des moyens techniques au sens de l’art. 76 al. 4 CPP n’a en effet qu’une nature complémentaire. Une audition incomplète du prévenu lors des débats de première instance ne constitue toutefois pas un vice important au sens de l’art. 409 al. 1 CPP, de telle sorte que l’annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause au tribunal de première instance par la juridiction d’appel n’entrent pas en considération. Lorsque la violation du droit d’être entendu se rapporte à l’administration des preuves, le juge d’appel peut et doit guérir le vice en vertu de l’art. 389 al. 2 let. b CPP. En l’occurrence, le vice peut être réparé par une transcription de l’enregistrement.
Camille Montavon
Art. 147 al. 1 et 4 CPP
Exploitabilité des preuves. Le prévenu a, en principe, le droit de participer aux auditions de coprévenus (art. 147 al. 1 CPP). Il ne peut toutefois se prévaloir de ce droit que dans une même procédure. En effet, cela ne vaut pas dans des procédures dissociées, le prévenu n’ayant pas qualité de partie dans les autres procédures. Le fait qu’une procédure ait été dissociée par la suite est sans pertinence. La violation de l’art. 147 al. 1 CPP entraîne l’inexploitabilité absolue des déclarations à charge émanant de coprévenus (art. 147 al. 4 CPP). La possibilité pour l’autorité de répéter l’administration des preuves litigieuses en présence du prévenu subsiste toutefois. En revanche, lors de la répétition des actes d’instruction, l’autorité ne peut pas recourir aux résultats des auditions précédentes.
Camille Montavon
Art. 391 al. 2 CPP ; 48 CP
Reformatio in pejus. Une autorité de recours confirme la peine prononcée en première instance mais écarte la circonstance atténuante du repentir sincère. Ce faisant, elle supprime du dispositif l’art. 48 let. d CP, lequel figurait dans le dispositif du jugement de première instance. Le principe de prohibition de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP) n’empêche pas l’autorité de recours de valablement écarter une circonstance atténuante si elle estime que celle-ci a été retenue à tort par l’autorité précédente. Ce principe interdit néanmoins toute modification du dispositif au détriment du prévenu. Pour autant, en supprimant l’art. 48 let. d CP du dispositif, l’autorité d’appel ne viole pas l’interdiction de la reformatio in pejus. En effet, l’art. 81 al. 4 let. a CPP – qui mentionne les indications que le dispositif doit comporter – ne vise que des dispositions fondant la condamnation. L’art. 48 CP réglant exclusivement un aspect de la fixation de la peine, il n’a pas à figurer dans le dispositif.
Camille Montavon
Art. 418 al. 3, 426 CPP
Répartition des frais. Il n’est pas possible d’imputer les frais de la procédure exclusivement à un tiers en vertu de l’art. 418 al. 3 CPP, lorsqu’aucun prévenu n’est condamné au paiement desdits frais au sens de l’art. 426 CPP. L’art. 418 CPP ne règle que la question de la répartition et non de l’imputation des frais. Son application est conditionnée à la condamnation du prévenu aux frais en vertu de l’art. 426 CPP. Il vise à éviter que le prévenu réponde seul des frais lorsque la responsabilité civile d’un tiers est engagée, mais non à libérer pour autant complètement le prévenu au détriment du tiers. Ainsi, rien ne permet de déroger au sens littéral de la norme prévoyant une solidarité entre le tiers et le prévenu.
Camille Montavon
Art. 30 al. 1 Cst. ; 6 par. 1 CEDH
Droit à un tribunal établi par la loi ; composition de l’organe appelé à statuer. Les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH exigent un organe juridictionnel indépendant et impartial, tranchant des litiges sur la base du droit, à l’issue d’une procédure prévue par la loi en conformité avec les garanties de l’Etat de droit. S’agissant de la composition du tribunal, toute nomination qui ne peut être justifiée par des raisons objectives viole la garantie des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Ceci n’exclut pas un certain pouvoir d’appréciation du président dans la composition de l’organe, à compter qu’elle soit prévue par la loi et repose sur des critères objectifs et déterminés d’avance. La composition de la cour ne doit toutefois pas forcément résulter d’un plan de répartition des affaires et le recourant n’a pas à être informé à l’avance de la composition spécifique de l’organe. En tout état de cause, les art. 32 LTF et 40 al. 2 à 5 RTF relatifs à la constitution de la cour appelée à statuer au sein du TF satisfont aux art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH.
Camille Montavon
Art. 391 al. 2 CPP
Reformatio in pejus. Le remplacement d’une mesure thérapeutique ambulatoire par une mesure institutionnelle, au cours d’une procédure de recours ou à la suite d’un renvoi de la cause, n’est pas contraire au principe de l’interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP). En effet, ce principe ne vaut pas pour les mesures. Certes, une mesure peut durer beaucoup plus longtemps qu’une peine mais le législateur a clairement indiqué que la première doit avoir la priorité sur la seconde dans toute la mesure du possible. De plus, il ne se justifierait pas, à l’issue d’un recours, de priver un tribunal d’une compétence qu’il peut exercer après l’entrée en force du jugement, soit le remplacement d’une mesure ambulatoire durant l’exécution de la peine par une mesure institutionnelle.
Camille Montavon
Art. 391 al. 2 CPP ; 34 al. 2 CP
Reformatio in pejus ; montant du jour-amende. L’autorité de dernière instance peut prononcer une sanction plus sévère en raison de faits nouveaux qui ne pouvaient être connus de l’instance précédente (art. 391 al. 2 CPP), et ce également lorsque la voie de droit est interjetée exclusivement en faveur du prévenu. La question de savoir si ces faits sont survenus avant ou après le jugement de première instance est sans pertinence. L’amélioration de la situation économique du prévenu, pertinente pour la fixation du montant du jour-amende selon l’art. 34 al. 2, 3e phrase CP peut constituer un tel fait nouveau. La juridiction d’appel ne viole donc pas la prohibition de la reformatio in pejus en augmentant le montant du jour-amende à la suite du constat d’une amélioration de la situation de l’intéressé depuis le jugement de première instance.
Camille Montavon
Art. 442 al. 4 CPP
Compensation des créances portant sur une peine pécuniaire et des frais de procédure avec l’indemnité accordée. La compensation, par une autorité cantonale de recouvrement, d’une indemnité allouée en vertu de l’art. 429 al. 1 let. a CPP avec le montant correspondant aux frais de procédure afférant à une procédure pénale distincte ne viole pas l’art. 442 al. 4 CPP. Le CPP distingue nettement, d’une part, la procédure applicable à la poursuite et au jugement d’infractions de celle de l’exécution des jugements et, d’autre part, les autorités pénales des autorités d’exécution. En outre, si une limitation de l’autorité pénale de compenser en vertu de l’art. 442 al. 4 CPP se comprend par le fait qu’elle n’est saisie que d’une procédure pénale et ne devrait ainsi pas se prononcer sur les prétentions financières résultant d’autres procédures, il n’y a toutefois aucune raison qu’une autorité de recouvrement cantonale qui intervient après la clôture de la procédure pénale soit limitée dans sa compétence à une procédure précise.
Camille Montavon
Art. 85 al. 2 CPP
Notification de prononcés pénaux en cas d’envoi par Courrier A Plus. En cas d’envoi d’un prononcé pénal par Courrier A Plus (offrant la possibilité de suivre, par voie électronique, le processus d’expédition du dépôt jusqu’à la distribution dans la boîte postale), seule est déterminante, pour la notification, sa prise de connaissance effective par le destinataire. Contrairement aux envois recommandés, la réception par le destinataire d’une lettre envoyée par Courrier A Plus ne fait pas l’objet d’un accusé de réception et ne satisfait donc pas aux exigences de l’art. 85 al. 2 CPP. La notification est néanmoins valable s’il peut être prouvé d’une autre manière que le destinataire en a eu connaissance et si le droit à être informé de ce dernier est garanti. En tout état de cause, le justificatif de distribution effectué par voie électronique ne constituant pas un accusé de réception signé, il ne permet pas de savoir si le destinataire a pris connaissance du courrier. Le fait que l’envoi parvienne dans la sphère d’influence du destinataire ne suffit donc pas.
Camille Montavon
Camille Montavon
Art. 184 al. 3 CPP
Rapport d’expertise ; analyse de laboratoire. Selon l’art. 184 al. 3, 1ère phrase CPP, la direction de la procédure donne préalablement aux parties l’occasion de s’exprimer sur le choix de l’expert et les questions qui lui sont posées. L’exception de l’art. 184 al. 3, 2e phrase CPP pour les analyses de laboratoire vise des expertises standardisées, réalisées sur la base de méthodes reconnues, d’une manière contingente de la technique. Lorsque la marge d’interprétation des résultats d’une analyse est fortement restreinte, ces derniers doivent être appréhendés comme des analyses de laboratoire au sens de l’art. 184 al. 3, 2e phrase CPP. Le droit d’être entendu du prévenu est respecté s’il a ultérieurement la possibilité de s’exprimer sur l’expertise.
Camille Montavon
Art. 107, 185 CPP
Droit d’être entendu. Un expert réalise une expertise psychiatrique en se fondant sur des dossiers obtenus auprès d’un Service psychiatrique et psychologique (SPP), sans consulter la direction de la procédure. Sur la base de l’expertise, le tribunal cantonal ordonne l’internement du prévenu, sans requérir du SPP la production des dossiers et sans y donner accès au recourant. La façon d’agir de l’expert et du tribunal cantonal viole le droit d’être entendu du recourant (art. 107 al. 1 let. a CPP). Pour que le tribunal et les parties puissent examiner l’exactitude de l’expertise, ils doivent disposer des pièces sur lesquelles celle-ci est fondée. L’expert, sous réserve de l’art. 185 al. 4 CPP, ne peut recueillir lui-même des éléments de preuves ou consulter des dossiers en vue d’établir l’expertise, mais doit en faire la demande à la direction de la procédure (art. 185 al. 3 CPP). L’art. 185 al. 3 CPP est toutefois une prescription d’ordre, de sorte que le rapport d’expertise n’est pas en soi inexploitable (art. 141 al. 3 CPP). La violation du droit d’être entendu peut alors être réparée ultérieurement. Le tribunal cantonal doit ordonner la production des pièces en possession du SPP, en garantir l’accès au prévenu et, une fois le dossier complet, déterminer si le rapport est concluant dans son résultat.
Camille Montavon
Art. 426 al. 2 CPP ; 53 CP
Classement ; sort des frais judiciaires. La mise des frais de procédure à la charge d’un prévenu en cas d’acquittement ou de classement doit demeurer l’exception et, selon l’art. 426 al. 2 CPP, ne se justifie que si le prévenu a provoqué l’ouverture de la procédure dirigée contre lui ou s’il en a entravé le cours. L’art. 426 al. 2 CPP ne s’applique toutefois pas en cas de classement ou de non-entrée en matière fondés sur les art. 52 à 55 CP, ces derniers reposant tous sur la prémisse selon laquelle l’auteur a commis un acte illicite. Compte tenu de l’acte illicite nécessairement commis et en dépit duquel une non-entrée en matière ou un classement est prononcé, il se justifie alors de mettre les frais à la charge du prévenu.
Camille Montavon