Arbitrage

TF 5A_427/2011

2011-2012

(A. [société slovaque] c. B. [société syrienne])

Recours contre l’arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 20 mai 2011.

L’art. IV(1) let. b de la CNY prévoit que la partie qui se prévaut d’une sentence arbitrale étrangère doit produire, pour en obtenir la reconnaissance et l’exécution, l’original de la convention d’arbitrage « ou une copie réunissant les conditions requises pour son authenticité ». La jurisprudence commande que l’on évite de faire une application excessivement formaliste de cette disposition. En particulier, le grief d’absence d’authentification de la clause compromissoire ne doit pas être retenu lorsque la partie qui l’invoque ne conteste pas l’authenticité de la clause elle-même (consid. 5).

TF 5A_754/2011

2011-2012

(X. [société avec siège en Suisse] SA c. Z. [société avec siège aux Etats-Unis] LLC)

Recours contre la décision de la Cour cantonale de Schwyz du 10 octobre 2011.

Question controversée de la nature impérative ou non de l’exigence, selon l’art. IV(2) CNY, du dépôt d’une traduction certifiée d’une sentence arbitrale rédigée en une langue autre que la ou les langues officielles du pays où la reconnaissance en est demandée. Eu égard à l’objet et au but de la CNY, qui est de faciliter la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, l’art. IV(2) CNY doit être interprété de manière souple, pragmatique et non-formaliste (consid. 5.4).

En l’espèce, la Cour cantonale schwyzoise aurait fait preuve d’un formalisme contraire à l’esprit et au but de la CNY si elle avait refusé de reconnaitre la sentence (en langue anglaise, dont la Cour cantonale avait déclaré posséder une connaissance suffisante pour examiner la sentence à la lumière des dispositions pertinentes de la CNY) au motif que ladite sentence n’était pas accompagnée d’une traduction intégrale, alors que le requérant avait déposé une traduction du dispositif et de la section de la sentence contenant la décision de l’arbitre sur les frais de l’arbitrage, à savoir précisément la section faisant l’objet des griefs de la partie s’opposant à la reconnaissance et exécution de la sentence (consid. 5.5).

ATF 138 III 29

2011-2012

(X.__ c. Y.__ Sàrl)

Recours contre la sentence rendue le 17 mars 2011 par le TAS.

Clause arbitrale dans un contrat de transfert de footballeurs entre un club et une agence de joueurs prévoyant que « [t]he competent instance in case of a dispute concerning this Agreement is the FIFA Commission or the UEFA Commission which will have to decide the dispute that could arise between the club and the agent ». Une clause compromissoire incomplète, peu claire ou contradictoire, est une clause arbitrale dite pathologique. S’il n’est pas possible de constituer le tribunal arbitral en appliquant les dispositions prévues par les parties dans la clause compromissoire, cela n’entraîne pas sans autre la nullité de la clause, pour autant que celle-ci fasse clairement ressortir la volonté des parties de soumettre leurs différends à une juridiction arbitrale à l’exclusion des juridictions étatiques. Il s’agira alors d’interpréter, voire au besoin compléter la clause selon les principes du droit des contrats, afin de dégager une solution qui respecte la volonté des parties de soumettre leurs litiges à une juridiction arbitrale.

Ainsi, l’arbitre (ou le juge) interprétera la clause comme toute déclaration de volonté privée : là où la volonté réelle des parties ne peut pas être établie quant à la procédure d’arbitrage spécifique que les parties envisageaient, il convient d’appliquer la théorie de la confiance ainsi que le principe dit de l’effet utile (consid. 2.2.2).

La nullité partielle peut également être prononcée si une partie de la clause a un objet impossible. Il y a lieu de se demander ce que les parties auraient convenu si elles s’étaient rendu compte du vice partiel au moment où elles ont adopté la clause, et de se fonder sur cette volonté hypothétique pour compléter leur accord dans le sens voulu.

En l’espèce le TAS a retenu, conformément à ces principes, que la clause litigieuse manifestait la volonté des parties de soumettre leur litige à un tribunal arbitral siégeant en Suisse et disposant de connaissances en matière de droit du sport - même si la clause ne contenait pas les mots « arbitrage », « arbitre » ou « tribunal arbitral ». La référence faite à la FIFA et à l’UEFA montre que les parties souhaitaient confier la résolution du litige à une organisation disposant de l’expertise nécessaire en matière de transferts.

Enfin, il sied d’observer que le TAS serait de toute manière compétent pour statuer sur appel contre les décisions rendues dans ce domaine par la Commission décidant des transferts au sein de la FIFA. Compte tenu de ces circonstances, force est de conclure que, si les parties avaient réalisé que les organisations désignées dans la clause compromissoire n’avaient pas compétence pour statuer sur les litiges relatifs à leur accord, elles auraient soumis ces litiges directement au TAS, une institution (d’arbitrage en matière sportive) qui décide régulièrement des affaires de transferts de joueurs (consid. 2.3.2).

Ainsi, c’est à bon droit que le TAS s’est jugé compétent pour statuer sur le litige en question. Recours rejeté.

TF 4A_103/2011

2011-2012

(Association X. [association sportive] c. Y. [société privée qui produit et commercialise du matériel de sport] Limited)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 5 janvier 2011.

Contrat de licence conférant à Y. le droit de produire des équipements de boxe approuvés par X. moyennant le paiement d’une redevance annuelle, contenant une clause compromissoire visant la résolution de tout « disagreement over the interpretation of any terms of this Agreement ».

Contrats non écrits portant sur la vente des mêmes équipements conclus subséquemment entre les parties. La jurisprudence du TF préconise une approche restrictive dans la détermination de la volonté de principe des parties de recourir à l’arbitrage lorsque ce point est contesté (consid. 3.2.1).

En revanche, une fois que l’existence d’une convention d’arbitrage est indubitablement établie, cette même jurisprudence fait preuve de souplesse quant à l’interprétation de sa portée, y compris l’étendue du litige qui en est couvert, en vertu des principes d’utilité et d’économie de la procédure (sans pour autant aller jusqu’à établir une présomption en faveur de la compétence des arbitres).

Le TAS a admis sa compétence pour statuer au sujet de la prétention litigieuse (relative aux contrats de vente d’équipement) en interprétant la clause compromissoire en question en ce sens qu’elle visait tout litige en rapport avec le contrat de licence. Il s’agit là d’une interprétation subjective relevant du fait, qui échappe à l’examen du TF, même dans le cadre du grief tiré du défaut de compétence du tribunal arbitral. Il est généralement admis qu’une clause de ce genre s’étend également aux contrats accessoires ou annexes au contrat dans lequel elle figure, à moins que ceux-ci ne comportent une clause de résolution des litiges de contenu différent.

S’il est vrai que le texte même de la clause en question semble vouloir restreindre son champ d’application aux prétentions fondées directement sur le contrat de licence, sa portée doit être déterminée à la lumière de la jurisprudence pertinente et des circonstances du cas concret. En l’espèce, l’ensemble des circonstances, telles l’étendue et la spécificité des relations contractuelles entre les parties, l’identité des biens faisant l’objet des différents accords, ainsi que l’absence de clauses de résolution de litiges spécifiques dans les contrats de vente conclus de manière informelle à la suite du contrat de licence, conduisent à admettre que la prétention en cause tombait sous le coup de la clause compromissoire insérée dans ce premier contrat (consid. 3.2.2).

Dès lors, c’est à bon droit que le TAS s’est déclaré compétent pour connaître du litige porté devant lui. Recours rejeté.

TF 4A_14/2012

2011-2012

(X.__ GmbH (précédemment V. GmbH) c. Y. __ Sàrl)

Recours contre la sentence rendue par le tribunal ad hoc le 20 novembre 2011.

Une sentence arbitrale est définitive dès sa communication (art. 190 al. 1 LDIP). L’arbitre est, sous réserve de quelques exceptions, functus officio à partir du moment où il a rendu sa sentence. Toutefois, si cette dernière est annulée, une nouvelle situation juridique vient à s’établir, équivalente à celle qui existait avant la communication de la sentence aux parties : celles-ci sont derechef dans l’attente d’une décision finale tranchant leur litige et mettant fin à la procédure arbitrale pendante, et la mission du tribunal est (à nouveau) inachevée. Il n’y a aucune objection de principe à ce que les mêmes arbitres statuent à nouveau lorsque leur sentence finale a été annulée, sauf si la cause de l’annulation était la composition irrégulière ou le défaut de compétence du tribunal. Une base légale expresse à cet effet n’est pas requise (base légale qui, au demeurant, existe en droit de l’arbitrage interne en Suisse, cf. art. 395 al. 2 CPC, dont le TF a déjà indiqué qu’il incarne un principe s’appliquant également en arbitrage international), pour autant que la loi du siège ou l’accord des parties n’excluent pas pareille compétence (consid. 3.1.1).

Cette solution se justifie d’autant plus qu’elle satisfait aux exigences de l’économie de la procédure (consid. 3.1.4).

Partant, c’est à bon droit que le tribunal arbitral s’est estimé compétent pour se prononcer sur la question qu’il avait omis de trancher dans sa première sentence finale, omission ayant conduit à l’annulation de celle-ci. L’usurpation du pouvoir de statuer en équité est une irrégularité qui n’affecte pas la compétence du tribunal. Par conséquent, le grief correspondant n’est pas celui de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. La question de savoir s’il relève de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (violation de l’ordre public), déjà abordée dans la jurisprudence du TF, demeure ouverte (consid. 3.2).

TF 4A_428/2011

2011-2012

(A. [joueur de tennis professionnel affilié à la VTV], B. [joueuse de tennis professionnel affiliée à la VTV] c. Agence Mondiale Antidopage [AMA], Fédération flamande de tennis [VTV])

Recours contre les « sentences partielles » rendues le 10 juin 2011 par le TAS.

De jurisprudence constante, le TF examine avec « bienveillance » le caractère consensuel de l’arbitrage dans les litiges sportifs. On considère désormais la clause d’arbitrage du TAS comme branchentypisch en matière sportive : en effet, il n’y a guère de sport d’élite sans consentement à l’arbitrage du sport (consid. 3.2.3).

Problématique de la concurrence entre le droit national et la réglementation sportive internationale. Au vu de ce qui précède, les recourants, deux joueurs de tennis professionnels, ne peuvent invoquer l’invalidité d’une clause arbitrale TAS (qu’elle soit imposée par la loi ou par les règlements d’une fédération ou autre organisme sportif compétent) « faute d’autonomie » dans sa conclusion. Compétence du TAS fondée sur la réglementation antidopage de la VTV et sur la jurisprudence du TF relative à la clause arbitrale par référence (consid. 3.2.3).

Compétence du TAS pour se saisir des appels de l’AMA : question de l’intérêt à recourir de cette fondation. Dans l’arbitrage atypique, tel l’arbitrage sportif, et plus particulièrement dans les affaires disciplinaires, où la compétence du tribunal arbitral résulte d’un renvoi aux statuts d’une fédération sportive prévoyant l’arbitrage pour résoudre les litiges relatifs à l’application des règles et dispositions légales pertinentes, la question de savoir si une partie est recevable à attaquer la décision d’un organe de la fédération ne concerne pas la compétence (ratione personae) du tribunal arbitral saisi de la cause mais la question de la qualité pour agir, qui elle, est à résoudre en application des règles procédurales pertinentes, application que le TF ne peut pas revoir (consid. 4.1.1).

Procédures parallèles introduites par les recourants devant les juridictions étatiques belges et la Commission européenne. Requête de suspension des procédures initiées par l’AMA devant le TAS (rejetée).

Possibilité de recourir contre une décision de suspendre (ou non) l’arbitrage prise en application de l’art. 186 al. 1 bis LDIP lorsque, en prononçant une telle décision, le tribunal arbitral statue de manière implicite sur sa compétence (ou sur la régularité de sa composition là où celle-ci était contestée). En son état actuel, la jurisprudence admet ce type de recours, mais une partie de la doctrine conteste le bien-fondé de cette approche (consid. 5.1.1).

La question peut être laissée ouverte car, en l’espèce, le grief tiré d’une violation de l’art. 190 al. 1 let. b LDIP est irrecevable pour une autre raison : lorsqu’une décision repose sur plusieurs motivations indépendantes, le recourant doit indiquer en quoi chacune de ces motivations viole le droit. Le TAS a retenu que l’exception de litispendance selon l’art. 186 al. 1 bis LDIP implique le respect de trois conditions cumulatives, qu’il a analysées dans les sentences attaquées avant de conclure qu’elles n’étaient pas réunies en l’espèce.

Pour leur part, les recourants s’en prennent uniquement aux motifs concernant la troisième de ces conditions.

S’agissant de conditions cumulatives, la lacune est rédhibitoire (consid. 5.2.2-5.2.3). Recours rejeté.

TF 4A_488/2011

2011-2012

([Pellizotti] c. UCI, CONI et FCI)

Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 8 mars 2011.

Le non-respect du délai d’appel prévu par le Code TAS (ou des dispositions statutaires ou réglementaires équivalentes) met-il en cause la compétence du TAS ou entraîne-t-il l’irrecevabilité d’un appel déposé tardivement, voire le rejet des prétentions du recourant sur le fond ? Question « délicate », laissée ouverte en l’espèce.

Force est d’observer cependant que le principe selon lequel la validité temporelle de la convention d’arbitrage a trait aux conditions d’exercice de la compétence des arbitres, qui s’applique en matière d’arbitrage de source contractuelle, ne semble pas avoir sa place dans l’arbitrage atypique, tel l’arbitrage sportif, et plus spécifiquement dans les litiges de nature disciplinaire, où la compétence du tribunal arbitral résulte du renvoi aux statuts d’une fédération sportive.

L’opinion doctrinale selon laquelle le délai d’appel devant le TAS doit être considéré comme un délai de péremption (dont le non-respect entraîne, non pas l’incompétence du tribunal arbitral, mais la perte du droit d’entreprendre la décision querellée devant toute instance juridictionnelle, et donc le déboutement de l’appelant) apparaît convaincante prima facie (consid. 4.3.1).

Cf. aussi consid. 6.2 (résumé ci-dessous), sur la notion d’ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP).

TF 4A_654/2011

2011-2012

(Association serbe de football c. M. [entraîneur de football professionnel])

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 23 septembre 2011.

Saisi du grief d’incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables telle l’arbitrabilité du litige, qui déterminent la compétence ou l’incompétence du tribunal arbitral. Comme l’exception d’incompétence, l’exception d’inarbitrabilité doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond (consid. 3.2).

Le législateur suisse a délibérément exclu l’adoption d’une règle conflictuelle pour la détermination de l’arbitrabilité des litiges dans le domaine de l’arbitrage international. L’arbitrabilité au sens de l’art. 177 al. 1 LDIP est exclusivement soumise à une règle matérielle, fondée sur le critère de la « patrimonialité » de la cause. Dans sa jurisprudence, le TF a, il est vrai, envisagé la possibilité de nier l’arbitrabilité de prétentions dont le traitement aurait été réservé exclusivement à une juridiction étatique par des normes étrangères qu’il s’imposerait de prendre en considération sous l’angle de l’ordre public. Toutefois, le recourant ne démontre pas que la disposition du droit international privé serbe à laquelle il se réfère relève de l’ordre public au sens de la jurisprudence du TF et prévoit la compétence exclusive des tribunaux étatiques pour connaître du litige en question (consid. 3.4).

Cf. aussi consid. 5.2 (résumé ci-dessous), sur le grief de décision extra petita (art. 190 al. 2 let. c LDIP). Recours rejeté.

TF 4A_54/2012

2011-2012

(X. [société turque] c. Y. [société américaine] Inc.)

Recours contre la sentence rendue le 8 décembre 2011 par le Tribunal arbitral CCI.

La décision de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI rejetant la demande de récusation visant les trois membres du tribunal après l’annulation de leur première sentence, émanant d’un organisme privé, ne pouvait faire l’objet d’un recours direct au TF. Elle ne lie pas la Haute cour, qui peut revoir librement si les circonstances invoquées à l’appui de la demande de récusation sont de nature à fonder le grief de composition irrégulière du tribunal (consid. 2.1).

--> (sur ce point, et sur la différence de traitement entre les décisions sur récusation émises par les instances compétentes des institutions arbitrales et celles rendues par le juge d’appui, cf. 4A_14/2012 du 2 mai 2012, consid. 2.2.1-2.2.3).

Le même tribunal est en principe compétent pour statuer derechef en cas d’annulation d’une sentence par le TF. Argument de la recourante selon lequel, au vu des circonstances particulières résultant du déroulement de la procédure arbitrale et de l’annulation de leur première sentence, les membres du tribunal n’avaient plus l’indépendance d’esprit nécessaire pour reprendre le dossier sereinement afin de rendre une nouvelle décision. Les arbitres ne pouvant réexaminer que les questions laissées ouvertes dans la décision du TF leur renvoyant la cause suite à l’annulation de leur première sentence (en l’occurrence, un seul point spécifique), étant au surplus liés par cette sentence, le reproche d’un défaut d’impartialité par rapport à l’objet du litige est sans fondement. Par ailleurs, selon la jurisprudence du TF, seules des fautes de procédure particulièrement graves ou répétées, constituant une violation manifeste des obligations du tribunal, sont propres à fonder l’apparence de prévention (consid. 2.2.3).

Recours rejeté.

TF 4A_654/2011

2011-2012

(Association serbe de football c. M. [entraîneur de football professionnel])

Recours (rejeté) contre la sentence rendue par le TAS le 23 septembre 2011.

Le TA n’a pas statué extra petita en allouant une prétention en euros alors que la demande pertinente visait à obtenir un montant exprimé, dans le contrat, en euros convertis en dinars serbes (« in Dinar counter value ») car, ce faisant, il n’a en définitive pas alloué plus ou autre chose que ce qui a été demandé (consid. 5.2).

TF 4A_214/2011

2011-2012

(B.__ Ltd., D.__ Trust, C.__ Ltd., B.__ c. A.__)

Recours contre la sentence finale rendue le 22 février 2011 par l’arbitre unique CCI.

En droit suisse de l’arbitrage, l’arbitre n’est en principe pas lié par les moyens de droit développés par les parties (iura novit curia) (consid. 5.1).

Il n’a pas non plus à les aviser du caractère décisif d’un élément de fait sur lequel il s’apprête à fonder sa décision, pour autant que celui-ci ait été allégué et prouvé selon les règles, et encore moins à les informer, avant de rendre sa sentence, que les éléments de preuve versés au dossier ne suffisent pas à établir un fait décisif (consid. 5.1-5.2).

Recours rejeté.

(U.__, V.__, W.__, X.__ SA c. Y.__, Z.__)

Recours contre les sentences rendues le 30 juin 2011 par l’arbitre unique de la Chambre de commerce de Zurich (arbitrage régi par les Swiss Rules). Le TF ne revoit pas l’appréciation anticipée des preuves par les arbitres, sauf sous l’angle très restreint de l’ordre public (consid. 2.1).

Refus d’accepter un témoignage écrit dont l’arbitre unique a jugé qu’il avait été soumis tardivement et qu’il constituait une mesure probatoire inapte à fonder sa conviction quant à l’allégation factuelle en question, allégation déjà fondée sur des documents versés au dossier de l’arbitrage. Pas de violation du droit d’être entendus des recourants (consid. 2.2).

Recours rejeté.

Cf. aussi TF 4A_682/2011 du 31 mai 2012 (consid. 4.1-4.2).

ATF 138 III 322

2011-2012

(Francelino da Silva Matuzalem c. Fédération Internationale de Football Association [FIFA])

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 29 juin 2011, entérinant une sanction prononcée à l’encontre du joueur par la Commission de discipline de la FIFA, en application de l’art. 64 de son Code disciplinaire.

Non-exécution de l’obligation découlant d’une précédente sentence du TAS, condamnant solidairement le recourant et son nouveau club à payer près d’EUR 12 millions à l’ancien club du joueur. Nouveau club en faillite. Condamnation du joueur à une amende et fixation d’un dernier délai pour effectuer le paiement, assortie de la menace d’interdiction de toute activité professionnelle en relation avec le football, sur simple requête du club créancier. Premier arrêt du TF admettant une violation de l’ordre public matériel depuis l’entrée en vigueur de la LDIP. La liste d’exemples dressée par le TF dans sa jurisprudence pour décrire le contenu de l’ordre public matériel n’est pas exhaustive. Le principe consacré à l’art. 27 al. 2 CC, proscrivant les engagements excessifs au regard des droits de la personnalité, fait bien partie des valeurs essentielles et largement reconnues qui, « selon les conceptions prévalant en Suisse » (ATF 132 III 389, consid. 2.2.3), devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (consid. 4.1).

Une interdiction illimitée d’exercer sa profession constitue une atteinte manifeste et grave aux droits de la personnalité (consid. 4.3.5).

En vertu de la sentence litigieuse, le recourant serait livré à l’arbitraire de son ancien employeur, et sa liberté économique limitée dans une mesure telle que les bases mêmes de sa subsistance s’en trouveraient en péril, sans qu’un tel résultat puisse trouver une justification dans un intérêt prépondérant de la FIFA ou de ses membres (consid. 4.3.4). L’atteinte aux droits de la personnalité qu’elle consacre étant incompatible avec l’ordre public matériel, la sentence attaquée doit être annulée (consid. 4.3.5).

Recours admis.

TF 4A_488/2011

2011-2012

([Pellizotti] c. UCI, CONI et FCI)

Recours contre la sentence rendue par le TAS le 8 mars 2011.

Les critiques formulées par le recourant à l’encontre de la sentence étant relatives à la charge de la preuve et à l’appréciation des preuves en droit privé, ne peuvent être rattachées à la notion (strictement limitée) d’ordre public telle qu’elle a été définie dans la jurisprudence du TF.

L’approche du recourant qui tend à proposer, comme le fait d’ailleurs une partie de la doctrine, d’interpréter cette notion d’ordre public avec moins de rigueur que dans l’arbitrage international « classique » lorsque le litige concerne des sanctions disciplinaires sportives, ne peut être suivie. Il est vrai que le TF a pris en compte les particularités de l’arbitrage sportif à plusieurs reprises dans sa jurisprudence, au sujet de certaines questions de procédure. Toutefois, en faire de même à l’égard du moyen de caractère général tiré de l’incompatibilité avec l’ordre public reviendrait créer une véritable lex sportiva par la voie prétorienne, ce qui ne manquerait pas de soulever des questions en relation avec la répartition des pouvoirs législatif et judiciaire au sein de la Confédération (consid. 6.2).

Recours rejeté.

TF 4A_530/2011

2011-2012

(X. [coureuse de demi-fond] c. Z.[entité publique spécialisée dans la lutte antidopage])

Recours contre la sentence rendue le 26 juillet 2011 par le TAS.

Grief d’incompatibilité de la sentence avec l’ordre public procédural, dont le droit à un tribunal indépendant et impartial au sens de l’art. 30 al. 1 Cst. ferait partie.

Argument selon lequel (i) la procédure de première instance au sein de Z. ainsi que la commission antidopage l’ayant conduite ne satisfont pas aux exigences jurisprudentielles relatives à la garantie d’indépendance et impartialité, et (ii) l’ « effet guérisseur » reconnu à la procédure en appel devant le TAS en vertu de l’art. R57 du Code TAS ne peut opérer de façon à remédier à un tel défaut de la procédure en première instance. Admettre cet effet guérisseur reviendrait, par ailleurs, à faire du TAS une instance unique dotée de pouvoirs illimités.

Recevabilité du grief : la règle voulant qu’un tribunal présente des garanties suffisantes d’indépendance ou impartialité relève de l’art. 190 al. 2 let. a LDIP (désignation irrégulière du tribunal). L’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP n’est qu’une garantie subsidiaire ne pouvant être invoquée que si aucun des moyens prévus à l’art. 190 al. 2 let. a-d n’entre en ligne de compte (consid. 3.2).

A le supposer recevable, le grief ne pourrait qu’être rejeté en application, mutatis mutandis, des remarques formulées par le TF dans son arrêt dans la cause 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 (consid. 6.2), à savoir qu’il n’y a pas de raison de refuser de reconnaître le pouvoir du TAS de revoir les faits et le droit avec pleine cognition, conformément à l’art. R57 al. 1 du Code, et que l’exigence d’une double instance ou d’un double degré de juridiction ne relève pas de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

Recours rejeté.

TF 4A_636/2011

2011-2012

(A. [conducteur de kart polonais] c. Fédération X.__)

Recours contre la sentence du TAS rendue le 15 septembre 2011. Exigence d’un intérêt juridiquement protégé, soit ‑ entre autres ‑ un intérêt pratique et actuel à obtenir l’annulation de la sentence attaquée (Beschewerdelegitimation). Le TF vérifie d’office si cette condition de recevabilité est satisfaite. Il peut renoncer exceptionnellement à cette exigence lorsque le recours soulève une question de principe susceptible de se reproduire dans les mêmes termes, sans qu’il ne soit jamais en mesure de statuer en temps utile, et qu’il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (consid. 2.3.1).

En l’espèce, en s’attaquant au passage de la sentence le condamnant à 18 mois de suspension pour dopage au motif que cette sanction l’empêcherait de pratiquer son sport, le recourant n’établit pas l’existence pour lui d’un intérêt pratique et actuel à l’annulation de la sentence, car la période de suspension était révolue (et donc la sanction contestée purgée) au moment où le recours a été porté devant le TF. Dans la mesure où il porte sur ce point, le recours, à le supposer recevable, est devenu sans objet (consid. 2.3.2). Recours rejeté.

TF 4A_652/2011

2011-2012

(Club X. c. Club Y. SA) Recours contre la sentence rendue par le TAS le 26 septembre 2011. Arbitrage international, régi par le chapitre 12 LDIP, car les parties avaient les deux leur domicile à l’étranger au moment déterminant et n’ont pas fait usage de la faculté d’en exclure l’application de cette loi au profit du CPC (art. 176 al. 2 LDIP). Le recourant a invoqué à l’encontre de la sentence trois motifs prévus non pas par l’art. 190 al. 2 LDIP, mais par l’art. 393 CPC, applicable en matière d’arbitrage interne. Sa tentative de réparer l’erreur dans la réplique doit être rejetée car les parties sont tenues de présenter tous leurs moyens en temps utile, soit avant l’expiration du délai de recours fixé par l’art. 100 LTF, qui n’est pas prolongeable (art. 47 al. 1 LTF). Recours irrecevable.

TF 4A_222/2011

2011-2012

(X. [anciennement W.] c. Club Y.__ )

Demande de révision de la sentence rendue par le TAS le 6 mai 2010.

Délai de déchéance pour le dépôt d’une demande de révision devant le TF : 90 jours suivant la découverte du motif de révision (art. 124 al. 1 let. d LTF).

En l’espèce, contrairement à ce que soutient le recourant, la demande se fonde sur un fait nouveau (car non allégué devant l’instance arbitrale) et non pas sur la découverte de nouveaux moyens de preuve (qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer dans la procédure d’arbitrage).

Le fait en question était à l’évidence connu du recourant plus que 90 jours avant le dépôt de la demande de révision. Celle-ci est donc irrecevable (consid. 2.2).

Cf. aussi TF 4A_570/2011 du 23 juillet 2012 (consid. 4).

TF 4A_232/2012

2011-2012

(Club de basketball X.__ c. Y. [joueuse de basketball professionnelle])

Recours contre la sentence rendue le 4 avril 2012 par le Tribunal arbitral de basketball (BAT).

Convention de renonciation au recours dans la clause arbitrale remplissant manifestement les conditions d’application de l’art. 192 LDIP et de la jurisprudence y relative (consid. 2.1).

Recours irrecevable.

TF 4A_238/2011

2011-2012

(X. [homme d’affaires tunisien] c. Z. [société de droit français] SA)

Recours contre la sentence finale rendue le 9 mars 2011 par le Tribunal arbitral CCI.

Interprétation de la convention de renonciation au recours : droit applicable (question laissée ouverte, consid. 2.2.4.2) ; sens à donner à l’utilisation du terme anglais « appeal » dans cette convention – acception générique (consid. 2.2.1-2.2.4, et décision précédente dans un recours impliquant les mêmes parties et une clause identique, cause 4A_486/2010).

Question, jusqu’à présent restée en suspens dans la jurisprudence du TF, de la conformité de l’exclusion anticipée du recours au sens de l’art. 192 al. 1 LDIP avec le droit à un procès équitable selon l’art. 6 par. 1 CEDH : tranchée par l’affirmative.

S’il est vrai que la renonciation anticipée au droit de recours implique l’impossibilité pour la partie qui a succombé de faire constater par le TF que la sentence querellée a été rendue en violation des garanties procédurales prévues par l’art. 6 par. 1 CEDH, ni la lettre ni l’esprit de cette disposition conventionnelle n’empêchent les parties de renoncer à ces garanties de leur plein gré, à condition qu’une telle renonciation ne soit pas équivoque et ne porte atteinte à aucun intérêt public important. L’art. 192 al. 1 LDIP impose la réalisation de ces conditions puisqu’il requiert que l’exclusion soit expresse et fasse l’objet d’un accord entre les parties.

L’arbitrage étant un mode conventionnel de règlement des litiges par des juges privés, l’on ne voit pas non plus quel intérêt public important pourrait être mis en cause par la renonciation anticipée au recours au sens de cette disposition (consid. 3.1.3-3.2).

TF 4A_360/2011

2011-2012

(X.__ c. Z. [société soumise au droit du Delaware] Inc.)

Recours contre la sentence finale rendue le 26 avril 2011 par l’arbitre unique CCI.

Egalité de traitement et droit d’être entendu.

Cas d’un arbitre unique qui a rendu une sentence sans prendre en considération, par inadvertance, le mémoire après enquêtes déposé par la partie défenderesse (consid. 3).

Le principe de l’égalité de traitement des parties requiert que la procédure soit réglée et conduite de façon à ce que chaque partie bénéficie des mêmes possibilités de faire valoir ses moyens. La procédure au sens de ce principe correspond à la phase de l’instruction de la cause, y compris les débats s’il y en a, à l’exclusion de la délibération des arbitres. Le fait pour les arbitres de ne pas tenir compte d’une règle pertinente ou d’un fait déterminant allégué par une partie ne relève pas de ce moyen car cela reviendrait à introduire par la voie prétorienne le grief d’arbitraire dans l’arbitrage international, où il n’a pas sa place selon la volonté claire du législateur. En l’espèce, l’arbitre unique a permis à chacune des deux parties de déposer un mémoire après enquêtes. Il les a donc traitées avec égalité sur le plan procédural, même s’il n’a pas tenu compte du mémoire après enquêtes de la recourante lors de la rédaction de la sentence. Le grief fondé sur une prétendue inégalité de traitement des parties est donc infondé (consid. 4).

En revanche, la recourante se plaint à juste titre d’une violation de son droit d’être entendue, se fondant sur les mêmes circonstances, car en ignorant totalement son mémoire après enquêtes, l’arbitre unique n’a pas examiné et traité des arguments pertinents pour le sort du litige, qu’elle a développés dans cette écriture (consid. 5.2).

Le droit d’être entendu au sens de l’art. 190 al. 2 let. d LDIP est une garantie formelle : en cas de violation, la sentence doit être annulée, sans égard aux chances de la partie recourante d’obtenir un résultat différent sur la base du ou des moyens qui a ou ont échappé aux arbitres (consid. 5.1 in fine).

Jurisprudence et doctrine admettent la possibilité de l’annulation partielle d’une sentence si l’objet attaqué est indépendant des autres (consid. 6.1).

In casu, la sentence doit être annulée dans sa totalité car le dispositif porte sur des montants globaux, sans distinction entre les différentes prétentions, résultant de calculs effectués en plusieurs devises et intégrant la compensation de certaines créances entre les parties. Cela étant, la nouvelle sentence ne devra (et ne pourra) examiner que les prétentions à l’égard desquelles le recours a été admis (consid. 6.2).

TF 4A_631/2011

2011-2012

(A. Xa.__ c. B.Y.__)

Recours contre la sentence rendue le 9 septembre 2011 par le tribunal siégeant à Zoug.

Convention d’arbitrage stipulant l’exclusion du recours dans un cas où une partie au contrat principal est décédée et son successeur légal, ne s’estimant pas lié par la convention d’arbitrage, conteste la compétence du tribunal arbitral. Articulation expresse d’un principe évoqué obiter dans l’ATF 134 III 260 (consid. 3.2.4) : question des parties liées par la clause de renonciation au recours. Cette renonciation (à la supposer valable) n’est opposable au successeur légal d’une partie que si celui-ci rentre dans le champ d’application ratione personae de la convention d’arbitrage à laquelle est associée la clause de renonciation.

La portée subjective de la convention d’arbitrage (et son éventuelle extension à une partie non signataire) doit donc être examinée d’office, préalablement à toute détermination sur la validité de l’exclusion du recours (consid. 3.1).

Successeur légal lié par la convention d’arbitrage, contenue dans un contrat valablement conclu par un représentant de la partie décédée (consid. 3.1.1-3.1.3).

Renonciation au recours remplissant les conditions de l’art. 192 al. 1 LDIP (consid. 3.2).

Recours irrecevable.