Art. 28a al. 1 ch. 3 CC
L’action en constatation de l’illicéité est recevable dès que le demandeur établit l’existence d’un trouble persistant. Il en va de même lorsque l’atteinte à la personnalité survient de manière isolée entre deux parties ou dans un cercle restreint de personnes. L’intérêt à la constatation de l’atteinte sera jugé selon les mêmes principes que ceux posés par la jurisprudence du TF lorsque le trouble est causé par des publications dans les médias de masse (consid. 2.2-2.3). Le TF considère que c’est le comportement de l’auteur qui permet de prévoir si le trouble est susceptible de se répéter de manière identique ou similaire. Le fait que les parties soient dans un rapport de concurrence et participent à des débats politiques de manière régulière et durable laisse envisager la survenance de propos semblables à l’avenir (consid. 2.4.3). Selon l’art. 28a al. 1 ch. 3 CC, celui qui subit une atteinte à sa personnalité peut requérir le juge d’en constater le caractère illicite, si le trouble qu’elle a créé subsiste. L’action en constatation porte sur l’illicéité de l’allégation et non pas sur son caractère mensonger. Cependant, lorsqu’il n’est pas possible de faire cesser l’atteinte autrement que par la constatation de la véracité ou du caractère mensonger de propos offensants, l’action peut exceptionnellement avoir un tel objet.
N. Tissot, V. Salvadé, D. Kraus, P.-E. Ruedin, M. Tissot J. Dubois, V. Wyssbrod, L. Ghassemi, Y. Hazinedar
Art. 28 CC, art. 28a CC
La question de la qualité pour défendre se détermine selon le droit au fond. La Suisse n’a pas adopté de législation particulière concernant la responsabilité civile ou pénale des hébergeurs de blogs, quand bien même la question est étudiée dans le cadre du postulat 11.3912 « Donnons un cadre juridique aux médias sociaux », adopté par le Conseil national le 23 décembre 2011. Actuellement, les art. 28 ss CC sont donc applicables (consid. 6.1). D’après l’art. 28 al. 1 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe. En matière d’actions défensives, cette formulation vise non seulement l’auteur originaire de l’atteinte, mais aussi toute personne dont la collaboration cause, permet ou favorise cette atteinte, sans qu’une faute soit nécessaire. En d’autres termes, peut être concerné celui qui, sans être l’auteur des propos litigieux ou en connaître le contenu ou l’auteur, contribue à leur transmission (consid. 6.2). En l’espèce, l’atteinte à la personnalité résulte de la publication sur Internet d’un billet rédigé par un tiers, auquel la recourante a fourni un espace ayant permis la diffusion de ce billet. Si la recourante n’est donc pas l’auteur de l’atteinte, elle y a participé au sens de l’art. 28 al. 1 CC et a donc la légitimation passive. Le fait qu’elle n’ait pas la maîtrise des propos rapportés, ou qu’elle ne puisse pas contrôler tous les blogs qu’elle héberge, n’est pas pertinent. Ces éléments ressortissent en effet à la question de la faute, laquelle n’est pas nécessaire dans le cadre d’une action défensive. Reconnaître la légitimation passive de l’hébergeur pour une telle action n’implique pas automatiquement que les fournisseurs d’accès se verront désormais actionnés en dommages-intérêts ou en réparation du tort moral. En effet, si le lésé peut aussi choisir contre qui il veut intenter une action réparatrice, son choix est limité par le fait qu’il ne peut s’adresser qu’à ceux dont il parvient à prouver la faute. Enfin, il n’appartient pas à la justice mais au législateur de réparer les prétendues « graves conséquences » pour Internet et les hébergeurs que pourrait avoir l’application du droit actuel (consid. 6.3).
N. Tissot, V. Salvadé, D. Kraus, P.-E. Ruedin, M. Tissot J. Dubois, V. Wyssbrod, L. Ghassemi, Y. Hazinedar