Arbitrage

(X. Inc. [société sise aux Iles Vierges Britanniques] c. Z. Ltd. [société sise à Hong Kong]). Recours contre la sentence rendue le 23 novembre 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.

Le Tribunal arbitral constate dans sa sentence qu’un séquestre a été régulièrement validé par une action en reconnaissance de dette. Le Tribunal fédéral et la doctrine reconnaissent la possibilité pour l’action en validation de séquestre d’être soumise à un tribunal arbitral. Qu’un tribunal arbitral soit compétent pour statuer sur l’existence de la créance formant l’objet de l’action en validation de séquestre et condamner le débiteur à s’exécuter n’implique pas nécessairement qu’il puisse aussi se prononcer sur une conclusion en mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer prise par le créancier demandeur. C’est le contraire qui est vrai. Le prononcé de mainlevée est un incident de pur droit des poursuites qui ressortit exclusivement à une autorité étatique et échappe, partant, à la compétence d’un tribunal arbitral, faute d’arbitrabilité. L’exception d’incompétence du tribunal arbitral doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond, sous peine de forclusion (art. 186 al. 2 LDIP). La question de savoir si l’exception d’inarbitrabillité obéit à la même règle est controversée. En l’espèce, elle peut être laissée ouverte car l’action en reconnaissance de dette est arbitrable (consid. 3.2.2.1), et le chef du dispositif de la sentence où le Tribunal constate, sans en avoir la compétence, que le séquestre a été « valablement validé » est à la fois superflu et sans portée propre. Dès lors, la recourante ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection pour conclure à l’annulation de la sentence sur cette base (consid. 3.2.2.2). Recours rejeté.

(A.[avocat] c. Stiftung B. [Fondation indépendante à but non lucratif de droit allemand]). Recours contre la sentence incidente rendue le 5 octobre 2017 par un Tribunal arbitral ad hoc.

Clause d’arbitrage contenue dans un contrat de mandat conclu entre A. et le feu Dr C., dont la fondation B. était seule héritière, au sujet de la Corporation X. Refus de A. de transférer à B. le certificat d’actions de X. qu’il détenait pour le compte du Dr C. Ce faisant, A. alléguait exercer un droit de rétention découlant de créances dont il était titulaire, en rapport avec le mandat et d’autres accords. Argument de A. selon lequel le Tribunal arbitral n’était pas compétent pour décider de toutes les prétentions à l’origine du droit de rétention. Si l’interprétation de la convention d’arbitrage ne permet pas d’établir l’intention commune des parties, elle doit être interprétée à la lumière du principe de confiance. En l’espèce, malgré le choix d’une formulation peu expansive pour décrire la portée de la clause d’arbitrage (visant les différends « découlant du présent contrat »), rien n’indique que les parties souhaitaient restreindre la compétence du Tribunal arbitral dans leur convention. La clause d’arbitrage contenue dans un contrat s’applique en principe également aux différends relatifs à la formation et à la résiliation de ce contrat, ainsi qu’aux droits accessoires par rapport aux obligations principales résultant du contrat. Le Tribunal arbitral a donc eu raison de se déclarer compétent pour toutes les prétentions du recourant en lien avec le mandat et sa résiliation, y compris les éventuelles créances présentant un tel lien et couvertes par le droit de rétention invoqué par lui (consid. 3.2-3.5). Recours rejeté.

(A. [veuve du défunt chef d’orchestre C.] c. B. GmbH [label de disques, filiale fille du groupe D.]). Recours contre la sentence du 5 octobre 2017 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc.

Reproche fait au Tribunal d’avoir tranché divers points litigieux qui ne lui étaient pas soumis et d’avoir omis de statuer sur d’autres requêtes. Contrairement à ce que soutient la recourante, le Tribunal arbitral a statué uniquement sur les questions qui lui étaient soumises, quitte à donner une définition plus générale de certaines requêtes spécifiques, et – sans jamais accorder d’aliud – il n’a approuvé que partiellement quelques-unes des requêtes de la recourante (consid. 2.2.-2.5). Recours rejeté (voir également le consid. 3.3 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP).

(Société X. c. Z.). Recours contre la sentence finale rendue le 16 avril 2017 par un Tribunal arbitral CCI.

En matière d’arbitrage international, le droit de faire procéder à une expertise, qui est rattaché au droit d’être entendu, est reconnu par le Tribunal fédéral à certaines conditions. La réquisition de l’expertise doit être faite de manière expresse, dans les formes convenues et en temps utile. La partie requérante doit, cas échéant, accepter d’en avancer les frais. L’expertise requise doit porter sur des faits pertinents, c’est-à-dire susceptibles d’influer sur la sentence, et être propre à prouver ces faits. Une requête d’expertise peut, dès lors, être rejetée si elle n’est pas accompagnée des documents et pièces indispensables à l’exécution de la mission de l’expert. Le tribunal arbitral peut refuser l’administration d’une preuve, sans violer le droit d’être entendu, quand bien même les parties la requièrent de concert, lorsque l’une ou l’autre des conditions rappelées ci-dessus n’est pas réalisée (consid. 3.1 et 3.3). Recours rejeté.

(A., B. [deux sociétés apparentées ayant leur siège à Doha] c. Z. [société avec laquelle A. avait conclu un contrat d’agence]). Recours contre la sentence finale rendue le 9 août 2017 par un Arbitre unique CCI.

L’octroi de délais différents aux parties pour soumettre leurs écritures ne constitue pas nécessairement une inégalité de traitement (consid. 3.2.1). Selon la jurisprudence, le tribunal arbitral doit traiter les parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure. Ratione temporis, le champ d’application de cette garantie est limité à la phase de l’instruction, à l’exclusion de celle de la délibération du tribunal. Ainsi, il n’est pas admissible de remettre en cause la décision du tribunal arbitral quant à la répartition des dépens sous l’angle de l’égalité de traitement (consid. 3.2.2). Recours rejeté.

(X. S.P.A [société de droit italien] c. Z. GmbH & Co [société de droit allemand]). Recours contre la sentence finale rendue le 16 août 2017 par un Tribunal arbitral CCI.

Pour permettre au Tribunal arbitral de mener à bien sa mission, un expert est engagé d’abord comme médiateur entre les parties et ensuite, si les parties ne trouvent pas d’accord sur tous les points de leur litige, comme expert judiciaire appelé à répondre aux questions des Arbitres. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir modifié unilatéralement la mission de l’expert, malgré l’accord formel passé avec les parties à ce sujet, et d’avoir refusé de se justifier quant à cette manière de procéder. En réalité, le Tribunal a consulté les parties avant le début de la mission de l’expert, pendant celle-ci, et après que le rapport d’expertise ait été rendu. En outre, les Arbitres ne se sont pas substitués à l’expert en modifiant sa mission, mais se sont cantonnés à fournir des instructions fondées sur des considérations juridiques, dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation anticipée des preuves. Le Tribunal arbitral a agi à juste titre et a ainsi pu éviter une augmentation non nécessaire des frais de la procédure probatoire ; cette dernière avait déjà duré plus de cinq ans durant lesquels les parties avaient à de maintes reprises motivé leurs points de vue respectifs (consid. 3.2.2-3.2.3). Recours rejeté.

( [joueur de football professionnel] c. Z. Ltd [club de football professionnel israélien]) ; Recours contre une sentence rendue le 11 septembre 2017 par le TAS (procédure d’arbitrage ordinaire).

Recours faisant grief à l’Arbitre d’avoir statué sur un autre état de fait que celui que les parties lui avaient soumis. Une inadvertance du tribunal arbitral n’équivaut à une violation du droit d’être entendu que si elle a empêché la partie qui dénonce semblable violation de faire valoir ses arguments et de fournir les éléments de preuve nécessaires sur une question pertinente pour la solution du litige (consid. 3.3). En l’espèce, au vu du raisonnement suivi dans la sentence, les erreurs commises (et expressément reconnues dans la procédure de recours) par l’Arbitre unique n’ont pas eu d’impact sur l’issue du litige (consid. 3.3.3). Confirmation de la jurisprudence selon laquelle le Tribunal fédéral ne partage pas l’opinion doctrinale qui veut que les parties peuvent compléter l’état de fait retenu dans la sentence (seul soumis à la cognition des juges fédéraux au stade du recours) par référence aux preuves présentées dans l’arbitrage, quand bien même celles-ci font partie du dossier de la cause (consid. 3.3.1.2). Recours rejeté.

(A. [veuve du défunt chef d’orchestre C.] c. B. GmbH [label de disques, filiale fille du groupe D.]). Recours contre la sentence du 5 octobre 2017 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc. Le droit des parties à une expertise n’est pas absolu. Le tribunal arbitral n’a pas à entendre l’avis d’un expert pour interpréter des dispositions contractuelles. Cette tâche est du ressort des arbitres et le recours à un expert n’est nécessaire que lorsque le tribunal n’a pas les compétences requises pour procéder à une telle interprétation, ce qui n’était pas le cas en l’espèce (consid. 3.3). Recours rejeté (voir également les consid. 2.2, 2.4 et 2.5 de cet arrêt, résumés ci-dessus en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP).

(République de X. c. A., B., C.). Recours contre la sentence rendue le 16 février 2017 par un Tribunal ad hoc.

Le Tribunal fédéral ne dispose pas d’un pouvoir de cognition illimité dans l’examen du grief de l’incompatibilité de la sentence avec l’ordre public. En particulier, la Haute cour ne peut revoir l’appréciation juridique à laquelle le Tribunal s’est livré sur la base des faits qu’il a constatés dans la sentence. Une interprétation erronée, voire arbitraire, d’une clause d’un traité bilatéral d’investissement ne sera pas sanctionnée si le résultat de cette appréciation juridique souveraine n’est pas incompatible avec l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 3.3.3-3.3.4). Recours déclaré irrecevable pour non-respect de l’exigence de motivation découlant de l’art. 77 al. 3 LTF (consid. 3.3.5).

(K. Limited, L, c. M. Limited, N. Limited). Recours contre la sentence finale rendue le 21 mars 2017 par un Tribunal arbitral CCI.

Avant, puis en parallèle à l’arbitrage initié par les recourants, et malgré les objections de ces derniers, les intimées ont saisi la Haute Cour des Iles Vierges Britanniques et les tribunaux moscovites pour obtenir le remboursement de différents prêts. Elles ont été déboutées par les autorités russes, mais ont obtenu gain de cause devant les juridictions des Iles Vierges Britanniques. Déboutés dans l’arbitrage, les recourants font alors valoir que le Tribunal arbitral n’a pas respecté l’autorité de chose jugée de l’arrêt moscovite, violant ainsi l’ordre public procédural. Un jugement étranger prononcé à l’égard d’une partie ayant dûment soulevé une exception d’arbitrage, sans que la convention d’arbitrage ait été déclarée caduque, inopérante ou non susceptible d’être appliquée, ne peut pas être reconnu en Suisse et ne revêt donc pas l’autorité de la chose jugée (consid. 4.1.2). Les recourants reprochent également au Tribunal arbitral d’avoir rendu sa sentence sans répondre à leur requête de statuer sur l’opportunité de suspendre la procédure sur la base de l’art. 186 al. 1bis LDIP, eu égard à l’existence du jugement moscovite rendu pendant l’arbitrage. En réalité, le Tribunal a rejeté cette requête, à tout le moins implicitement, par une ordonnance dans laquelle, ayant pris note du jugement moscovite, il se déclarait néanmoins compétent à l’égard de toutes les parties pour connaître des prétentions litigieuses. La suspension du procès en cas de litispendance est une règle de compétence dont la violation relève de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Par conséquent, si les recourants étaient mécontents de cette décision, ils auraient dû recourir immédiatement contre l’ordonnance en question, sans attendre la sentence finale (consid. 4.2.2.2). Recours rejeté.

(X. Inc. [société sise aux Iles Vierges Britanniques] c. Z. Ltd. [société sise à Hong Kong]) Recours contre la sentence rendue le 23 novembre 2016 par un Tribunal arbitral statuant sous l’égide de la SCAI.

Voir le consid. 3.2.2.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP.

(X. SA [société de droit suisse] c. Z. [ressortissante chinoise résidant en Grand-Bretagne]).

Demande de révision de la sentence finale rendue le 8 février 2016 par une Arbitre unique statuant sous l’égide de la SCAI. La demande en révision n’étant pas soumise aux règles de l’art. 77 LTF, elle peut être transmise au Tribunal fédéral en vertu de l’art. 48 LTF si elle a été adressée en temps utile à une autorité cantonale incompétente, ici la Cour de justice du canton de Genève (consid. 3). Cela étant, la requérante ne prouve pas avoir respecté le délai de 90 jours à compter de la découverte du motif de révision pour le dépôt de sa demande ad hoc (consid. 4.2). Par ailleurs, la demande se révèle être abusive à plusieurs titres (consid. 4.2) et doit donc être rejetée.

(A. [société de droit russe ] c. B. [société de droit autrichien]) Recours contre la sentence partielle rendue le 28 juillet 2017 par un Tribunal arbitral CNUDCI.

Recours irrecevable dans la mesure où la recourante souhaite obtenir l’annulation de l’ensemble de la sentence, alors que seule une partie du dispositif constitue une décision susceptible de recours immédiat (consid. 2). Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle ; il peut ainsi être imprudent, du point de vue de la recevabilité, de le truffer de citations en langue étrangère, à tel point qu’on en arrive à douter de la langue de rédaction de cette écriture (consid. 3). Recours partiellement irrecevable et, pour le surplus, rejeté.

(République X. c. Z. Plc). Demande en révision de la sentence rendue le 23 décembre 2016 par un Tribunal arbitral CNUDCI.

Selon la jurisprudence, la révision revêt en principe un caractère subsidiaire par rapport au recours en matière civile. Dès lors, si un motif de récusation est découvert avant l’expiration du délai de recours, il serait contraire à la bonne foi d’admettre que ledit motif puisse permettre le dépôt d’une demande en révision, alors que les parties ont expressément renoncé à tout recours (consid. 3.1 et 3.2). Demande de révision irrecevable (voir également les consid. 2.1-2.2 de cet arrêt, résumés ci-dessus en relation avec l’art. 192 al. 1 LDIP).

(A. c. Club B.). Demande en révision de l’arrêt rendu le 5 décembre 2017 par le Tribunal fédéral (4A_592/2017) et de la sentence finale rendue le 4 octobre 2017 par le Tribunal Arbitral du Sport (procédure d’appel).

Courriel du requérant au Tribunal fédéral, s’enquérant de la possibilité de transmettre la demande de révision par voie électronique, et du caractère acceptable ou non d’une traduction du texte de son mémoire de l’anglais au français à l’aide du traducteur Google. La LTF ne permet pas au Tribunal fédéral de donner des conseils ou de fournir des informations aux parties quant à la manière de déposer un recours ou une demande de révision (consid. 2.1 ; 3.2). Dépôt subséquent de la demande de révision en langue anglaise, assortie d’une requête visant à obtenir un délai de plusieurs semaines pour la traduire. Démarche abusive, dès lors que le requérant, pour avoir déjà déposé un mémoire de recours devant le Tribunal fédéral, était bien au courant de l’exigence fixée à l’art. 42 al. 1 LTF en ce qui concerne les langues admissibles pour la rédaction des mémoires destinés à la Haute cour. Demande irrecevable.

(A. et al. c. B) Recours contre la sentence rendue le 18 août 2017 par le TAS (procédure d’arbitrage ordinaire).

Le Tribunal fédéral octroie en principe un délai supplémentaire pour la traduction en une langue officielle d’un recours déposé à l’origine en langue étrangère (art. 42 al. 6 LTF et la jurisprudence y relative, en lien avec l’interdiction du formalisme excessif). Cependant, cette disposition ne peut protéger l’abus de droit commis par le recourant qui soumet sciemment un mémoire en anglais, alors qu’il ressort de cette écriture que son auteur est à connaissance des dispositions régissant les exigences en matière de langues devant le Tribunal fédéral. Recours d’emblée irrecevable.

(FC A. [club de football] c. B. [entraîneur]). Recours contre le jugement rendu le 17 novembre 2017 par la Cour d’appel du Canton de Bâle-Ville.

Contrat liant un club de football à un entraîneur, prévoyant une clause d’arbitrage en faveur du Tribunal arbitral du sport (TAS). Action ouverte par l’entraîneur devant les tribunaux civils bâlois suite à son licenciement par le club. Jugement rendu par le tribunal de première instance, confirmé en appel, reconnaissant les prétentions de l’entraîneur pour licenciement injustifié au sens de l’art. 337c CO. Exception d’arbitrage soulevée par le club. Le Tribunal fédéral a déjà tranché la question de l’arbitrabilité des prétentions relevant du droit du travail en arbitrage interne, peu avant l’entrée en vigueur du CPC, dans l’ATF 136 III 467. Un changement de jurisprudence ne se justifie pas. L’art. 337c CO est de nature impérative. Or selon l’art. 341 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant des dispositions impératives de la loi. Ainsi, de telles prétentions ne sont pas arbitrables, faute de caractère disponible au sens de l’art. 354 CPC. C’est donc à raison que l’instance précédente a rejeté l’exception d’arbitrage soulevée par le club (consid. 2.2). En arbitrage international, les prétentions issues du droit du travail sont en principe arbitrables sans restriction particulière (art. 177 al. 1 LDIP). Au vu de l’objectif de protection des travailleurs poursuivi par le législateur à l’art. 341 al. 1 CO, il est exclu que l’opting-out au sens de l’art. 353 al. 2 CPC permette aux parties de contourner les restrictions à l’arbitrabilité des litiges découlant du droit du travail selon l’art. 354 CPC, en soumettant leur arbitrage au régime international au lieu du régime de l’arbitrage interne (consid. 2.3.3). Recours rejeté.

(A. c. B.). Recours contre l’arrêt du 5 mai 2017 rendu par le Tribunal cantonal de Saint-Gall.

Clause d’arbitrage dans les statuts d’une société (dont A. et B. étaient à l’origine les actionnaires principaux), prévoyant que tous les litiges concernant les affaires sociales (Gesellschaftsangelegenheiten) entre la société, ses actionnaires, les administrateurs ou la direction seraient tranchés par un tribunal arbitral, sous réserve des dispositions légales impératives imposant la compétence du juge étatique. Conclusion ultérieure d’un « Trust Agreement » entre A. et B., par lequel B. (entretemps devenu seul actionnaire et directeur de la société) cédait irrévocablement 50% des actions à A., étant entendu que ces actions seraient détenues en fiducie par B. Le Trust Agreement contenait une clause d’élection de for en faveur des tribunaux Saint-Gallois. Ouverture d’une action par A. contre B., portant sur le paiement d’une créance issue du Trust Agreement, devant le Tribunal de district de Saint-Gall, lequel entrait en matière après avoir écarté l’exception d’arbitrage soulevée par B. Recours de B. devant le Tribunal cantonal, qui lui donnait raison et annulait le jugement de première instance pour défaut de compétence, retenant que le litige tombait sous la clause d’arbitrage statutaire. En vertu de l’art. 107 al. 2 LTF, si le Tribunal fédéral admet le recours, il peut en principe statuer lui-même sur le fond. La partie recourante ne peut dès lors se borner à demander l’annulation de la décision attaquée, mais elle doit également, en principe, prendre des conclusions sur le fond du litige; il n’est fait exception à cette règle que lorsque le Tribunal fédéral, en cas d’admission du recours, ne serait de toute manière pas en situation de statuer lui-même sur le fond et ne pourrait que renvoyer la cause à l’autorité inférieure. Tel est le cas ici, car le Tribunal cantonal ne s’est pas prononcé sur les conclusions du demandeur, ni sur les faits de la cause, reconnaissant de prime abord l’exception d’arbitrage et considérant ainsi expressément pouvoir laisser toutes les autres questions ouvertes. Dans la mesure où il demande l’annulation du jugement cantonal et le renvoi de la cause à l’autorité inférieure, les conclusions de A. sont donc admissibles (consid. 1.2). Selon la jurisprudence, lorsqu’il s’agit d’interpréter des statuts, les méthodes d’interprétation peuvent varier en fonction du type de société. Pour l’interprétation des statuts de grandes sociétés, on recourt plutôt aux méthodes d’interprétation de la loi. Pour celle de statuts de petites sociétés, on se réfère plutôt aux méthodes d’interprétation des contrats, à savoir une interprétation selon le principe de la confiance, l’interprétation subjective n’entrant en considération que si les sociétaires étaient, comme en l’espèce, très peu nombreux. En l’espèce, une interprétation correcte de la clause d’arbitrage permet de conclure que sa portée est limitée aux litiges portant sur les affaires de la société ; elle ne s’étend pas à tous les litiges entre sociétaires. Cela étant, la question de savoir si les statuts peuvent prévoir de soumettre à l’arbitrage les litiges contractuels entre sociétaires peut demeurer ouverte (consid. 3.1-3.4). Recours partiellement admis ; renvoi au Tribunal cantonal pour qu’il statue sur la validité de la clause d’attribution de juridiction et détermine si le présent litige entre dans le champ d’application de ladite clause.

(X. [avocat] c. Z. [avocat, ancien associé de X.]). Recours contre la sentence incidente rendue le 19 juin 2017 par un Arbitre unique ad hoc.

Convention d’association entre X. et Z., avocats à Genève, contenant une clause arbitrale prévoyant qu’en cas de litige, si une négociation ou une médiation devaient se solder par un échec, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats genevois serait nommé comme arbitre unique, et que si ce dernier devait se récuser, un autre arbitre « nécessairement membre du Conseil de l’Ordre des avocats de Genève » serait nommé. A la suite d’un différend et après plusieurs années de procédure au cours desquelles le premier arbitre saisi avait été destitué, et le deuxième avait démissionné, une sentence incidente a été rendue par le dernier arbitre, nommé finalement par le juge d’appui. La décision par laquelle le juge d’appui nomme un arbitre n’est pas susceptible de recours directement ou conjointement à un recours dirigé contre la sentence ultérieure (consid. 2.2.1). Le législateur fédéral n’ayant pas prévu de recours contre cette décision, il est peu probable que cette dernière puisse être frappée de nullité absolue, excepté dans le cas d’un vice gravissime. Il est reconnu de longue date que la liste des situations prévues à l’art. 362 CPC (anciennement art. 12 du Concordat sur l’arbitrage), permettant au juge d’appui de nommer un arbitre, n’est pas exhaustive, nonobstant son texte (consid. 2.2.2.2). Par ailleurs, la décision de nomination par le juge d’appui, rendue en procédure non contentieuse, ne jouit pas de l’autorité de la chose jugée, de sorte que l’arbitre nommé peut ensuite examiner de manière indépendante sa propre compétence. La décision arbitrale incidente rendue sur ce point est sujette à recours immédiat au Tribunal fédéral, pour les motifs prévus aux art. 393 let. a et b CPC, sous peine de forclusion (consid. 2.3.1.2). La clause d’arbitrage litigieuse revêt un caractère pathologique. Elle est incomplète car elle n’envisage pas le cas de figure qui s’est produit en l’espèce, où, lors de la dernière tentative de nomination, le Bâtonnier en exercice ainsi que chacun des membres du Conseil de l’Ordre ont refusé de siéger comme arbitre unique. Pareille circonstance constitue l’une des situations d’impasse dont il convient d’admettre qu’elle justifie une application extensive de la possibilité de nomination de l’arbitre par le juge d’appui selon l’art. 362 al. 1 CPC, comme cela a été fait in casu (consid. 2.3.2.2). Dans la décision sur compétence qu’il a rendue après sa nomination, l’Arbitre unique est parvenu à établir une volonté réelle et concordante des parties de recourir à l’arbitrage. Il a donc pu établir la validité de la convention d’arbitrage même sans la partie, impossible à exécuter en raison du refus des candidats envisagés dans la clause d’agir en tant qu’arbitres (consid. 2.3.2.3). Lorsqu’une décision sur compétence a été rendue par un arbitre destitué par la suite, elle n’a pas besoin d’être réitérée si la destitution n’avait aucun lien avec les motifs de cette décision (consid. 2.4.2). Recours rejeté.

(A., B., C. c. D.). Recours contre la sentence rendue le 18 décembre 2017 par un Tribunal arbitral ad hoc.

Pacte d’actionnaires prévoyant un droit de préemption en cas de départ d’un actionnaire de la société, ainsi qu’une convention d’arbitrage pour tous les litiges relatifs au pacte. Toujours selon le pacte, la valeur de la société est déterminée annuellement par l’organe de révision ou par un auditeur ou expert agréé, nommé à la demande d’une partie, en cas d’opting-out. Chaque partie garde néanmoins le droit de demander à un tribunal arbitral de déterminer la valeur réelle des actions à ses propres frais. En outre, les actionnaires restants pourront racheter les actions d’un actionnaire sortant à 60% de leur valeur ainsi déterminée. Litige sur le prix de rachat des actions de D. suite à sa décision de quitter la société. D. saisit un tribunal arbitral, lui demandant d’évaluer la société et d’ordonner à ses anciens partenaires de lui payer son dû. Les recourants considèrent que le litige ne peut pas être soumis à l’arbitrage car son objet touche au droit du travail, D. étant également un employé de l’entreprise. Le droit de préemption et ses modalités d’exercice sont clairement couverts par la clause d’arbitrage dans le pacte. Ce dernier prévoit également que les circonstances du départ de l’actionnaire sortant doivent être prises en considération. Partant, s’il est vrai que le tribunal arbitral ne peut connaître des prétentions découlant du droit du travail, qui ne sont pas arbitrables, il peut (et doit) néanmoins en tenir compte, dans la mesure où cela est prévu dans le pacte, aux fins de sa décision quant au prix de rachat des actions de D. (consid. 2.1). Recours rejeté.

( c. B. SpA). Recours contre l’arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 19 mai 2017.

Arrêt cantonal rejetant le recours de A. contre une ordonnance du Tribunal de première instance, déclarant exécutoire (en application de la CLug) un jugement rendu par le Tribunal de Lucca, dans une cause opposant A. et B., aux termes duquel une sentence arbitrale émise en Italie à l’encontre de C. et en faveur de B. était également « efficace » vis-à-vis de A. (seul ayant droit économique de C., société-écran dont la personnalité juridique se confondait avec celle de A.). L’autorité cantonale a considéré que le jugement italien constituait une décision au sens de l’art. 32 CLug, et non une simple mesure d’exécution de la sentence arbitrale. En effet, ce jugement avait été rendu à l’issue d’une instruction complète, n’opposait pas les mêmes parties, et statuait sur une question différente de celle soumise aux Arbitres : ceux-ci avaient tranché la question de savoir si C. était tenue au paiement d’une facture émise par B., alors que le Tribunal de Lucca avait tranché celle de savoir si A. était tenu à un tel paiement en raison de son identité avec C. Ainsi, c’est à bon droit que la Cour cantonale a confirmé l’application de la CLug, car, en l’espèce, l’objet de la décision italienne dont l’exequatur est requis n’est pas l’arbitrage en tant que tel mais une question de droit civil matériel que le Tribunal arbitral n’a pas été amené à trancher et qui n’oppose pas les personnes qui étaient parties devant lui. La décision en cause ne sert donc pas à mettre en œuvre l’arbitrage. Partant, la décision italienne entre bien dans le champ d’application de la CLug, et il suit de là que le grief de la violation de l’art. III ss CNY doit être rejeté (consid. 5). Recours rejeté.