Arbitrage

TF 5A_165/2015

2014-2015

( SA c. Y. GmbH)

Recours contre l’arrêt rendu le 23 janvier 2014 par la Cour d’appel du canton de Zurich.

En principe, une sentence obtenue par des manœuvres frauduleuses est contraire à l’ordre public procédural. Toutefois, l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre de témoins impliqués dans l’arbitrage dont il est allégué qu’ils auraient commis une fraude procédurale (faux témoignage) ne justifie pas à elle seule que le juge requis refuse d’exécuter la sentence en application de l’art. V ch. 2 let. b CNY. Encore faut-il établir que la prétendue conduite frauduleuse ait influencé la sentence, ce que la recourante n’a pas fait. L’art. 328 al. 1 CPC, auquel elle se réfère en soutenant qu’il devrait être appliqué par analogie à l’interprétation du motif de refus de l’art. V ch. 2 let. b CNY, va d’ailleurs dans le même sens (consid. 6.2). L’art. VI CNY permet au juge requis de surseoir à statuer sur l’exécution de la sentence en cas de demande d’annulation auprès de l’autorité compétente. Cette disposition laisse au juge une large marge d’appréciation quant à l’opportunité d’une telle décision. Un sursis ne se justifie en tout cas pas pour la seule raison qu’un recours en annulation a été déposé. C’est au vu des circonstances concrètes du cas d’espèce, y compris les chances de succès du recours, que le juge de l’exécution décidera s’il y a lieu d’appliquer l’art. VI CNY (consid. 7.1). En l’occurrence, les chances de succès de la recourante devant l’instance d’annulation sont manifestement faibles. De plus, le principe de la célérité s’oppose à ce que l’exécution de la sentence soit suspendue en attendant l’issue d’une procédure de recours tout juste entamée et dont la durée ne peut être déterminée d’avance (consid. 7.2). Recours rejeté.

TF 5A_409/2014

2014-2015

(A. c. B.)

Recours contre l’arrêt rendu le 11 avril 2014 par la Cour de justice de Genève.

Question du droit que le juge de l’exequatur doit appliquer en statuant, selon l’art. V ch. 1 let. b CNY (violation du droit d’être entendu), sur la validité de la notification des actes relatifs à une procédure arbitrale. Savoir si cette disposition instaure un standard international ou renvoie au droit de l’Etat d’exécution est un point débattu. La pratique tend à partir de la conception du droit d’être entendu de l’Etat requis tout en tenant compte des spécificités de l’arbitrage et des critères internationaux. De ce point de vue, il est admis que la notification effectuée conformément au droit de l’Etat du domicile du destinataire est dans tous les cas suffisante pour assurer le respect du droit d’être entendu au sens de l’art. V ch. 1 let. b CNY.

Quant à l’adresse de notification, la jurisprudence considère que la communication des actes à la dernière adresse connue du destinataire, en conformité avec le règlement d’arbitrage adopté par les parties, doit également suffire, en particulier lorsque le destinataire doit raisonnablement s’attendre à une communication (consid. 5.2.2.2).

Grief tiré de l’art. V ch. 2 let. b CNY (violation de l’ordre public) en relation avec un pactum de quota litis fixant la rémunération de l’intimé en tant qu’avocat du recourant. Une méthode de fixation des honoraires d’avocat ne contrevient pas à l’ordre public du seul fait qu’elle est inconnue en droit suisse. La question déterminante est bien plutôt celle de savoir si l’écart entre les honoraires fixés de cette manière et le résultat auquel on arriverait en appliquant une méthode acceptée en droit suisse apparaît manifestement incompatible avec le sentiment de justice interne (consid. 7.2.2.2).

En l’espèce, l’autorité cantonale a considéré, à raison, que le rapport entre les honoraires litigieux et le gain de la cause ne justifiait pas le refus de l’exécution de la sentence (consid. 7.3). Recours rejeté.

TF 4A_199/2014

2014-2015

( Inc. c. B. SA)

Recours contre la sentence rendue le 19 février 2014 par un tribunal arbitral CCI. Précision et double rappel quant à la manière de motiver le mémoire de recours et le moment pour ce faire : il est d’usage et souhaitable, sans que cela soit une obligation (art. 42 al. 2 LTF a contrario), d’inclure dans cette écriture un résumé des circonstances de fait retenues dans la sentence attaquée, en particulier lorsque celle-ci n’a pas été rédigée dans une langue officielle du TF. En outre, la motivation doit être contenue dans l’acte de recours lui-même : le procédé consistant à inviter le TF à se référer aux écritures versées au dossier de l’arbitrage n’est pas toléré. Enfin, le recourant ne peut se servir de la réplique pour compléter ou modifier, après l’expiration du délai de recours (délai non prolongeable selon l’art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l’art. 47 al. 1 LTF), la motivation présentée dans le mémoire de recours (consid. 3.1).

ATF 140 III 477

2014-2015

(A. SA [société luxembourgeoise] c. B. [société turque])

Recours contre la sentence incidente rendue le 17 décembre 2013 par un arbitre unique siégeant à Bâle. Clause stipulant que « [f]or all disputes arising out of this contract, the Arbitration Committee, to be established in Basel (Switzerland), is authorized and the law to be applied is Swiss law […] ». Les conventions d’arbitrage incomplètes, peu claires ou comportant des éléments contradictoires sont dites « pathologiques ». Pour autant que les défauts les affectant ne touchent pas aux éléments devant impérativement figurer dans une convention d'arbitrage, de telles clauses ne sont pas nécessairement nulles. Selon la jurisprudence, il faut, bien plutôt, en élucider le sens en recherchant par la voie de l’interprétation une solution qui respecte la volonté fondamentale des parties de se soumettre à une juridiction arbitrale. En droit suisse, l’interprétation d’une convention d'arbitrage se fait selon les règles générales d'interprétation des contrats. Si le juge (ou l’arbitre) ne parvient pas à déterminer la commune et réelle volonté des parties, il doit alors rechercher, en appliquant le principe de la confiance, le sens qu’elles pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l'ensemble des circonstances. En conformité avec ces règles, l’arbitre unique a interprété la clause litigieuse selon le principe de la confiance. Il est ainsi parvenu, suivant une démarche qui ne prête pas le flanc à la critique, à la conclusion qu’il s’agissait d’une convention visant l’arbitrage selon les Swiss Rules of International Arbitration, administré par la Chambre de commerce des deux Bâle, et non un arbitrage ad hoc avec siège à Bâle, comme soutenu par la recourante (consid. 5.2). Recours rejeté.

TF 4A_676/2014

2014-2015

(A. [Fondation de droit néerlandais] c. B. [société de droit américain] et C. [CEO de B.]

Recours contre la sentence rendue par un tribunal siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Pour être valable, une convention d’arbitrage doit prévoir l’obligation pour les parties de déférer leur litige à un tribunal arbitral privé, appelé à rendre une décision à caractère contraignant en lieu et place de la juridiction étatique normalement compétente. Clause dans un accord transactionnel stipulant que ledit accord sera « interpreted in accordance with and governed in all respects by the provisions and statutes of the International Chamber of Commerce in Zürich, Switzerland and subsidiary by the laws of Germany ». En l’absence de toute référence, non seulement à l’arbitrage, mais aussi et de manière plus significative, à la résolution d’éventuels différends ou litiges, une telle clause ne constitue pas une convention d’arbitrage valable selon le droit suisse (fût-elle « pathologique », au sens de la jurisprudence résumée en marge de l’ATF 140 III 477 ci-dessus), en tant qu’elle ne permet pas d’établir la volonté des parties de faire trancher leurs litiges par la voie arbitrale. Il pourrait s’agir, tout au plus, d’une clause d’élection de droit, au demeurant imprécise et au sens relativement obscur (consid. 3.2.3.2). C’est donc à raison que le tribunal arbitral s’est déclaré incompétent à statuer sur le litige qui lui a été soumis sur la base de cette clause. Recours rejeté.

TF 4A_606/2013

2014-2015

(Sàrl X. [société de droit algérien] c. Y. AG [société de droit allemand])

Recours contre la sentence finale rendue par un tribunal arbitral CARICI. De jurisprudence constante, des fautes de procédure ou une décision matérielle erronée ne suffisent pas à fonder l’apparence de prévention d’un tribunal, sauf erreurs particulièrement graves ou répétées qui constitueraient une violation manifeste des ses obligations. Par ailleurs, la réserve relative aux fautes graves ou répétées, ouvrant par hypothèse la porte d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a LDIP, ne saurait être détournée pour servir de base à une critique appellatoire des constatations de fait ou considérations juridiques sur lesquelles repose la sentence, ni pour permettre à une partie ne pouvant pas invoquer avec succès les motifs prévus aux lettres b à e de l’art. 190 al. 2 LDIP d’en obtenir néanmoins l’annulation (consid. 5.3).

TF 4A_709/2014

2014-2015

(A. SA [société de droit suisse] c. B. Sàrl [société de droit luxembourgeois]) 

Recours contre la sentence rendue le 14 novembre 2014 par l’arbitre unique ad hoc. Architecte désigné nommément comme arbitre dans la convention d’arbitrage, ayant décidé de se faire épauler à ses propres frais par deux avocats agissant respectivement en qualité de conseil et secrétaire du tribunal. La mission juridictionnelle de l’arbitre est éminemment personnelle, le contrat d’arbitre étant conclu intuitu personae. Cela implique que l’arbitre ne peut déléguer l’accomplissement de sa mission à autrui, mais n’exclut pas nécessairement qu’il puisse faire appel à l’assistance de tiers dans la conduite de l’arbitrage. Il est généralement admis que la possibilité de nommer un secrétaire du tribunal, prévue en arbitrage interne par l’art. 365 al. 1 CPC, vaut aussi en matière d’arbitrage international. Les tâches du secrétaire sont comparables à celles d’un greffier judiciaire : elles n’excluent pas, en particulier, une certaine assistance dans la rédaction de la sentence, sous le contrôle et selon les directives du tribunal, étant entendu que, sauf convention contraire des parties, les fonctions de nature judiciaire demeurent l’apanage exclusif des arbitres. Sous cette même réserve et dans l’exercice de ses prérogatives en matière procédurale, il est également admis que l’arbitre puisse faire appel à des consultants externes (consid. 3.2.2). En l’occurrence, il ne ressort pas du dossier de l’arbitrage que le rôle joué par les avocats ayant assisté l’arbitre ait été au-delà d’un soutien administratif et juridique dans le traitement de questions de procédure. La sentence indique expressément que les individus en question n’ont pas participé à la prise de décision ni influencé l’issue du litige. Dès lors, le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal tombe à faux (consid. 3.3-3.4). Recours rejeté.

TF 4A_253/2014

2014-2015

( c. B., C., D., E. et F.)

Recours contre la sentence rendue le 25 mars 2014 par un arbitre unique. Les chefs de la demande dont il est question à l’art. 190 al. 2 let. c LDIP sont les conclusions des parties, soit leurs demandes sur le fond. Par conséquent, l’arbitre ne rend pas une sentence infra petita s’il omet de statuer sur des requêtes d’ordre procédural (consid. 4.3).

TF 4A_486/2014

2014-2015

(A. [société anonyme de droit xxx] c. X.B. [société de droit yyy]

Recours contre la sentence rendue le 30 juin 2014 par un tribunal arbitral CCI. Argument selon lequel, en omettant d’appliquer les principes d’interprétation établis par le droit suisse (régissant le contrat litigieux) à l’art. 18 al. 1 CO, pourtant dûment invoqués par la recourante, le tribunal aurait commis un déni de justice formel (consid. 4.2-4.3.1). S’il est vrai que la sentence ne cite pas expressément cette disposition, l’examen de son contenu montre que le tribunal a bel et bien procédé à l’interprétation du contrat conformément aux principes déduits de l’art. 18 al. 1 CO. Plus spécifiquement, le tribunal a retenu, à la majorité de ses membres, que son analyse du contrat lui avait permis de déterminer la réelle et commune intention des parties (interprétation dite ‘subjective’) quant au sens à donner aux clauses pertinentes pour la résolution du litige (consid. 4.3.2). Recours rejeté.

TF 4A_554/2014

2014-2015

(A. [société de droit français] c. B. [société soumise au droit de l’Etat du Delaware]) 

Recours contre la sentence rendue le 30 juillet 2014 par un Arbitre unique CCI siégeant à Genève. En Suisse, le droit des parties d’être interpellées sur des questions juridiques n’est reconnu que de manière restreinte. En vertu de l’adage jura novit curia, les tribunaux étatiques et arbitraux peuvent statuer sur la base de règles de droit autres que celles invoquées devant eux. Pour autant que la convention d’arbitrage ne restreigne pas la mission du tribunal aux seuls moyens juridiques soulevés par les parties, celles-ci n’ont pas à être entendues sur la portée à reconnaître aux règles de droit, à moins que le tribunal n’envisage de fonder sa décision sur une norme ou considération juridique qui n’a pas été invoquée dans l’arbitrage et dont les parties ne pouvaient pas supputer la pertinence pour la résolution du litige (consid. 2.1).

Par ailleurs, si les parties étaient convenues de déroger à la règle jura novit curia en limitant la mission de l’arbitre aux seuls moyens juridiques qu’elles invoqueraient (par exemple en incluant une clause à cet effet dans l’acte de mission), le non-respect de cette limitation ouvrirait un recours au TF au titre de l’incompétence de l’arbitre (art. 190 al. 2 let. b LDIP) ou de la violation de la règle ne eat judex ultra petita partium (art. 190 al. 2 let. c LDIP), et non du chef de la violation du droit d’être entendu sanctionnée par l’art. 190 al. 2 let d LDIP (consid. 2.2).

Cela étant, la recourante plaide en vain l’effet de surprise : s’il est vrai que l’expression « reconduction tacite » n’avait pas été utilisée dans les écritures des parties, l’application par l’arbitre de cette figure juridique connue du droit français, régissant le contrat litigieux, était loin d’être imprévisible. Au vu de la question à résoudre, l’hypothèse de la reconduction tacite ne pouvait en tout cas pas être écartée d’emblée par un plaideur prudent et a fortiori par la recourante, une entreprise française rompue à la négociation de contrats internationaux, dotée d’un service juridique interne et assistée dans l’arbitrage par deux conseils inscrits au barreau de Paris (consid. 2.3.2). Recours rejeté.

TF 4A_636/2014

2014-2015

(A. Corporation [Société russe] c. B. SA [Société luxembourgeoise, partie du groupe C.]) 

Recours contre la sentence rendue le 15 septembre 2014 par un tribunal CCI siégeant à Genève. En fondant sa décision quant au dommage subi par la demanderesse sur une déclaration de témoin soumise par cette même partie, le tribunal n’a pas violé le droit d’être entendue de l’autre partie, laquelle s’était limitée à affirmer que ce témoignage n’était pas apte à prouver le montant du dommage, sans produire de contre-témoignage ou d’expertise, et sans contre-interroger le témoin de la demanderesse sur ce point (consid. 3.3). En droit suisse de l’arbitrage international, la violation ou l’application arbitraire d’une règle de procédure par le tribunal n’est pas en tant que telle un motif d’annulation de la sentence. En particulier, l’admission d’une écriture déposée par une partie après le délai fixé à cette fin n’autorise pas l’autre partie à se plaindre d’une violation du principe de l’égalité de traitement. Une telle violation ne survient, dans ce cas de figure, que si les deux parties ont soumis leurs écritures tardivement et que seule l’une d’entre elles est sanctionnée pour ce retard (consid. 4.2).

TF 4A_709/2014

2014-2015

(A. SA [société de droit suisse] c. B. Sàrl [société de droit luxembourgeois]).

L’art. 182 al. 3 LDIP, tel qu’interprété par la jurisprudence, ne confère pas aux parties le droit de faire entendre oralement ceux de leurs témoins qui ont déposé des déclarations écrites. Par ailleurs, il n’y a pas de violation du principe de l’égalité de traitement lorsque l’arbitre, conformément à la procédure usuelle en arbitrage international, accorde à une partie le droit d’interroger ses propres témoins (re-direct examination) suite à leur audition en cross examination à la demande de son adverse partie, tout en refusant à cette dernière le droit d’appeler ses témoins pour un interrogatoire direct alors que l’autre partie n’en a pas requis l’audition en cross examination (consid. 5.2.4). Recours rejeté. (En rapport avec ce thème : au sujet de l’admissibilité des règles de procédure limitant le droit des parties de faire entendre leurs propres témoins aux cas où le contre-interrogatoire a été requis par la partie adverse, voir le consid. 6.2.3 de l’arrêt 4A_199/2014 du 8 octobre 2014).

TF 4A_231/2014

2014-2015

( SA c. B.)

Recours en matière civile et demande de révision connexes visant la même sentence arbitrale, rendue le 3 mars 2014 par un tribunal arbitral CCI. Recours en matière civile traité en priorité (consid. 2 ; pour la décision sur la demande de révision, voir l’arrêt 4A_247/2014 du même jour, résumé sous la note marginale « Révision (art. 123 LTF) » ci-dessous). Selon la conception juridique suisse, les promesses de versement de pots-de-vin sont contraires aux mœurs et partant nulles. La jurisprudence a également retenu que de telles promesses contreviennent à l’ordre public. Toutefois, pour que le grief de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP soit admis, il faut que la corruption soit établie et que le tribunal arbitral ait refusé d’en tenir compte dans sa sentence. En l’espèce, le tribunal a considéré que l’allégation de corruption n’avait pas été prouvée par la recourante (consid. 5.1). Argument de cette dernière selon lequel le tribunal aurait méconnu l’ordre public transnational en lui ordonnant le paiement de commissions qui l’exposeraient au risque d’être sanctionnée sur la base de dispositions du droit pénal édictées par les Etats-Unis et l’Angleterre (UK Bribery Act 2010 et Foreign Corrupt Practices Act). Motivation manifestement insuffisante du recours sur ce point (consid. 5.2). (Au sujet du contenu de la notion d’ordre public matériel au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, voir également l’arrêt 4A_634/2014 (consid. 5.2.2), résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage).

(Y. SA et Z. SA c. B. B.V. et V. Ltd et W. SA c. B B.V.) 

Recours contre les sentences rendues le 17 juillet 2014 par un tribunal arbitral CCI ; causes jointes.

En l’espèce, le tribunal arbitral a retenu, sur la base d’une appréciation des preuves qui échappe à l’examen du TF, que l’allégation de corruption visant l’intimée n’avait pas été prouvée. Dès lors, le reproche fait aux arbitres d’avoir violé l’ordre public en ordonnant le paiement de commissions relatives à des contrats qui seraient frappés de nullité pour cause de corruption tombe à faux (consid. 5.1). Faute pour les recourantes d’avoir établi l’existence de paiements illégitimes attribuables à l’intimée et compte tenu du fait que l’adage « le pénal tient le civil en l’état » ne relève pas, selon la jurisprudence, de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, le tribunal a également conclu, par un raisonnement que les arguments avancés par les recourantes ne parviennent pas à infirmer, qu’il ne se justifiait pas de surseoir au prononcé des sentences jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale pendante en Angleterre, issue d’enquêtes portant sur des soupçons de corruption en lien avec des projets auxquels avaient participé des sociétés du même groupe que les recourantes (consid. 5.2). Recours rejeté.

TF 4A_606/2013

2014-2015

(Sàrl X. [société de droit algérien] c. Y. AG [société de droit allemand])

Recours contre la sentence rendue le 25 octobre 2013 par un tribunal arbitral CARICI.

Selon la jurisprudence, un tribunal arbitral viole l’ordre public procédural non seulement s’il statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure, mais aussi s’il s’écarte, dans sa sentence finale, de l’opinion qu’il a précédemment émise dans une sentence préjudicielle tranchant une question préalable de fond. A la lumière de cette règle bien établie, le tribunal ne pouvait pas revenir sur la question de la portée de l’accord litigieux entre les parties, qu’il avait réglée à titre préalable dans une sentence antérieure. Il n’a donc pas violé le droit d’être entendue de la recourante en refusant de tenir compte de ses arguments à ce sujet dans les phases ultérieures de l’arbitrage (consid. 3 et 4.2.3.1). L’autorité de la chose jugée vaut également sur le plan international et gouverne, entre autres, les rapports entre un tribunal arbitral siégeant en Suisse et une juridiction étatique étrangère. Cela étant, les décisions rendues dans le cadre de procédures étatiques statuant sur le blocage du paiement d’une garantie par voie de mesures provisionnelles ou au moyen d’un séquestre ne bénéficient pas de l’autorité de la chose jugée (consid. 6.3.2). Par ailleurs, le grief visant le refus du tribunal de récuser un expert pour violation du devoir d’indépendance et d’impartialité doit lui aussi être examiné sous l’angle de la garantie subsidiaire de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, et non de l’exigence de la composition régulière du tribunal arbitral selon l’art. 190 al. 2 let. a LDIP, l’expert n’étant pas un membre du tribunal. En revanche, la règle jurisprudentielle à caractère général selon laquelle la partie qui entend récuser un arbitre doit invoquer le motif de récusation aussitôt qu’elle en a connaissance, sous peine de forclusion, s’applique également à la récusation d’un expert nommé par le tribunal. Demande de récusation déposée tardivement (consid. 6.2). Recours rejeté.

TF 4A_633/2014 *

2014-2015

(A. LLP [Etude d’avocats ayant son siège aux USA] c. B. [avocat domicilié en Allemagne])

Recours contre la sentence rendue le 29 septembre 2014 par un Tribunal arbitral CCI siégeant à Zurich. Viole l’ordre public procédural le tribunal arbitral qui statue sans tenir compte de l’autorité de la chose jugée d’une décision antérieure. Sur le plan international, l’autorité de la chose jugée gouverne, entre autres, les rapports entre tribunaux arbitraux ayant leur siège dans des Etats différents. Si donc une partie saisit un tribunal arbitral siégeant en Suisse d’une demande identique à celle qui a fait l’objet d’une sentence arbitrale exécutoire, rendue entre les mêmes parties, par un tribunal arbitral siégeant dans un autre Etat (in casu, l’Allemagne), le tribunal arbitral suisse, sous peine de s’exposer au grief de la violation de l’ordre public procédural, devra déclarer cette demande irrecevable, pour autant que la sentence étrangère soit susceptible d’être reconnue en Suisse en vertu de l’art. 194 LDIP.

Sous réserve des dispositions spéciales contenues dans des traités internationaux, la question de savoir si les demandes sont identiques doit se résoudre en application de la lex fori, soit, pour un tribunal arbitral siégeant à Zurich, les principes pertinents du droit suisse. Selon ces mêmes principes, les effets attachés à l’autorité de la chose jugée d’une sentence étrangère dépendent du droit de son Etat d’origine. Toutefois, une sentence reconnue n’a en Suisse que l’autorité de la chose jugée qui serait la sienne si elle émanait d’un tribunal arbitral suisse. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la recourante, l’autorité de la force jugée d’une sentence étrangère en Suisse ne s’attache qu’au seul dispositif, à l’exclusion des motifs, même si (par hypothèse) selon le droit de l’Etat d’origine ces derniers bénéficient eux aussi de l’autorité de la chose jugée. En l’espèce, c’est à raison que le tribunal arbitral suisse a déterminé que la demande dont il était saisi n’était pas identique à celle qui avait été soumise au tribunal allemand. Même à supposer que ces demandes eussent été identiques, en vertu de la conception suisse de l’autorité de la chose jugée, le tribunal siégeant à Zurich n’était pas lié par les considérants de la sentence du tribunal allemand au sujet de l’interprétation du contrat dont étaient issues les demandes des parties dans les deux arbitrages (consid. 3.2). Recours rejeté. (Au sujet de l’autorité de la chose jugée en tant que composante de l’ordre public procédural au sens de l’art. 190 al. 2 let. e LDIP, voir également l’arrêt 4A_374/2014 (consid. 4.3.1 et 4.3.2.3), résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage).

ATF 140 III 477

2014-2015

( SA [société luxembourgeoise] c. B. [société turque])

Recours contre la sentence incidente rendue le 17 décembre 2013 par un tribunal arbitral siégeant à Bâle. Aux termes de l’art. 190 al. 3 LDIP, une décision incidente ne peut être attaquée que pour les motifs énoncés à l’art. 190 al. 2 let. a et b LDIP (composition irrégulière du tribunal; décision incorrecte quant à sa compétence). Jurisprudence se ralliant à l’avis de la doctrine majoritaire, selon laquelle les griefs tirés des art. 190 al. 2 let. c à e LDIP (décision statuant infra ou extra petita; violation du droit d’être entendu ou du principe de l’égalité de traitement ; décision contraire à l’ordre public) doivent pouvoir être invoqués également à l’encontre des décisions incidentes au sens de l’art. 190 al. 3 dans le cadre d’un recours fondé sur l’art. 190 al. 2 let. a ou b LDIP, avec la précision que cela ne sera admis que dans la mesure où les moyens fondés sur les lettres c à e se limiteront strictement aux points concernant directement la composition ou la compétence du tribunal arbitral (consid. 3.1). Recours recevable. (Voir également le consid. 2.2.3 de l’ATF 140 III 520, résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage, et le consid.  2.4.2 de l’arrêt 4A_633/2014 du 29 mai 2015, destiné à la publication aux ATF, confirmant cette nouvelle règle jurisprudentielle).

TF 4A_446/2014

2014-2015

(A. SA [société de droit suisse] B. [société à responsabilité limitée de droit new-yorkais], C. Limited [société de droit chypriote] et D.)

Recours contre l’ordonnance de procédure No. 4 (OP 4) rendue le 18 juin 2014 par un arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Les décisions du tribunal arbitral relatives à la suspension provisoire de la procédure constituent, en règle générale, de simples ordonnances non sujettes à recours. Elles peuvent néanmoins être déférées au TF si, en les prononçant, le tribunal a statué de manière implicite sur sa compétence ou la régularité de sa composition, en d’autres termes s’il a rendu une décision incidente au sens de l’art. 190 al. 3 LDIP (consid. 3.1). Dans l’OP 4, l’arbitre unique a rejeté la demande de sursis formulée par A. SA, selon laquelle la procédure devait être suspendue jusqu’à droit connu sur la question des pouvoirs de représentation des gérants de B. (partie ayant initié l’arbitrage), question qui devait être réglée par un autre tribunal arbitral. S’il est vrai que ce point relève de la compétence ratione personae du tribunal, au sens large que donne la jurisprudence à cette notion (en l’espèce, dans la mesure où la question de savoir si la requête d’arbitrage avait été introduite valablement en dépendait), l’examen du texte de l’OP 4 et des circonstances dans lesquelles elle a été rendue démontre qu’en prenant cette décision l’arbitre unique n’a pas entendu se prononcer définitivement sur sa compétence, mais uniquement sur l’opportunité, en l’état, de suspendre la procédure arbitrale jusqu’à droit connu sur ce point spécifique (consid. 3.3). Recours irrecevable.

TF 4A_609/2014

2014-2015

(A. SpA [Société italienne] c. B. [Société espagnole administratrice de l’équipe cycliste C.] 

Recours contre la sentence rendue le 23 septembre 2014 par un tribunal arbitral ad hoc. Selon l’art. 100 al. 1 LTF, le recours contre une sentence doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète. Envoi de la sentence aux parties à la fois par courrier électronique et sous pli postal recommandé du même jour, portant la mention « anticipé par e-mail ». Les modalités de notification de la sentence peuvent être librement déterminées par les parties, par exemple dans la convention d’arbitrage ou par référence à un règlement. En l’espèce, la convention d’arbitrage renvoie aux règlements de l’UCI, lesquels disposent que les parties reçoivent une copie de la sentence, dont l’original signé doit être déposé auprès du Secrétariat de l’UCI. Etant donné que, d’une part, le règlement pertinent n’exige pas l’envoi d’un exemplaire original signé de la sentence, et d’autre part, de nombreuses communications officielles entre le tribunal et les parties se sont faites par courrier électronique tout au long de l’arbitrage, la notification de l’expédition complète de la sentence par e-mail doit être réputée suffisante pour faire courir le délai de recours (consid. 2.3). Recours irrecevable car déposé 31 jours après l’envoi de la sentence par e-mail. (Au sujet de l’observation des délais lors du dépôt de mémoires devant le TF, voir aussi l’arrêt 4A_374/2014, résumé dans le chapitre « Droit du sport » de cet ouvrage).

TF 4A_623/2014

2014-2015

(A. AG [société domiciliée à St. Petersburg c. B.) 

Recours contre la sentence rendue le 1eroctobre 2014 par une arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. En vertu de l’art. 105 al. 1 LTF, applicable aux recours en matière civile contre les sentences arbitrales (art. 77 al. 2 LTF a contrario), le TF statue sur la base des faits établis par l’autorité précédente. Cette disposition vise non seulement les faits de la cause, mais également les faits relatifs au déroulement de la procédure. Ainsi, l’autorité de recours est en principe liée par les constatations du tribunal arbitral au sujet, entre autres, des allégués, arguments, preuves et offres de preuves des parties, sauf si le recourant invoque à leur encontre un grief prévu par l’art. 190 al. 2 LDIP (et pour autant que celui-ci soit motivé avec la précision requise), voire dans les cas exceptionnels où le TF peut prendre en considération des faits nouveaux admissibles selon l’art. 99 al. 1 LTF (consid. 2.3.1). Recours rejeté.

TF 4A_247/2014

2014-2015

( SA c. B.)

Demande de révision de la sentence finale rendue le 3 mars 2014 par un Tribunal arbitral CCI. La mise en accusation formelle, aux Etats-Unis, d’un dénommé F. soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin par le truchement de consultants telle l’intimée est bien un faux novum susceptible de fonder une demande de révision sur la base de l’art. 123 al. 2 let. a LTF, car il s’agit d’un fait qui s’est produit avant la reddition de la sentence finale et dont il est établi que la recourante n’avait pu l’introduire qu’au moment où ladite sentence avait déjà été signée (consid. 3.3.1 ; voir également le consid. 4 dans l’arrêt 4A_231/2014 du même jour). Demande rejetée faute pour la recourante d’avoir démontré l’incidence de ce fait sur l’issue du litige (consid. 3.3.2).

TF 4A_645/2014

2014-2015

(A. SpA [société italienne] c. B. [société espagnole])

Demande de révision de la sentence finale rendue le 25 juillet 2011 par un Tribunal arbitral ad hoc. Contrat de sponsoring d’une équipe cycliste ; tentative de résiliation par le sponsor ; sentence ordonnant à ce dernier d’effectuer une série de paiements en vertu du contrat.

Selon l’art. 123 al. 2 let. a LTF, la révision peut être demandée si le requérant découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’il n’avait pas pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits ou moyens de preuve postérieurs à la décision. En l’espèce, le fait invoqué pour justifier la résiliation ou l’annulation du contrat ex post, soit la publication d’une décision portant la disqualification et l’annulation rétroactive des résultats sportifs du capitaine de l’équipe de l’époque pour dopage, n’est pas pertinent au sens de l’art. 123 al. 2 let. a LTF, c’est-à-dire susceptible de modifier l’état de fait à la base de la sentence entreprise et de conduire à une solution différente en fonction d’une appréciation juridique correcte (consid. 3.1). En effet, d’une part, selon le droit italien qui régit le contrat litigieux, l’erreur essentielle invoquée par le sponsor n’est pas suffisante pour conduire à l’annulation de cet accord ipso jure (consid. 3.2.1), et d’autre part, en l’absence d’une stipulation prévoyant une obligation de résultat quant à la gestion de l’équipe, la sanction infligée au coureur incriminé ne saurait constituer une violation des obligations contractuelles de l’équipe susceptible de justifier la résiliation du contrat (consid. 3.2.2). Demande rejetée.

TF 4A_117/2014

2014-2015

( c. B.)

Recours contre la sentence rendue le 16 janvier 2014 par un arbitre unique siégeant à Baden, condamnant A. à payer à B. un certain montant « pour solde de tout compte », intérêts moratoires au taux légal de 5% en sus. Selon l’art. 393 let. e CPC, une sentence est susceptible d’annulation lorsqu’elle est arbitraire dans son résultat par ce qu’elle repose sur des constatations manifestement contraires aux faits résultants du dossier, ou parce qu’elle constitue une violation manifeste du droit ou de l’équité. En l’espèce, l’arbitre a calculé et alloué les intérêts sur la base d’un montant total excédant celui qu’il avait admis dans la sentence au titre des dommages payables à A. Par ailleurs, la créance majorée d’intérêts n’était en grande partie pas encore due à la date fixée par l’arbitre comme point de départ pour le calcul des intérêts. La sentence incriminée est donc arbitraire dans son résultat du fait qu’elle alloue des intérêts sur un montant sans relation avec le quantum du dommage déterminé par l’arbitre, mais aussi en tant qu’elle viole manifestement le droit, et plus spécifiquement la règle posée à l’art. 102 al. 1 en liaison avec l’art. 104 al. 1 CO (dispositions auxquelles l’arbitre s’était pourtant référé), qui veut que seules les créances exigibles sont sujettes aux intérêts moratoires (consid. 3.3). Recours admis.

(AG [société anonyme de droit suisse] c. B. AG [société anonyme de droit suisse] (4A_190/2014) et B. AG c. A. AG (4A_192/2014))

Recours contre la sentence rendue le 19 février 2014 par un Tribunal arbitral siégeant sous l’égide de la Chambre de commerce suisse à Zurich. D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsque son résultat est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. En retenant qu’une partie a agi de manière abusive sans aucune indication des dispositions de droit pertinentes, ni mention de la jurisprudence et/ou doctrine topiques, mais par une simple référence générale, isolée et absolument étique, au principe de la bonne foi, la sentence entreprise ne contient pas de raisonnement juridique à proprement parler et par là viole l’interdiction de l’arbitraire dans l’application du droit (consid. 4.6.2).

TF 4A_378/2014

2014-2015

( Sàrl c. B International SA)

Recours contre la sentence rendue le 9 mai 2014 par un tribunal arbitral ad hoc.

L’objet du grief d’arbitraire en matière de faits est restreint : il ne porte pas sur l’appréciation des preuves et les conclusions qui en sont tirées, mais uniquement sur les constatations de fait manifestement réfutées par des pièces du dossier. L’erreur sanctionnée par l’art. 393 let. e CPC s’apparente donc davantage à la notion d’inadvertance manifeste qu’utilisait l’art. 63 al. 2 de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 qu’à celle de l’établissement des faits de façon manifestement inexacte selon l’art. 105 al. 2 LTF. Est également arbitraire la sentence qui constitue une violation manifeste du droit. Seul le droit matériel est visé par ce cas de figure, à l’exclusion du droit de procédure, sous réserve des fautes portant atteinte l’ordre public procédural (en application par analogie de la jurisprudence relative à l’art. 190 al. 2 let. e LDIP). Enfin, pour être sanctionnée au titre de l’art. 393 let. e CPC, l’inadvertance manifeste ou la violation du droit avérée doit rendre la sentence arbitraire dans son résultat (consid. 2.1). Recours rejeté.

TF 4A_536/2014

2014-2015

(A. AG c. B.) 

Recours contre la sentence rendue le 8 août 2014 par un Tribunal arbitral CCI siégeant à Zurich.

Rappel de la portée du grief d’arbitraire telle que résumée ci-dessus en marge de l’arrêt 4A_378/2014 du 24 novembre 2014. L’allocation des frais de l’arbitrage est une question de nature procédurale, de sorte que seul le grief de la contrariété avec l’ordre public procédural, et non l’arbitraire, peut être invoqué à l’égard de la décision du tribunal sur ce point (consid. 2.1-2.3). Recours irrecevable.

TF 4A_598/2014

2014-2015

( c. B.)

Recours contre la sentence rendue le 11 septembre 2014 par l’arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution (ci-après, SCAI). Emanant d’un organisme privé, la décision par laquelle la Cour d’arbitrage de la SCAI a rejeté la demande de récusation de l’arbitre déposée par le recourant au début de l’arbitrage ne pouvait pas faire l’objet d’un recours direct au TF et ne lie pas ce dernier. Le TF peut donc revoir librement, dans le cadre du recours contre la sentence, si le grief de la désignation irrégulière de l’arbitre est fondé (consid. 2.1). Dans ce contexte, la jurisprudence a retenu qu’il y avait des circonstances objectives propres à créer une apparence de prévention non seulement lorsque, dans une procédure autre (contemporaine à la procédure arbitrale ou récente), l’arbitre avait représenté, en qualité de conseil, l’une des parties à la procédure dans laquelle il siège, mais également lorsqu’il avait représenté la partie adverse de cette partie (consid. 2.2.1). En l’espèce, un laps de temps considérable (quelques 12 ans) s’est écoulé entre la procédure judiciaire dans laquelle l’arbitre incriminé était impliqué, comme conseil de la partie adverse d’une société dont le recourant était administrateur, et l’arbitrage ayant donné lieu au recours. De plus, contrairement à ses dires, le recourant n’était pas partie à cette procédure judiciaire antérieure, qui opposait deux sociétés anonymes. Enfin, le caractère prétendument houleux de ladite procédure, voire les échanges de propos vifs auxquels elle aurait donné lieu et qui seraient par hypothèse à l’origine de la prévention de l’arbitre à l’égard du recourant, ne ressortent nullement des procès-verbaux d’audience produits dans le cadre de la procédure de récusation (consid. 2.2.2). Recours rejeté.

TF 4A_378/2014

2014-2015

( Sàrl c. B International SA)

Recours contre la sentence rendue le 9 mai 2014 par un tribunal arbitral ad hoc.

Une sentence peut être attaquée lorsque le tribunal a omis de statuer sur l’une des conclusions qui lui ont été soumises par les parties, commettant par là un déni de justice formel. Toutefois, la jurisprudence admet que ce grief est exclu lorsque la sentence rejette toutes autres ou plus amples conclusions, considérant qu’une telle formule comporte le rejet implicite des conclusions qui ne sont pas expressément mentionnées dans le dispositif (consid. 3.1). Il est vrai que la loi régissant l’arbitrage domestique prescrit la motivation de la sentence (art. 384 al. 1 let. e CPC, sous réserve d’une renonciation expresse des parties). Toutefois, la recourante ne se prévaut pas du défaut de motivation sur ce point, ce qu’elle ne pourrait faire, au demeurant, qu’au titre de l’art. 393 let. d (et non let. c) CPC (consid. 3.2). Recours rejeté.

TF 4A_335/2014

2014-2015

( SA [société de droit suisse] c. B. SA [société de droit suisse])

Recours contre la sentence rendue le 28 avril 2014 par un arbitre unique siégeant sous l’égide de la Swiss Chambers’ Arbitration Institution. Les conditions de recevabilité du recours sont fixées par les art. 389 à 395 CPC, par renvoi de l’art. 77 al. 1 let. b LTF. L’art. 392 CPC énumère les sentences attaquables (finales, partielles, incidentes ou préjudicielles). Selon cette disposition, les sentences incidentes ou préjudicielles – c’est-à-dire les sentences qui règlent une ou plusieurs questions préalables de fond ou de procédure – ne peuvent être attaquées que pour les motifs énoncés à l’art. 393 let. a (désignation ou composition irrégulière du tribunal) ou b (décision erronée sur la compétence ou incompétence arbitrale). A la fois partielle et incidente suivant les différents chefs de son dispositif, la sentence en cause revêt un caractère hybride. Recours irrecevable dans la mesure où la recourante invoque l’arbitraire (grief de l’art. 393 let. e CPC) à l’encontre de la composante préjudicielle de la sentence, à savoir la décision de l’arbitre réglant la question préalable de la validité de principe des prétentions de la défenderesse reconventionnelle.

TF 4A_390/2014

2014-2015

(A. AG c. B. AG) 

Recours contre la sentence préliminaire rendue le 23 mai 2014 par un tribunal CCI siégeant à Zurich. Sentence déclarant l’incompétence du tribunal pour statuer sur les litiges issus d’un « Debt transfer contract » conclu le même jour que le contrat principal (le « A. Contract », sur le fondement duquel les arbitres s’étaient déclarés compétents). En dépit des liens existant entre les deux contrats, les clauses d’arbitrage qu’ils contiennent sont indéniablement différentes. C’est sur la base d’une interprétation dite subjective, fondée sur la constatation de la volonté commune et réelle des parties, que le tribunal est parvenu à sa décision d’incompétence. Une telle interprétation constitue un fait établi par l’autorité précédente, qui échappe à l’examen du TF en vertu de l’art. 105 al. 1 LTF (consid. 3.6). Recours irrecevable.