Arbitrage

(A. AG [bailleur de bien-fonds] c. B. [société exploitant les bains thermaux sur ces biens-fonds]). Recours contre la sentence finale rendue par un arbitre unique le 7 avril 2020 sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Accords et conventions bilatérales conclus d’une part entre A. (bailleur) et C. (filiale d’un groupe français et locataire), à laquelle B. (société détenue par C.) avait succédé par la suite, et d’autre part entre A. et G. (pour l’obtention d’un crédit de financement), en vue de la rénovation et exploitation d’un complexe thermal situé en Suisse. Les accords conclus entre A. et C. prévoyaient une clé de répartition des subsides qui seraient perçus des communes environnantes, en contrepartie de la mise à disposition de certains bassins pour dispenser des cours de natation à leurs écoliers. Dans une lettre annexée à l’un de leurs contrats, A. et C. avaient estimé que les subsides perçus annuellement à ce titre « se monter[aient] à un minimum de CHF 600’000 ». B. avait initié l’arbitrage pour réclamer à A. le paiement de sa part des subsides qui avaient été versés à celle-ci par la commune de U. entre mars 2017 et mars 2020. Dans sa sentence, l’arbitre unique avait entièrement fait droit aux conclusions de B. L’arbitre avait notamment considéré, sur la base d’une interprétation normative, que A. et B. entendaient se répartir par moitié les subsides reçus, quel que soit le montant de ces subsides. La recourante reproche à l’arbitre unique d’avoir versé dans l’arbitraire, en commettant des « erreurs de lecture » ou en omettant de tenir compte d’éléments au dossier qui selon elle dictaient une solution différente. Contrairement à ce que prétend la recourante, l’arbitre n’a pas ignoré les faits et pièces mis en exergue par elle, mais il a considéré, sur la base des preuves administrées dans l’arbitrage, que les parties n’avaient pas entendu modifier la clé de répartition des subsides dans l’hypothèse où ceux-ci n’atteindraient pas le montant escompté de CHF 600’000 par an. La conclusion à laquelle l’arbitre a abouti n’est pas manifestement réfutée par les pièces citées par la recourante. En réalité, celle-ci tente de remettre en question l’appréciation des preuves opérée par l’arbitre, ce qui n’est pas admissible dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre une sentence arbitrale (consid. 6.1). Recours rejeté.

(B. AG [société suisse de négoce, courtage et extraction de matières premières] c. A. AG [société suisse d’extraction et transformation de matières premières]). Recours contre la sentence rendue le 22 mai 2020 par un Tribunal arbitral siégeant à Zurich sous l’égide de la Chambre de commerce de Zurich. Litige né de contrats pour la vente et la livraison de cuivre. Dans ses arrêts du 19 novembre 2014 (4A_190/2014 ; résumé dans l’édition 2014-2015 de ce recueil) et 11 avril 2016 (4A_426/2015 ; résumé dans l’édition 2015-2016 de ce recueil), le TF avait annulé les deux sentences finales précédemment rendues dans cette affaire par le même Tribunal arbitral. Dans le premier cas, le TF avait considéré que le Tribunal avait violé l’interdiction de l’arbitraire en rendant une sentence dont la motivation était manifestement insuffisante et reposait sur un raisonnement contradictoire. Dans le deuxième cas, le TF avait constaté que le Tribunal arbitral avait rendu une décision pratiquement identique à la première, violant par-là son obligation de statuer dans le sens des considérants de l’arrêt par lequel le TF lui avait renvoyé la première sentence (art. 395 al. 2 CPC), ce qui entraînait une nouvelle annulation de la sentence pour violation de l’arbitraire. L’arrêt ici résumé se prononce sur le recours formé par B. contre la troisième sentence du Tribunal arbitral. La recourante reproche au Tribunal d’avoir encore une fois rendu une sentence arbitraire, en manquant à nouveau de se conformer aux considérants des arrêts de renvoi du TF. Dans cette troisième sentence, le Tribunal arbitral a développé son raisonnement juridique au sujet de la qualification et des conséquences de la résiliation des contrats litigieux par B., notamment en articulant plus en détail son analyse du contexte entourant cette résiliation, et en rattachant la conduite de B., dont il avait jugé qu’elle était abusive, à la catégorie plus précisément définie des cas comportant une disproportion grossière des intérêts en présence (consid. 3.3-3.4). Contrairement à ce que prétend la recourante, le raisonnement du Tribunal arbitral dans cette troisième sentence résiste à l’examen sous l’angle de l’arbitraire (consid. 4). Recours rejeté.

(A. ; B. ; C. ; les héritiers de feu D, à savoir : D1. à D5. ; les héritiers de feu E., à savoir : E1. à E3. [recourants] c. F. ; G. (intimés), et S. & Cie SA ; 2. à 11., 12a. à 12d., 16. à 26. [parties intéressées]). Recours contre la sentence arbitrale du 30 septembre 2019 rendue par un Tribunal arbitral ad hoc avec siège à Genève. Convention d’arbitrage contenue dans un Acte d’association conclu en 1982 (AA 1982) entre les associés-gérants d’une banque privée (Banque H.), stipulant les conditions convenues pour maintenir la présence dans le collège d’au moins un représentant de la branche genevoise de la famille du fondateur de la banque. Plusieurs autres actes d’association avaient été conclus après l’AA 1982, au fil des ans et au gré des entrées et sorties des associés gérants, soit en 1986, 1987 et 1988. Ces AA subséquents contenaient (pour les deux derniers, par renvoi) la même convention d’arbitrage que l’AA 1982 (consid. A). En décembre 2016, F. et G., membres de la branche genevoise et descendants d’un des signataires de l’AA 1982, qui n’avaient pas été admis comme membres du collège des associés, avaient déposé une demande d’arbitrage à l’encontre de 31 défendeurs (comprenant notamment le successeur légal et de nombreux associés présents et passés de la banque), sur la base de la clause compromissoire contenue dans un projet de l’AA 1982 qu’ils avaient découvert en 1999, après le décès de leur aïeul. Sur le fond, F. et G. réclamaient le paiement d’un montant en francs suisses à déterminer par les arbitres, à titre de dédommagement pour le traitement inéquitable et injuste que les défendeurs leur avaient réservé. Les défendeurs, qui avaient produit les AA de 1986, 1987 et 1988 seulement en cours de procédure, avaient contesté la compétence du Tribunal arbitral au motif que la clause d’arbitrage se trouvait dans un acte n’ayant été signé ni par les demandeurs ni par la plupart des défendeurs. Les recourants soutenaient également que les accords conclus entre les associés-gérants de 1982 n’avaient pas été repris dans le cadre des modifications subies ultérieurement par la banque, qui avait entretemps été fusionnée avec une autre banque et dissoute, puis fusionnée avec une troisième banque, avant d’être transformée, en 2014, en société anonyme (S. & Cie). Dans sa sentence du 30 septembre 2019, le Tribunal arbitral s’était déclaré compétent à l’égard des deux demandeurs et de cinq des 31 défendeurs. En bref, le Tribunal avait retenu que la convention d’arbitrage dans l’AA 1982 liait à la fois les demandeurs (non-signataires de l’AA 1982) et les cinq défendeurs qui avaient souscrit (ou consenti) à l’AA 1982 et dont les obligations avaient survécu à la dissolution de la Banque H. (consid. B.). En vertu du principe de la relativité des obligations contractuelles, la convention d’arbitrage incluse dans un contrat ne lie en principe que les cocontractants. Toutefois, la jurisprudence recense diverses hypothèses pouvant conduire à ce qu’une convention d’arbitrage oblige des personnes qui ne l’ont pas signée ou n’y sont pas mentionnées. Il est notamment admis que, sauf convention contraire, le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui parfaite au sens de l’art. 112 al. 2 CO peut déposer une requête d’arbitrage puisqu’il acquiert, vis-à-vis du débiteur (ou promettant), une créance avec tous les droits de préférence et autres droits accessoires rattachés à celle-ci, y compris la clause compromissoire (consid. 3.1). L’article 5 de l’AA 1982 (repris dans les AA 1986, 1987 et 1988) disposait que « les associés autres que ceux de la branche genevoise… s’engage[aient] à maintenir celle-ci dans l’Association en acceptant comme associés, pour autant qu’ils les en jugent dignes et capables, les descendants de […] » et que « [c]ette règle sera[it] notamment observée pour […], F. et G. […], pour autant qu’il [l’eussent souhaité] ». Le Tribunal avait retenu que l’article 5 était une stipulation pour autrui parfaite et irrévocable, ce qui avait notamment pour conséquence que F. et G. avaient le droit d’invoquer la convention d’arbitrage contenue dans les différents AA, même si cette stipulation ne leur conférait pas nécessairement le droit de devenir associés – question de fond qu’il reviendrait au Tribunal de résoudre dans une phase ultérieure de l’arbitrage. Le TF souscrit à la conclusion du Tribunal selon laquelle sa compétence est fondée sur la stipulation pour autrui parfaite dont F. et G. étaient bénéficiaires en vertu des AA. En revanche, le TF considère que le Tribunal arbitral ne peut être suivi lorsqu’il considère que cette stipulation était irrévocable. A cet égard, les défendeurs recourants se plaignent à raison de la violation de la règle supplétive sur le complètement des lacunes des contrats prévu à l’art. 112 al. 3 CO. Selon cette règle, que le Tribunal n’a pas appliquée, une stipulation pour autrui parfaite peut être révoquée ou modifiée aussi longtemps que les bénéficiaires n’ont pas fait valoir leur droit. Etant donné que les parties n’avaient rien prévu dans les AA concernant la révocabilité/irrévocabilité de la stipulation de l’article 5, le Tribunal aurait dû appliquer l’art. 112 al. 3 CO au lieu de rechercher d’emblée la (pseudo) volonté hypothétique des parties sur ce point (consid. 6.3). Les recourants ont également raison lorsqu’ils reprochent au Tribunal d’avoir retenu, sans fondement juridique valable, que l’AA de 1982 avait subsisté à côté des AA subséquents et liait donc toujours ses signataires, en plus des adhérents aux AA subséquents. Il faut bien plutôt retenir que l’AA de 1982 avait été abrogé et remplacé, tour à tour, par les AA 1986, 1987 et 1988, avec la conséquence que la portée subjective de la convention d’arbitrage figurant dans ces AA a pu varier dans le temps. De ce fait, le Tribunal arbitral est compétent seulement vis-à-vis des parties liées par l’AA 1988, soit les deux demandeurs (en tant que bénéficiaires de l’article 5 de l’AA) et les défendeurs signataires de cet AA, soit B., E., A. et C. Le Tribunal n’était pas compétent à l’égard du défendeur D. qui avait quitté le collège des associés avant la conclusion de l’AA 1988, et n’en était pas signataire. Recours partiellement admis ; sentence partiellement annulée, le point (ii) de son dispositif étant réformé en ce qui concerne l’étendue de la compétence ratione personae du Tribunal arbitral.

(A.A. c. B.A.). Recours contre la décision rendue le 15 octobre 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Zurich. Convention conclue entre un père et ses fils, régissant le rachat et l’entretien d’une maison familiale. Clause d’arbitrage prévoyant que l’avocat G., qui avait conseillé les parties lors l’élaboration de la convention, agirait en tant qu’arbitre en cas de différend entre elles, et que, si G. devait être empêché d’assumer cette fonction, son « successeur de bureau » (Büronachfolger) le remplacerait. Un litige survint entre deux des fils (A.A. et B.A.), et B.A. fit appel à G. pour qu’il se prononce en tant qu’arbitre. G. déclara accepter son mandat d’arbitre et nomma Me H. secrétaire du Tribunal. A.A. déposa une demande de récusation à l’encontre de G. auprès de l’Obergericht du Canton Aargau, qui, par décision en date du 20 août 2020, lui donna raison. Récusé, l’arbitre G. informa les parties que son successeur au bureau était Me H. et qu’il lui avait transmis les actes de l’arbitrage. Sur ce, A.A. écrivit en septembre 2020 à H. qu’il n’était pas compétent pour assumer le mandat d’arbitre, qu’il devait retourner les actes de procédure à G., et en détruire toute copie en sa possession. Selon A.A., comme G. était toujours en activité et restait titulaire de son bureau d’avocat, il n’existait pas de « successeur de bureau » qui pouvait reprendre son mandat d’arbitre au sens de la clause d’arbitrage. Le 15 octobre 2020, H. rendit une décision dans laquelle il se constituait en tant qu’arbitre unique et rejetait l’exception d’incompétence soulevée par A.A. Dans son recours au TF, A.A. demande en premier lieu que H. soit déclaré incompétent. Selon lui, il était apparent que son écriture de septembre 2020 ne faisait que signaler qu’il pourrait ultérieurement soulever une exception d’incompétence, qui serait alors formulée en bonne et due forme, mais que, au moment où il avait rédigé cette écriture, A.A. pensait encore que H. n’allait pas assumer le mandat d’arbitre, ou à tout le moins qu’il commencerait par donner l’opportunité aux parties de se prononcer sur la question de sa compétence, avant d’entreprendre toute autre démarche dans la procédure. De plus, A.A. affirme que H. n’avait aucunement démontré être le successeur au bureau de G. au sens de la clause arbitrale, et qu’il était prévenu et ne pouvait pas être considéré indépendant des parties, ayant préalablement agi comme secrétaire du Tribunal aux côtés de l’arbitre G. récusé (consid. 3). Dans ses observations sur le recours, H. affirme qu’il n’avait pas considéré l’écriture de A.A. comme faisant état d’une exception d’incompétence, qu’il ne l’avait donc pas traitée comme telle, et que A.A., qui était assisté d’un avocat, aurait dû attirer son attention sur cette erreur immédiatement après sa décision du 15 octobre 2020. Le TF retient que la décision du 15 octobre 2020 est bel et bien une décision incidente tranchant une contestation au sujet de la compétence et de la régularité de la constitution du Tribunal au sens de l’art. 359 al. 1 CPC (consid. 5.3). En définitive, par cette décision l’arbitre avait déterminé que le fait que l’arbitre G. était encore actif à l’époque de sa récusation n’excluait pas que H. puisse être considéré comme son « successeur de bureau » au sens de la clause d’arbitrage, et que la récusation de l’arbitre G. constituait bien un empêchement propre à provoquer la mise en œuvre du mécanisme de remplacement de l’arbitre G. par son « successeur de bureau », selon les prévisions de cette même clause. Cela étant, devant le TF, A.A. conteste non seulement la compétence mais également l’indépendance de H. Selon l’art. 367 al. 1 CPC un arbitre peut être récusé, entre autres motifs, s’il n’a pas les qualifications convenues entre les parties ou en cas de doutes légitimes quant à son indépendance ou impartialité. L’art. 369 al. 2 CPC prévoit que si les parties n’ont pas convenu d’une procédure particulière à cet effet, et si l’arbitrage est toujours pendant, la demande de récusation, écrite et motivée, doit être adressée à l’arbitre concerné dans les 30 jours à compter de la découverte du motif de récusation. Dans les 30 jours suivant la notification à l’arbitre, la partie requérante peut demander à l’organe désigné par les parties ou, à défaut d’un tel organe, à l’autorité judiciaire compétente, de statuer sur la demande de récusation. La décision de l’organe désigné ou de l’autorité compétente ne peut ensuite être revue « qu’à la faveur d’un recours contre la première sentence attaquable » rendue par l’arbitre contesté. Ainsi, tant que l’arbitrage est pendant, une contestation de la régularité de la composition du Tribunal au motif d’un défaut d’indépendance ne peut pas être soulevée directement devant le TF dans un recours contre une décision arbitrale incidente. Le recours de A.A., qui n’a pas démontré avoir déposé une demande de récusation à l’encontre de H. devant l’autorité compétente (ni que les parties avaient convenu de suivre une procédure autre que celle prévue aux art. 367 CPC en cas de récusation), doit donc être déclaré irrecevable dans la mesure où il repose sur un défaut d’indépendance allégué de H. (consid. 6.2.2). Par ailleurs, la clause arbitrale litigieuse, interprétée à la lumière du principe de la bonne foi, ne se révèle pas être pathologique et la constitution du Tribunal arbitral au moment où la décision litigieuse a été rendue n’apparaît pas avoir été irrégulière, sous réserve du ou des motifs de récusation qui auraient dû être portés devant l’autorité compétente (consid. 8). Voir également le consid. 7 de cet arrêt résumé en relation avec l’art. 393 let. d CPC.

(A.A. c. B.A.). Recours contre la décision rendue le 15 octobre 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Zurich. Récapitulatif des faits présentés ci-dessus, avant le résumé des considérants en lien avec l’art. 393 let. b CPC. Force est de constater que l’arbitre admet, de fait, avoir violé le droit d’être entendu de A.A. puisque, après avoir rendu sa décision rejetant l’exception d’incompétence d’A.A. en octobre 2020, il affirme à présent devant le TF que A.A. aurait dû attirer son attention sur le fait que son écriture de septembre 2020 comportait une exception d’incompétence (consid. 7.1). Le droit d’être entendu est une garantie fondamentale de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Cela étant, le droit d’être entendu n’est pas une fin en soi : lorsque la partie recourante ne parvient pas à démontrer que la violation de son droit d’être entendue a eu un quelconque effet concret sur la procédure, il n’y a pas lieu d’annuler la décision. Le recours de A.A. se révèle être en partie insuffisamment motivé sur ce grief, et en partie fondé sur des arguments qui n’avaient pas été soulevés devant l’arbitre (consid. 7). Recours rejeté.

(A. AG [locataire du bien-fonds sur la base d’un contrat de bail à construction] c. B. AG[propriétaire du terrain du contrat de bail à construction]). Recours contre la décision de clôture rendue le 17 février 2020 par un Tribunal arbitral statuant en application de la St. Galler Schiedsordnung (SGSO). Dans la procédure arbitrale, le Tribunal avait rendu plusieurs décisions, conduit une inspection oculaire du site en question, et tenu une audience au cours de laquelle il avait proposé une solution transactionnelle au litige, que les parties n’avaient pas adoptée. Peu après l’audience, les parties avaient transigé, retiré leurs demandes respectives, et demandé au Tribunal de clore la procédure et rendre une décision sur le montant et l’allocation des frais de l’arbitrage, dont les parties avaient convenu que chacune d’entre elles supporterait la part correspondant à ses demandes. Dans sa décision de clôture, le Tribunal avait fixé ses frais et honoraires et les frais administratifs de la procédure à CHF 58’000 et CHF 2’000 respectivement, et avait alloué ces montants de manière proportionnée à la valeur des demandes principales et reconventionnelle présentées par les parties. La recourante demande au TF d’annuler le point du dispositif fixant les montants des frais de l’arbitrage, montants qu’elle considère manifestement excessifs au sens de l’art. 393 let. f CPC, et de fixer les frais et honoraires des arbitres à CHF 25’000 et les frais administratifs à CHF 400.40, en application du règlement SGSO. Le TF observe que lorsque les parties se sont soumises à un règlement d’arbitrage prévoyant un barème pour les frais et honoraires des arbitres et frais de l’arbitrage, et que, comme en l’espèce, les parties n’ont pas conclu d’accord spécifique modifiant ce barème, l’examen du caractère excessif ou non des honoraires et frais fixés par les arbitres doit être effectué par référence aux prévisions du barème (consid. 3). Il n’est pas contesté que la valeur litigieuse de l’affaire était de CHF 50’000, ce qui la plaçait dans la fourchette « jusqu’à CHF 250’000 » dans le barème SGSO. Ce dernier prévoit que les frais et honoraires d’un tribunal de 3 membres peuvent aller, dans ce cas, d’un minimum de CHF 25’000 à un maximum de CHF 75’000. Le barème prévoit également des ajustements en cas de transaction en cours de procédure ou de décision rendue sans les motifs (réduction de 25% du montant honoraires et frais), ainsi que la prise en compte de facteurs de majoration, lorsque l’affaire exige des étapes procédurales particulières ou est spécialement complexe. Le Tribunal arbitral souligne que la valeur litigieuse n’est pas le seul élément pertinent pour la détermination des honoraires des arbitres. Ses frais et honoraires, fixés à CHF 60’000 se situent à l’intérieur de la fourchette prévue par le règlement et sont justifiés, eu égard aux actes procédure accomplis et compte tenu de la complexité de l’affaire (consid. 2.3). Le TF retient qu’il est possible que l’application cumulée de la réduction consécutive à une transaction et des facteurs justifiant une augmentation des frais et honoraires puisse résulter en un montant supérieur au maximum prévu par le barème pour la valeur litigieuse en question. Ici, le montant maximal selon le barème serait, compte tenu de la transaction, de CHF 56’250 (75% de CHF 75’000) ; le Tribunal a donc excédé ce maximum en fixant ses frais honoraires à CHF 58’000, et il faut examiner si ce dépassement est justifié en l’espèce. Selon le TF, les décisions et mesures procédurales dont le Tribunal a considéré qu’elles justifiaient une augmentation du montant maximum de ses honoraires pour cette affaire n’ont rien d’exceptionnel et ne peuvent donc pas fonder une telle augmentation (consid. 4.3). Dès lors, le montant des frais et honoraires fixé par le Tribunal est excessif et le dispositif correspondant dans sa décision doit être annulé (consid. 4.5). Lorsqu’il admet un recours pour le grief de l’art. 393 let. f CPC, le TF peut réformer la décision des arbitres et fixer lui-même le montant de leurs frais et honoraires, à condition de disposer des faits et informations nécessaires. Tel n’est pas le cas ici ; la cause doit donc être renvoyée au Tribunal arbitral pour qu’il reconsidère sa décision et prenne le soin de calculer ses frais et honoraires en conformité avec les critères prévus par la SGSO. Dans ce contexte, la valeur litigieuse, en tant qu’elle reflète l’importance et portée de l’affaire, doit être prise en compte, et les arbitres doivent s’assurer que le temps qu’ils consacrent à la conduite de la procédure n’est pas disproportionné par rapport à cette valeur (consid. 5.2). Recours admis ; émoluments et dépens mis à la charge des arbitres.

(A. GmbH [société de droit allemand], B. GmbH [société de droit allemand], C. GmbH [société de droit allemand] c. D.D. [veuve et héritière de H.D.], E.D. [descendant et héritier de H.D.], F.D. [descendant et héritier de H.D.], G.D. [descendant et héritier de H.D.]). Recours contre la sentence rendue le 19 mai 2020 par un Tribunal arbitral SCAI avec son siège à Zurich. Introduction, par les recourantes, d’une demande de récusation à l’encontre de l’arbitre nommé par les intimés, à un stade avancé de la procédure arbitrale, soit après la tenue de l’audience d’audition des témoins et plusieurs échanges d’écritures. Démission immédiate de l’arbitre en question, qui niait toutefois les allégations avancées à son encontre. Après la nomination d’un nouvel arbitre, les recourantes avaient demandé que l’ensemble de la procédure arbitrale soit répétée, en argumentant que l’arbitre démissionnaire (par hypothèse partial) avait influencé la procédure et participé à la rédaction du projet de sentence jusqu’à la date de sa démission. Le Tribunal arbitral recomposé avait décidé, en application de l’art. 14 des Swiss Rules, qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, de répéter des étapes de la procédure. Par la suite, le Tribunal recomposé avait rendu une sentence majoritaire, admettant la demande des intimés. Les recourantes, qui invoquent une violation de leur droit à un tribunal régulièrement constitué sur le fondement de l’art. 190 al. 2 let. a LDIP, se méprennent sur la portée et la pertinence de ce grief par rapport au cas d’espèce. En effet, selon la jurisprudence du TF, le Tribunal arbitral visé à l’art. 190 al. 2 let. a LDIP ne peut être que celui qui a rendu la sentence faisant l’objet du recours. Ainsi, si un arbitre est remplacé avant que la sentence arbitrale ne soit rendue, seule la nouvelle composition du Tribunal qui aura effectivement rendu la sentence peut être contestée (consid. 2.3.2). Le chapitre 12 LDIP ne contient pas de disposition indiquant quels principes s’appliquent pour décider du sort des actes de procédure déjà accomplis en cas de remplacement d’un arbitre en cours d’instance. Dans le cas d’espèce, comme le permet l’art. 182 LDIP, les parties ont soumis leur arbitrage à un règlement de procédure qui régit cette question : l’art. 14 Swiss Rules (n.d.a. : édition 2012) prévoit qu’en cas de remplacement d’un arbitre, « la procédure reprend, en règle générale, au stade où l’arbitre remplacé a cessé d’exercer ses fonctions, sauf si le tribunal arbitral en décide autrement ». Le CPC dispose, en son art. 371 al. 3, que dans une telle situation, faute pour les parties de se mettre d’accord, « le Tribunal arbitral reconstitué décide […] dans quelle mesure les actes auxquels a participé l’arbitre remplacé sont réitérés ». Ces dispositions reconnaissent une marge de discrétion au Tribunal reconstitué, lui permettant de décider, en fonction des circonstances et en connaissance de cause, s’il y a lieu de répéter des actes de procédure, étant entendu que cette détermination doit être faite, comme toute autre décision arbitrale, dans le respect du droit d’être entendues et de l’égalité des parties (art. 182 al. 3 LDIP ; consid. 2.3.3). Voir également les consid. 3 et 4.2 de cet arrêt, résumés ci-dessous en relation avec les art. 190 al. 2 let. d et let. e LDIP.

(A.A. Co., Ltd, [société de droit sud-coréen] c. C. Pte. Ltd, [société de droit singapourien], D. Pte. Ltd, [société de droit bangladais ou singapourien], E.E. Company Ltd, [société de droit bangladais], E.F. Ltd, [société de droit bangladais], E.G. Ltd, [société de droit bangladais], H. Ltd, [société de droit bangladais], A.B. Co., Ltd, [société de droit sud-coréen]). Recours contre la sentence rendue le 24 janvier 2020 par un Tribunal CCI avec siège à Genève. Litige issu d’un contrat conclu en 2010 et ayant pour objet la planification, construction et livraison d’une centrale électrique au Bangladesh (ci-après le contrat principal). La société en charge de la réalisation de la centrale, A.B. (fournisseur), avait sous-traité à A.A. (sous-traitant, membre du même groupe), par contrats séparés, la livraison et installation, directement chez les acheteurs (C., D., E.E., E.F, E.G., H.), de plusieurs moteurs diesel destinés à la centrale. Après l’installation, les acheteurs avaient signalé des problèmes techniques au fournisseur, qui avait fait intervenir le sous-traitant. Le sous-traitant s’était rendu chez les acheteurs et avait correspondu avec eux pour tenter de résoudre les dysfonctionnements des moteurs. En 2014, alors que certains problèmes persistaient et des rencontres entre le fournisseur, le sous-traitant et les acheteurs n’avaient pas permis de les résoudre, les acheteurs avaient cessé leurs paiements. En 2018, le fournisseur avait initié une procédure d’arbitrage dirigée contre les acheteurs sur le fondement de la clause d’arbitrage contenue dans le contrat principal, afin de leur réclamer les paiements en souffrance. Les acheteurs avaient requis que le sous-traitant soit joint comme partie à l’arbitrage. Le Tribunal arbitral constitué pour statuer sur le litige avait bifurqué la procédure pour régler en premier lieu la question de sa compétence vis-à-vis du sous-traitant, qui n’était pas signataire du contrat principal. Par sentence intitulée « Partial Final Award on Jurisdiction », le Tribunal s’était déclaré compétent à statuer sur les prétentions des acheteurs vis-à-vis du sous-traitant en relation avec le contrat principal. Les arbitres avaient retenu, sur la base d’une interprétation objective selon les règles de la bonne foi, que le comportement du sous-traitant, et notamment son degré élevé d’implication et participation dans l’exécution du contrat, avait pu raisonnablement induire les acheteurs à conclure qu’il entendait être lié par la convention d’arbitrage contenue dans ce contrat (théorie dite de l’immixtion ; consid. 3.2). Le sous-traitant conteste cette interprétation et le TF lui donne raison. Selon la Haute Cour, le degré d’implication du sous-traitant dans l’exécution du contrat principal n’était qu’une conséquence logique de son rôle dans le projet en vertu du contrat de sous-traitance le liant au fournisseur, de sorte que l’on ne pouvait pas sans autre en déduire sa volonté implicite d’être lié au contrat principal entre le fournisseur et les acheteurs, et par là à la convention d’arbitrage contenue dans ce contrat. Le TF considère en particulier que la situation du sous-traitant dans le cas d’espèce est fondamentalement différente de celle du tiers non-signataire dans l’ATF 129 III 727, où la théorie de l’immixtion avait trouvé application (consid. 3.3). Recours admis, sentence partiellement annulée ; renvoi de la cause au Tribunal arbitral pour qu’il statue à nouveau sur sa compétence.

(A. c. 1. à 26.). Recours contre la sentence rendue le 28 février 2020 par un Tribunal arbitral PCA avec siège à Genève. Litige né entre 26 sociétés (les investisseurs), tout(e)s domicilié(e)s dans l’Union européenne (UE), et le Royaume d’Espagne, suite à la décision du Royaume de mettre un terme aux mesures d’encouragement des installations photovoltaïques pour la production d’électricité. Les investisseurs avaient introduit une procédure d’arbitrage pour obtenir le paiement de dommages-intérêts pour violation du Traité sur la Charte de l’énergie (TCE). Par sentence du 13 octobre 2014, le Tribunal arbitral s’était déclaré compétent pour connaître du litige. Dans cette décision, le Tribunal avait rejeté l’argument de l’Espagne selon lequel les différends intra-communautaires au sujet d’investissements visés par le TCE ne pouvaient pas être résolus par voie d’arbitrage. La sentence sur compétence n’avait pas fait l’objet d’un recours en annulation, ni d’une demande de révision. Poursuivant l’instruction de la cause, le Tribunal avait rendu, en octobre 2019, une ordonnance de procédure (OP 19), écartant la « nouvelle exception d’incompétence » soulevée par l’Espagne. Pour fonder cette nouvelle objection, l’Etat avait invoqué la décision rendue le 6 mars 2018 par la CJUE dans l’affaire Achmea c. Slovaquie (C-284/16), ainsi qu’une communication et une fiche d’information émanant de la Commission européenne, où celle-ci affirmait que l’arbitrage investisseur-Etat prévu par les traités bilatéraux d’investissement conclus entre Etats membres de l’UE n’est pas compatible avec le droit européen. Le Tribunal avait considéré que le jugement de la CJUE et les autres actes émanant de l’UE invoqués par l’Espagne ne modifiaient pas la nature de l’objection déjà écartée dans sa sentence d’octobre 2014, dont les conclusions s’imposaient à lui. L’OP 19 n’avait pas non plus fait l’objet d’un recours ou d’une demande de révision, et l’Espagne n’avait pas soulevé d’objections à son encontre dans la suite de l’arbitrage. En mars 2019, l’Espagne avait demandé au Tribunal arbitral de réexaminer d’office sa compétence, à la lumière de la déclaration signée par vingt-deux Etats membres de l’UE quelques semaines plus tôt (Déclaration des 22). Dans sa sentence finale de février 2020, le Tribunal arbitral avait constaté que l’Espagne avait violé le TCE et l’avait condamnée à payer divers montants aux investisseurs. Lorsqu’un Tribunal arbitral écarte une exception d’incompétence par une sentence séparée, il rend une décision incidente, qui, en vertu de l’art. 190 al. 3 LDIP, doit être entreprise immédiatement, et ne peut être attaquée que pour les motifs tirés de l’art. 190 al. 2 let. a et let. b LDIP (composition irrégulière ou décision incorrecte sur la compétence). Les autres griefs de l’art. 190 al. 2 LDIP peuvent être soulevés contre une décision incidente seulement dans la mesure où il se rapportent strictement et directement aux questions de la composition ou de la compétence du tribunal (consid. 4.2). L’Etat recourant reproche au Tribunal arbitral d’avoir violé son droit d’être entendu et d’avoir méconnu le principe de l’autorité de la chose jugée en refusant d’examiner sa « nouvelle exception d’incompétence » dans l’OP 19. Il sied tout d’abord de relever que, nonobstant sa dénomination, l’OP 19 n’est pas une simple ordonnance de procédure, susceptible d’être modifiée ou rapportée en cours d’instance. Dans cette décision, le Tribunal arbitral a refusé de revenir sur la question de sa compétence et d’ordonner une instruction complémentaire sur ce point, car il a considéré, à juste titre, que le recourant tentait de faire réexaminer la même « exception intracommunautaire » déjà écartée dans la sentence préliminaire sur compétence de 2014. Il s’agit à l’évidence d’une décision incidente sur compétence, par laquelle le Tribunal a confirmé sa sentence préliminaire, et dont rien ne laisse entendre qu’elle revêtirait un caractère provisoire. Dès lors, le recourant aurait pu et dû recourir contre l’OP 19 immédiatement, dans les 30 jours après sa notification. Ce faisant, il aurait pu reprocher au Tribunal d’avoir violé l’art. 190 al. 2 let. b LDIP et, dans ce même recours, soulever ses griefs tirés de la violation des art. 190 al. 2 let. d et e (droit d’être entendu et ordre public, dans sa composante procédurale, en lien avec la question de l’autorité de la chose jugée), griefs qui portent en l’occurrence sur des points intrinsèquement liés à la compétence du Tribunal. N’ayant pas recouru en temps utile, le Recourant est forclos à invoquer ces griefs (consid. 5). Voir également le consid. 6, résumé ci-dessous en lien avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(State of Libya [Litigation Department, Foreign Disputes Committee] c. A. Anonim Şi rketi [société turque]). Recours contre la sentence rendue le 22 mai 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. L’intimée, une société turque, avait participé, depuis 1980, à de nombreux projets de construction dans le cadre de travaux publics en Libye. Suite à des défauts de paiement, elle avait suspendu les travaux dans les années ‘90, puis essayé pendant plusieurs années de recouvrer les montants dus par l’Etat. En 2013, l’Etat (représenté à cette occasion par le ministre adjoint des finances) et l’intimée avaient conclu une transaction pour solde de tout compte (Settlement Agreement), dans laquelle la Libye s’engageait à payer à l’intimée une somme de plus que 5 millions de dinars libyens. En 2016, l’intimée avait introduit une demande d’arbitrage sur le fondement du Traité bilatéral d’investissement entre la Turquie et la Libye (ci-après, le TBI). Dans sa sentence de mai 2020, le Tribunal arbitral statuant sur cette demande avait rejeté les objections juridictionnelles de la Libye et admis sa compétence ; déclaré que l’Etat avait violé son obligation d’accorder un traitement juste et équitable à l’investissement de l’intimée, et condamné le défendeur au paiement dommages-intérêts. En 2018, alors que l’arbitrage était pendant, la Libye avait demandé au Tribunal de Tripoli de déclarer le Settlement Agreement nul et non avenu, ce que cette juridiction avait fait par un jugement de la même année. Devant le TF, l’Etat conteste la compétence du Tribunal arbitral. Le TF relève que, après avoir constaté que l’intimée se prévalait de violations d’obligations contenues dans le TBI et dans le Settlement Agreement (qui n’incluait pas une clause d’arbitrage), le Tribunal arbitral avait statué sur sa compétence en prenant en considération ces deux instruments. Il avait jugé que le Settlement Agreement était valable en droit Libyen et qu’il représentait un investissement protégé par le TBI, lequel trouvait à s’appliquer ratione temporis car il était entré en vigueur en 2011, avant la conclusion du Settlement Agreement. L’Etat objecte que le Tribunal arbitral a appliqué le principe de la compétence-compétence de manière erronée : sachant que le Settlement Agreement ne contenait pas de clause d’arbitrage, l’Etat avait le droit de soumettre la question de sa validité à la juridiction normalement compétente, soit le Tribunal de Tripoli, et à partir du moment où ce dernier était saisi de cette question, les arbitres auraient dû assurer la coordination entre les deux procédures. En refusant de le faire, ils ont contrevenu aux principes de la courtoisie internationale. Selon le TF, l’argumentation de l’Etat ne peut être suivie : les règles applicables en matière de litispendance et de reconnaissance des jugements étrangers sont claires et consacrent la priorité du tribunal premier saisi, dans ce cas le Tribunal arbitral (consid. 4). L’Etat recourant conteste également la compétence ratione materiae du Tribunal, au motif que le Settlement Agreement était nul et ne pouvait donc pas constituer un investissement protégé par le TBI. Le TF rejette les causes de nullité invoquées par l’Etat, notamment le défaut d’autorité du ministre adjoint des finances qui avait signé le Settlement Agreement, et confirme la compétence du Tribunal pour statuer sur les prétentions tirées de cet accord (consid. 5). Enfin, le TF confirme que le litige issu du Settlement Agreement rentrait bien dans le champ d’application temporel du TBI, puisqu’il était né après l’entrée en vigueur de ce traité. Cette interprétation découle sans ambiguïté du texte du Settlement Agreement, dans lequel les parties avaient déclaré qu’il mettait un terme à tous les litiges et procédures préexistantes, de sorte que le seul litige et les seules prétentions soumises au Tribunal arbitral étaient celles résultant de cet accord (consid. 6). Recours rejeté.

(A. c. B.). Recours contre l’arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la IIChambre civile du Tribunale d’appello del Cantone Ticino. Demande de reconnaissance et exécution d’une sentence arbitrale rendue par la Chambre européenne d’arbitrage de Bruxelles. Sentence condamnant A. à payer à B. USD 6’874’283 à titre d’honoraires pour les services rendus par B. en sa qualité de cabinet de conseil représentant A. dans un arbitrage LCIA. Argument selon lequel le Tribunale d’appello aurait violé l’art. 194 LDIP en appliquant la Convention entre la Suisse et la Belgique sur la reconnaissance et l’exécution de décisions judiciaires et de sentences arbitrales du 29 avril 1959 (CSB ; RS 0.276.191.721), au lieu de la CNY, à la reconnaissance et exécution de la sentence arbitrale. La CNY elle-même réserve, en son article VII al. 1, l’application du droit national ou conventionnel plus favorable à la reconnaissance et à l’exécution de la sentence en question, en vertu d’un examen au cas par cas que le juge de la reconnaissance est libre d’effectuer selon les circonstances. Le Message du Conseil fédéral relatif à l’adoption de la CSB avait lui aussi rappelé que les parties restaient libres de choisir si invoquer la CSB ou la CNY en matière de reconnaissance et exécution des sentences arbitrales. Enfin, le TF a déjà eu l’occasion de confirmer qu’en cas de concurrence entre dispositions conventionnelles, la priorité doit être donnée à la convention ou à la disposition rendant possible ou facilitant davantage la reconnaissance ou l’exécution, conformément au but des conventions bi- ou multilatérales en la matière, qui est de faciliter dans toute la mesure du possible la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales (consid. 5). Le Tribunale d’appello n’a pas violé le droit en retenant que les conditions formelles prévues par la CSB pour la reconnaissance et l’exécution de la sentence litigieuse étaient remplies (consid. 6-7). Enfin, la sentence arbitrale ne contrevient pas à la réserve de l’ordre public telle qu’elle s’applique en matière de reconnaissance et exécution des sentences étrangères (effet dit atténué de l’ordre public), même à supposer qu’elle consacre un pactum de palmario contraire au droit suisse (consid. 8). Recours rejeté.

(A. c. B. Ltd). Recours contre l’arrêt de l’Obergericht du Canton de Zurich du 31 octobre 2019. Procédure de mainlevée définitive portant sur une sentence arbitrale LCIA rendue à Londres dans un litige entre une partie étrangère (B.) et une partie suisse (C.) au sujet d’un contrat de financement de procès. La question litigieuse était si A. (ayant succédé à C.) avait valablement résilié le contrat de financement, dans lequel les parties d’origine (B. et C.) avaient convenu que B. apporterait un soutien pécuniaire à C. dans le cadre d’un autre arbitrage (CCI), opposant C. à D., en contrepartie de la moitié du montant remporté en cas de victoire. Pendant l’arbitrage l’opposant à B., C. a fait faillite. Peu après, l’Office des poursuites de Zug avait désigné A., ancien directeur de C., comme cessionnaire des droits de défense et contestation (art. 260 LP) au regard des prétentions en litige dans l’arbitrage. Dans sa sentence rendue deux ans plus tard, le Tribunal LCIA avait retenu que la résiliation du contrat de financement par A. n’était pas valable, avec la conséquence que A. restait redevable envers B. de 50% du montant qui serait éventuellement reconnu à C. (en liquidation) dans l’arbitrage CCI. De plus, le Tribunal LCIA avait condamné A. à payer à B. 74’298.60 GBP à titre de remboursement des frais de l’arbitrage, intérêts en sus. En janvier 2019, B. avait requis la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer qu’il avait fait notifier à A. pour le montant des frais de l’arbitrage avec intérêts. Le juge des poursuites de Horgen avait déclaré la sentence exécutoire et ordonné la mainlevée, puis ce jugement avait été confirmé en appel par l’Obergericht ZH. Dans son recours à l’encontre de cette dernière décision, A. fait valoir essentiellement que le litige était devenu non arbitrable en raison de la faillite de C., de sorte que la sentence LCIA ne pouvait pas être reconnue et exécutée en Suisse, en application de l’art. V(2)(a) CNY. Il sied de rappeler qu’en droit suisse, l’arbitrabilité des litiges internationaux est régie par l’art. 177 LDIP, lequel prévoit que « toute cause de nature patrimoniale » peut faire l’objet d’un arbitrage. Les prétentions pécuniaires sujettes au régime de la faillite sont ainsi en principe arbitrables selon l’art. 177 LDIP, sauf dans la mesure où le litige porte sur les voies d’exécution, domaine réservé des juridictions étatiques (consid. 3.6). Le TF rappelle que selon sa jurisprudence l’action en collocation d’une dette n’est en principe pas arbitrable, compte tenu de ses liens étroits avec la procédure de liquidation de la faillite (consid. 3.8), mais il considère que ce principe n’empêche pas nécessairement d’admettre l’arbitrabilité d’un litige portant sur cette créance lorsque l’arbitrage était déjà un cours au moment où a été ouverte la faillite. Le droit interne suisse (art. 207 LP) prévoit la suspension automatique des procédures judiciaires pendantes en cas de faillite d’une partie, et leur prise en compte dans la procédure d’insolvabilité. La loi aménage la possibilité pour les créanciers de décider s’ils souhaitent assumer les risques inhérents à une procédure en cours, voire de désigner l’un d’entre eux comme titulaire du droit de participer à cette procédure. Toutefois, ce régime ne s’applique pas aux procédures (judiciaires ou arbitrales) étrangères (consid. 3.9-3.10). Le législateur a récemment renoncé à prendre position sur ce point, un choix qu’il a fait de manière délibérée, pour laisser la marge de manœuvre nécessaire au développement d’une jurisprudence adaptée aux cas concrets (consid. 3.11). Il est vrai que le TF a récemment décidé qu’un jugement rendu dans une procédure étrangère déjà pendante au moment de l’ouverture de la faillite ne lie pas sans autre le juge de la collocation suisse, mais cela n’empêche pas, contrairement à ce qu’affirme le recourant, que le jugement puisse être reconnu et exécuté en Suisse. La pratique veut que, en cas de procédure pendante à l’étranger, la prise en considération et coordination requises par l’art. 207 LP soient également mises en place, avant que le jugement étranger ne soit rendu, pour que ce dernier puisse ensuite être reconnu et exécuté en Suisse (consid. 3.12). Sur le vu de cette pratique, il n’est pas exclu qu’une sentence arbitrale étrangère rendue dans une procédure déjà pendante au moment de l’ouverture de la faillite suisse puisse être reconnue et exécutée en Suisse (consid. 3.13). En tout état de cause, l’ouverture de la faillite pendente lite ne peut pas être invoquée comme motif de refus de reconnaissance de la sentence, car cet évènement n’a pas pour effet, en droit suisse, de rendre le litige automatiquement inarbitrable au sens de l’art. V al. 2 a. CNY. Recours rejeté.

(A. Limitada [société de droit xxx] c. B. SA [société de droit xxx]). Recours contre la sentence rendue le 4 mars 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève. Litige opposant une entreprise de construction à sa sous-traitante dans le cadre des travaux pour le bâtiment d’un terminal maritime dans le pays xxx. Sentence retenant que la recourante avait indûment fait appel à des garanties bancaires pendant l’exécution des travaux, et la condamnant rembourser à l’intimée la valeur des montants libérés. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir statué extra petita, et plus précisément d’être sorti du cadre que lui fixaient les conclusions de l’intimée par sa décision d’allouer des sommes exclusivement en USD à titre de restitution des garanties appelées à tort, alors que l’intimée n’avait pas demandé la conversion en USD de la garantie libellée en la devise « xxx ». Le TF relève que l’intimée ne s’était pas limitée à réclamer uniquement la restitution des garanties dans les montants et les devises dans lesquelles celles-ci avaient été libérées. Dans ses conclusions, l’intimée avait en effet demandé que le Tribunal lui accorde 7’947’217’582 xxx et 3’755’269 USD ou, alternativement, « tout autre montant que celui-ci jugerait approprié ». Une telle formulation permettait assurément aux arbitres d’allouer un ou des montant(s) exprimé(s) uniquement en USD, même si l’intimée n’avait pas formulé de requête spécifique et expresse dans ce sens. A cet égard, il n’est pas contesté que l’appel injustifié aux garanties avait obligé l’intimée à conclure un accord de financement, libellé en USD, pour y faire front, ce qui justifiait également que, sur la base des conclusions qui lui étaient soumises, le Tribunal arbitral décide d’allouer à l’intimée la « valeur » exprimée en USD des garanties appelées à tort (consid. 5). Voir également le consid. 6, résumé ci-dessous en lien avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP.

(A. [investisseur turc actionnaire de D.], B. [investisseur turc actionnaire de D.], C. [investisseur turc actionnaire de D.], D. [société anonyme de droit turc active dans le domaine de la construction et dans la production de ciment] c. République Arabe Syrienne). Recours contre la sentence arbitrale rendue le 31 août 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. Sentence retenant que la Syrie avait enfreint ses obligations en vertu du Traité bilatéral d’investissement Syrie-Turquie, et devait indemniser les investisseurs (demandeurs dans l’arbitrage, recourants devant le TF) pour les pertes qu’ils avaient subies en raison du conflit armé qui avait ravagé le pays à partir de 2011. Décision condamnant l’Etat défendeur (intimé devant le TF) à verser la somme de 4,565,469,288.64 livres syriennes (SYP), majoré d’intérêts au taux de 10%, composés sur une base annuelle et courant dès la date de la sentence, avec la faculté pour les recourants d’exiger le paiement de leur créance en dollars étatsuniens (USD) convertis au taux de change appliqué par la Banque centrale syrienne le jour du paiement. Les recourants reprochent au Tribunal de leur avoir alloué une somme en SYP alors que leurs conclusions pécuniaires étaient libellées en USD, c’est-à-dire d’avoir statué extra petita. Dans le cadre du recours contre les sentences arbitrales rendues en Suisse, l’adage ne eat judex ultra vel extra petita partium est fréquemment interprété à la lumière de la jurisprudence relative au droit suisse. Il reflète le principe de l’autonomie privée et son corollaire procédural, la maxime de disposition, qui sont ancrés dans le droit des obligations. Depuis l’entrée en vigueur du Code de procédure civile, la maxime de disposition est consacrée à l’art. 58 CPC : elle s’oppose à ce que le juge émette une condamnation pécuniaire dans une monnaie autre que celle utilisée dans les conclusions du demandeur (consid. 5.3-5.4). Dans le cas d’espèce, les recourants ont formulé toutes leurs prétentions en USD : il faut dès lors reconnaître que, techniquement, le Tribunal leur a alloué un aliud, c’est-à-dire qu’il a décidé extra petita, en fixant le montant dû en SYP. Les singularités de la situation font toutefois qu’il n’y a pas lieu d’annuler la sentence. D’une part, il faut reconnaître que la question de la monnaie d’indemnisation, inévitable dans les litiges internationaux relatifs à la protection des investissements, ne fait pas l’objet de règles générales bien définies. Ainsi, sous réserve des dispositions plus ou moins spécifiques qu’on peut trouver dans le(s) traité(s) applicable(s), les arbitres disposent de latitude à cet égard. Il n’est en tout cas pas certain que la maxime de disposition s’applique en droit international avec la même rigueur qu’en droit suisse. La question peut de toute manière rester indécise, car les recourants ne justifient pas d’un intérêt digne de protection à obtenir l’annulation de la sentence (art. 76 al. 1 let. b LTF). Compte tenu du rejet du grief de la contrariété à l’ordre public de la décision des arbitres d’allouer l’indemnité en SYP (cf. le résumé des consid. 4 ci-dessous, en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP), ainsi que des circonstances particulières de cette affaire, l’intérêt des recourants à formuler une nouvelle demande après l’annulation de la sentence attaquée n’est pas démontré (consid. 5). Grief irrecevable.

(A. c/o X. [investisseur indien], B. c/o X. [investisseur indien] c. République de C. [Etat partie à un traité d’investissement bilatéral]). Recours contre la sentence (Award on Costs) rendue le 17 février 2020 par un Tribunal arbitral CNUDCI avec siège à Genève. Faute de paiement de l’avance de frais requise, le Tribunal avait clos la procédure, fixé les frais de l’arbitrage et statué sur les dépens. Argument des recourants selon lequel ils n’avaient pas disposé du temps nécessaire pour répondre à la « requête sur les coûts » déposée par la partie adverse, compte tenu du fait qu’ils n’étaient plus représentés par leurs conseils. Le TF retient que les recourants avaient bénéficié d’une prolongation de délai et d’une période de plus qu’un mois et demi pour se déterminer sur cette écriture. De plus, la sentence constate que les conseils en question n’avaient résilié leur mandat qu’après l’échéance du délai pour répondre à la requête, ce que les recourants ont reconnu. Dans ces circonstances, les recourants ont bel et bien disposé du temps nécessaire pour se déterminer sur cette requête (consid. 5.2). La garantie du droit d’être entendu n’implique pas, en matière d’arbitrage, un droit absolu à un double échange d’écritures, pour autant que le demandeur ait la possibilité de se déterminer sous une forme ou une autre sur les moyens articulés par le défendeur en second lieu. Ainsi, lorsqu’une partie dépose une écriture spontanée, le Tribunal arbitral n’est pas dans l’obligation d’impartir eo ipso un délai à l’autre partie pour dupliquer. Celle-ci est libre de faire usage, à l’instar de sa partie adverse, de son droit de se déterminer spontanément sur l’écriture déposée, ou de requérir la fixation d’un délai pour se déterminer, ou encore de se plaindre auprès du Tribunal si elle estime que celui-ci devrait lui accorder la possibilité de dupliquer. Les recourants, qui n’ont effectué aucune démarche dans ce sens pendant les deux mois qui se sont écoulés entre le dépôt de l’écriture de l’intimée et le prononcé de la sentence, adoptent un comportement contraire à la bonne foi. Ils auraient pu et dû invoquer ce prétendu vice de procédure en cours d’arbitrage (consid. 5.4). Voir également le consid. 6, résumé ci-dessus en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(A. Limitada [société de droit xxx] c. B. SA [société de droit xxx]). Recours contre la sentence rendue le 4 mars 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève. Récapitulatif des faits présentés ci-dessus, avant le résumé des considérants en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP. La recourante reproche au Tribunal d’avoir procédé de façon surprenante à la conversion en USD d’un montant réclamé qui, dans les écritures, était libellé en une autre monnaie, sans que l’intimée ne demande une telle conversion, et sans permettre aux parties de s’exprimer sur ce point au préalable. Le TF retient que le Tribunal n’a pas ignoré que le montant en question était libellé en devise « xxx » en non en USD. Cependant, les conclusions de l’intimée lui donnaient la latitude nécessaire pour procéder de cette manière (cf. consid. 5, résumé ci-dessus en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c), et il ressort de la sentence que les problématiques relatives à la conversion en USD du montant litigieux et aux différents taux de conversion envisageables à cette fin avaient bien été abordées en cours de procédure, même si elles l’avaient été en lien avec une question préalable autre que celle du montant final à allouer à l’intimée (consid. 6). Recours rejeté.

(A. GmbH [société de droit allemand], B. GmbH [société de droit allemand], C. GmbH [société de droit allemand] c. D.D. [veuve et héritière de H.D.], E.D. [descendant et héritier de H.D.], F.D. [descendant et héritier de H.D.], G.D. [descendant et héritier de H.D.]). Recours contre la sentence rendue le 19 mai 2020 par un Tribunal arbitral SCAI ayant son siège à Zurich. Tribunal reconstitué après la démission d’un arbitre à un stade avancé de la procédure. Les recourantes reprochent au Tribunal arbitral nouvellement constitué d’avoir violé leur droit d’être entendues par son refus de répéter les actes de procédure déjà accomplis, y compris l’audition de témoins, avec la participation de l’arbitre démissionnaire. Cependant, il apparaît à la lecture du résumé de la procédure dans la sentence qu’une fois reconstitué et avant de rendre sa sentence, le Tribunal arbitral avait bien accordé aux recourantes la possibilité de se prononcer sur cette question. Par ailleurs, les recourantes reconnaissent elles-mêmes qu’un Tribunal reconstitué n’a pas besoin de répéter la procédure dans la mesure où l’arbitre remplaçant a la possibilité de se former une opinion, de manière adéquate et équitable, sur les questions pertinentes pour l’issue du litige. Or, en l’espèce, le nouvel arbitre – informé des reproches formulés à l’encontre de son prédécesseur et après avoir pris connaissance du procès-verbal de l’audience et du dossier de la cause – a décidé, de commun accord avec les autres membres du Tribunal, qu’il n’y avait pas lieu de répéter les actes de procédure déjà accomplis. Enfin, compte tenu du fait que le Tribunal arbitral a tranché le litige sur la base d’une interprétation objective du contrat, le cas présent ne comporte pas une situation dans laquelle la perception directe et immédiate des éléments probatoires par l’arbitre remplaçant (par exemple, l’appréciation de la crédibilité d’un témoin) aurait été déterminante. Ainsi, le Tribunal arbitral n’a pas violé le droit d’être entendues des recourantes (consid. 3). Voir également le consid. 4.2 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(A. [acheteur de gaz naturel] c. B. [fournisseur de gaz naturel]). Recours contre la sentence rendue le 18 juin 2020 par un Tribunal arbitral CCI avec siège à Genève. Litige issu de deux contrats pour l’achat et la livraison de gaz naturel, conclus en 1995 et 1997 pour une période de vingt-cinq ans, entre la National Iranian Gas Company (NIGC, ou A. dans le rubrum de l’arrêt) et Türkmengaz, une société détenue par l’Etat du Turkménistan (B. dans le rubrum de l’arrêt). Au fil des ans, les parties avaient adapté les contrats par plusieurs avenants. NIGC avait fait défaut sur un certain nombre de paiements, notamment à cause de l’impact des sanctions internationales imposées par les Etats-Unis et l’UE à l’encontre de l’Iran à partir de 2012. Le 1er janvier 2017, Türkmengaz avait suspendu les livraisons en raison des retards de paiement de NIGC. En mars 2017, NIGC avait déclaré qu’elle n’effectuerait plus de paiements au titre des contrats. Fin 2017, Türkmengaz avait initié une procédure d’arbitrage conformément à la clause compromissoire contenue dans les contrats, sur quoi NIGC avait présenté des demandes reconventionnelles. Dans sa sentence, le Tribunal arbitral avait condamné NIGC à payer les montants en souffrance à partir du 31 décembre 2016. Il avait également retenu que Türkmengaz avait manqué à ses obligations d’ajuster le prix du gaz en raison de défauts de qualité et que sa décision de suspendre les livraisons en janvier 2017 était en violation des contrats ; pour ces motifs, le Tribunal avait reconnu en partie les prétentions soulevées par NIGC à titre reconventionnel. La recourante reproche au Tribunal arbitral d’avoir violé son droit d’être entendue, et plus précisément d’avoir fondé sa sentence sur un motif imprévisible, en prenant l’initiative d’examiner la question de la validité de la suspension des livraisons à un date postérieure par rapport au moment où l’intimée avait définitivement cessé de fournir le gaz, sans avoir interpellé les parties sur ce point, qu’elles n’avaient pas plaidé (consid. 5.3). La recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle invoque l’effet de surprise, même s’il est vrai que les parties ont focalisé leur attention sur la suspension des livraisons au 1er janvier 2017. En effet, il faut bien tenir compte du fait que la recourante avait également requis du Tribunal qu’il ordonne à l’intimée de reprendre immédiatement les livraisons, jusqu’au terme des contrats, et que l’intimée avait conclu, à titre reconventionnel, au rejet intégral des conclusions de la recourante. Dès lors, le Tribunal devait, afin de statuer sur ces prétentions, déterminer si l’intimée était légitimée à ne plus fournir de gaz non seulement au 1er janvier 2017, mais aussi tout au long de la période visée par les conclusions des parties. Le fait que le Tribunal ait retenu une date différente de celle avancée par les parties comme moment à partir duquel la cessation des livraisons était justifiée n’a rien d’imprévisible, s’agissant d’une affaire complexe, commandant aux parties d’examiner l’ensemble des scénarios envisageables. Par ailleurs, les documents sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour déterminer la date à partir de laquelle la cessation des livraisons était légitime ont été produits par les parties, qui ont eu tout le loisir de s’exprimer à leur sujet en cours d’instance. La recourante fait valoir que les parties elles-mêmes ne s’étaient pas prévalues de ces documents pour déterminer le moment à partir duquel la suspension des livraisons était justifiée. Toutefois, le droit d’entre entendu n’exige pas des arbitres qu’ils sollicitent des parties une prise de position sur la portée de chacune des pièces produites. Bien au contraire, le Tribunal arbitral doit pouvoir apprécier les preuves produites par les parties de manière autonome (consid. 5.4). Les considérants 6 et 7, rejetant les griefs d’ultra petita (art. 190 al. 2 let. c LDIP) et de la violation de l’ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP) ne sont pas résumés dans cette chronique. Recours rejeté.

(A. [actionnaire du groupe G. via Société B.], Société B. [société mauricienne] c. Z. Ltd [société de droit mauricien et investisseur du groupe G.]). Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2020 par un Tribunal arbitral LCIA avec siège à Genève. Dans un litige ayant donné lieu à plusieurs procédures parallèles, y compris devant la High Court of England and Wales (EWHC), après avoir suspendu l’arbitrage jusqu’à droit connu dans la procédure devant la cour anglaise, le Tribunal arbitral avait rendu une première sentence en mai 2018. Dans cette sentence, le Tribunal avait incorporé le contenu d’une « décision par consentement » préparée par l’intimée et agréée par les recourants, qui reflétait des pans du jugement de la EWHC. Après cette sentence, la procédure arbitrale s’était poursuivie : l’intimée avait partiellement modifié et complété ses conclusions, le Tribunal avait rendu une sentence partielle en novembre 2018, puis tenu une audience par vidéo-conférence en mai 2020, et finalement rendu sa sentence finale en septembre 2020. Les recourants reprochent au Tribunal arbitral, en premier lieu, de leur avoir refusé un report de l’audience de quelques semaines et de les avoir ainsi privés de la possibilité de présenter leur défense et de contre-interroger les témoins de la partie adverse, nonobstant leurs requêtes réitérées, provoquées par la crise sanitaire et les circonstances exceptionnelles résultant de la pandémie du COVID. Le TF relève que les recourants ont été consultés à plusieurs reprises au sujet du calendrier procédural de l’arbitrage. Après s’être opposés à la date d’audience proposée par l’intimée, ils avaient requis la clôture de la procédure au motif que la majorité des prétentions de l’intimée avaient été tranchées par la EWHC et que les demandes restantes devaient plutôt être traitées dans un autre arbitrage. Dans les mois précédant la tenue de l’audience, les recourants avaient changé de conseil, puis leur nouvelle étude avait annoncé qu’elle avait cessé de les représenter. Peu après, alors que le Tribunal venait de proposer de tenir l’audience par vidéo-conférence pour parer aux difficultés résultant de la crise sanitaire, les recourants avaient encore soulevé des objections et maintenu leur requête de clôture de l’arbitrage. Le Tribunal avait refusé de reconsidérer sa décision de rejet de la requête de clôture et avait fixé la date de l’audience par vidéo-conférence, qu’il avait ensuite reportée de 2 semaines à la demande de l’intimée. Le recourants n’avaient pas participé aux essais techniques pour la vidéo-conférence et aux échanges de correspondance y relatifs, pas plus qu’ils n’avaient déposé de mémoire en réponse, ou répondu aux interpellations du Tribunal au sujet de leur intention de participer à l’audience. Tard le soir de la veille de l’audience, un ancien avocat des recourants avait annoncé qu’il les représentait à nouveau et sollicité un report. L’audience s’était tenue comme prévu le lendemain, sans la participation des recourants (leur nouveau conseil s’étant limité à comparaître au début de la session pour en demander encore une fois le report, demande derechef refusée par le Tribunal). A l’issue de l’audience, le Tribunal avait clôturé la procédure, sous réserve des écritures à déposer par les parties au sujet des frais de l’arbitrage, puis il avait rendu sa sentence finale. Le TF observe que les recourants ont attendu le prononcé de la sentence pour se plaindre du rejet de leur demande de report d’audience, au lieu de solliciter la tenue d’une nouvelle audience en cours de procédure. Cependant, leur comportement ne contrevient pas nécessairement aux règles de la bonne foi, sachant que le Tribunal a clôturé la procédure à l’issue même de l’audience (consid. 5.4). Quoi qu’il en soit, force est de constater que les recourants ont causé des retards contraires à l’exigence de célérité de l’arbitrage tout au long de la procédure, en invoquant des difficultés logistiques non mieux précisées. Ils n’établissent pas avoir été empêchés de déposer une réponse et des déclarations de témoins, et n’expliquent pas ce qui les a retenus de se manifester et d’exposer leurs difficultés lorsque le Tribunal les interpellait. Par ailleurs, dans leur recours, ils ne cherchent pas à démontrer quels éléments de preuve, ou quels arguments de fait ou de droit pertinents ils auraient pu présenter s’ils avaient bénéficié du report demandé. Dans cette configuration, le Tribunal pouvait refuser le report de l’audience sans enfreindre le droit d’être entendus des recourants (consid. 5.5). Quant à l’argument selon lequel un report d’audience aurait été accordé à l’intimée en violation du principe de l’égalité de traitement, le TF relève que l’intimée a activement collaboré à l’avancement de la procédure et n’a demandé un report de la date d’audience qu’en réponse à la question du Tribunal, qui avait invité les deux parties à lui signaler si des ajustements étaient nécessaires par rapport à la date initialement retenue. Après avoir modifié la date à la demande de l’intimée, le Tribunal avait encore recommandé aux deux parties de lui signaler dès que possible d’éventuelles difficultés liées à la nouvelle date. Les recourants n’avaient pas réagi. Dans ces conditions, le fait que le Tribunal ait accordé le report demandé par l’intimée alors qu’il avait refusé celui requis par les recourants ne représente pas une inégalité de traitement des parties (consid. 5.6). Voir également le consid. 6 de cet arrêt, résumé ci-dessous en relation avec l’art. 190 al. 2 let. e LDIP.

(Stiftung A. [fondation privée de droit liechtensteinois] c. B. Inc. [société de droit seychellois]). Recours contre l’arrêt rendu le 12 mars 2020 par l’Obergericht du canton de Zurich. Contrat de prêt (Loan Agreement) contenant une convention d’arbitrage, conclu entre la société B. et C., une Limited Partnership écossaise, et contresigné par la fondation A., en sa capacité de General Partner de C., et par D., représentant légal (habilité à la signature) de A. et C. La recourante reproche à l’Obergericht d’avoir retenu à tort qu’elle était liée par la convention d’arbitrage dans le Loan Agreement. Conformément à l’art. 7 LDIP, le juge étatique saisi d’une exception d’arbitrage en faveur d’un tribunal arbitral ayant son siège en Suisse examine la validité et l’étendue de la clause d’arbitrage invoquée seulement de manière sommaire (consid. 3). La question de savoir si la jurisprudence relative à l’extension de la convention d’arbitrage en cas de reprise de dette cumulative peut s’appliquer sans autre dans une situation où la reprise de dette n’est pas contractuelle mais dictée par la loi, n’a pas ici besoin d’être tranchée. La convention d’arbitrage est prima facie valable, et la recourante, dont le représentant autorisé avait signé le contrat, était censée en avoir connaissance. C’est donc à bon droit que l’Obergericht a confirmé le jugement inférieur admettant l’exception d’arbitrage (consid. 4.4). Recours rejeté.

(A. c/o X. [investisseur indien], B. c/o X. [investisseur indien] c. République de C. [Etat partie à un traité d’investissement bilatéral]). Recours contre la sentence (Award on Costs) rendue le 17 février 2020 par un Tribunal arbitral CNUDCI avec siège à Genève. En théorie, il n’est pas inconcevable que la décision prise par un tribunal arbitral au sujet du montant des dépens puisse contrevenir à l’ordre public matériel. Cependant, dans un domaine (les frais et dépens) où le TF n’intervient qu’avec la plus grande retenue lorsqu’il est saisi du grief d’arbitraire, il doit s’imposer une réserve encore plus grande quand cette question se pose à lui sous l’angle de l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP. Pour justifier l’intervention du juge étatique à ce titre, il faut que les dépens alloués par le tribunal soient hors de toute proportion avec les frais nécessaires consentis par la partie concernée pour sa défense, eu égard à l’ensemble des circonstances du cas concret – et ce, au point de heurter de manière choquante les principes les plus essentiels de l’ordre juridique déterminant (consid. 6.1). Argument des recourants selon lequel le montant des dépens alloués à l’intimée est disproportionné compte tenu du stade préliminaire auquel se trouvait la procédure au moment où la sentence attaquée a été prononcée. D’une part, les recourants ne sauraient tirer profit de leurs propres atermoiements et demandes répétées de prolongation de délai, y compris pour le paiement de leur part de l’avance de frais, pour venir soutenir que l’intimée aurait dû réaliser que la procédure risquait de ne pas se poursuivre et, de ce fait, s’abstenir de préparer sa défense sur le fond. D’autre part, les motifs exposés dans la sentence et le résultat auquel a abouti le Tribunal en décidant que les dépens réclamés par l’intimée étaient raisonnables en l’espèce ne sont pas incompatibles avec l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 6.4). Recours rejeté.

(A. c. 1. à 26.). Recours contre la sentence rendue le 28 février 2020 par un Tribunal arbitral PCA avec siège à Genève. Récapitulatif des faits présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants en lien avec l’art. 190 al. 2 let. b LDIP. Le recourant considère que la sentence finale est contraire à l’ordre public procédural, du fait qu’elle consacre une application erronée du principe de l’autorité de la chose jugée. En particulier, les arbitres auraient estimé à tort que l’exception d’incompétence soulevée par le recourant sur le fondement de la Déclaration des 22 ne constituait pas un nouveau motif d’incompétence mais une tentative d’obtenir une nouvelle décision sur l’objection déjà examinée et écartée dans la sentence sur compétence de 2014. En qualifiant la Déclaration des 22 d’argument juridique, le Tribunal se serait estimé indûment lié par la sentence sur compétence et aurait à tort refusé de prendre en considération ce nouvel élément de fait. Selon la jurisprudence, un tribunal viole l’ordre public procédural s’il statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure ou s’il s’écarte, dans sa sentence finale, de l’opinion qu’il a émise dans une sentence précédente tranchant une question préalable de fond. Les sentences préjudicielles ou incidentes qui règlent des questions préalables de fond ou de procédure (comme la compétence) ne jouissent pas de l’autorité de la chose jugée, mais, à la différence des simples ordonnances de procédure qui peuvent être modifiées ou rapportées en cours d’instance, de telles sentences lient bien le tribunal dont elles émanent. Dès lors, et quels que soient les motifs sous-tendant leur décision de ne pas réexaminer leur compétence, les arbitres n’ont pas violé l’ordre public procédural en se considérant liés par la sentence sur compétence qu’ils avaient rendue auparavant (consid. 6.3.3). Recours rejeté.

(A. [ressortissant indonésien, actif dans le secteur bancaire et dans l’industrie pétrolière] c. B. [homme d’affaires singapourien actif dans le commerce du pétrole]). Recours contre la sentence rendue le 27 mai 2020 par un Tribunal arbitral sous l’égide des Swiss Rules avec siège à Genève. Les arbitres avaient constaté dans la sentence que les parties avaient simulé un contrat de vente d’actions et dissimulé une convention de fiducie : ce constat de la volonté réelle et commune des parties constitue un élément factuel qui ne peut pas être revu par le TF dans le cadre du recours contre la sentence (consid. 6). De plus, il ne faut pas perdre de vue que même lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une sentence rendue par un tribunal arbitral ayant son siège en Suisse et appliquant le droit suisse, le TF est tenu d’observer, quant à la manière dont ce droit a été mis en œuvre, la même distance que celle qu’il s’imposerait vis-à-vis de l’application faite de tout autre droit ; dans ce contexte, la Haute Cour ne doit pas céder à la tentation d’examiner avec une pleine cognition si les règles topiques du droit suisse ont été interprétées et/ou appliquées correctement, comme elle le ferait si elle était saisie d’un recours en matière civile portant sur un arrêt étatique (consid. 7.1). Même en faisant abstraction du fait qu’en soutenant pour la première fois devant le TF que le contrat de fiducie était illicite le recourant contrevient au principe de la bonne foi procédurale, cette thèse ne lui est d’aucun secours, car le résultat auquel la sentence a abouti demeurerait inchangé en cas d’illicéité : en effet, dans ce cas de figure comme dans la configuration juridique retenue par les arbitres (contrat de fiducie valablement conclu et résilié), le recourant serait tenu de restituer les actions à l’intimé. Or, ce résultat est tout à fait compatible avec l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 8). Recours rejeté.

(A. GmbH [société de droit allemand], B. GmbH [société de droit allemand], C. GmbH [société de droit allemand] c. D.D. [veuve et héritière de H.D.], E.D. [descendant et héritier de H.D.], F.D. [descendant et héritier de H.D.], G.D. [descendant et héritier de H.D.]). Recours contre la sentence rendue le 19 mai 2020 par un Tribunal arbitral SCAI avec siège à Zurich. Tribunal reconstitué après la démission d’un arbitre à un stade avancé de la procédure. Les recourantes font valoir qu’en vertu des art. 38 LTF et 51 CPC, les actes de procédure auxquels a participé un juge tenu de se récuser doivent être annulés et renouvelés. Selon elles, le Tribunal arbitral aurait violé un principe fondamental du droit suisse, et donc l’ordre public, en refusant de répéter les actes de procédure accomplis avec la participation de l’arbitre démissionnaire. Le TF relève que les dispositions invoquées par les recourantes ne s’appliquent qu’aux procédures devant les juridictions étatiques. En matière d’arbitrage international, il n’existe pas de règle générale selon laquelle les actes auxquels aurait participé un arbitre récusé doivent être annulés et répétés. Au contraire, la LDIP ne prévoit pas de règle en la matière, et le CPC dispose qu’il revient au Tribunal arbitral de décider, au cas par cas et selon son appréciation des circonstances pertinentes, s’il y a lieu de répéter des actes de procédure après la démission d’un arbitre (consid. 4.2). Recours rejeté.

(A. SA [société avec siège au Panama] c. B. SA). Recours contre la sentence rendue le 25 mai 2020 sous l’égide du règlement CCI par un arbitre unique siégeant à Genève. Litige en relation avec trois contrats d’agence en vertu desquels A. s’engageait à fournir divers services, dans trois pays différents, à C. (devenue par la suite B. SA), moyennant le paiement de commissions. En 2017, découverte par C., dans le cadre d’une enquête pénale en Suisse, du fait qu’un de ses employés (E.) avait reçu divers montants de la société mère de A. en contrepartie pour la conclusion et/ou le renouvellement annuel des contrats d’agence. Poursuivie pour le paiement de commissions en souffrance, en 2018, C. avait introduit une action en libération de dette dans une requête d’arbitrage CCI à l’encontre de A. Dans sa sentence finale, l’arbitre unique avait décidé que C. n’était pas tenue de payer les commissions réclamées par A. L’arbitre avait considéré que A. avait commis un dol (art. 28 CO) vis-à-vis de C. en omettant de lui révéler le versement de pots-de-vin à E. Pour sa part, C. avait agi tardivement, en déclarant vouloir invalider les contrats seulement après le délai péremptoire d’un an à compter de la découverte du dol, de sorte que les contrats devaient être tenus pour ratifiés au sens de l’art. 31 CO. Cependant, selon l’arbitre unique, C. pouvait opposer l’exception de l’art. 60 al. 3 CO pour faire échec aux prétentions en paiement de A., puisque les contrats avaient été obtenus de manière illicite. La recourante reproche à l’arbitre d’avoir violé le principe pacta sunt servanda en refusant d’assurer le respect des contrats dont il avait reconnu l’existence, sur le fondement d’une application erronée de l’art. 60 al. 3 CO. Lue correctement, l’argumentation de la recourante vise à remettre en question l’application du droit par l’arbitre, ce qui n’est pas admissible dans le cadre d’un recours en matière civile dirigé contre une sentence arbitrale internationale. En tout état de cause, le résultat auquel a abouti l’arbitre en application de l’art. 60 al. 3 CO n’est pas contraire à l’ordre public au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP (consid. 6.2 et 6.3). Recours rejeté.

(A. [investisseur turc actionnaire de D.], B. [investisseur turc actionnaire de D.], C. [investisseur turc actionnaire de D.], D. [société anonyme de droit turc active dans le domaine de la construction et dans la production de ciment] c. République Arabe Syrienne). Recours contre la sentence arbitrale rendue le 31 août 2020 par un Tribunal arbitral CCI ayant son siège à Genève. Récapitulatif des faits présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants en relation avec l’art. 190 al. 2 let. c LDIP. Les recourants reprochent au Tribunal de leur avoir fait supporter indûment la dévaluation vertigineuse subie par la livre syrienne (SYP), en leur octroyant des dommages-intérêts dans cette monnaie-là plutôt qu’en dollars étatsuniens (USD), comme ils l’avaient demandé. Ils soulignent qu’une fois convertie en USD, l’indemnité allouée par les arbitres équivalait à seulement 4,6% de la perte subie par eux, évaluée au moment déterminant (2012). Consacrant une forme d’expropriation sans indemnité adéquate, la sentence contreviendrait ainsi à l’ordre public (consid. 4.1). Avant d’examiner le grief, le TF passe en revue les règles et principes régissant la réparation du préjudice, l’indemnisation pour expropriation et la détermination de la monnaie d’indemnisation en droit international public, des investissements et sous le régime de la CEDH, auxquels les recourants se sont en partie référés (consid. 4.2-4.3). Selon la jurisprudence constante du TF, une mesure spoliatrice sans indemnisation heurte l’ordre public. Si cette formulation peut également couvrir des cas où l’indemnisation existe mais est dérisoire, la notion d’ordre public au sens de l’art. 190 LDIP requiert que l’indemnisation apparaisse à ce point disproportionnée avec la valeur du bien perdu qu’elle heurte de façon choquante les principes les plus essentiels de l’ordre juridique. En effet, le recours de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP n’a pas pour but d’assurer l’application correcte – ou même non arbitraire – d’un traité d’investissement, du droit coutumier international, des principes généraux du droit international ou même des garanties conférées par la CEDH. Ainsi, l’ordre public matériel n’est pas nécessairement enfreint par une sentence qui n’octroie pas une réparation intégrale du dommage ou alloue une indemnité ne se trouvant pas dans une proportion raisonnable avec la valeur des investissements perdus (consid. 4.4). En l’espèce, l’indemnité allouée aux recourants apparaît indéniablement très basse par rapport à la valeur estimée de leur perte, et il n’est pas douteux que cet état de choses est imputable à la forte dépréciation de la SYP. Cependant, les arbitres disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation des dommages-intérêts et des méthodes pour redresser l’effet de la dépréciation monétaire. Les recourants n’ont pas justifié leur choix du dollar devant le Tribunal, ni démontré que l’adoption de la monnaie de l’Etat hôte leur serait préjudiciable au point de justifier une mesure plus importante que l’application d’un taux d’intérêt élevé (comme l’avait fait le Tribunal). En fin de compte, une appréciation globale de la situation, prenant en considération le risque pris par les recourants, qui ont choisi d’investir dans un pays à l’économie instable déjà avant le conflit armé, ainsi que le type spécial de responsabilité assumée par l’Etat hôte (responsabilité objective, et non pour fait illicite) et la situation notoirement très difficile de ce pays, toujours en proie à de graves conflits internes, permet d’affirmer que la compensation allouée ne contrevient pas à l’ordre public (consid. 4.6). Recours rejeté.

(A. [actionnaire du groupe G. via Société B.], Société B. [société mauricienne] c. Z. Ltd [société de droit mauricien et investisseur du groupe G.]). Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2020 par un Tribunal arbitral LCIA avec siège à Genève. Récapitulatif des faits présenté ci-dessus, avant le résumé des considérants en relation avec l’art. 190 al. 2 let. d LDIP. Les recourants reprochent au Tribunal arbitral d’avoir indûment attribué l’autorité de la chose jugée aux jugements de la EWHC, au mépris des règles de droit suisse en la matière. Dans sa jurisprudence, le TF a déjà considéré, dans un obiter dictum, qu’une atteinte à l’autorité de la chose jugée peut résulter du fait qu’un Tribunal attribue à tort l’autorité de force jugée à une précédente décision et renonce à examiner une question pour cette raison. La doctrine a commenté avec approbation qu’un tribunal qui s’estimerait à tort lié par un jugement antérieur commettrait un déni de justice et enfreindrait le droit à un procès équitable, lequel fait bien partie de l’ordre public procédural (consid. 6.3). Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît l’autorité de la chose jugée aux décisions (judiciaires ou arbitrales) étrangères pour autant qu’elles puissent être reconnues en Suisse. Toutefois, une décision étrangère ne peut avoir en Suisse que l’autorité qui serait la sienne si elle émanait d’un tribunal étatique suisse ou d’un tribunal arbitral sis en Suisse. En particulier, même si selon la loi de l’Etat d’origine de la décision l’autorité de la chose jugée s’étend aux considérants qui en sous-tendent le dispositif, l’autorité de la chose jugée de cette même décision ne sera admise en Suisse que pour les chefs du dispositif (consid. 6.3). Le Tribunal arbitral s’était jugé lié par les constatations de fait et de droit effectuées dans les jugements de la EWHC au sujet de la grande majorité des violations contractuelles alléguées par l’intimée, constatations qu’il avait estimé pouvoir reprendre « telles quelles ». Les recourants protestent à juste titre que le Tribunal aurait dû commencer par examiner si les conditions pour la reconnaissance de ces jugements étaient réalisées et, dans l’affirmative, appliquer la notion suisse de l’autorité de la chose jugée. Or, les arbitres se sont fondés, entre autres, sur le concept de issue estoppel, qui n’est pas reconnu en droit suisse, et n’ont pas correctement analysé la question de l’identité de l’objet litigieux des procédures. Cela étant, l’on ne saurait ici se limiter à conclure que les arbitres ne pouvaient pas invoquer l’autorité de la chose jugée des jugements anglais comme ils l’ont fait. Force est de constater, en effet, que les recourants ont eux-mêmes attribué une autorité au jugement de la EWHC, d’une part en consentant, en 2018, au projet de décision arbitrale fondé sur l’un de ces jugements, et d’autre part en affirmant, en 2020, que la Cour anglaise avait déjà tranché la majorité des prétentions émises par l’intimée dans l’arbitrage. Ils n’ont pas non plus contesté la conclusion du Tribunal selon laquelle les jugements anglais constituaient des preuves convaincantes aux fins de ses déterminations au sujet des violations contractuelles alléguées. A cet égard il sied également de rappeler qu’une appréciation même arbitraire des preuves ne porte pas atteinte à l’ordre public. Dans ces circonstances, on ne peut pas reprocher aux arbitres d’avoir enfreint l’ordre public en reprenant les constatations effectuées dans les jugements anglais (consid. 6.6). Recours rejeté.

(A. GmbH [société de droit allemand] c. B. Co. [société américaine avec siège à New York]). Demande de révision de la sentence arbitrale rendue le 27 novembre 2018 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève. Litige né d’un contrat pour l’importation, la vente et la distribution exclusive de pâtes alimentaires sur un certain nombre de territoires. Le Tribunal arbitral avait condamné A. à verser à B. des dommages-intérêts pour violation du contrat et agissements contraires au devoir de fidélité. Les montants alloués à B. par les arbitres comprenaient une indemnisation pour le dommage qui avait résulté pour elle du fait d’avoir dû conclure un accord transactionnel avec une société tierce à laquelle elle s’était engagée à fournir les produits, suite à la cessation prématurée des livraisons par A. La requérante demande que la sentence soit révisée et la cause renvoyée au Tribunal, pour qu’il rouvre l’instruction et rende une nouvelle décision, suite à la découverte par elle de faits et moyens de preuve concluants qu’elle n’avait pas pu invoquer dans la procédure d’arbitrage. Selon elle, les faits et preuves nouvellement découverts permettraient d’établir que les prétendus engagements de B. envers la société tierce n’étaient pas authentiques et avaient été créés pour les besoins de l’arbitrage. Le TF considère, à la lecture des motifs de la sentence, que les faits et moyens nouveaux invoqués par la requérante n’entraîneraient pas nécessairement une décision différente sur le fond du litige (consid. 3.2.2), et auraient pu et du être découverts et invoqués par la requérante pendant l’arbitrage (consid. 3.2.3). Demande rejetée.