Droit du travail

Art. 1 LECCT, art. 357 CO

Arrêté d’extension ; champ d’application d’une CCT ; secteur principal de la construction. En raison de l’activité de construction qu’elles déploient, les entreprises spécialisées dans l’installation de dispositifs de chauffage géothermique sont réputées appartenir au secteur du génie civil et tombent par conséquent dans le champ d’application de la convention collective de travail pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction, étendue par arrêté du Conseil fédéral.

ATF 139 III 60 (f)

2012-2013

Art. 112 et 357 CO

Effets de la CCT pour les travailleurs non syndiqués ; stipulation pour autrui. Une CCT d’entreprise qui prévoit qu’elle s’applique à tout son personnel (clause d’égalité de traitement) peut être invoquée devant les tribunaux par les employés non syndiqués de l’entreprise signataire. Bien qu’il s’agisse en principe d’une créance de nature contractuelle (à laquelle il pourrait être dérogé par accord des parties), il convient de lui attribuer un effet normatif, en appliquant l’art. 357 CO, du moins par analogie.

TF 4A_67/2013 (f)

2012-2013

Art. 357b CO

Convention collective nationale du secteur principal de la construction (CN) ; amende conventionnelle pour non-respect d’une CCT. Une commission paritaire est en droit d’infliger une amende conventionnelle à une entreprise qui refuse de collaborer à l’établissement des faits permettant de déterminer si elle est ou non soumise à la CCT en question. En l’occurrence, l’entreprise incriminée effectuait des travaux qui relevaient tant du domaine du gros œuvre que de celui du second œuvre, ce qui légitimait la commission paritaire du secteur principal de la construction à chercher à déterminer si l’entreprise était soumise à la CN. Se prétendant soumise à la CCT du second œuvre romand, l’entreprise n’a pas donné suite aux demandes de renseignements de la commission paritaire du secteur principal de la construction. La commission paritaire était alors en droit de lui infliger une amende.

TF 4A_641/2012 (f)

2012-2013

Art. 1, 320 al. 2 CO

Qualification du contrat ; présomption de la conclusion d’un contrat de travail ; acceptation tacite de l’absence de rémunération ; bénévolat. Un contrat de travail est réputé conclu lorsque l’employeur accepte pour un temps donné l’exécution d’un travail qui, selon les circonstances, ne doit être fourni que contre rémunération. Néanmoins, les parties peuvent convenir, même tacitement, que l’activité déployée ne sera pas rémunérée. On se trouve alors en présence d’un contrat de bénévolat et la relation entre les parties échappe aux règles du contrat de travail. C’est le cas en l’espèce pour une gynécologue qui prenait part à des activités du service hospitalier de dermatologie dans un but de formation, alors que des attestations d’activité non rémunérée lui avaient été délivrées et qu’elle n’avait jamais demandé à être payée durant plusieurs années.

TF 4A_183/2012 (d)

2012-2013

Art. 329 al. 3, 329a, 329d CO

But des vacances ; prise du solde de vacances durant le délai de résiliation. Le but des vacances est de permettre au travailleur de se reposer, de se délasser. Les vacances doivent autant que possible être prises en nature. Ce principe vaut a priori également pendant le délai de congé. Ce n’est que lorsque la prise de vacances se révèle impossible que le travailleur peut, à la fin du contrat, percevoir une indemnité en remplacement. En présence d’un long délai de congé et en l’absence du besoin pour le travailleur de chercher un nouvel emploi, l’employeur peut imposer la prise de vacances au travailleur. En l’occurrence, il a été admis que le travailleur, sans être libéré de l’obligation de travailler, a pu prendre 98.5 jours de vacances durant son délai de congé qui était de six mois. Le travailleur, qui occupait un poste de directeur, était proche de l’âge de la retraite et n’a pas fait de démarche pour rechercher un nouvel emploi. Il pouvait donc bénéficier de ses vacances tout à fait normalement.

Art. 332 al. 1 CO

Inventions de service ; rémunération. Une invention faite par le travailleur dans le cadre de son activité est qualifiée d’invention de service. Pour déterminer si l’on est en présence d’une telle invention, il y a lieu de rechercher si celle-ci présente un rapport de connexité étroit avec l’activité du travailleur et si ce dernier est contractuellement obligé de déployer une activité inventive. Une telle obligation peut se déduire des circonstances, et notamment des directives données au salarié, de sa position hiérarchique, de sa rémunération ou des ressources qui sont mises à sa disposition. En l’occurrence, c’est bien le cas des inventions faites par un mécanicien de formation, responsable de fait de l’atelier, dont la rémunération a fortement augmenté après le dépôt de deux brevets par son employeur, qui pouvait disposer de l’aide d’autres collaborateurs et qui était en contact avec le département technique. Une invention de service ne donne en principe droit à aucune rémunération spéciale. Le TF laisse toutefois ouverte la question discutée en doctrine de savoir si une indemnité spéciale serait due lorsque les efforts déployés par le travailleur excèdent ce que l’on est raisonnablement en droit d’attendre de lui.

ATF 138 I 356 (d)

2012-2013

Art. 9 al. 1 let. b, art. 13, 71 let. b LTr ; §§ 2 et 10 de la loi zurichoise sur les honoraires complémentaires des médecins ; rémunération du travail supplémentaire. Le travail supplémentaire effectué par un médecin en chef de l’Hôpital universitaire de Zurich (soumis aux articles 13 et 71 let. b LTr) ne peut pas être compensé par des indemnités (« participation au pool » d’honoraires) prévues par la législation zurichoise. La pratique de l’hôpital afférente aux médecins-chefs est donc contraire à la LTr.

ATF 139 I 57 (f)

2012-2013

Art. 336c al. 1 let. c CO, art. 12 al. 3 LSt/NE

Licenciement d’une collaboratrice enceinte. Pas de protection particulière en cas de grossesse durant la période probatoire (deux ans) prévue dans la Loi neuchâteloise du 28 juin 1995 sur le statut de la fonction publique (LSt), ni de lacune à combler dans cette législation. Pas d’application par analogie du droit privé du travail (protection contre les congés en temps inopportun). Le droit de la fonction publique peut ainsi être plus défavorable que le droit privé sur ce point. Le cas échéant, il incombe au législateur cantonal de remédier à cette situation.

ATF 139 II 7 (i)

2012-2013

Art. 6 LTr, art. 26 OLT3, art. 29 al. 1 Cst., art. 6 par. 1 CEDH

Utilisation abusive des moyens informatiques sur le lieu de travail ; moyens de preuve. L’employeur ne saurait installer un logiciel espion sur l’ordinateur de son employé, à l’insu de celui-ci, afin de vérifier les soupçons d’une utilisation excessive d’Internet à des fins étrangères aux devoirs de fonction pesant sur ce dernier. En agissant de la sorte, il viole le principe de la proportionnalité (pesée des intérêts entre la recherche de la vérité et la protection de la personnalité de l’employé). Illicite, le moyen de preuve obtenu est inutilisable en procédure ; la résiliation immédiate des rapports de travail du fonctionnaire concerné s’avère infondée.

TF 4A_610/2012 (f)

2012-2013

Art. 8 Cst., art. 1 al. 1, 6, 328, 335d, 356 CO

Délocalisation, plan social ; offre unilatérale de l’employeur ; égalité de traitement. Lorsqu’un plan social est proposé de manière unilatérale par l’employeur, cette proposition constitue une offre au sens juridique. Chaque travailleur à qui l’offre est soumise peut accepter le plan social, qui devient alors un complément à son contrat individuel de travail. L’employeur peut choisir, selon des critères raisonnables et non discriminatoires, quels sont les travailleurs qui peuvent bénéficier du plan social ainsi proposé. Les travailleurs à qui l’offre n’est pas soumise ne sauraient pour leur part s’en prévaloir.

ATF 139 II 49 (f)

2012-2013

Art. 27, 28 LTr, art. 47 OLT 2

Travail du dimanche pour le personnel au sol du secteur de la navigation aérienne. Les entreprises que la loi autorise à travailler le dimanche sans autorisation (art. 27 LTr) peuvent bénéficier, en plus, de dérogations minimes accordées par le Seco aux conditions de l’art. 28 LTr. La dérogation tendant à diminuer le nombre annuel minimal de dimanches de congé de 26 à 20 ne saurait être qualifiée de minime. Néanmoins, les circonstances particulières du cas d’espèce amènent le TF à accorder une telle dérogation sur une période limitée.

Art. 4, 18 LTr

Interdiction d’occuper du personnel le dimanche et les jours fériés ; entreprise familiale, personne morale. L’art. 4 LTr, qui soustrait du champ d’application de la loi les travailleurs qui font partie de la famille proche du chef d’entreprise, ne s’applique pas lorsque l’entreprise est une personne morale. Par conséquent, une station-service exploitée sous la forme d’une Sàrl est tenue de respecter l’interdiction d’occuper du personnel le dimanche ou les jours fériés, même si les travailleurs sont membres de la famille de l’un des associés gérants.

TF 4A_268/2012 (f)

2012-2013

Art. 17 al. 2, 17b LTr

Travail de nuit régulier. Le travailleur engagé pour un travail de nuit régulier n’a pas droit à un supplément de salaire en raison du travail nocturne, car le salaire convenu entre les parties est alors présumé tenir déjà compte des désavantages entraînés par le travail de nuit.

TF 4A_595/2012 (d)

2012-2013

Art. 163, 321a, 340, 340c CO

Devoir de fidélité ; prohibition de concurrence ; juste motif ; peine conventionnelle. L’obligation de fidélité résultant de l’art. 321a CO est susceptible d’être élargie contractuellement et sa violation peut être sanctionnée par une peine conventionnelle. Notamment, une clause de prohibition de concurrence peut prévoir qu’elle déploie ses effets pendant et après le contrat. Si en raison d’un motif justifié la résiliation du contrat rend caduque la clause de prohibition de concurrence après la fin des rapports de travail, l’interdiction de concurrence reste néanmoins valable jusqu’au terme du délai de congé.

TF 4A_61/2013 (f)

2012-2013

Art. 305, 321b CO

Obligation de restituer ; prêt à usage consenti par l’employeur. Lorsque l’employeur cède gratuitement l’usage d’une montre avec charge de restitution à son employé, sans que cela ait un lien direct avec l’accomplissement du travail, on est en présence d’un contrat indépendant de prêt à usage. Le travailleur ayant l’obligation de restituer l’objet, il supporte le fardeau de la preuve concernant cette remise. Dans l’hypothèse de la disparition de l’objet prêté, on ne saurait retenir qu’en ne prévoyant pas une procédure spéciale pour la restitution de l’objet, l’employeur ait commis une faute concomitante qui libérerait le travailleur de toute obligation de restitution. Le fait d’avoir remis un décompte final ainsi qu’un certificat de travail ne prive par ailleurs pas l’employeur du droit de réclamer l’objet prêté.

TF 4A_117/2013 (f)

2012-2013

Art. 42 al. 1, 49, 328 CO

Protection de la personnalité ; responsabilité de l’employeur ; faux renseignements ; dommages-intérêts ; tort moral. L’employeur est tenu de respecter la personnalité du travailleur même après la fin des rapports de travail. S’il fournit des renseignements défavorables et inexacts au sujet de son ancien collaborateur, il viole ses obligations contractuelles et engage sa responsabilité. La preuve du dommage incombe au lésé. A ce sujet, il suffit que le travailleur démontre qu’il aurait été engagé si l’ancien employeur n’avait pas fourni au futur employeur potentiel les renseignements incriminés. Point n’est besoin en revanche de démontrer que cet engagement aurait satisfait les deux parties sur le long terme. En ce qui concerne l’indemnité pour tort moral, elle n’est pas conditionnée par une atteinte à la santé psychique, des souffrances étant suffisantes.

TF 4A_680/2012 (f)

2012-2013

Art. 328 CO

Protection de la personnalité ; harcèlement psychologique ou difficulté d’adaptation à des conditions de travail plus exigeantes ? Il n’y a pas harcèlement psychologique du seul fait qu’un conflit existe dans les relations professionnelles, qu’il règne une mauvaise ambiance de travail, ou encore du fait qu’un supérieur hiérarchique n’a pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l’égard de ses collaborateurs.

TF 4A_316/2012 (f)

2012-2013

Art. 336, 336a, 336b CO

Protection étendue contre les licenciements découlant d’une convention collective de travail ; délai de péremption pour réclamer une indemnité ; action judiciaire d’un syndicat. Lorsqu’une convention collective de travail prévoit qu’ « il est interdit de discriminer ou de licencier un employé en raison de son activité exercée en qualité de représentant, de délégué syndical ou de membre des commissions du personnel des employés », il faut considérer, à défaut de sanction spécifique stipulée dans la CCT, qu’un tel congé n’est pas nul, mais abusif au sens de l’art. 336 CO. Il peut donc donner lieu à une indemnité de 6 mois de salaire au maximum, pour autant que le travailleur s’oppose au licenciement durant le délai de congé et qu’il actionne son employeur dans les 180 jours qui suivent la fin des rapports de travail. L’action en justice d’un syndicat ne sauvegarde pas le délai de péremption de 180 jours dont dispose le travailleur pour demander le paiement de l’indemnité pour résiliation abusive.

TF 4A_558/2012 (f)

2012-2013

Art. 336 CO

Motifs du congé ; manque de motivation ; licenciement d’un employé après 12 ans de service, à une année de la retraite. L’employeur doit avoir des égards envers une personne qui est depuis longtemps à son service et chercher une solution moins incisive que le licenciement, ce d’autant plus lorsque le travailleur fournit des prestations plus ou moins satisfaisantes. Le TF relève d’ailleurs à cet égard qu’il est « dans le cours ordinaire de la vie qu’un travailleur se trouvant à une année de la retraite puisse être moins motivé qu’un jeune ».

TF 4A_748/2012 (f)

2012-2013

Art. 336 CO

Motifs du congé ; congé-modification. Le congé donné suite au refus du travailleur de conclure un nouveau contrat de travail redéfinissant ses fonctions en raison d’une restructuration due au rachat de la société employeuse n’est pas abusif en soi. Le TF rappelle ainsi sa jurisprudence selon laquelle le congé-modification n’est abusif qu’à certaines conditions, notamment lorsque l’employeur fait pression sur le travailleur en le menaçant de résiliation pour que celui-ci accepte des conditions de travail défavorables sans respecter le droit impératif.

TF 4A_553/2012 (f)

2012-2013

Art. 324a, 337, 337c CO

Résiliation immédiate ; incapacité de travail ; assurance d’indemnités journalières ; calcul du dommage. Lorsque le licenciement immédiat est injustifié, le travailleur a droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’expiration du délai de congé ordinaire. L’indemnité doit être fixée aussi concrètement que possible. Il est notamment nécessaire de prendre en compte les effets qu’aurait eus une incapacité de travail sur le droit au salaire, y compris l’éventuelle intervention d’une assurance perte de gain découlant d’un régime dérogatoire au sens de l’art. 324a CO.

TF 4A_47/2013 (f)

2012-2013

Art. 44, 321e, 341, 362 CO

Convention portant sur la réparation du dommage causé à l’employeur. Lorsque le travailleur se fait auteur de malversations au détriment de son employeur et des clients de celui-ci, il est tenu de réparer l’intégralité du dommage, ce qui comprend les frais liés à l’engagement d’une fiduciaire en vue de déterminer précisément le dommage. La convention prévoyant que l’employeur se charge lui-même des recherches et que les heures y relatives sont facturées au travailleur « à un tarif raisonnable », ne déroge donc pas à l’art. 321e CO et ne saurait dès lors être invalidée en application des art. 341 et 362 CO.

Art. 322, 322b CO

Bonus ; principe de l’accessoriété ; salaire très élevé. Pour déterminer si un bonus constitue un élément du salaire ou une gratification, on peut notamment se fonder sur le caractère accessoire ou non de cette rétribution spéciale. Dans sa jurisprudence, le TF avait posé que la gratification ne peut avoir qu’une importance secondaire dans la rétribution du travailleur. Ainsi, pour les salaires élevés, n’est pas accessoire un bonus égal ou supérieur au salaire de base. Il en va toutefois encore différemment pour les salariés qui touchent un très haut salaire fixe (CHF 2 mio dans le cas d’espèce). Dans un tel cas, il n’est pas nécessaire d’accorder une protection pour les prestations accessoires et le principe de l’accessoriété n’est plus pertinent.

Art. 322b, 340b al. 2, 349a al. 2 CO

Provisions ; rémunération convenable. Le travailleur rémunéré exclusivement ou principalement sous forme de provisions a droit à une rémunération convenable. L’art. 349a al. 2 CO, qui protège spécifiquement les voyageurs de commerce, doit être appliqué par analogie à tous les contrats individuels de travail. Un revenu mensuel net moyen de CHF 2’000.- pour une activité à plein temps ne représente pas une rémunération convenable au sens de cette disposition. Le travailleur a donc droit à un supplément de salaire que le juge fixera selon son appréciation.