Droit fiscal

TF 2C_619/2010

2010-2011

Art. 9 Cst.

Questions de procédure ; voies de droit ; péremption fiscale. Lorsqu’un contribuable se plaint d’une violation de l’interdiction de la double imposition intercantonale, il est habilité à recourir au TF dès que l’un des deux cantons a rendu une décision en dernière instance. Il n’est pas nécessaire d’épuiser les instances des deux cantons concernés par la violation. Le canton de Fribourg soulève l’exception de la péremption du droit de taxer contre le canton de Genève. Selon cette péremption du droit de taxer, un canton peut être déchu de ses droits s’il a excessivement tardé à taxer les éléments imposables tout en connaissant ou pouvant connaître les faits fondant une imposition, et que si elle était admise, un autre canton pourrait être tenu de restituer un impôt perçu dans les formes voulues, de bonne foi et dans l’ignorance de la prétention fiscale concurrente. Du fait de diverses conséquences et notamment du passage du système praenumerando au système postnumerando du canton de Genève durant la période fiscale visée, le retard excessif ainsi que les autres conditions relatives à la péremption fiscale ne peuvent être retenus à son égard.

TF 2C_969/2010

2010-2011

Art. 127 al. 3 Cst ; art. 3 al. 2 LHID ; art. 68 al. 1 LHID

Détermination du domicile fiscal ; situation exceptionnelle d’un domicile fiscal alternant. Selon le principe de la capacité contributive, un contribuable ne peut être soumis à des impôts analogues visant le même objet et pendant la même période par deux ou plusieurs cantons. Le domicile fiscal est le lieu où l’intéressé réside avec l’intention de s’y établir durablement ou le lieu où se situe le centre de ses intérêts. Lorsqu’une personne séjourne alternativement à deux endroits, son domicile se trouve au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites. Toutefois, exceptionnellement, la jurisprudence a admis l’existence d’un domicile alternant lorsque les deux domiciles fiscaux sont d’importance égale. Dans ce cas, la durée de la résidence à chacun des deux endroits est à peu près équivalente sur une année. Un domicile alternant entraîne en principe le partage de la souveraineté fiscale entre les deux cantons concernés. Les facteurs fiscaux sont par conséquent répartis par moitié.

ATAF A-7013/2010

2010-2011

Entraide administrative ; trust discrétionnaire. Les critères permettant d’accorder l’entraide administrative dans le cadre de la demande de renseignements de l’IRS sont (dans la catégorie concernée) : « US persons », ayants droits économiques, de « offshore company accounts », fondées ou exploitées entre 2001 et 2008, dont il y a de sérieuses raisons de penser qu’ils ont commis des « fraudes ou délits semblables ». Les fondations et les trusts de droit étranger peuvent être qualifiés de « company » selon la Convention 10 du fait de leur possibilité de détenir des biens. En particulier, des comptes UBS de trusts peuvent constituer des « offshore company accounts ». Le critère d’identification « beneficially owned » de la Convention 10 a pour but d’assurer que les informations bancaires d’une « US person » puissent être transmises aux autorités fiscales américaines lorsque cette personne a intercalé une entité afin d’échapper à son obligation de déclarer la fortune se trouvant sur le compte bancaire détenu par la société et les revenus en provenant. Ce critère permet donc d’appréhender des situations où la « offshore company » a été utilisée à des fins de soustractions fiscales à l’égard des Etats-Unis. En application du principe de « substance over form », la société offshore doit être traitée comme transparente, lorsque la « US person » qui était investie du pouvoir de disposer des avoirs déposés sur le compte bancaire UBS ne s’en est pas séparée d’un point de vue économique. Toutefois, dans le cas d’un trust discrétionnaire, les bénéficiaires n’ont aucun droit ferme de requérir le paiement des revenus du trust. Ils ne disposent que d’une expectative, en d’autres termes un intérêt futur et incertain. Par conséquent, une demande d’entraide relative à un compte de trust discrétionnaire chez UBS dont le bénéficiaire ne disposait pas économiquement des revenus pour la période concernée doit être refusée par l’AFC.

TF 2C_127/2010

2010-2011

Art. 25 LB ; art. 26 LB

Transmission des données au Département de Justice Américain dans l’affaire UBS ; secret bancaire. Sur la base des art. 25 et 26 LB, la FINMA avait ordonné la transmission de données relatives à 255 clients de l’UBS au Département de Justice Américain. Le TF confirme l’opinion du TAF selon laquelle les art. 25 et 26 LB ne constituent pas une base légale suffisante pouvant porter atteinte au secret bancaire. Ces dispositions permettent l’intervention dans la gestion d’une banque contre un surendettement ou des problèmes de liquidités. Elles ne visent pas la levée du secret bancaire au détriment des clients. La FINMA n’a cependant pas violé le droit. La clause générale de police permet d’empêcher la survenance de dangers graves et imminents pour des biens juridiques fondamentaux. La FINMA en accord avec le Conseil fédéral disposait de raisons valables pour supposer que le défaut de transmission des données engendrerait de graves méfaits pour les marchés financiers suisses et pour l’économie suisse. Elle était donc en mesure de se fonder sur la clause générale de police sans invoquer de dispositions spécifiques.

TF 2C_472/2010

2010-2011

Art. 3 LIFD

Assujettissement à l’impôt dans les relations internationales après une annonce de départ à l’étranger. Un transfert de domicile ne rompt pas directement les liens avec l’ancien domicile, il faut pour cela qu’un nouveau domicile soit effectivement constitué. Personne ne peut disposer de plusieurs domiciles dans des lieux différents en même temps. Un contribuable qui se rend à l’étranger reste assujetti en Suisse tant qu’il ne peut pas prouver qu’il s’est constitué un nouveau domicile à l’étranger. La preuve du transfert de domicile fait partie du devoir de collaboration de l’assujetti. Ce devoir comprend la preuve de la résiliation définitive des liens avec l’ancien domicile ainsi que les circonstances ayant mené à la constitution d’un nouveau domicile. La conception du recourant qui invoque que les relations économiques sont à prendre en compte de manière prépondérante sur les relations personnelles ne peut être suivie. Les intérêts économiques d’un contribuable peuvent être importants pour la définition du centre des intérêts de l’assujetti mais ils sont prépondérants uniquement s’ils représentent une part prépondérante des intérêts globaux du contribuable. Les relations sociales jouent également un rôle important pour déterminer le centre des intérêts de vie et donc le domicile. Ceci vaut en particulier lorsqu’une personne a pris nouvellement domicile dans un Etat et que, durant cette même période, elle a maintenu son domicile dans l’Etat de départ, où elle a toujours vécu et où au surplus, elle a sa famille, y a exercé son travail et où, se trouvent ses avoirs. Ces critères peuvent démontrer que le centre de ses intérêts de vie se trouve toujours dans le premier Etat et que par conséquent cette personne y conserve son domicile.

TF 2C_868/2010

2010-2011

Art. 15 LIA

Responsabilité solidaire. Les personnes chargées de la liquidation d’une personne morale sont solidairement responsables avec le contribuable des créances nées ou dont l’échéance a eu lieu durant la période de gestion de la liquidation (art. 15 al. 1 et al. 2 LIA). La responsabilité se monte au maximum à la somme correspondant au montant de l’excédent de liquidation. L’excédent de liquidation est calculé dès le début de la liquidation ou lorsqu’un événement impliquant un état de fait similaire à une liquidation a lieu, soit notamment lors d’une liquidation de fait. La responsabilité du liquidateur correspond à celle d’un garant, par conséquent, elle se limite à ce que le liquidateur ait fait tout ce qu’on pouvait attendre de lui pour régler la créance fiscale. Sa responsabilité n’est pas causale.

Art. 91 LIFD

Déductions du revenu pour des personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en Suisse, y étant assujetties de manière limitée. Travailleurs domiciliés en Italie mais travaillant en Suisse (Tessin). Déductions personnelles refusées par l’administration fiscale tessinoise. Un contribuable réalisant au moins 90% de ses revenus en Suisse ne peut pas se voir imposer un traitement fiscal différent d’un résident ordinaire en Suisse. Il s’agit d’un cas de discrimination violant les art. 2 et 21 ALCP. La jurisprudence a introduit la notion de « quasi-résident » qui interdit un traitement différencié entre un résident suisse et un résident étranger percevant plus de 90% de ses revenus en Suisse (critère de la prépondérance), cf. commentaire de l’arrêt, in : RJN 2010, 146-149.

TF 2C_380/2010

2010-2011

Art. 59 al. 1 LIFD

Charges sociales ; distribution dissimulée de bénéfice. Les versements à des institutions de prévoyance en faveur du personnel de l’entreprise constituent des charges justifiées par l’usage commercial, à condition que toute utilisation contraire à leur but soit exclue. L’employeur peut verser des contributions extraordinaires uniques dans le but de racheter des années de cotisation des employés ou d’alimenter le fonds de réserve. Toutefois, ces contributions aux institutions de prévoyance peuvent être considérées comme des distributions dissimulées de bénéfice en faveur d’un actionnaire, lorsqu’il peut être établi que des mesures de prévoyance ne sont pas prises ou n’auraient pas été prises dans les mêmes conditions en faveur des employés ne participant pas au capital. Le retard de cotisations des actionnaires, effectué dans le but de ne pas trop charger la société, alors que le salaire des autres employés est intégralement assuré peut être rattrapé lorsque l’exercice le permet et sans qu’il ne soit considéré comme une distribution de bénéfice dissimulée.

 

TF 2C_628/2010

2010-2011

Art. 58 LIFD

Détermination du bénéfice imposable ; amortissements tardifs ; principe de périodicité. Le principe de périodicité impose d’imputer à un exercice donné les produits et les charges qui lui sont propres afin de dégager le résultat qui y trouve son origine. Lorsqu’un amortissement extraordinaire est effectué et que celui-ci vise à adapter des amortissements ordinaires ou des corrections de valeur qui n’auraient pas été enregistrés en temps utile, le principe de périodicité peut se retrouver en conflit avec le principe de la capacité contributive qui veut que le contribuable soit imposé sur des actifs qui correspondent à leur valeur réelle. Le principe de périodicité doit de manière générale s’opposer à la comptabilisation tardive des corrections au bilan. Toutefois, dans le cas d’un amortissement unique relatif à une créance devenue irrécupérable, il ne peut pas être reproché au contribuable d’avoir violé le principe de périodicité s’il a auparavant omis de provisionner cette créance alors que son recouvrement n’était qu’incertain. Le contribuable doit pouvoir bénéficier de cette possibilité d’amortissement tardif, si la comptabilisation a lieu durant la période où le créancier pouvait admettre de bonne foi que la dette était devenue irrécupérable. Afin que le principe de périodicité ne soit pas violé dans un tel cas, il faut que le moment choisi par le contribuable pour amortir sa créance ne trahisse pas un objectif purement fiscal.

TF 2C_99/2010

2010-2011

Art. 5 Cst ; art. 9 Cst.

Reprise des pertes en cas de reprise de l’exploitation d’une société de capitaux ; évasion fiscale ; théorie de la confiance. Une quincaillerie exploitée sous la forme d’une SA modifie sa raison sociale, transfert son siège dans une autre commune et modifie son but social, qui devient l’exploitation d’une pharmacie. La pharmacie (nouvelle exploitation) déduit les pertes reportées de son bénéfice durant deux exercices consécutifs. Le fisc vaudois refuse cette déduction au motif qu’elles découlent de l’activité de l’ancienne quincaillerie. Le contribuable se prévaut d’une information téléphonique reçue du Service cantonal des contributions lui attestant la possibilité de report des pertes. Le TF retient que les informations d’ordre général données par l’autorité fiscale qui n’était pas en possession de tous les éléments utiles pour pouvoir se prononcer concrètement ne lient pas le fisc. Le principe de la bonne foi n’est pas violé. Un renseignement oral donné par téléphone et d’ordre général ne saurait lier l’administration. Une confirmation écrite est requise, cf. commentaire de l’arrêt, in : RJN 2010, 159-161.

TF 2C_447/2010

2010-2011

Art. 177 al. 1 LIFD

Soustraction fiscale ; participation du mandataire. La complicité de soustraction d’impôt présuppose un comportement actif vis-à-vis de l’autorité fiscale. Le complice doit avoir conscience et volonté. En l’espèce, le mandataire fiscal de la société contribuable qui assumait également le mandat de comptabilité et de révision avait la maîtrise de toutes les données. Il devait par conséquent avoir connaissance des pratiques de son client dans la gestion de sa société. Une déclaration fiscale ne peut être remplie que sur la base de renseignements oraux fournis par l’actionnaire principal de la société contribuable. Le mandataire fiscal se doit de vérifier ces renseignements par des pièces justificatives. Les manquements répétés, dont avait connaissance le mandataire fiscal, aux dispositions du droit comptable et la couverture des pratiques du contribuable notamment quant aux travailleurs étrangers doivent être considérés comme des actes de participation à une soustraction d’impôt. La simple omission ou négligence ne peut être retenue. Le moment déterminant du comportement du mandataire fiscal est le moment où la déclaration fiscale est remplie et non pas le comportement postérieur adopté durant la procédure de rappel d’impôt.

TF 2C_509/2010

2010-2011

Art. 62 al. 3 LTF ; art. 63 al. 3 LTF ; art. 66 al. 1 LTF

Délai pour le versement de l’avance de frais. Le montant de l’avance de frais, le délai de paiement et les conséquences découlant du non-respect de ces conditions constituent des informations qui ont été données correctement au recourant. Par conséquent, le refus d’entrer en matière sur le recours découlant du défaut de paiement de l’avance de frais dans le délai imparti ne peut être considéré comme un formalisme excessif de la part de l’autorité. De plus, les cantons ne sont pas tenus d’introduire dans leur propre législation, une disposition similaire à l’art. 62 al. 3 LTF qui vise à réglementer la procédure uniquement auprès du Tribunal fédéral.