Droit des migrations

Dans cette affaire, les faits sont les suivants. A., de nationalité italienne, épouse en 2011 une ressortissante suisse, qui décède en 2018. L’année suivante, A. dépose une demande de naturalisation facilitée auprès du SEM, sans succès – raison pour laquelle A. saisit le TAF d’un recours. Cette autorité ne lui donne toutefois pas gain de cause, indiquant qu’une demande de naturalisation facilitée n’est recevable, et ne peut donc être examinée au fond, que si, au moment de son dépôt, le conjoint suisse du demandeur est encore en vie. A cet égard d’ailleurs, il importe peu que la fin de l’union conjugale n’ait pas une origine volontaire (comme à la suite d’un divorce), mais involontaire (comme en cas de décès pour cause de maladie ou d’autres raisons) de l’époux suisse (consid. 6.1 et 6.2). Partant, et dans la mesure où, au moment du dépôt de sa demande de naturalisation facilitée, A. est veuf, son recours est rejeté.

ATF 148 I 271 (d)

2022-2023

La condition de maitrise de la langue locale pour la naturalisation selon le droit cantonal ne contrevient pas à l’art. 9 Cst. Il est néanmoins anticonstitutionnel de considérer que la réussite de l’examen de maturité dans cette même langue ne constitue pas une preuve suffisante de cette maitrise. Un autre diplôme ne saurait donc être exigé, sous peine de violer l’art. 29 al. 1 Cst.

ATF 148 I 127 (f)

2022-2023

Les garanties diplomatiques obtenues par les autorités helvétiques afin de s’assurer que l’extradition d’une personne étrangère est conforme au principe de non-refoulement doivent faire l’objet d’un examen de qualité et de fiabilité conformément aux critères développés dans la jurisprudence de la Cour EDH. En outre, selon la pratique du TF, lorsqu’il n’existe pas de précédents permettant de présumer que l’Etat requérant respectera ses garanties, il sied de mettre en place un système de monitoring permettant

à un représentant suisse ou à une personne désignée par la représentation suisse de surveiller le respect de celles-ci. Dans le cas d’espèce, le TF conclut à la fiabilité des garanties diplomatiques offertes par la Russie et confirme l’efficacité du système de monitoring mis en place. Par conséquent, l’extradition du requérant est légale

ATF 149 II 6 (d)

2022-2023

Cet arrêt concerne la conformité à l’art. 16 de la Directive 2008/115/CE (« Directive sur le Retour ») des conditions de détention d’une personne étrangère dans le centre de détention de Moutier (BE). En vertu de ladite directive, la contrainte qui pèse sur les personnes détenues doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire pour garantir une procédure de renvoi efficace. En l’espèce, le TF considère que tel n’est pas le cas de l’enfermement du recourant dans sa cellule pendant dix-huit heures par jour ni de l’impossibilité d’avoir accès à internet dans le centre de détention. Cette dernière restriction constitue, de surcroit, une violation des art. 10 CEDH et 16 Cst. Les restrictions concernant l’utilisation de téléphones privés sont toutefois admissibles, les enregistrements de vidéos ou des sons pouvant porter atteinte au bon fonctionnement du centre de détention.

Principe de non-refoulement. Un ressortissant du Zimbabwe voit sa demande d’asile rejetée par les autorités suisses. L’intéressé invoque l’existence d’un risque de mauvais traitements dans son Etat d’origine en raison de l’activité d’avocat défendeur de victimes de violences étatiques qu’il y exerçait. Le CAT considère que la procédure de l’intéressé est entachée de vices procéduraux qui ont empêché la réalisation d’un examen effectif de sa demande de protection. Plus précisément, le Comité relève que ni le SEM ni le TAF n’ont donné suite à la demande de l’intéressé d’entreprendre les démarches nécessaires à la vérification de l’authenticité des documents qu’il avait produits (authenticité mise en doute par ces mêmes autorités), que son recours et sa demande de réexamen ont tous deux été privés d’effet suspensif et que sa demande de dispense d’avance de frais et d’assistance pour engager un avocat a été rejetée par le TAF, qui a analysé le bien-fondé de son recours par le biais d’un examen anticipé à juge unique sommairement motivé, sans tenir compte d’éléments de preuve nouveaux. Partant, le Comité est de l’avis que l’intéressé n’a pas bénéficié d’une possibilité effective de faire valoir son besoin de protection, ce qui constitue une violation de l’art. 3 UNCAT.

Droit à la protection de la vie familiale. La Cour EDH examine pour la première fois la conformité à l’art. 8 CEDH de la condition d’indépendance à l’aide sociale opposée aux réfugiés admis provisoirement qui déposent une demande de regroupement familial en Suisse (art. 85 al. 7 let. c LEI). Pour la Cour, cette condition doit être appliquée avec souplesse, la dépendance à l’aide sociale ne devant constituer qu’un élément parmi d’autres dans le test de proportionnalité (art. 8 par. 2 CEDH). Plus spécifiquement, les réfugiés ne devraient pas être tenus de « faire l’impossible » pour bénéficier du regroupement familial. Dès lors, un refus d’octroyer le regroupement familial à un réfugié qui ne parvient pas à remplir la condition d’indépendance à l’aide sociale malgré avoir fait tout ce qui est raisonnablement exigible à cet effet est très susceptible d’être disproportionné. Cette flexibilité doit être de plus en plus importante au fur et à mesure que le temps passe et que des obstacles insurmontables à la vie familiale dans le pays d’origine subsistent. Par ailleurs, l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que les éléments attestant de l’existence de vulnérabilités particulières doivent être dûment pris en compte. Dans le cas d’espèce, la Cour conclut à trois violations de l’art. 8 CEDH par la Suisse.

Droit à la protection de la vie privée ; régularisation de la présence d’une personne sans-papiers. Un ressortissant iranien entre légalement en Suisse en 1969, où il épouse une femme (dont il divorce ultérieurement) et a deux enfants. Entre 1988 et 2004, l’intéressé est condamné à des peines d’emprisonnement d’une durée cumulée d’environ cinq ans pour diverses infractions pénales (par exemple faux dans les titres, abus de confiance répété, contrainte, menaces multiples et délits contre le patrimoine). Pour cette raison, il fait l’objet d’une décision d’expulsion pour une durée de cinq ans et perd son titre de séjour en 2002. Malgré les tentatives d’expulsion menées par les autorités compétentes, l’intéressé réside en Suisse de manière illégale pendant encore seize ans, période pendant laquelle il tente de faire révoquer son expulsion et de régulariser sa présence, mais en vain (notamment par le dépôt d’une demande d’autorisation de séjour pour rentiers). Pendant cette période, il fait, par ailleurs, l’objet de plusieurs condamnations pour séjour illégal et est condamné pour la commission d’un vol d’importance mineure. Analysant la conformité de cette situation au droit humain à la vie privée (art. 8 CEDH), la CourEDH relève qu’au vu du comportement pénalement répréhensible de l’intéressé, les autorités suisses disposent d’un certain intérêt public à vouloir l’expulser. Il faut néanmoins tenir compte du fait que le requérant a séjourné de manière légale en Suisse pendant trente-trois ans et que la durée totale de son séjour en Suisse est de quarante-neuf ans. Cette durée est qualifiée d’« extrêmement longue » par la CourEDH, qui relève également que l’intéressé n’entretient plus de liens significatifs avec son Etat d’origine. La Cour prend aussi en considération son âge avancé – 78 ans au moment où le TF rejette son recours – ainsi que l’absence de graves infractions pénales depuis 2005. En outre, elle juge les efforts réalisés par les autorités nationales pour l’expulser comme insuffisants. Pour ces différentes raisons, la CourEDH considère que les autorités helvétiques n’ont pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu, mais ont plutôt attribué un poids excessif à l’intérêt général en refusant d’accorder au requérant une autorisation de séjour pour rentiers. Partant, l’art. 8 CEDH a été violé.

En matière de protection de la vie privée, la présomption d’enracinement après un séjour légal de dix ans en Suisse (ATF 144 I 266) est uniquement applicable lorsqu’il s’agit de prolonger ou de renouveler une autorisation de séjour déjà existante. Ladite présomption ne concerne donc pas les situations où c’est l’octroi d’une première autorisation de séjour initiale à une personne sans-papiers qui est en jeu. La jurisprudence plus ancienne, reconnaissant un droit potentiel à l’obtention d’une autorisation de séjour tiré de l’art. 8 CEDH en cas d’intégration particulièrement réussie en Suisse reste toutefois applicable dans tous les cas.

Le TAF examine, dans cette affaire, le cas de l’expulsion pénale d’un ressortissant italien condamné à plusieurs reprises, notamment, pour des agressions sexuelles commises à l’encontre de jeunes femmes mineures. Il indique, tout d’abord, que contrairement à l’expulsion pénale automatique de vingt ans, le prononcé d’une interdiction d’entrée pour une durée supérieure à quinze ans et jusqu’à vingt ans ne présuppose pas que l’intéressé ait déjà été frappé, auparavant, d’une interdiction d’entrée. Toutefois, pour prononcer une telle interdiction d’entrée (d’une durée comprise entre quinze et vingt ans), le cas doit présenter des circonstances extraordinaires. De telles circonstances peuvent porter, notamment, sur la personne de l’auteur (not. sa volonté ou non de s’amender, sa capacité ou non d’empathie), sur sa manière d’opérer (avec ou sans cruauté, avec ou sans tromperie, avec une absence particulière de scrupules, systématiquement ou occasionnellement), sur la nature particulière du bien juridique lésé ; tout en étant précisé que la qualification de ces éléments, comme éléments sortant de l’ordinaire, dépend des spécificités du cas en question (consid. 12.1). En outre, et en présence de telles circonstances extraordinaires, la récidive pénale et la répétition d’infractions non similaires peuvent justifier, selon le TAF, la délivrance d’une interdiction d’entrée de plus de quinze ans et jusqu’à vingt ans ; tout en étant précisé que l’absence de récidive pénale ou d’infractions n’exclut pas, en présence de circonstances extraordinaires, la possibilité de prononcer une interdiction d’entrée comprise entre quinze et vingt ans (consid. 12.1). Enfin, le TAF indique que, contrairement à l’expulsion pénale obligatoire et automatique de vingt ans, la durée d’une interdiction d’entrée de plus de quinze ans et jusqu’à vingt ans est fixée en application du principe de la proportionnalité. En l’espèce, au vu du parcours du recourant, X., son recours contre une interdiction d’entrée de vingt ans, prononcée à son encontre par le SEM, est rejeté.

Dans cette affaire, le TAF examine la question de savoir si le SEM doit – ou non – donner son approbation à une autorisation de séjour en faveur d’un travailleur au sens de l’art. 6 Annexe I ALCP. Le TAF rappelle, à cet égard, la teneur de l’art. 4 let. e et let. f OA-DFJP : s’agissant des procédures relatives à l’octroi d’autorisations de séjour aux ressortissants d’un Etat membre de l’UE ou de l’AELE, seules doivent être soumises à l’approbation du SEM la prolongation de l’autorisation de séjour d’un ressortissant d’un Etat membre ou de l’AELE et des membres de sa famille qui ont le droit de demeurer en Suisse (art. 4 Annexe I ALCP) et la prolongation de l’autorisation de séjour de l’enfant d’un ressortissant d’un Etat membre de l’UE ou de l’AELE qui a exercé une activité économique en Suisse ou de son conjoint afin d’y terminer sa formation (art. 3, par. 6, Annexe I ALCP) ainsi que la prolongation de l’autorisation de séjour du parent qui en a effectivement la garde. En l’espèce, la Cour de droit public du Tribunal cantonal (NE) a déclaré que le recourant devait se voir remettre une autorisation de séjour UE/AELE du fait de sa qualité de travailleur au sens de l’art. 6 Annexe I ALCP. Partant, cette autorisation n’est pas soumise à l’approbation du SEM dès lors qu’elle n’appartient pas à l’une des catégories de l’art. 4 let. e et let. f OA-DFJP (consid. 4.4).

ATAF 2022 I/3 (d)

2022-2023

Cette jurisprudence examine la question de savoir si le TAF est compétent pour examiner les faits nouveaux qui n’ont pas été révélés dans le cadre de la procédure de première instance au moyen d’une procédure de révision (art. 45 LTAF en lien avec les art. 121-123 LTF) ou si cela est de la compétence du SEM dans le cadre d’une procédure de réexamen au sens de l’art. 111b LAsi (consid. 8.1). Le TAF tranche cette question de la manière suivante : les faux novas – soit les faits survenus avant la fin de la procédure de première instance – doivent être invoqués dans le cadre d’une procédure de révision tandis que ceux survenus après (vrais novas) ne constituent pas un tel motif de révision mais peuvent donner lieu à une nouvelle décision du SEM dans le cadre d’une procédure de réexamen (consid. 9.4.1). En l’espèce, A., dans le cadre d’une seconde procédure d’asile, déclare avoir dissimulé une part importante de ses motifs de fuite lors de sa première demande d’asile (qui a été rejetée). Il s’agit, partant, de faux novas et de ce fait, le TAF est compétent pour les examiner dans le cadre d’une procédure de révision (consid. 9.5).

ATAF 2022 VI/1 (d)

2022-2023

Dans cette affaire, A. et B. ainsi que leurs deux enfants, de nationalités canadienne et ukrainienne et résidant en Ukraine, font une demande de protection provisoire en Suisse à la suite du déclenchement de la guerre. En l’espèce, le SEM puis le TAF leur refusent dite protection. En effet, le TAF rappelle que la LAsi repose sur le principe de la subsidiarité de la protection, duquel découle le fait que les demandeurs d’asile qui ont plusieurs nationalités ne dépendent pas de la protection d’un pays tiers dans la mesure où ils peuvent trouver une protection contre les persécutions dans l’un des Etats dont ils sont les ressortissants ; le Canada en l’occurrence (consid. 6.3). Pour ces motifs, leur recours est rejeté.

ATAF 2023 VI/1 (d)

2022-2023

Dans cette affaire, le TAF examine quel est le délai de recours devant son Autorité lorsque le SEM refuse l’octroi de la protection provisoire à une personne intéressée. Il parvient à la conclusion que le délai pour déposer un tel recours est de trente jours, et non de cinq dans la mesure où une application par analogie des art. 108 al. 3 en lien avec les art. 40 et 6a LAsi ne se justifie pas, les procédures concernées étant tout à fait différentes (consid. 3.9).

ATF 148 IV 281 (d)

2022-2023

Un requérant d’asile s’étant vu opposer une décision de non-entrée en matière est condamné par les autorités zurichoises à une amende de 150 CHF pour violation de son obligation de collaborer à l’obtention de documents d’identité (art. 120 al. 1 let. e en lien avec les art. 120 al. 2 let. b et 90 let. c LEI). Le TF relève que l’obligation d’un requérant d’asile débouté de collaborer à l’obtention des documents de voyage nécessaires à son renvoi est prévue à l’art. 8 al. 4 LAsi. Cette dernière disposition ne prévoit pas de sanction en cas de violation et prime, en vertu de l’art. 2 al. 1 LEI, sur l’obligation de collaborer prévue à l’art. 90 let. c LEI. Partant, c’est à tort que les autorités cantonales ont condamné le recourant sur la base de ce dernier article.

ATF 149 II 1 (d)

2022-2023

Les prestations complémentaires ne relèvent pas de la notion d’aide sociale. Dès lors, leur perception ne saurait fonder la révocation d’un titre de séjour en application des art. 62 al. 1 let. e et 63 al. 1 let. c LEI. Le TF précise qu’il est néanmoins possible de révoquer l’autorisation d’un ressortissant étranger qui dépend de l’aide sociale même lorsque celui-ci invoque qu’une fois à la retraite, ces prestations d’aide sociale seront remplacées par des prestations complémentaires. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque le recourant ne touche plus que des prestations complémentaires au moment où la décision litigieuse est rendue.