Droit fiscal

ATF 148 I 97 (i)

2021-2022

Soumission d’une autorisation de séjour à une taxe communale s’élevant à CHF 100.-. Aucune règle fédérale ou cantonale ne subordonne le séjour dans un lieu déterminé à une autorisation de police. Les communes ne sont pas compétentes pour soumettre l’établissement sur leur territoire à un régime d’autorisation (liberté d’établissement). Une taxe causale dépassant le simple émolument de greffe et les principes constitutionnels de la couverture de coûts et de l’équivalence, comme la taxe de CHF 100.- du cas d’espèce, doit impérativement reposer sur une base légale spécifique. En l’occurrence, la loi d’organisation municipale du canton du Tessin et le règlement communal (auquel est déléguée la tâche de fixer le montant des émoluments), ne suffisent pas au prélèvement de cette taxe.

Détermination de la résidence fiscale d’un contribuable ayant une potentielle double résidence fiscale. Pour déterminer le centre des intérêts vitaux du contribuable, le critère d’assujettissement du lieu où le contribuable entretient des liens avec ses enfants doit s’effacer devant celui du lieu où il entretient des liens avec son conjoint ou sa conjointe lorsque les enfants n’ont plus besoin qu’on s’occupe d’eux et/ou que leur garde n’est plus nécessaire en raison de leur âge. La jurisprudence concernant les cadres supérieurs, permettant de faire passer les liens professionnels avant les liens familiaux, ne peut être appliquée à une personne ne dirigeant que 17 employés.

ATF 148 II 121 (f)

2021-2022

Prélèvement des droits de mutation lors du changement de direction d’un fonds de placement contractuel. Le fonds de placement n’ayant pas de personnalité juridique et ne pouvant ainsi pas être propriétaire des immeubles, le changement de direction entraîne un transfert de la propriété des immeubles de l’ancienne direction de la SA à la nouvelle direction de la SA. Ce transfert immobilier onéreux est soumis aux droits de mutation. Le caractère onéreux du transfert est créé par la reprise de dettes faite par la nouvelle direction en faveur de l’ancienne, portant sur les dettes hypothécaires contractées auprès de tiers créanciers et sur les obligations envers les investisseurs.

Influence de la taxation fiscale d’une société suisse pour l’imposition de sociétés du même groupe qui sont situées dans un autre Etat. Les taxations fiscales de la société suisse, dans la mesure où il est plausible qu’elles permettent le contrôle et la vérification du bien-fondé de commissions payées à la société étrangère à l’aune de la problématique des prix de transferts, peuvent être transférées à l’autorité requérante. Il n’y a pas de violation du principe de subsidiarité lorsque l’autorité requérante certifie à l’autorité suisse avoir utilisé tous les moyens internes à sa disposition pour obtenir l’information (principe de la confiance en droit international public). En outre, la transmission par l’autorité suisse des comptes annuels de la société suisse à l’autorité requérante est utile à l’examen des prix de transfert également. L’argumentation consistant à avancer une violation du principe de réciprocité ne saurait être retenue lorsque l’autorité requérante déclare qu’elle assure le respect de ce principe et qu’il n’y a aucune raison de penser que cette déclaration est manifestement inexacte.

Opposabilité du secret d’affaires à l’entraide administrative internationale. L’octroi de l’assistance administrative est justifié dans la mesure où sont visées des informations vraisemblablement importantes à l’examen des prix de transfert. De plus, les informations en question ne constituent pas des secrets d’affaires. Le seul fait que l’état requérant soit actif dans le même domaine que les sociétés en question ne suffit pas à faire craindre que l’autorité concernée ne respecte pas son obligation de confidentialité (principe de la confiance en droit international public).

Entraide administrative avec la Russie. La demande de suspension de la procédure d’assistance administrative requise par l’autorité fiscale russe, qui vise à déterminer qui est le bénéficiaire effectif de dividendes payés sur un compte suisse, est admise. Il en va en effet de la conformité avec la décision prise par le Ministère public de la Confédération de suspendre les procédures d’entraide judiciaire pénale avec la Russie jusqu’à nouvel ordre (au vu de la situation en Ukraine), ainsi qu’avec les mesures prises par le Conseil fédéral. Suspendre la procédure permet également d’être cohérent à l’égard de certaines organisations internationales desquelles la Suisse fait partie, comme l’OCDE par exemple, qui ont exclu ou suspendu la participation de la Russie, étant aussi rappelé que l’art. 25a CDI CH-RU est calqué sur le modèle de l’OCDE.

ATF 147 II 338 (f)

2021-2022

Remboursement de l’impôt anticipé dans le cas d’une vente portant « sur un porte-monnaie plein ». Dès lors que les conditions posées par les art. 21 ss LIA sont remplies, le remboursement de l’impôt anticipé est dû, sauf si l’opération réalisée est constitutive d’évasion fiscale. C’est à l’autorité fiscale de supporter le fardeau de la preuve et d’amener assez d’indices révélant une opération non fondée sur des motifs économiques. En présence de suffisamment d’indices, le fardeau peut être renversé. C’est alors au contribuable de démontrer la justification économique du procédé choisi. En l’occurrence, le fait pour un actionnaire étranger de vendre ses parts d’une entreprise disposant de substance non nécessaire à l’exploitation à une société suisse qui pourra récupérer l’impôt anticipé, et ce sans justification économique, ne peut s’expliquer que par la volonté d’éluder la charge fiscale que représente l’impôt anticipé pour les étrangers. Un délai de plus de cinq ans entre l’achat de la société et la distribution d’un dividende, contrairement à ce que prévoit l’art. 20a al. 1 LIFD qui ne trouve pas application en matière d’impôt anticipé, n’a aucune importance du moment qu’aucun motif économique ne justifie le procédé insolite choisi. En effet, lorsqu’une évasion fiscale au sens de l’art. 21 al. 2 LIA est reconnue, l’écoulement du temps n’y change rien. Il n’y a pas de parallélisme sous cet angle entre l’art. 20a al. 1 LIFD et l’art. 21 al. 2 LIA.

ATF 147 II 287 (f)

2021-2022

Exonération fiscale des personnes morales ayant un but d’intérêt général ou d’utilité publique. Une exonération ne peut être donnée à une fondation dont la majeure partie du patrimoine est constituée des 100% des parts d’une société commerciale et d’un prêt fait par la fondation à ladite société commerciale. La situation décrite entraîne par la force des choses un risque de conflit d’intérêts. La capacité de la fondation à poursuivre son but idéal est intrinsèquement liée à la bonne marche de la société commerciale ; cette dépendance fait que l’intérêt à la préservation de la société commerciale ne peut être qualifié de subalterne par rapport au but d’utilité publique que poursuit la fondation et que la gestion patrimoniale de la fondation ne peut pas être qualifiée de désintéressée. L’art. 56 let. g LIFD ne peut dès lors pas s’appliquer. Il en serait peut-être allé autrement si, après avoir cédé ses activités commerciales dans la restauration à la société commerciale, la fondation avait placé sa fortune conformément aux principes de sécurité, de liquidité et de répartition des risques et, partant, investi dans diverses entreprises, plutôt que de conserver un lien économique et juridique étroit et exclusif avec son ancienne entreprise et la société qui la dirige désormais.

ATF 147 II 454 (f)

2021-2022

Révocation d’un allègement fiscal avec effet rétroactif. L’allègement fiscal accordé par le canton de Vaud en vertu de l’art. 23 al. 3 LHID à une société y ayant eu son siège peut être révoqué avec effet rétroactif, dans la mesure où, en fusionnant avec une autre société basée à Bâle, la société ayant bénéficié de l’allègement fiscal contrevient aux obligations prévues par le contrat de droit public régissant les conditions dudit allègement fiscal passé avec le canton de Vaud. L’art. 53 LHID n’est pas applicable dans le cas d’espèce, contrairement à ce qu’a retenu l’instance précédente. L’arrêt de l’instance inférieure est donc annulé et la décision de révocation de l’allègement avec effet rétroactif est rétablie.

Conditions de la réduction pour participation sur les bénéfices en capital. La condition de la participation qualifiée pour l’obtention de la réduction pour participation sur les bénéfices en capital selon l’art. 70 al. 4 LHID doit s’entendre comme l’exigence de l’aliénation d’une participation qualifiée et non comme la détention d’une participation qualifiée. Ainsi, le contribuable aliénant 3 % des parts d’une société dans laquelle il détient plus de 10% ne peut pas bénéficier de la réduction pour participation sur ces 3 % aliénés, quand bien même il détient plus de 10 % au total.

ATF 148 II 189 (d)

2021-2022

Déductibilité des rachats LPP. La jurisprudence relative à la non-déductibilité des rachats de prévoyance lorsque le délai de blocage de l’art. 79b al. 3 LPP n’est pas respecté n’est pas applicable dans le cas d’espèce, dans la mesure où le rachat sert ici spécifiquement à financer une rente transitoire pour la période entre la retraite anticipée et l’âge ordinaire de l’AVS. Ce rachat n’a aucune influence sur le montant du capital vieillesse ou du capital de prévoyance. Du point de vue fiscal, cela signifie que l’apport en question ne permet pas d’accumuler un capital de prévoyance qui pourrait ensuite être perçu sous forme de capital avec une imposition privilégiée, mais qu’il sert à financer une prestation qui peut être perçue exclusivement sous forme de rente et qui est imposée au tarif normal. Le risque d’abus, que l’art. 79al. 3 LPP vise à éviter, n’existe donc pas dans le cas d’espèce. En effet, le contribuable a fourni une prestation de CHF 62’050.40 provenant de sa fortune, dont la contrepartie est ensuite imposée au tarif normal en tant que rente. Si l’apport en capital n’était pas déductible, cette somme serait en fin de compte imposée à double.

Impôt fédéral direct et impôts cantonaux et communaux. La contreprestation obtenue contre l’octroi d’une servitude, lorsque celle-ci ne constitue pas une atteinte importante au sens de l’art. 12 al. 2 let. c LHID (ce qui serait alors traité comme une aliénation), est imposée au titre de revenu de la fortune immobilière. Elle n’est donc pas constitutive d’un gain en capital exonéré.

Possibilité pour une institution de prévoyance de se restructurer de manière fiscalement neutre, en particulier d’obtenir le différé de l’impôt sur les gains immobiliers au sens de l’art. 12 al. 4 let. a LHID, dans le cadre d’une opération d’asset swap. sur la base de l’art. 80 al. 4 LPP, indépendamment d’un cas de restructuration fiscalement neutre au sens des art. 24 al. 3 et 3quater LHID. Bien que l’art. 12 al. 4 let. a LHID n’y renvoie pas explicitement, l’art. 80 al. 4 LPP, pour autant que ses conditions soient remplies, permet de différer l’impôt sur les gains immobiliers comme dans un cas de restructuration fiscalement neutre. Les conditions posées par l’art. 80 al. 4 sont les suivantes : les avoirs transférés par l’institution de prévoyance continuent d’être affectés irrévocablement à la prévoyance des assurés ; et les bénéfices en question résultent d’une fusion ou d’une division (qui peut consister en un transfert de patrimoine avec reprise de droits patrimoniaux de l’entité ayant bénéficié du transfert). Dans la mesure où ces conditions sont réalisées en l’espèce, le gain immobilier doit être différé conformément à l’art. 12 al. 4 let. a LHID.

Principe de la bonne foi et statut de société holding. Le principe de la bonne foi en droit fiscal ne permet pas de se voir accorder, pour le futur, un statut fiscal spécial sur la base de son obtention passée. Ce n’est que si le fisc promet expressément d’accorder le même traitement pour une période subséquente que peut se poser la question de la bonne foi.

Taxation par estimation en matière de TVA lorsque la comptabilité du contribuable est dénuée de force probante. Dans le cadre de la taxation par estimation, l’autorité doit tenir compte des circonstances dont elle a connaissance, mais elle n’est pas tenue, en cas de doute, de retenir les hypothèses les plus favorables au contribuable. En effet, il s’agit d’éviter que l’assujetti qui a rempli son devoir de collaboration doive payer des impôts plus élevés que celui dont un contrôle ultérieur de la comptabilité est impossible pour des motifs qui lui sont imputables.