Droit des migrations

ATF 143 II 57 (f)

2016-2017

Art. 16 par. 2 ALCP ; 3 par. 1 Annexe 1 ALCP

Dans cet arrêt, le TF se pose la question de la reprise des jurisprudences de la CJUE C-434/09 (McCarthy) et C-456/12. Selon la première, le droit européen à la libre circulation ne peut être invoqué par une personne ressortissante de deux Etats membres de l’UE mais qui a toujours vécu dans le même Etat. La seconde s’intéresse à l’applicabilité des dispositions européennes sur le regroupement familial et précise que celles-ci ne sont applicables à des personnes vivant dans leur pays d’origine que si les regroupés ont acquis le statut de « membre de la famille » alors que le regroupant séjournait dans un autre Etat membre, excluant de fait les situations purement internes. Dans le cas tranché par le TF, il est question d’une ressortissante équatorienne souhaitant bénéficier du regroupement familial en vertu de l’ALCP grâce à sa belle-fille binationale française et suisse. Selon les juges, la situation n’est pas comparable à celle de l’affaire McCarthy dans la mesure où la regroupante a vécu 23 ans en France avant de s’établir en Suisse. Dans de tels cas, la pratique du TF était jusque-là d’appliquer l’ALCP aux Suisses également nationaux d’un Etat membre de l’UE sans regarder si ceux-ci avaient fait usage de leur droit à la libre circulation. Ici, les juges fédéraux décident cependant de reprendre la jurisprudence C-456/12 de la CJUE et de refuser le regroupement familial en raison du fait qu’il s’agit d’une situation purement interne puisque le lien entre la regroupée et la regroupante s’est créé alors que cette dernière était déjà établie en Suisse.

Art. 7 let. d ALCP ; 3 par. 1 et 2 Annexe 1 ALCP

Dans cet arrêt, les juges du Tribunal fédéral sont amenés à interpréter l’art. 3 par. 2 let. b Annexe 1 ALCP et la notion de « à sa charge ». Selon les recourants, la condition de prise en charge ne s’applique en effet qu’aux ascendants du conjoint. Cette interprétation purement grammaticale est rejetée par le TF au terme d’une analyse des différentes méthodes d’interprétation ainsi que de la jurisprudence pertinente de la CJUE. Par conséquent, aussi bien les ascendants d’un citoyen européen que ceux de son conjoint doivent être « à charge » pour pouvoir bénéficier du regroupement familial.

Art. 6 Annexe 1 ALCP

Dans cet arrêt, les juges fédéraux ont, une nouvelle fois, eu la possibilité de prendre position sur la notion de travailleur. Il s’agit ici du recours d’une ressortissante allemande à laquelle l’autorité cantonale a retiré son autorisation de séjour car elle estimait qu’elle n’exerçait qu’une activité économique marginale et accessoire et n’avait, dès lors, pas acquis le statut de travailleuse au sens de l’ALCP. En l’occurrence, l’intéressée a travaillé comme serveuse dans un restaurant pendant trois mois avant d’être licenciée en raison de sa grossesse. Elle a ensuite repris une activité à 50% au bénéfice d’un contrat de durée indéterminée pour un salaire d’environ 2'100 CHF par mois. Le Tribunal fédéral estime que ce revenu est effectivement modeste mais qu’il n’est pas pour autant « purement symbolique et doit partant être considéré comme un revenu réel au sens de l’[ALCP] ». Le fait que l’intéressée bénéficie de prestations de l’aide sociale ne change pas cette appréciation et ne peut la priver de son statut de travailleuse.

Art. 5 par. 1 Annexe 1 ALCP

Cet arrêt concerne un ressortissant kosovar de Serbie marié à une ressortissante italienne titulaire d’une autorisation d’établissement avec laquelle il a deux enfants. Condamné à plusieurs reprises, l’intéressé se voit interdit d’entrée en Suisse pour une durée indéterminée mais revient tout de même en Suisse et est encore condamné à plusieurs reprises. En 2016, il dépose une demande de regroupement familial car sa femme et ses enfants ont entretemps acquis la nationalité suisse. Sa demande est rejetée par l’autorité et par le Tribunal cantonal. Le TF casse ces décisions et estime que l’intéressé ne représente plus une menace actuelle, réelle et grave notamment en raison du temps passé depuis les premières condamnations et de l’amélioration de son comportement.

Art. 5 par. 1 Annexe 1 ALCP

Le Tribunal fédéral juge ici injustifié le retrait de l’autorisation de séjour UE/AELE d’un ressortissant algérien marié avec une ressortissante française. Dans cette affaire, l’autorité cantonale a retiré au recourant – connu sous onze identités différentes – son autorisation de séjour pour deux motifs : tout d’abord en raison de fausses déclarations faites durant la procédure d’autorisation (il n’a pas mentionné le fait qu’il a été condamné à huit reprises en Suisse) ; mais également pour atteinte à la sécurité et à l’ordre publics du fait desdites condamnations. Selon le TF, l’intéressé réunit effectivemen plusieurs motifs de retrait de l’autorisation de séjour (art. 62 let. a et c LEtr). Cependant, s’agissant d’un titre de séjour délivré en vertu de l’ALCP, son retrait doit encore respecter les conditions de l’art. 5 Annexe 1 ALCP. Dans son appréciation de la situation, le Tribunal prend tout d’abord en compte le fait que le recourant a été condamné à huit reprises depuis son arrivée en Suisse. L’importance de ces condamnations est toutefois amoindrie par plusieurs éléments : le recourant n’a plus commis d’infractions depuis son mariage ; le risque de récidive paraît donc faible vu la situation familiale ; il n’a jamais commis d’infractions pour lesquelles le TF se montre particulièrement strict ; trois des condamnations sont liées uniquement au séjour illégal de l’intéressé, motif pour lequel il ne peut aujourd’hui plus se faire condamner ; il n’a jamais reçu d’avertissement formel de la part de l’autorité. Face à ces éléments, les juges concluent que le retrait de l’autorisation n’était pas adéquat à la situation dans la mesure où le recourant ne représente pas une menace actuelle, réelle et grave pour l’ordre public.

Art. 5 par. 1 Annexe 1 ALCP

Cet arrêt concerne un ressortissant espagnol titulaire d’une autorisation d’établissement, dépendant de l’aide sociale durant 10 ans et condamné à une peine privative de liberté de quatre ans pour infraction grave à la loi sur les stupéfiants pour avoir transporté un total de 15 kg de cocaïne. Le TF reconnaît que les conditions du retrait de l’autorisation d’établissement sont remplies (art. 63, al. 2 et 62, let. b LEtr) et, là encore, axe son analyse sur l’art. 5 Annexe 1 ALCP en tenant compte des éléments suivants : contrairement à l’arrêt précédent, les infractions commises dans ce cas font partie de celles pour lesquelles le Tribunal fédéral est particulièrement rigoureux (LStup) ; l’intéressé n’a cessé ses infractions que parce qu’il a été arrêté et a agi uniquement pour des motifs financiers, sans se soucier de la législation ou de la santé d’autrui ; les infractions ne peuvent pas être considérées comme une erreur de jeunesse dans la mesure où il avait plus de 40 ans au moment des faits. Au vu de ces faits, les juges estiment que l’application de l’art. 5 Annexe 1 ALCP est justifiée. Le renvoi de Suisse est également considéré comme proportionnel en raison de la haute gravité de l’infraction commise et de l’absence d’éléments exceptionnels permettant de faire primer son intérêt personnel à pouvoir rester en Suisse.

Art. 5 par. 1 Annexe 1 ALCP

Le Tribunal fédéral est saisi du recours d’un ressortissant allemand dont l’autorisation de séjour n’a pas été renouvelée par le canton de Schwyz. Le canton justifie ce refus de renouveler par le fait que l’intéressé a été condamné à de multiples reprises en Allemagne et en Suisse. Dans son analyse, le TF commence par rappeler qu’une pluralité de petites condamnations peut en raison de leur nombre justifier l’application de l’art. 5 Annexe 1 ALCP. Il estime toutefois que tel n’est pas le cas ici, en particulier en raison de la baisse de l’activité criminelle de l’intéressé durant les cinq dernières années (« que » quatre condamnations sur cette période).

Art. 7 let. d ALCP ; 3 par. 1 Annexe 1 ALCP

Cet arrêt traite du cas d’un ressortissant kosovar, titulaire d’une autorisation de séjour suite à son mariage avec une ressortissante portugaise avec laquelle il a deux filles, qui demande le regroupement familial en faveur de son fils kosovar né d’un mariage traditionnel. Cette demande est rejetée par l’autorité cantonale qui y voit un abus de droit. Cet arrêt permet au TF de rappeler les deux conditions du regroupement familial en faveur d’enfants d’un seul des conjoints : (1) Le citoyen de l’UE/AELE doit avoir donné son accord ; (2) Une relation familiale minimale doit exister entre le parent domicilié en Suisse et l’enfant vivant à l’étranger. En l’occurrence, la première condition est remplie mais le TF doute que la seconde soit remplie dans la mesure où le père et le fils n’avaient eu jusque-là que de rares contacts lors de vacances du père et que le fils ne connaissait ni la belle-mère ni ses demi-sœurs. De plus, l’intérêt du fils à venir en Suisse n’est qu’économique et son arrivée aurait pour conséquence de le séparer de ses proches au Kosovo, le regroupement n’est donc pas dans son intérêt supérieur.