Droit du travail

Interprétation d’une CCT (art. 356 CO)

Le TF rappelle que les clauses relatives à la conclusion, au contenu et à l’extinction des contrats individuels de travail, ont pour la durée de la convention, un effet direct et impératif (art. 357 al. 1 CO). Il s’agit de clauses normatives qui doivent être interprétées de la même manière qu’une loi tout en tenant compte de la volonté des cocontractants et de ce que l’on peut comprendre selon le principe de la bonne foi (consid. 2.3.1). En cas de modification du contenu de la CCT, il est important que les dispositions ayant un effet direct sur les relations individuelles puissent être connues de tous avec certitude. Il est d’ailleurs regrettable que la publication à la Feuille fédérale soit à ce point laconique que l’on ne puisse saisir d’emblée quel est le contenu de la modification au point que les avocats des parties divergent sur le contenu de celle-ci (consid. 2.3.2). D’un point de vue téléologique, il est clair que le travail de nuit (ou un dimanche ou un jour férié) est plus pénible parce qu’il suppose une adaptation du mode de vie et une renonciation à passer son temps libre en même temps que les autres (consid. 2.3.3). Un travailleur payé à l’heure avec un horaire irrégulier et incertain peut être enclin à ne pas prendre de vacances. Cette situation ne supprime cependant pas son droit à des vacances payées, de sorte qu’une compensation adéquate doit lui être procurée (2.3.5).

Le TF a refusé la demande d’un syndicat visant à réintégrer une vendeuse licenciée après s’être exprimée dans la presse contre la prolongation des horaires de travail. Cette vendeuse était également déléguée syndicale. Le TF a confirmé l’irrecevabilité de la demande de réintégration et surtout jugé que le syndicat n’avait pas la qualité pour agir en justice en vue d’obtenir que la vendeuse retrouve son emploi (consid. 4.2). Selon le TF, le licenciement de l’employée ne porte pas atteinte aux droits de la personnalité des travailleurs de la profession concernée et la demande de réintégration d’une employée ne constitue pas un intérêt collectif au regard de la liberté syndicale (consid. 4.2).

ATF 136 I 39 (d)

2009-2010

Application de l’article 66 al. 4 LTF ; frais judiciaires à charge d’une collectivité. Selon le TF, la collectivité qui est touchée dans son intérêt patrimonial en tant qu’employeur n’est pas dispensée des frais judiciaires (consid. 8.1.4).

ATF 136 III 94

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Art. 329a ss et 128 ch. 3 CO

Droit aux vacances ; prescription. Le droit aux vacances se prescrit par cinq ans (consid. 4.1).

Art. 12 al. 6 let. b LPers

Il appartient en premier lieu aux supérieurs hiérarchiques, ainsi qu’à l’autorité compétente de qualifier les prestations de l’employé, du moment qu’ils peuvent le mieux évaluer le travail quotidien et apprécier le comportement de l’intéressé (consid. 4.2.1). L’avertissement prévu à l’article 12 al. 6 let. b LPers ne constitue pas une décision sujette à recours. L’avertissement doit être reconnaissable en tant que tel et doit permettre à l’intéressé de savoir clairement quels sont les manquements reprochés et quelles sont les exigences auxquelles il aura à satisfaire à l’avenir (consid. 4.3.1).

Selon l’article 10 al. 2 LEg, le travailleur est protégé contre le congé durant toute la durée des démarches effectuées au sein de l’entreprise, durant la procédure de conciliation et durant toute la durée du procès, de même que pendant le semestre qui suit la clôture des démarches ou de la procédure. En l’occurrence, l’employée se sentant harcelée s’est pour la dernière fois plainte de harcèlement sexuel en juin 2003 et a été licenciée le 23 janvier 2004, soit plus d’un semestre plus tard. Le congé ne peut donc être annulé sur la base de l’article 10 LEg puisqu’il intervient après la période légale de protection prévue (consid. 3.2). L’article 5 al. 3 LEg ne peut s’appliquer dans le cas d’espèce puisqu’il ressort des aveux de l’employée que son employeur a pris les mesures nécessaires pour mettre fin à la discrimination en question puisque celle-ci ne s’est plus reproduite (consid. 4.2).

En matière de mobbing, il faut relever que la décision qui admet, ou écarte, l’existence d’un harcèlement psychologique présuppose une appréciation globale des circonstances d’espèce, en particulier des indices pouvant entrer dans la définition du mobbing ; il convient donc d’accorder au juge une certaine marge d’appréciation, ce d’autant plus lorsque les déclarations des nombreux témoins entendus sont largement contradictoires et que la Cour cantonale a dû se décider sur la base de l’ensemble des témoignages (consid. 3.3.4).

ATF 136 III 96

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Art. 335b et 336b CO

Résiliation abusive (art. 336ss CO): Résiliation abusive pendant le temps d'essai ; délai pour faire opposition par écrit en cas de délai de congé réduit. L'opposition contre une résiliation abusive pendant le temps d'essai doit être formée en cas de délai de congé réduit également au plus tard jusqu'à la fin de ce délai, dans la mesure où cela est possible et raisonnablement exigible (consid. 2 et 3).

Résiliation en temps inopportun (art. 336c ss CO) :

žMalgré la controverse doctrinale sur la question de savoir si un travailleur qui produit un certificat médical mais qui continue à exercer son activité peut bénéficier de la protection de l’art. 336c CO, le TF a jugé que cette disposition s’appliquait, sauf si l’atteinte à la santé s’avérait insignifiante au point de ne pas empêcher l’employé d’occuper, le cas échéant, un nouveau poste de travail. Un engagement par un nouvel employeur à la fin du délai de congé ordinaire ne doit pas paraître hautement invraisemblable en raison de l’incertitude quant à la durée et au degré de l’incapacité de travail (consid. 3.2). Dans le cas d’espèce, le TF a considéré qu’une angine, qualifiée d’infection passablement banale, n’était pas de nature à affecter sa faculté d’occuper un nouveau poste de travail à la fin de son délai de congé (consid. 3.2).

Résiliation immédiate (art. 337ss CO) :

Un convoyeur a été licencié avec effet immédiat pour avoir conduit sur le tarmac de l’aéroport de Genève avec 0.5 pour mille. Selon le TF, le convoyeur n’a pas commis d’infraction pénale, mais il a violé le règlement d’entreprise qui prescrit que le taux d’alcoolémie autorisé sur le tarmac est de 0.0 pour mille (consid. 2.3). Toutefois, dans le cas d’espèce, il n’a pas été retenu que le convoyeur avait, en raison de son état, mal accompli ses prestations de travail ou dérangé de quelconque manière ses collègues de travail (consid. 2.3). En conséquence, le TF a jugé que le licenciement immédiat était injustifié et qu’un avertissement aurait suffi.

Le fait qu’un directeur de succursale d’agence temporaire laisse se créer une situation dangereuse pour l’une de ses employées est un motif suffisant pour procéder au licenciement de celui-ci (consid. 6.2). En l’occurrence, le directeur avait également commis des irrégularités comptables.

Dans le cas d’espèce, le directeur d’une agence fiduciaire a dénigré l’agence auprès de deux clients au point que l’un des deux mette un terme au mandat conclu avec l’agence. En raison de son obligation de fidélité, le travailleur est tenu de sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur et, par conséquent, de s’abstenir de tout ce qui peut lui nuire. Cette obligation accessoire générale vaut dans une mesure accrue pour les cadres (consid. 4.1). Le fait de ne pas sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de son employeur au sens de l’article 321a al. 1 CO peut constituer un juste motif de licenciement immédiat (consid. 4.2).

En principe, des prestations de travail de mauvaise qualité ne constituent pas un juste motif de résiliation immédiate. Dans ce domaine, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, en particulier de la nature de l’activité promise (consid. 6.1). La mauvaise exécution ou l’insuffisance du travail pourra justifier un licenciement immédiat si elle résulte d’un manquement grave et délibéré du travailleur (consid. 6.1). Le seul rendement insuffisant de l’employé ne peut constituer un motif de licenciement immédiat sans avertissement préalable (consid. 6.2).

Résumé : un employé qui refuse d’exécuter sa prestation de travail au prétexte que son employeur ne le paie plus garde son droit à la gratification qui a été convenue dans le contrat de travail. Le TF rappelle que l’employé a le droit de refuser de travailler s’il n’est pas payé. En outre, si ce refus est justifié, l’employeur devra continuer de verser le salaire pendant l’absence de l’employé. En conséquence, l’employeur doit également payer la gratification convenue qui correspondait, en l’occurrence, à un treizième salaire. Le TF a en plus précisé que rien n’indiquait que la gratification pouvait être réduite en raison de prestations insuffisantes de la part de l’employé.

Art. 326a et 329d CO.

Prétentions financières d’une travailleuse rémunérée aux pièces. Lorsque l’employeur verse durant plus de trois mois un salaire aux pièces correspondant à un taux déterminé par unité, il faut en conclure que les parties ont convenu tacitement de ce taux. En conséquence, l’employeur ne peut réduire ce taux de manière unilatérale. Mais si l’employée ne proteste pas et continue de travailler à un taux réduit, et ce pendant plusieurs mois, il faut en déduire que la réduction du taux a été acceptée par l’employée. (consid. 3). D’après la jurisprudence, les parties ne peuvent valablement convenir qu’à titre exceptionnel (occupation très irrégulière de travailleurs à temps partiel par exemple) que le salaire afférent aux vacances soit inclus dans le salaire des périodes de travail effectivement accomplies et que l’employeur ne devra rien pour les périodes de vacances. Le fait que le salaire soit variable est une circonstance courante en cas de travail payé à l’heure, aux pièces ou à la tâche et qui ne justifie pas en elle-même un accord dérogatoire (consid. 4).

Résumé : les travailleurs rémunérés à l’heure n’ont pas droit au paiement des jours fériés si leur contrat ne le prévoit pas. Le 1er août fait exception, à condition qu’il tombe sur un jour ouvrable. Développement : à teneur de l’article 110 al. 3 Cst. féd., le 1er août est le jour de la fête nationale, il est assimilé aux dimanches du point de vue du droit du travail - ce qui implique que tout travail est en principe interdit, sauf circonstances particulières - et il est rémunéré. Il est incontestable que cette disposition consacre une obligation de payer le salaire pour le jour férié fédéral, laquelle concerne également les travailleurs rémunérés à l’heure pour autant toutefois que le 1er août tombe sur un jour à l’occasion duquel l’employé aurait normalement travaillé (consid. 2.1). Le droit interne ne prévoit pas une obligation de payer les jours fériés pour les travailleurs payés à l’heure (consid. 2.2). L’article 7 let. d Pacte ONU-I dispose que les Etats parties audit Pacte reconnaissent le droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment : le repos, la limitation raisonnable de la durée du travail et la rémunération des jours fériés. Cet article n’a pas été considéré comme directement applicable (« self-executing »), il s’adresse plutôt au législateur, respectivement au Constituant, lequel en a précisément tenu compte en édictant l’article 110 al. 3 Cst. féd. (consid. 2.3.1 et 2.3.3).

Dans le cas d’espèce, l’employeur devait prélever l’impôt à la source, mais il a continué à le faire alors qu’il n’y était plus tenu. Le travailleur n’a jamais consenti aux prélèvements litigieux. L’employeur ne peut réduire unilatéralement le salaire du travailleur sans que celui-ci ne donne son accord ou qu’une clause contractuelle le permette. Le travailleur peut cependant, sans respecter aucune forme particulière, renoncer à une partie de son salaire, mais cette renonciation doit être dûment établie (consid. 3.1). L’argument selon lequel le salaire net est resté le même n’est pas pertinent, puisque l’employeur doit payer le salaire brut sous réserve des déductions qu’il est autorisé à faire en vertu de la loi ou de l’accord des parties (consid. 3.3).

Distinction entre travail à temps partiel proprement dit et travail à temps partiel improprement dit. Dans le cadre du travail à temps partiel proprement dit, les prestations sont effectuées selon des horaires répétitifs et déterminés à l’avance même s’ils sont irréguliers. Alors que le travail à temps partiel improprement dit se base sur un accord des parties pour chaque prestation de travail (consid. 2.2). Dans cet arrêt, l’institutrice devait chaque année (à la fin du mois de mai), faire part de ses vœux pour l’année scolaire suivante. Si elle prétend pouvoir modifier ses horaires selon sa propre volonté, elle ne peut exiger de la direction de l’école de se conformer automatiquement à ses vœux. En conséquence, en renonçant aux services de l’institutrice au motif que sa disponibilité était fortement réduite, l’employeur n’est pas tombé en demeure (consid. 2.3).

Violation du devoir de diligence d’un employeur (art. 91 LEtr) ; le bailleur de services est un employeur (art. 12 LSE). Selon la jurisprudence rendue sous l’empire de la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers, qui garde, pour l’essentiel, sa valeur sous l’empire de la loi sur les étrangers, la notion d’employeur est une notion autonome qui vise l’employeur de fait et ne se limite pas à celle du droit des obligations (consid. 4.2). Un bailleur de services au sens de l’article 12 LSE doit être considéré comme un employeur au sens de l’article 91 LEtr, et ce, sans égard au fait que les travailleurs loués se soient présentés de leur propre chef ou sur instruction d’un tiers en exécution d’un contrat de location de services (consid. 5.2, 2ème paragraphe). En outre, l’obligation de diligence qu’impose l’article 91 LEtr au bailleur de services au sens de l’article 12 LSE ne préjuge en rien de l’éventuelle obligation pour les autres parties aux contrats en chaîne de respecter un même devoir de diligence également fondé sur l’article 91 LEtr (consid. 5.2, 3ème paragraphe).

Entreprise locataire de services soumise à une convention collective de travail étendue ; obligation à charge du bailleur de services conformément à l'art. 20 al. 1 LSE. N'est pas une disposition concernant le salaire au sens de l'art. 20 al. 1 LSE la clause d'une convention collective de travail étendue, imposant à l'employeur d'offrir le libre passage d'une assurance collective couvrant la perte de gain en cas de maladie à une assurance individuelle (consid. 2).