Droit des migrations

ATAF 2016/17 (f)

2016-2017

Art. 111c LAsi et art. 5 et 46a PA

Dans cet arrêt de principe, le TAF interprète les al. 1 et 2 de l’art. 111c LAsi et définit leur champ d’application respectif (consid. 4.1 et 4.2). Il considère que le classement sans décision formelle au sens de l’art. 111c al. 2 LAsi ne constitue pas une décision au sens de l’art. 5 PA et n’est donc pas susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral. Cependant, si le SEM commet une erreur manifeste en classant à tort une demande alors que les conditions de l’art. 111c al. 2 LAsi ne sont pas remplies, la possibilité de déposer un recours pour déni de justice demeure (consid. 6).

Art. 83 LEtr

Le TAF se penche sur la question de savoir si les Erythréennes et Erythréens dont la demande d’asile a été refusée sont menacés de se voir condamner pénalement et enrôler dans le service national en cas de retour au pays. Il arrive à la conclusion que tel n’est pas le cas pour les personnes qui ont déjà effectué leur service national obligatoire ainsi que pour les personnes qui ont régularisé leur situation vis-à-vis de leur Etat d’origine en payant l’impôt sur le revenu de 2% et en signant une lettre de repentir. En l’espèce, la recourante n’ayant pu rendre sa désertion vraisemblable, le TAF juge improbable que cette dernière se fasse condamner ou reconvoquer en cas de retour au pays. En conséquence, il laisse ouverte la question de savoir si le service national érythréen comporte une menace de traitement inhumain ou doit être qualifié d’esclavage ou de travail forcé. En outre, après une analyse détaillée de la situation actuelle, le TAF arrive à la conclusion que l’Erythrée ne connaît actuellement pas une situation de violence généralisée et donc qu’un retour au pays n’est pas d’une manière générale inexigible.

Art. 31a al. 1 let. b LAsi et RD III

cet arrêt analyse la situation en Hongrie en lien avec l’application du règlement Dublin III (RD III). Depuis 2015, la Hongrie procède à plusieurs durcissements de sa législation dans le domaine de l’asile. Le dernier en date, avec l’entrée en vigueur de l’acte T/13976 le 28 mars 2017, modifie fondamentalement la situation de ce pays, avec des conséquences tant pour les procédures d’asile que les conditions d’accueil des requérants. Ce système prévoit que tous les requérants d’asile présents sur le territoire hongrois sont désormais hébergés dans l’un des deux centres situés dans les zones de transit à la frontière serbo-hongroise. Le TAF en arrive à la conclusion, « qu’en l’état, la cause n’est pas susceptible d’être définitivement tranchée » (consid. 12). Pour les personnes transférées dans le cadre d’une reprise en charge fondée sur le RD III, le régime dont elles feront l’objet demeure incertain, car les dispositions topiques ont été abrogées par l’acte T/13976. Suite à ces changements, plusieurs Etats européens adaptent leur pratique par rapport à la Hongrie (notamment l’Allemagne décide de ne plus renvoyer de requérants vers la Hongrie). C’est pourquoi le TAF renvoie la cause au SEM pour complément d’instruction et nouvelle décision.

Art. 3 LAsi

Le TAF examine la question de savoir si la situation en Erythrée a évolué ou s’il est toujours justifié d’accorder la qualité de réfugié du simple fait que le requérant rend vraisemblable d’avoir quitté illégalement l’Erythrée. En effet, conformément à la pratique suivie jusqu’à maintenant, la sortie illégale de l’Erythrée justifie en soi la reconnaissance de la qualité de réfugié. Ces dernières années, l’émigration atteint une telle proportion que c’en est devenu un problème pour le fonctionnement de l’Etat car ce dernier est basé sur le service national. Dès lors, en cas de retour au pays, il n’apparaît pas comme hautement probable que la personne ayant quitté illégalement l’Erythrée soit sanctionnée pour ce motif d’une façon telle que ces sanctions constitueraient de sérieux préjudices au sens de l’art. 3 LAsi en raison de leur intensité et de leur motivation politique. Au contraire, il ressort de l’analyse faite par le TAF, sur la base des différents rapports, que de nombreuses personnes ayant quitté l’Erythrée illégalement peuvent y revenir relativement sans problème. D’ailleurs, après un certain temps, elles reçoivent le statut de la diaspora qui leur permet de revenir temporairement au pays sans danger. De plus, le TAF relève qu’une éventuelle punition en raison, par exemple, du non-paiement de la taxe de 2%, n’est pas considérée comme un motif déterminant en matière d’asile. Le TAF change donc sa pratique et arrive à la conclusion qu’il n’existe un risque majeur de sanctions en cas de retour qu’en présence de facteurs supplémentaires (weitere Faktoren) à la sortie illégale qui font apparaître le requérant d’asile comme une personne indésirable aux yeux des autorités érythréennes.

 

Art. 111b et 111c LAsi

le TAF examine quand une demande doit être traitée selon l’art. 111b LAsi (réexamen) ou selon l’art. 111c LAsi (demandes multiples) en lien avec les procédures Dublin. A cet égard, il s’agit de faire la distinction entre les cas où la personne qui dépose une nouvelle demande d’asile n’a pas encore été transférée dans l’Etat Dublin compétent de ceux dans lesquels elle revient en Suisse après que le transfert Dublin ait été effectué. Dans le premier cas, la nouvelle requête doit être examinée sous l’angle du réexamen (art. 111b LAsi). En effet, tant que le transfert n’a pas encore été exécuté, la décision (de non-entrée en matière et de renvoi) demeure pleinement exécutoire. Dans le second cas, il faut examiner la requête sous l’angle de l’art. 111c LAsi. La décision (de non-entrée en matière et de renvoi) a été pleinement exécutée : « lorsque le transfert a déjà été exécuté, le recourant a “épuisé” son obligation de quitter la Suisse vers l’Etat membre responsable, la Suisse a respecté son obligation de le transférer dans les délais, et l’Etat responsable a rempli son obligation de le réadmettre sur son territoire » (consid. 4.3.2). Cette distinction est importante car dans le cas d’une demande multiple (art. 111c LAsi), le SEM doit entamer une nouvelle procédure Dublin s’il souhaite procéder à un nouveau transfert. L’art. 111c al. 1 LAsi pose deux exigences supplémentaires au dépôt d’une nouvelle demande d’asile : elle doit revêtir la forme écrite et être dûment motivée (lex specialis de l’art. 18 LAsi). Ces demandes nécessitent donc une procédure matérielle spéciale, menée uniquement par voie écrite qui permet de renoncer à une nouvelle audition. La procédure étant uniquement écrite, il est important que la demande soit suffisamment motivée, sans quoi le SEM ne pourra pas établir l’état de fait à satisfaction (cf. art. 12 PA). Même si ces exigences sont remplies, le SEM n’est pas obligé d’examiner la demande sur le fond puisque les motifs de non-entrée en matière sont applicables. Lorsque la compétence de l’Etat requis est donnée, le SEM doit, par renvoi de l’art. 111c al. 1 LAsi, faire application de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi.

Art. 84 al. 4 LEtr

L’intéressée est une ressortissante érythréenne reconnue réfugiée par décision du 6 février 2015 mais exclue de l’asile. De mars à juin 2016, elle séjourne en Allemagne, où elle dépose une demande d’asile. Elle regagne la Suisse le 9 juin 2016. Par décision du 10 août 2016, le SEM met fin à l’admission provisoire de l’intéressée, conformément à l’art. 84 al. 4 LEtr et à l’art. 26a let. a OERE. La recourante soutient que l’art. 84 al. 4 LEtr, à l’instar de l’art. 85 al. 4 LEtr, ne devrait pas s’appliquer aux réfugiés admis à titre provisoire. Le TAF procède alors à une interprétation littérale, historique, systématique et téléologique de l’art. 84 al. 4 LEtr, à l’issue de laquelle il conclut que cette disposition est applicable à toute personne admise à titre provisoire, qu’elle bénéficie ou non du statut de réfugié. Il précise que la levée de l’admission provisoire au sens de l’art. 84 al. 4 LEtr se fait ex lege et que l’application du principe de proportionnalité est exclue (arrêt résumé par Semsija Etemi, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 100).

Art. 3 LAsi

Le TAF a reconnu la persécution collective des Yézidis de la province de Ninawa en Irak. Les Yézidis de cette province sont victimes, depuis la prise de pouvoir de l’Etat islamique (EI) en 2014, de persécutions systématiques. Dans la mesure où le risque de persécution de l’EI vise tous les membres de la communauté yézidie, chaque Yézidi a une crainte fondée de persécution du seul fait de son appartenance à cette religion. Une persécution collective des Yézidis doit donc être admise dans la province de Ninawa.

OTest

Dans la présente procédure, la demande d’asile du recourant est traitée dans le cadre des procédures en phases de test à Zurich (cf. art. 4 OTest). Le 2 mai 2016, un recours est déposé et le jour même le SEM rend une décision incidente attribuant le requérant à un canton. Le 23 septembre 2016, la représentation juridique du centre test de Zurich demande à recevoir son forfait pour la représentation effectuée auprès du requérant en procédure de première instance. Cette requête est fondée sur le fait que, suite à la décision du SEM attribuant le recourant à un canton, ce dernier ne se trouve plus dans la procédure relative aux phases de test mais en procédure élargie ; procédure pour laquelle aucune indemnisation sur la base de l’OTest n’est prévue (art. 25 al. 3 et 28 al. 2 OTest). Or, un changement de la procédure accélérée à la procédure élargie n’est possible que lors de la procédure de première instance : si la demande est traitée en procédure accélérée et qu’une décision est rendue, il n’est plus possible de faire passer le requérant en procédure élargie. La décision incidente rendue par le SEM le 2 mai 2016 et attribuant le recourant à un canton a été prise sur la base de l’art. 27 LAsi ainsi que les art. 21 et 22 OA 1 : ce n’est pas une décision décidant du passage du requérant en procédure élargie comme celle fondée sur l’art. 17 al. 2 let. d OTest mais une décision attribuant le requérant à un canton comme conséquence de l’octroi de l’admission provisoire (art. 22 OTest). Dans le cadre des procédures en phases de test, la représentation juridique dure jusqu’à la fin de la procédure de recours (art. 25 al. 3 OTest) et les frais de ladite représentation sont pris en charge par le forfait contractuel basé sur l’art. 28 al. 3 OTest. Ce qui a pour conséquences que le recourant n’a aucuns frais de représentation à supporter pendant la procédure de recours. Il n’y a donc pas de raison d’accorder l’assistance judiciaire sur la base des art. 65 al. 1 PA et 110a LAsi.