Droit des migrations

Art. 66a CP ; 8 CEDH

Dans cet arrêt complémentaire à celui résumé ci-dessus, c’est de l’évaluation de la clause de rigueur de l’art. 66a al. 2 CP dont il est question. En l’occurrence, le TF fait sienne l’évaluation de l’instance inférieure et rejette l’application de la clause de rigueur. Sont pris en compte dans l’évaluation : le lien plus fort de l’intéressé avec son pays d’origine qu’avec la Suisse ; la possibilité de vivre la vie conjugale en République dominicaine ; l’impossibilité de retenir un « développement personnel positif » de l’intéressé ; une « certaine » intégration mais une maîtrise déficiente de l’allemand. Au final, le TF est d’avis que même si l’existence d’un cas de rigueur avait été reconnue, l’intérêt public à son expulsion aurait primé l’intérêt privé de l’intéressé à pouvoir rester en Suisse.

Art. 66a CP

Dans ce premier arrêt en lien avec l’expulsion pénale des criminels étrangers, le recourant conteste son expulsion de Suisse. Deux arguments sont invoqués : 1) l’art. 66a al. 1 CP ne mentionnant pas la tentative, il ne doit pas s’appliquer aux condamnations pour tentative d’infraction et, 2) l’art. 66a al. 3 doit s’appliquer à l’ensemble des circonstances atténuantes prévues par le CP et non aux deux seules mentionnées. Le TF confirme la décision cantonale en réglant de manière claire ces deux questions. S’agissant du premier argument, les juges suivent l’instance cantonale selon laquelle, la loi est claire et ne laisse pas la place à des exceptions autres que celles des alinéas 2 et 3. En outre, le fait que la tentative ne soit pas mentionnée n’est pas décisif dans la mesure où l’art. 66a a vocation à s’appliquer à toutes les formes de participation et indépendamment du fait qu’il n’y ait eu qu’une tentative ou que la peine fasse l’objet d’un sursis. Au sujet de la portée de l’alinéa 3, il est retenu que les travaux préparatoires ne permettaient pas d’envisager une portée plus large de cet alinéa et ce malgré l’ajout par le parlement du terme « également » qui ne ressortait pas du texte de l’initiative. En effet, ce terme fait référence, non pas aux autres circonstances atténuantes, mais bien à la clause de rigueur prévue à l’al. 2 qui, elle non plus, ne figurait pas dans le texte de l’initiative. Le TF ajoute encore que si le législateur avait eu la volonté d’élargir l’exception de l’alinéa 3 à d’autres motifs, il aurait clairement introduit les termes « notamment » ou « en particulier ».

Art. 2, 3 CEDH

Ce cas concerne un requérant d’asile iranien dont la demande d’asile déposée en Suisse est rejetée en raison d’invraisemblances et de contradictions. Il dépose une demande de réexamen – traitée comme deuxième demande d’asile – suite à sa conversion au christianisme. Celle-ci est rejetée car le SEM estime qu’il n’y a pas de réel risque de persécution. Saisi sur recours, le TAF est d’avis qu’il n’y aurait un risque que si la foi avait été manifestée publiquement en Suisse de sorte à la rendre visible. La CourEDH retient que la sincérité de la conversion doit être admise même si des doutes subsistent mais que les conséquences de celle-ci ont été évaluées dans la procédure d’asile. En outre, les autorités suisses considèrent qu’il n’y a un risque de violation des art. 2 et 3 que si le requérant manifeste publiquement sa foi « d’une manière perçue comme une menace par les autorités iraniennes » (critère posé par CJUE dans les arrêts C-71/11 et C-99/11). Dans le cas contraire, comme ici, il n’y a pas de vrai risque car les autorités iraniennes savent que certaines personnes se convertissent pour renforcer leur demande d’asile et en tiennent compte.

Art. 3 CEDH

Cette affaire concerne un requérant d’asile sierra-léonais dont la demande d’asile, dans laquelle il invoquait des persécutions liées à son orientation sexuelle, est rejetée pour manque de vraisemblance. Dans son arrêt, la CourEDH reprend la grille d’analyse posée par le HCR dans ses principes directeurs sur la protection internationale n° 9, la Cour reconnaît la difficulté à établir les faits pertinents dans les cas liés à l’orientation sexuelle des requérants et estime que l’appréciation de la crédibilité doit donc « être menée de manière individualisée et avec délicatesse ». En outre, la Cour prend également en compte la difficulté pour le requérant, « au regard du caractère sensible des questions ayant trait à la sphère personnelle d’une personne et notamment à sa sexualité » d’étayer ses allégations.

ATF 144 I 91 (f)

2017-2018

Art. 8 CEDH

L’intéressé est un ressortissant algérien, entré en Suisse en 2009 suite à son mariage avec une Française titulaire d’une autorisation d’établissement et père d’un enfant né en 2009 également. Suite au divorce, l’autorité cantonale refuse de prolonger l’autorisation de séjour basée sur le regroupement familial mais propose, sous réserve de l’approbation du SEM, de lui en octroyer une nouvelle sur la base de l’art. 50 LEtr. Suite au refus du SEM d’approuver l’octroi, l’intéressé saisi le TF et invoque l’art. 8 CEDH. Après un état des lieux de la jurisprudence relative à cet article, le TF rappelle que trois conditions doivent être remplies pour qu’un droit de séjour puisse être accordé sur cette base : 1) des relations affectives et économiques étroites et effectives avec l’enfant ; 2) l’impossibilité de maintenir la relation en raison de l’éloignement du parent concerné ; 3) un comportement irréprochable de celui-ci. Une approche « exclusivement objective » de la relation économique, ne prenant en compte ni les éventuels motifs indépendants de la volonté de l’intéressé pouvant expliquer l’absence de paiement d’une pension, ni les éventuelles prestations en nature découlant d’un droit de garde quasiment équivalent à une garde alternée n’est pas admissible. Il en va de même du fait de considérer une condamnation pour non-paiement d’une obligation d’entretien comme permettant de nier le comportement irréprochable car, il « est nécessaire d’éviter que les difficultés que l’étranger a rencontrées par le passé s’agissant du paiement de la pension alimentaire ne s’ajoutent au reproche tiré d’une éventuelle condamnation pénale pour défaut de paiement de ladite pension, lorsqu’il apparaît, les années passant, que le lien économique s’est renforcé ensuite à la faveur de l’écoulement du temps au point que cette relation doive être qualifiée à l’heure actuelle d’étroite et forte » (consid. 6.2).

Art. 8 CEDH

Un ressortissant argentin se voit mis au bénéfice d’une autorisation de séjour suite à son mariage, puis à un concubinage. A l’issue de ce dernier, le canton de Zurich refuse de lui renouveler son autorisation. Etant au bénéfice d’une autorisation qui ne garantit pas un droit de séjour, le recourant invoque donc devant le TF la garantie du droit à la vie privée prévue par l’art. 8 CEDH. Le TF procède à une évaluation globale de la situation afin de savoir si la mesure de renvoi est compatible avec la garantie de la vie privée. Afin de garantir la sécurité du droit et l’égalité de traitement, certaines lignes directrices sont posées : après un séjour légal d’une dizaine d’années, il est considéré que les relations sociales avec le pays sont d’une intensité telle qu’il faut des raisons particulières pour mettre fin au séjour. Le droit à la vie privée peut également être touché après une période moins longue si la personne concernée présente une intégration particulièrement réussie. Dans un tel cas de figure, il est notamment dans l’intérêt économique du pays de permettre à la personne concernée de continuer son séjour. Dès lors, l’intérêt légitime de la Suisse à limiter l’immigration ne suffit pas à lui seul à refuser une prolongation de l’autorisation de séjour. En l’espèce, le recourant est parfaitement intégré sur les plans sociaux et professionnels. Il manque donc une raison particulière de lui refuser la prolongation de son autorisation de séjour, ce qui amène le TF à admettre le recours du ressortissant argentin. Cet arrêt primordial constitue une concrétisation de la pratique du TF qui évalue le droit de séjour d’un étranger sur la seule base du droit au respect de la vie privée.

Art. 6 CEDH ; 30 Cst.

Dans cet arrêt, sur un cas de placement en détention, un ressortissant turc critique le fait que le juge de l’instance inférieure ait lui-même et en tant que juge unique tranché la demande de récusation dont il faisait l’objet. Il estime cette manière de faire contraire à la loi cantonale et aux garanties des art. 6 CEDH et 30 Cst. Les juges fédéraux rappellent qu’il n’est en principe pas autorisé à un magistrat de rendre une décision sur une demande de récusation le visant sauf si celle-ci est abusive ou inutile. Autre principe rappelé par le TF : une demande de récusation basée sur le seul argument que le juge ciblé a déjà tranché dans une procédure antérieure contre l’une des parties impliquées est inadmissible et peut faire l’objet d’une décision de non-entrée en matière à laquelle participe le juge ciblé. Après une revue des cas dans lesquels une récusation a été prononcée ou refusée, le TF estime qu’au vu du principe selon lequel une personne ne peut être impartiale dans une cause la concernant et de la jurisprudence très variée en la matière, la demande de récusation de l’intéressé ne devait pas être considérée comme à ce point mal fondée que le juge concerné puisse s’en saisir lui-même puisque le du juge de la détention a participé précédemment à la procédure relative à la levée de l’autorisation d’établissement et à la procédure de reconsidération.

Art. 29 aLN

Cet arrêt concerne un jeune homme qui a reçu la nationalité suisse sur base d’un certificat de famille attestant que son père était un ressortissant suisse. Malgré une action en désaveu de paternité introduite par celui-ci, son passeport est prolongé puis renouvelé. Ce n’est qu’en 2013, soit 13 ans après sa naissance, que l’intéressé perd effectivement sa nationalité suisse. Il demande alors la naturalisation facilitée sur la base de l’art. 29 aLN (« Nationalité suisse admise par erreur »). Cette demande est rejetée par le SEM qui estime, d’une part, que l’intéressé savait qu’il ne possédait pas la nationalité suisse et a obtenu des documents d’identité sur la base de pièces qu’il savait ne plus représenter la réalité et, d’autre part, qu’il ne remplissait pas les conditions d’intégration et de respect de l’ordre juridique. Un premier recours contre cette décision est admis par le TAF, le Tribunal fédéral est ensuite saisi d’un recours du DFJP. L’art. 29 aLN exige d’avoir vécu durant cinq ans au moins dans la conviction d’être suisse. Examinant cette condition en l’espèce, le TF distingue deux périodes. Premièrement, la période entre la naissance de l’enfant et la seconde prolongation de son passeport. Durant cette période, l’intéressé, né en 2000, était incapable de discernement et représenté par sa mère. Les règles du CO relatives à la représentation imposent donc de lui imputer ce que sa mère savait, en l’occurrence « la non-conformité des documents présentés aux autorités ainsi que l’absence de conviction quant à la nationalité suisse de son fils ». La seconde période examinée est celle démarrant avec la deuxième prolongation du passeport et la constatation de l’absence de nationalité par l’autorité cantonale. Durant cette période de plus de cinq ans, l’intéressé est considéré comme capable de discernement et ne peut donc se voir imputer les actes de sa mère. Dès lors, la bonne foi étant présumée et rien ne permettant de la remettre en cause, le TF retient que la condition de l’art. 29 aLN est remplie. Le recours est toutefois admis pour un autre motif lié à la constatation des faits par l’instance inférieure.

Art. 14 aLN, KBüG/GR

Dans cette affaire, le TF doit se pencher, pour la seconde fois, sur le refus par la commune de Grimmis (GR) de naturaliser un ressortissant iranien reconnu comme réfugié et présent sur le territoire suisse depuis 1989. Le refus est motivé par le fait que le requérant n’est pas assez intégré : il ne fait pas partie d’une société locale, n’est pas assez intégré dans la vie de la commune et ne connait pas assez les us et coutumes locaux. Or lors de la discussion devant l’assemblée communale, le point principal abordé n’était pas celui de l’intégration. En effet, le débat a principalement porté sur les conséquences d’une décision négative pour la commune et sa réputation. En outre, on reprochait au requérant d’avoir fait appel aux tribunaux suite au refus de la commune et que dès lors, l’assemblée communale ne voyait pas pourquoi elle devrait se soumettre à toute décision judiciaire. Le fait que le requérant ait fait usage de ses droits procéduraux ne va pas à l’encontre de son intégration et ne peut lui être imputé dans la décision de naturalisation. Vu l’importance de cette dernière question dans le débat, on peut supposer qu’elle a été décisive dans le résultat et que la question de l’intégration n’avait pas vraiment d’importance. Dès lors, malgré la large marge d’appréciation dont jouissent les autorités communales dans la procédure de naturalisation, la décision doit être considérée comme arbitraire. Il en va de même de l’arrêt du Tribunal administratif grison qui s’appuie uniquement sur les éléments négatifs sans les placer dans le contexte général de la situation particulière. Lorsque l’autorité dispose d’un pouvoir d’appréciation, le TF exerce son pouvoir d’examen de manière limitée et se contente normalement de renvoyer la cause pour nouvelle décision. Cependant, au vu de la durée de l’ensemble de la procédure et des critiques à l’égard du plaignant qui n’a fait qu’exercer ses droits de manière légitime, le TF renvoie la cause à la commune de Trimmis et lui ordonne, exceptionnellement, d’accorder la naturalisation (NB : pour le premier jugement, cf. ATF 141 I 60).

Art. 5 Annexe I-ALCP

L’arrêt concerne un ressortissant croate, né en Suisse et titulaire d’une autorisation d’établissement. Après un premier mariage entre 2010 et 2012, il entame en 2013 une nouvelle relation avec une Suissesse qui aboutira sur un mariage en 2016. Depuis sa majorité, le recourant a été condamné à plusieurs reprises pour diverses infractions et a été averti à trois reprises par l’autorité migratoire. En 2015, son autorisation d’établissement lui est retirée. Devant le TF, il invoque la violation de l’art. 5 Annexe I-ALCP, lequel n’a pas été examiné par l’instance inférieure. La question est donc celle de l’applicabilité de l’ALCP à un Croate. Pour le TF, dans la mesure où l’ALCP a été élargi à la Croatie dès le 1er janvier 2017, le fait que la libre circulation avec celle-ci ne soit pas encore complète ne constitue pas une raison suffisante de traiter les Croates déjà établis en Suisse moins favorablement que les ressortissants d’autres pays UE/AELE en leur refusant l’application de l’art. 5 Annexe I-ALCP. En l’occurrence, en application de cette disposition, le TF estime que l’instance précédente n’a pas accordé un poids suffisant aux intérêts privés du recourant et de son épouse suisse.

Art. 6 Annexe I- ALCP

Dans cet arrêt, le TF s’intéresse au statut de travailleur ainsi qu’aux conséquences de la perte de celui-ci. L’intéressé est un ressortissant italien qui, durant les années 2010 à 2013, a travaillé à quatre reprises pour des périodes allant de quelques mois à un an et dépend de l’aide sociale depuis mai 2011. S’agissant de la qualité de travailleur, le TF estime que la 1re activité exercée de mai à juin 2010 et ayant rapporté à l’intéressé CHF 11’318.- ne peut être qualifiée de marginale. Tel n’est par contre pas le cas des trois autres contrats ayant duré respectivement quatre mois pour
CHF 3’050.-, douze mois pour CHF 4’000.- et un mois pour CHF 178.-. Il n’a donc plus la qualité de travailleur au moins depuis le mois de septembre 2011 et la fin de sa deuxième activité. Quant à la possibilité d’octroyer un droit de séjour sur la base du droit de demeurer ou de l’art. 8 CEDH, elle est niée car l’intéressé n’a pas cessé son activité lucrative en raison d’une invalidité, respectivement en raison de l’absence de liens affectifs et économiques forts avec sa fille, elle-même autorisée à séjourner en Suisse.

Art. 2 et 3 Directive 2004/38/CE ; 21 par. 1 TFUE

Dans cet arrêt, la CJUE examine la possibilité de déduire de l’art. 21 TFUE (droit à la libre circulation) un droit au regroupement familial pour les conjoints de même sexe de ressortissants d’Etats membres. La Cour analyse cette question au regard de la Directive 2004/38/CE et rappelle que celle-ci mentionne le conjoint comme membre de la famille et que cette notion neutre est susceptible d’englober le conjoint de même sexe du citoyen de l’UE. La Cour déduit en outre du fait que la Directive ne renvoie pas au droit national s’agissant des mariages (alors que tel est le cas pour les partenariats enregistrés), que les Etats membres ne peuvent pas s’opposer à la reconnaissance, aux seules fins de l’octroi d’un titre de séjour, d’un mariage conclu par un citoyen européen avec une personne du même sexe. La CJUE estime encore que les Etats ne sont pas légitimés à invoquer un intérêt général à une restriction dans la mesure où la reconnaissance se limite à l’octroi d’un titre de séjour et n’oblige pas les Etats membres à reconnaître pleinement les mariages entre personnes du même sexe. Aucune atteinte à l’institution du mariage, notion définie en droit national, ne peut donc être invoquée.

Art. 5 Annexe I-ALCP

Il est question dans cet arrêt d’une ressortissante binationale serbe et croate, qui perd son titre de séjour en Suisse suite à son divorce d’un allemand titulaire d’un permis C. Le recours au TF fait suite au refus de l’instance de recours d’envisager la cause sous l’angle de l’octroi d’une autorisation de séjour UE/AELE à la recourante sur la base de sa nationalité croate. Dans la suite de l’arrêt 2C_116/2017 résumé ci-dessus, le TF estime que ce qui vaut pour l’art. 5 Annexe I-ALCP vaut également pour les autres dispositions de l’Accord pour autant que leur application immédiate ne soit pas expressément exclue.

Art. 5 Annexe I-ALCP

Cet arrêt concerne un espagnol né en Suisse en 1962 et titulaire d’une autorisation d’établissement depuis 1971. Entre 1979 et 2015, l’intéressé fait l’objet de trente et une condamnations pénales pour des infractions très diverses et est averti, respectivement menacé d’expulsion, à huit reprises en tout cas. Le 15 janvier 2016, le Service cantonal révoque son autorisation de séjour. L’intéressé estime que la décision cantonale viole l’art. 5 Annexe I-ALCP. Dans son analyse, le TF relève une évolution dans « le parcours délinquant du recourant » dans la mesure où les infractions les plus graves datent d’il y a plus de vingt ans et qu’actuellement il ne représente une menace que pour des biens juridiques moins importants et un risque d’atteinte plus faible. En outre, la fréquence des infractions est en partie explicable par la consommation d’alcool et de stupéfiants du recourant, qui suit maintenant un traitement psychiatrique, maîtrise sa consommation d’alcool et a cessé de se droguer. Finalement, le TF considère que les infractions des dernières années ne permettent pas d’établir une menace réelle et grave pour l’ordre public. Le fait que l’intéressé soit né et ait passé toute sa vie en Suisse est également mentionné comme jouant un rôle important.

ATF 144 II 1 (d)

2017-2018

Art. 50 LEtr ; 2 ALCP

Dans cet arrêt, qui constitue une précision importante de la pratique du TF, celui-ci confirme l’applicabilité de l’art. 50 LEtr aux ressortissants UE/AELE et précise que si cet article ne protège pas la vie familiale, les droits qui en sont tirés découlent d’une vie familiale antérieure et possèdent donc encore un lien avec l’ALCP. Pour cette raison, il est justifié d’appliquer l’art. 2 ALCP (non-discrimination) à ces situations. Par conséquent, dans la mesure où l’ex-conjoint bénéficie, avant comme après, d’un droit de séjour en Suisse, l’art. 50 LEtr est applicable même s’il ne s’agit que d’une autorisation de séjour. En l’occurrence, l’ex-conjoint étant reparti vivre dans son pays d’origine, il ne dispose plus de titre de séjour en Suisse de telle sorte que l’art. 50 LEtr n’est pas applicable.

Art. 50 LEtr ; 2 ALCP

Cet arrêt se base sur les mêmes constatations théoriques que l’ATF ci-dessus. La différence est que dans ce second cas l’ex-conjoint, ressortissant irano-autrichien, est toujours titulaire d’une autorisation de séjour en Suisse. L’art. 50 LEtr est donc applicable mais, dans la mesure où les exigences des al. 1 et 2 ne sont pas remplies, l’autorisation de séjour n’est pas accordée.

ATF 144 II 121 (d)

2017-2018

Art. 4 Annexe I-ALCP ; 2 Règlement 1251/70/CE

Il est question dans cet arrêt du droit de demeurer et en particulier de la condition de la durée de séjour minimale prévue par l’art. 2 al. 1 let. b du Règlement n° 1251/70/CE. Pour le TF, la question centrale est de savoir s’il est nécessaire que la personne invoquant le droit de demeurer ait le statut de travailleur tout au long de la durée minimale du séjour exigée par le Règlement. Il procède donc à une interprétation complète de cet article dont il déduit que la durée minimale de séjour n’est pas liée à un statut particulier et doit être différenciée de la durée d’activité. Cette conclusion est déduite du fait que l’art. 2 prévoit pour chaque cas de droit de demeurer une durée de séjour et une durée d’activité minimale, or lorsque ces durées sont les mêmes – c’est le cas dans l’hypothèse de la let. c ainsi que dans l’al. 2 – cela est expressément indiqué dans la disposition. Ainsi donc, s’agissant du droit de demeurer suite à une invalidité (let. b), le TF en conclut qu’aucune durée minimale d’activité n’est prévue et qu’il est dès lors suffisant que la personne concernée ait eu le statut de travailleur au moment de la survenance de l’invalidité. Dans le cas d’espèce, l’intéressée qui est considérée comme invalide depuis septembre 2011, se trouvait à ce moment-là dans un rapport de travail depuis environ un an et bénéficiait donc du statut de travailleuse.

Art. 4 Annexe I-ALCP

Cet arrêt concerne un ressortissant italien entré en Suisse en 2004 et mis au bénéfice d’une autorisation de séjour UE/AELE sur la base d’un contrat de travail de durée indéterminée. Dès 2009, il voit sa capacité de travail être restreinte par une maladie. En octobre 2012, la demande de prolongation de son autorisation de séjour est admise en raison du fait qu’une demande de rente AI est pendante. Suite au refus de celle-ci, une nouvelle demande de prolongation lui est refusée en 2014. Le TF considère que l’intéressé est en incapacité permanente de travail au sens de l’art. 4 Annexe I-ALCP au moins depuis environ novembre 2014. Cette incapacité n’étant pas due à une maladie ou un accident professionnel, le TF cherche à savoir si l’intéressé est devenu sans emploi contre sa volonté. A ce sujet, le Tribunal estime que l’autorité de première instance a, sans raison, retenu que l’intéressé est devenu sans emploi volontairement. Le recours est donc admis et la cause renvoyée à l’autorité de première instance.

Art. 65 LAsi ; 64, 63 al. 1, 68 LEtr

Cet arrêt traite de la révocation de l’autorisation de séjour d’un réfugié auquel l’asile a été octroyé. Trois points sont relevés par le TF : 1) la question de la base légale applicable n’est pas simple à résoudre puisque l’art. 65 LAsi renvoie à l’art. 64 LEtr en lien avec les art. 63 al. 1 let. b et 68 LEtr. Ces dispositions fédérales devant de plus s’appliquer dans le respect, d’une part, de l’art. 32 CR qui ne permet le renvoi de réfugiés que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public et, d’autre part, du principe de non-refoulement. 2) la question du partage des compétences entre cantons et Confédération est également compliquée. En effet, si l’autorité cantonale est compétente pour retirer, ou ne pas prolonger, une autorisation de séjour et peut le faire sans que l’asile ait été levé auparavant, elle est toutefois dans l’obligation d’obtenir une prise de position du SEM sur la levée de l’asile, faute de compétence de sa part sur cette question. 3) la dernière question est celle du seuil de gravité posé par l’art. 32 CR. En l’occurrence, l’autorité cantonale se contente d’estimer que le motif de révocation de l’art. 63 al. 1 let. b en lien avec l’art. 65 LEtr est rempli sans se demander si le seuil fixé par l’art. 32 CR était également atteint. Le recours est donc admis.

Art. 62, 63 LEtr

Ces deux affaires s’intéressent à la question de la proportionnalité du retrait de l’autorisation d’établissement suite à des condamnations pénales. Dans le premier cas, l’intéressé a été condamné à sept ans de privation de liberté pour tentative de meurtre et lésions corporelles simples. Malgré le fait qu’il soit né en Suisse, n’ait jamais vécu au Kosovo et ait une compagne et un enfant suisses, le TF estime que l’intérêt public au renvoi doit primer. En effet, en plus de la gravité des infractions, les juges retiennent que : le bon comportement en prison est certes louable mais ne permet de tirer des conclusions sur son attitude et d’évaluer sa dangerosité ; une expertise conclut à un risque de récidive ; si l’intéressé n’a jamais vécu dans son pays d’origine, il en parle toutefois la langue et pourra y terminer son apprentissage de plâtrier ; et finalement, s’il ne peut être attendu de la mère et du fils qu’ils aillent vivre au Kosovo, ils auront néanmoins la possibilité d’y faire des visites régulières. Dans le second cas, le résultat est différent en raison, d’une part, d’un passif pénal moins lourd car les condamnations ont été prononcées avec sursis et la dernière infraction remonte à plus de quatre ans et, d’autre part, de circonstances personnelles favorables. En effet, l’intéressé est arrivé en Suisse à onze ans et y vit depuis plus de vingt ans, il a terminé un apprentissage ainsi qu’une formation complémentaire et est jugé bien intégré professionnellement, il n’a jamais bénéficié de l’aide sociale, est socialement bien intégré et la quasi-totalité de sa famille – y compris son épouse et sa fille – vit en Suisse.

Art. 62, 63 LEtr

Dans cet arrêt, relatif au retrait d’une autorisation d’établissement, le TF se prononce en faveur d’une prise en compte de l’art. 121 al. 3 Cst. – introduit par l’initiative pour le renvoi des étrangers criminels – dans le cadre du pouvoir d’examen de l’autorité et dans la mesure où cela n’est pas contraire au droit supérieur. Dans la mesure où l’analyse du Tribunal se concentre uniquement sur la proportionnalité, l’intérêt de la prise en compte de l’art. 121 al. 3 Cst. n’est pas flagrant dans cette affaire. Cependant, cet arrêt pourrait constituer une jurisprudence de référence dans le cadre de l’analyse de la clause de rigueur de l’art. 66a al. 2 CP.

Art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEtr

Un an après son mariage avec un Suisse, une ressortissante kosovare dépose une plainte pour mariage forcé. Le Tribunal cantonal déclare le mariage nul puis l’autorité compétente refuse de prolonger l’autorisation de séjour de l’intéressée. Dans son recours, l’intéressée invoque l’existence de « raisons personnelles majeures » au sens de l’art. 50 al. 2 LEtr devant, selon elle, lui permettre de recevoir une autorisation de séjour (art. 50 al. 1 let. b LEtr). La question qui se pose est celle de la preuve et le TF traite cette question de manière analogue à ce qui prévaut en matière de violences conjugales. Ainsi, il estime qu’une preuve complète n’est pas nécessaire et que rendre vraisemblable le mariage forcé suffit. Le TF rejette par contre la manière de faire de l’instance inférieure qui, malgré la présence d’un jugement civil reconnaissant le mariage forcé et déclarant celui-ci nul, a procédé à une pondération de différents éléments (notamment des vidéos des fiançailles) et estimé qu’il ne s’agissait, du point de vue de la LEtr, pas d’un mariage forcé. Pour les juges fédéraux, cette manière de faire ainsi que le résultat auquel elle aboutit relèvent de l’arbitraire.

ATF 144 II 113 (f)

2017-2018

Art. 3 ALCP ; 24 Annexe I-ALCP

Cet arrêt pose la question de l’applicabilité de la jurisprudence Zhu et Chen à un couple bolivien demandant une autorisation d’entrée et de séjour en Suisse sur la base de la nationalité espagnole de leur fille alors qu’ils font l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse. Trois éléments sont retenus par le TF : 1) le lieu de naissance de l’enfant n’a pas de pertinence dans l’analyse : seul compte sa nationalité ; 2) l’arrêt Zhu et Chen ne peut être considéré comme exigeant un séjour légal préalable ; 3) la provenance des moyens financiers (art. 24 Annexe I-ALCP) n’est pas pertinente. Le couple a donc droit à une autorisation de séjour en Suisse alors même que les moyens financiers qu’ils revendiquent proviennent d’une activité économique exercée illégalement. Dès lors, le recours interjeté par le DFJP est rejeté.

Art. 3 Annexe I-ALCP

Dans cet arrêt, le regroupement familial est examiné sous l’ange de la condition du « logement convenable ». Dans ce cas, un ressortissant espagnol marié à une ressortissante bolivienne avec laquelle il a une petite fille, dépose une demande de regroupement familial en faveur de la mère et de l’enfant alors que la famille vit dans un studio de 17m2 comprenant en outre une « cuisine laboratoire » et une salle de bain. Le TF relève tout d’abord que les directives OLCP du SEM mentionnent la règle selon laquelle le nombre de pièces du logement doit correspondre au nombre de personnes y habitant – 1. Cependant, il estime que la CJUE n’a jamais fixé de standard minimal et que le texte de l’art. 3 par. 1 Annexe I-ALCP ne permet pas de trancher la question du logement convenable au moyen d’une règle rigide puisqu’il parle de « logement considéré comme normal pour les travailleurs nationaux salariés dans la région ». L’examen doit donc se faire « région par région au moyen d’un examen global concret » tenant compte du marché local du logement ainsi que du nombre de personnes y logeant, de la composition de la famille, des conditions locales du marché du logement, des possibilités d’aide au logement ainsi que des moyens financiers exigibles. La notion de logement convenable étant une notion juridique indéterminée, le TF reconnait une liberté d’appréciation aux autorités cantonales qui ont une meilleure connaissance des circonstances particulières locales et il examine donc avec retenue leur décision. En l’espèce, il considère que l’autorité cantonale genevoise a correctement évalué la situation en jugeant le logement comme suffisant, bien que restreint. Dès lors, le recours du Secrétariat d’Etat aux migrations est rejeté.

Art. 51 LAsi

Cet arrêt traite de « l’asile accordé aux familles » et plus précisément de la vraisemblance de l’union conjugale ainsi que de l’existence de « circonstance particulière » excluant le regroupement. Le TAF estime tout d’abord que le SEM a rejeté à tort la vraisemblance d’une union conjugale conclue en Erythrée. S’agissant des circonstances particulières, la question est de savoir si le fait que le regroupé potentiel soit déjà reconnu comme réfugié dans un autre Etat – en l’occurrence l’Italie – exclut l’octroi de l’asile familial ? Le TAF s’appuie sur le fait que l’art. 51 poursuit deux buts : d’une part, assurer le droit à la vie familiale et, d’autre part, offrir une protection aux membres de la famille de réfugiés. Il estime ensuite que le but de protection serait vidé de son sens si l’asile familial pouvait être accordé alors que la personne visée bénéficie déjà du statut de réfugié – et donc d’une protection – dans un Etat tiers. Dès lors, il existe donc bien une « circonstance particulière » excluant l’octroi de l’asile familial quand le membre de la famille pouvant en bénéficier est reconnu comme réfugié dans un Etat tiers.

Cet arrêt concerne une dénonciation au TF pour déni de justice de la part du TAF dans une affaire relevant du droit d’asile et plus précisément un cas Dublin pour lequel le TAF a un délai de traitement prévu à l’art. 109 LAsi. Cette affaire a cela de particulier qu’en cours de procédure, il a été demandé qu’elle soit traitée par un collège de cinq juges, ce qui a eu pour conséquences de prolonger sensiblement la durée de ladite procédure. Dans cet arrêt, le TF n’examine s’il y a déni de justice que dans la mesure où ce dernier serait illustratif d’un problème structurel de nature organisationnelle ou administrative. En l’espèce, un délai de 23 mois après clôture de la procédure d’instruction n’est pas convenable. Le TF invite donc le TAF à examiner comment des mécanismes de prise de décision rapide pourraient être mis en place dans les procédures pour lesquelles des périodes de court traitement légal (cf. art. 109 LAsi) s’appliquent. (NB : l’arrêt sur le fond de l’affaire, TAF D-4248/2015, a été rendu le 28 février 2018 et est résumé ci-dessus dans la partie sur Dublin).

Art. 31a LAsi, Règlement Dublin-III

Dans cet arrêt, il est question de la pertinence des exigences posées dans la jurisprudence Tarakhel de la CourEDH s’agissant de personnes particulièrement vulnérables autres que des familles avec enfant. En l’occurrence, le recourant est un ressortissant sri lankais sur la demande d’asile duquel le SEM n’est pas entré en matière en raison de la compétence de l’Italie (l’intéressé est entré dans ce pays au bénéfice d’un visa). Dans son analyse, le Tribunal relève notamment que, dans l’arrêt Tarakhel, la Cour a clairement montré que sa réflexion était intimement liée au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et à la situation dans laquelle se trouvent les familles. Il en déduit que les exigences posées par la Cour n’ont pas vocation à protéger d’autres personnes particulièrement vulnérables, telles que les personnes gravement malades.

ATAF 2017 VI/9 (d)

2017-2018

Règlement Dublin-III

Cet arrêt de principe élargit la portée de la jurisprudence du TAF relative au Règlement Dublin-III. Les recourants sont une famille originaire d’Irak contre laquelle une décision de non-entrée en matière a été prononcée en raison de la compétence d’un autre Etat membre Dublin pour traiter leur demande d’asile (art. 31a al. 1 let. b LAsi). Devant le TAF, la famille invoque une application erronée des critères prévus par le Règlement. La question qui se pose pour le Tribunal est donc de savoir si un tel argument est admissible ou si les critères ont uniquement vocation à régler une situation interétatique. Jusque-là, et contrairement à la pratique de la CJUE, le TAF distinguait entre les règles directement applicables qui consacraient des droits fondamentaux pour les requérants d’asile et celles ne pouvant être invoquées car jugées purement techniques. Suivant le principe d’uniformité d’application et d’interprétation du règlement Dublin-III, le TAF estime qu’il n’existe pas de motifs valables l’autorisant à ne pas suivre la jurisprudence européenne. Cet arrêt ouvre donc la porte à des recours pour application erronée de tous les critères du Règlement Dublin-III.

Art. 31a LAsi ; 9 Règlement Dublin-III

Cet arrêt concerne le recours d’une ressortissante irakienne contre une décision de non-entrée en matière sur sa demande d’asile. Le SEM estime que la France est responsable du traitement de sa demande d’asile car la recourante dispose d’un visa émis par ce pays. Elle, au contraire, estime que la Suisse est responsable en vertu de l’art. 9 Règlement Dublin-III car son mari, dont le renvoi est inexigible, dispose d’une autorisation de séjour en Suisse. La question que se pose le TAF est de savoir si cet article exige une relation conjugale réelle, stable et effectivement vécue. A ce sujet, le Tribunal retient, d’une part, que l’art. 2 let. g Dublin-III ne prévoit pour les conjoints pas d’autre condition que celle d’être mariés (contrairement aux partenaires non mariés) et, d’autre part, que l’art. 9 Dublin-III renonce expressément à exiger que le mariage ait été conclu dans le pays d’origine. Ainsi, le fait qu’en l’occurrence le mariage, conclu dans le pays d’origine, n’ait pas été directement suivi d’une vie conjugale durable ne peut pas être invoqué par le SEM. Pour le surplus, le Tribunal estime que l’art. 9 reste applicable lorsque les conditions ayant justifié l’octroi d’une admission provisoire existent toujours après que la personne concernée ait reçu une autorisation de séjour.

Art. 31a LAsi, Règlement Dublin-III

Cet arrêt s’intéresse à la situation de la Pologne vis-à-vis du système Dublin. En effet, la recourante invoque, d’une part, des défaillances systémiques dans le système d’asile polonais (art. 3 par. 2 Dublin-III) et, d’autre part, le devoir de la Suisse de faire usage de la clause humanitaire dans son cas. S’agissant du premier argument, le Tribunal estime qu’il n’existe aucune raison sérieuse d’admettre l’existence de défaillances systémiques en Pologne. Concernant ensuite la clause de souveraineté, le TAF estime que le SEM a correctement utilisé son pouvoir d’appréciation mais que l’un des éléments nouveaux invoqués dans le recours est à même de justifier l’application de la clause de souveraineté. Il s’agit du fait que, durant les nombreux séjours en hôpital rendus nécessaires par l’état de santé de la recourante, les filles de celle-ci seraient placées dans une structure d’accueil pour requérants d’asile mineurs non accompagnés.

Art. 83 LEtr

Cet autre arrêt de principe traite de la question de l’exigibilité du renvoi dans la région sri lankaise du Vanni. La dernière jurisprudence en la matière reconnaît l’exigibilité du renvoi dans le nord du pays mais laisse de côté la question de la région du Vanni. Dans sa décision, le TAF estime que la situation sécuritaire s’est améliorée depuis la fin de la guerre en 2009 et que l’armée, toujours présente, n’est plus vue comme une source d’insécurité. En outre, les infrastructures sont rétablies, même si certaines ne le sont qu’imparfaitement. Comme c’est le cas pour Kaboul, le TAF estime ici qu’une distinction est nécessaire entre, d’une part, les personnes qui disposent d’un soutien familial ou social sur place, qui sont donc à même de se loger et satisfaire leurs besoins à court terme et dont le renvoi est exigible et, d’autre part, les personnes les plus vulnérables à l’isolement et l’extrême pauvreté dont le renvoi doit toujours être considéré comme inexigible.

Art. 44 LAsi ; 83 LEtr

Cet arrêt est l’occasion pour le TAF d’une analyse très détaillée de la situation en Afghanistan et en particulier dans la ville de Kaboul. Pour rappel, jusque-là le TAF jugeait exigible un renvoi vers Kaboul, Mazar-i-Sharif et Herat mais inexigible dans le reste du pays en raison d’une situation de violence généralisée. Dans cet arrêt, le TAF arrive à la conclusion que la situation sécuritaire et humanitaire s’est considérablement dégradée depuis sa dernière analyse. Il estime donc qu’un renvoi vers cette ville n’est en principe pas exigible mais qu’il peut l’être dans des cas particuliers lorsque des facteurs favorables sont réunis. Ainsi, les jeunes hommes en bonne santé, ayant déjà vécu à Kaboul et y disposant d’un réseau social pouvant leur permettre de trouver un emploi et un hébergement présentent des profils pouvant permettre d’admettre l’exigibilité du renvoi.

Art. 83 LEtr

Cet arrêt analyse l’exigibilité du renvoi en Libye et plus précisément à Tripoli. Le TAF conclut à l’existence d’une situation de violence généralisée dans une grande partie du pays. La même chose vaut pour le renvoi à Tripoli, sauf en présence de facteurs favorables. Cette jurisprudence, tout comme celle concernant Kaboul résumée ci-dessus, est difficilement compréhensible dans la mesure où le TAF retient dans les deux cas une situation de violence généralisée et surtout visant de manière indifférenciée civils et belligérants puis estime que certains facteurs comme le fait d’être un jeune homme en bonne santé permettent toutefois de reconnaître l’exigibilité du renvoi.

Art. 4 CEDH ; 83 LEtr

Ce dernier arrêt examine la licéité et l’exigibilité du renvoi en Erythrée. Il vient à la suite de deux arrêts de référence rendus sur l’Erythrée respectivement en janvier et août 2017 et se penche en particulier sur la question restée ouverte jusqu’à ce jour des conditions du service national. Après un constat de la situation générale déplorable concernant les conditions et la durée du service national, le TAF examine si ce dernier viole l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé prévus par l’art. 4 CEDH rendant ainsi l’exécution du renvoi illicite. Il arrive à la conclusion que même si les conditions de ce service national sont difficiles, les sources disponibles ne permettent pas de conclure à une violation systématique et flagrante de l’art. 4 CEDH. Le TAF reconnaît donc que les conditions de ce service sont problématiques mais pas suffisamment pour rendre de manière générale l’exécution du renvoi illicite ou inexigible.

ATAF 2017 VI/8 (d)

2017-2018

Art. 29 al. 3 Cst. ; 65 PA

Dans cet arrêt, le TAF rappelle qu’il est possible d’obtenir l’assistance judiciaire gratuite également en procédure non contentieuse sur la base des art. 29 al. 3 Cst. et 65 PA. Le TAF examine en particulier l’indigence du recourant ainsi que la nécessité de l’assistance judiciaire dans le cadre d’une procédure de révocation de l’asile et de retrait de la qualité de réfugié. Conditions remplies en l’espèce car dans cette procédure, le recourant ne se voit qu’accorder le droit d’être entendu par écrit de la part du SEM. En outre, ce dernier est professionnellement et socialement mal intégré, n’a pas de connaissance juridique et souffre de troubles psychiques. Dès lors, au vu des enjeux de la procédure, une assistance judiciaire lui est nécessaire. En outre, cet arrêt précise également que la requête d’assistance judiciaire doit être examinée lorsque le recourant obtient gain de cause car l’institution des dépens n’est pas connue en procédure d’asile non contentieuse.

Art. 29 Cst.

Cet arrêt partiel traite de questions purement procédurales et aborde en particulier la question de savoir si la partie a le droit de connaître qui a pris part à la décision qui a été rendue à son égard. Selon l’art. 29 Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit examinée par une autorité légalement composée, compétente et impartiale. Le seul moyen pour la personne concernée de savoir si ce droit est respecté est de connaître quels membres de l’autorité ont participé à l’élaboration de sa décision. Dès lors, la pratique du SEM ne donnant pas systématiquement le nom du fonctionnaire ayant travaillé sur la décision est contraire à la loi et doit être adaptée.

Art. 41a, 108a LAsi ; 83 let. d ch. 1 LTF

Cet arrêt s’intéresse au problème de la coordination entre procédures d’extradition et de renvoi. Un ressortissant moldave fait l’objet d’une décision négative sur l’asile assortie d’une décision de renvoi puis d’une demande d’extradition par son pays d’origine rejetée par l’OFJ faute de garanties suffisantes, il estime que son renvoi en Moldavie serait illicite car contraire au principe de non-refoulement (art. 3 CEDH). Saisi d’un recours fondé sur l’art. 83 let. d ch. 1 LTF, le TF accepte d’entrer en matière en raison du fait que la décision de refuser l’extradition est basée sur des motifs formels (absence de garantie) et pourrait dès lors être rouverte. Le recours se base sur les art. 41a et 108a LAsi qui exigent des autorités d’asile de prendre en compte le dossier relatif à la procédure d’extradition afin d’éviter que des décisions contradictoires soient rendues dans les deux domaines. En l’occurrence, la décision négative du TAF sur l’asile a été rendue avant celle relative à l’extradition et, dans la mesure où la coordination n’a pas eu lieu, le TF relève que le risque de contradiction est évident. Il admet le recours en exigeant des instances inférieures un examen sur les motivations et la portée du refus d’extradition.

Art. 50 al. 1 LTF

Dans ce très court arrêt, les juges fédéraux refusent de restituer un délai de recours à une ressortissante d’un Etat membre de l’ALCP. Cette décision se base sur le fait que l’intéressée a omis de signaler à l’autorité inférieure son changement de domicile survenu en cours de procédure. Or, se sachant partie à une procédure judiciaire, elle aurait dû indiquer à l’autorité concernée ce changement d’adresse. Ne l’ayant fait, elle est considérée comme fautive et réputée avoir eu connaissance de la notification à l’échéance du délai de garde du pli recommandé. Le délai ne lui est donc pas restitué et le recours adressé tardivement est irrecevable.

Art. 63 al. 1 LAsi ; 1 C ch. 1-6 CR

Cet arrêt s’intéresse au cas d’un Somalien qui, suite à son mariage avec une Somalienne reconnue comme réfugiée avec asile en Suisse, reçoit l’asile et le statut de réfugié à titre dérivé. Après qu’il se soit fait contrôler à l’aéroport de Zurich avec un billet d’avion pour Mogadiscio, le SEM lui accorde le droit d’être entendu puis lui retire l’asile et la qualité de réfugié pour s’être à nouveau placé sous la protection de son pays d’origine (art. 63 al. 1 let. b LAsi en lien avec l’art. 1 C ch. 1 CR). La question est de savoir si les personnes ayant reçu la qualité de réfugié et l’asile à titre dérivé doivent être traitées différemment que les réfugiés à titre originaire. Pour le TAF, l’art. 1 C CR ne fait pas de différence donc les trois conditions posées par la jurisprudence pour l’application de l’art. 1 C ch. 1 CR doivent être remplies. A savoir : 1) être entré en contact volontairement avec les autorités du pays d’origine ; 2) avoir eu pour but de demander la protection de ce pays ; 3) avoir effectivement reçu cette protection. Dans l’examen de la troisième condition, le fait que la personne n’ait reçu le statut de réfugié et l’asile qu’à titre dérivé et donc l’absence de persécution personnelle peut être pris en compte. En l’occurrence, le TAF estime qu’il est rentré volontairement dans son pays d’origine et qu’il est par conséquent considéré comme ayant cherché la protection de ce pays. Il n’existe de plus aucun indice que les autorités somaliennes lui aient refusé cette protection.

ATF 144 II 16 (d)

2017-2018

Art. 74 al. 1 let. b LEtr

Le TF s’intéresse ici à la portée de l’art. 74 al. 1 let. b LEtr permettant l’assignation à un périmètre de personnes dont il est douteux qu’elles se soumettront à la décision de renvoi les concernant. Plus précisément, la question est de savoir si l’assignation et l’exclusion de périmètre ne sont applicables qu’en vue de la préparation et de l’exécution d’un renvoi (forcé) ou si elles sont également envisageables lorsque celui-ci est impossible. Plusieurs éléments de l’analyse du TF méritent d’être mentionnés. Premièrement, le texte de la loi ne laisse pas apparaître de limitation aux renvois forcés. Deuxièmement, la jurisprudence estime certes que le but de la mesure est de contrôler le séjour de la personne et d’assurer sa disponibilité pour la préparation et l’exécution du renvoi mais, d’une part, il ne ressort pas de ladite jurisprudence que c’est là l’unique but et, d’autre part, cette interprétation ne s’appuie que sur une doctrine non argumentée. Le TF estime donc que l’assignation doit également pouvoir servir de moyen de pression en vue de l’exécution de la décision de renvoi. Troisièmement, l’interprétation systématique relève que l’art. 74 ne se trouve pas dans la section 4 (exécution du renvoi) mais dans la section 5 (mesures de contrainte). Les mesures de cette section ne sont qu’en partie en lien avec l’exécution du renvoi, mais en sont pour partie détachées (tel est le cas de la détention pour insoumission qui peut être ordonnée même lorsque le renvoi n’est pas possible). Le TF estime que l’assignation suit – en tant que mesure plus légère – les mêmes buts que la détention et peut donc aussi servir à encourager le départ volontaire. Quatrièmement, une interprétation historique amène au même résultat, car aussi bien le Conseil des Etats que le Conseil national ont montré une volonté d’élargir le but de l’assignation et l’exclusion de périmètre pour permettre de viser également les personnes ne quittant pas la Suisse au terme de leur délai de départ. En conclusion, le TF est d’avis, d’une part, que le sens et le but de l’art. 74 al. 1 let. b LEtr tel qu’il ressort des différents critères d’interprétation est que la décision de renvoi entrée en force soit exécutée et, d’autre part, qu’il n’existe pas de raison de limiter ce but au seul renvoi forcé en excluant le retour volontaire.

Art. 74 al. 1 let. b LEtr

Sur le même sujet que l’ATF ci-dessus, cet arrêt soulève deux questions. La première est la même que celle au centre de l’ATF 144 II 16 résumé ci-dessus, le TF ne fait dès lors que confirmer la jurisprudence rendue quelques mois plus tôt. La seconde est davantage procédurale mais liée à la proportionnalité de la mesure. En effet, dans son mémoire de recours, l’intéressé demandait principalement la levée complète de la mesure et, subsidiairement, la limitation de la durée de celle-ci à un an. Or, dans sa décision, l’autorité cantonale de recours s’est contentée de juger l’assignation de périmètre fondamentalement licite, sans prendre position explicitement sur la demande subsidiaire. Le TF juge cette manière de faire inadéquate dans la mesure où le fait de juger une mesure fondamentalement licite ne signifie pas qu’elle l’est nécessairement ad eternam. Dès lors, l’autorité inférieure aurait dû se prononcer sur la requête subsidiaire, le recours est donc admis.

Art. 74 al. 1 let. b LEtr

Toujours au sujet d’une assignation à un territoire, un recourant estime que la mesure prononcée à son encontre est disproportionnée, premièrement, car le retour n’est pas possible contre sa volonté ce qui, selon lui, rend la mesure inadaptée et, secondement, car la mesure restreint ses possibilités de contact avec sa fille placée en foyer dans un autre canton. Le premier motif recoupe celui développé dans l’ATF ci-dessus et le TF se borne à y faire référence. Le second argument est également rejeté par les juges qui, de manière logique, estiment que l’intéressé est de toute façon privé de contact avec sa fille car interdit de séjour sur l’ensemble du territoire suisse suite au retrait de son autorisation de séjour et à la décision de renvoi le visant, deux décisions entrées en force et ne pouvant plus être remises en cause dans la présente procédure

Art. 62, 63 LEtr

Dans cet arrêt, le TF rappelle plusieurs principes liés au retrait de l’autorisation d’établissement suite à des infractions pénales. Tout d’abord, le TF rappelle qu’une décision de retrait dépend d’une prise en compte globale des éléments dans le cadre de la liberté d’appréciation de l’autorité et qu’à ce titre, une condamnation ayant débouché sur un avertissement formel peut être prise en compte suite à une récidive, même moins grave, pour justifier un retrait du titre de séjour. Ensuite, le Tribunal rappelle qu’aucun délai strict ne peut être fixé s’agissant de l’évaluation du caractère actuel de la condamnation justifiant le retrait. La décision devant être fonction des circonstances du cas d’espèce. En l’occurrence, le TF est d’avis que les deux condamnations de 2002 et 2003 ne peuvent plus être considérées comme suffisamment actuelles. S’agissant ensuite de la notion d’atteinte très grave à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger (art. 63 al. 1 let. b LEtr), le TF rappelle qu’elle s’examine au travers de deux éléments principaux : un comportement portant atteinte à des biens juridiques particulièrement importants et une évaluation générale montrant une incapacité à se conformer à l’ordre juridique. Le Tribunal passe ensuite en revue la jurisprudence rendue à ce sujet avant de s’intéresser plus précisément à la situation du recourant. Au final, deux éléments sont retenus : d’une part, le fait que deux des infractions commises par l’intéressé touchaient des intérêts juridiques importants et, d’autre part, le fait que l’intéressé n’a commis de telles infractions que de manière ponctuelle ce qui atténue la gravité de son comportement. Le TF en conclut que le recours doit être admis.

Art. 98, 106 al. 2 LTF

Le Tribunal fédéral s’intéresse à la recevabilité d’un recours du Secrétariat d’Etat aux migrations contre une décision d’octroi de mesures superprovisionnelles sous la forme d’une suspension du renvoi d’un ressortissant tunisien débouté de l’asile. Selon l’art. 98 LTF, un tel recours est possible mais seule la violation des droits constitutionnels peut être invoquée. Or, en vertu de l’art. 106 al. 2 LTF une telle violation n’est examinée que pour autant qu’elle ait été invoquée et motivée. L’arrêt parle même d’« exigences accrues de motivation ». Dans la mesure où une telle motivation fait défaut dans le mémoire de recours du SEM, le TF déclare le recours irrecevable.

Art. 44, 99 LEtr et 8 CEDH

Changement de jurisprudence. Dans cette affaire évoluant dans le cadre de la procédure d’approbation, le point juridique déterminant est de savoir si le recours des autorités prévu par l’art. 89 al. 2 let. a LTF – in casu le SEM – est ouvert car la recourante peut se prévaloir d’un droit à une autorisation ou si, à l’inverse, seule la procédure d’approbation entre en considération. Le TAF rappelle les conditions d’un revirement de jurisprudence ainsi que la jurisprudence pertinente concernant le moment déterminant à prendre en considération concernant l’âge de l’intéressé (consid. 5-7). La jurisprudence actuelle veut que le moment déterminant concernant l’âge de la personne qui invoque un droit au regroupement familial basé sur l’art. 8 CEDH est celui qu’elle a au moment du rendu de la décision. La solution inverse est retenue pour un droit basé sur le droit interne puisque le moment déterminant est celui du dépôt de la demande de regroupement familial. Le fait de subordonner l’existence d’un droit à la durée de la procédure peut porter atteinte à la sécurité et à la prévisibilité du droit, au principe de la bonne foi ainsi que constituer une inégalité de traitement en faisant peser sur l’intéressé la durée de la procédure sur laquelle il ne peut avoir que très peu d’influence. Au vu de toutes ces considérations, il se justifie de modifier la jurisprudence et d’admettre que le droit au regroupement familial ne doit pas s’éteindre lorsque l’enfant qui pouvait s’en prévaloir sur la base de l’art. 8 CEDH devient majeur en cours de procédure. Dès lors, le SEM qui entendait contester la décision aurait dû déposer un recours en matière de droit public auprès du TF plutôt que de court-circuiter la procédure d’octroi de l’autorisation par le biais de la procédure d’approbation.

Art. 42, 47 LEtr

Cet arrêt pose la question des conditions auxquelles une autorité est tenue d’entrer en matière sur une demande de reconsidération d’une décision de refus d’un regroupement familial. Le TF rappelle tout d’abord qu’un motif de révocation « ne peut pas indéfiniment faire obstacle à l’octroi d’une (nouvelle) autorisation » et que la jurisprudence a retenu qu’un nouvel examen peut être demandé après un délai de cinq ans – à compter de la date d’entrée en force du refus initial – à condition que la personne ait respecté son obligation de quitter la Suisse. Il faut en outre pouvoir démontrer une modification notable des circonstances ou l’existence d’un cas de révision. En l’occurrence, la décision initiale est entrée en force le 21 mars 2017 et la demande de reconsidération est déposée le 28 avril 2017. Le TF juge ce délai beaucoup trop court pour qu’un changement de circonstances à même de justifier une reconsidération bien avant le délai de cinq ans ait pu se produire. Ce d’autant moins que le recourant n’a pas respecté l’obligation de quitter la Suisse. Notons encore que le Tribunal confirme le fait que le délai de cinq ans prévu pour le regroupement familial (art. 47 LEtr) ne saurait être opposé à une personne ayant déjà essuyé un premier refus dans la mesure où cela viderait de son sens le droit de déposer une demande de reconsidération après avoir fait ses preuves durant cinq ans dans son pays d’origine.