Droit des migrations

Art. 8 LAsi, Art. 51 LAsi, Art. 106 LAsi al. 1 let. a, Art. 106 LAsi al. 1 let. b, Art. 29 Cst. al. 2

Une requérante d’asile tibétaine se prétendant de nationalité chinoise voit sa demande d’asile à titre originaire refusée en raison de la violation de son obligation de collaborer (art. 8 LAsi) dans le cadre de la détermination de son origine. Ayant contracté mariage avec un ressortissant chinois reconnu en tant que réfugié en Suisse, elle introduit, par la suite, une demande d’asile familial (art. 51 LAsi). Cette dernière est rejetée par le SEM. Une violation grave de l’obligation de collaborer effectuée dans le cadre de la procédure d’asile familial peut constituer une « circonstance particulière » au sens de l’art. 51 LAsi et s’opposer ainsi à l’octroi de l’asile familial lorsque ce manquement empêche le SEM de vérifier si l’intéressé (le regroupé) a la nationalité d’un Etat autre que l’Etat d’origine du membre de sa famille reconnu en tant que réfugié (le regroupant). Si le SEM peut, dans le cadre de la procédure portant sur l’asile familial, tenir compte du manquement à l’obligation de collaborer s’étant produit dans la procédure précédente, il se doit d’inviter la recourante à se déterminer de nouveau sur son origine, à produire d’éventuels nouveaux moyens de preuve ou à modifier ou compléter ses allégués de fait avant de procéder, par la suite, à l’appréciation de l’existence de « circonstances particulières » s’opposant à l’octroi de l’asile familial. L’autorité n’ayant pas agi de la sorte, la requérante a été privée de la possibilité de participer à la nouvelle procédure et de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise concernant l’asile familial. Il en découle que le SEM a manqué à son obligation découlant de la maxime inquisitoire et violé le droit d’être étendu de la recourante.

Art. 24a LAsi al. 1, Art. 107 LAsi, Art. 5 CEDH, Art. 13 CEDH, Art. 2 Pacte ONU II al. 3, Art. 12 Pacte ONU II, Art. 10 Cst. al. 2, Art. 29a Cst.

Dans cette affaire, la légalité de l’assignation d’un requérant d’asile au centre des Verrières (NE) est analysée sous l’angle de plusieurs griefs ayant trait aux droits humains. En dépit du couvre-feu que le Centre des Verrières impose à ses résidents, l’assignation ne constitue pas une privation de liberté au sens de l’art. 5 CEDH puisque les modalités d’exécution de cette mesure ne sont pas suffisamment strictes (les résidents sont libres de se déplacer à l’intérieur du centre ainsi qu’à l’extérieur en dehors du couvre-feu et les visites sont permises tous les jours entre 14 heures et 20 heures). La mesure litigieuse constitue donc une simple restriction à la liberté de circuler, liberté toutefois garantie par l’art. 10 al. 2 Cst. ainsi que par l’art. 12 Pacte ONU II. Dans le cas d’espèce, la restriction est fondée sur une base légale, répond à un intérêt public (en raison du comportement du recourant, ayant porté atteinte au fonctionnement et la sécurité du centre pour requérants d’asile dans lequel il se trouvait auparavant) et est proportionnée au sens de l’art. 36 Cst. et 12 par. 3 Pacte ONU II. Pour finir, le TAF analyse la conformité de l’art. 107 LAsi (lié à l’art. 24a LAsi) avec le droit à un recours effectif, garanti par les articles 2 par. 3 Pacte ONU II et 29a Cst. Effectivement selon l’art. 107 al. 1 LAsi, en lien avec l’art. 24a LAsi, une décision incidente d’assignation à un centre spécifique ne peut être contestée que dans le cadre d’un recours contre la décision finale. En l’occurrence, la décision finale (soit la décision d’asile au fond) a été notifiée douze jours après la décision incidente (soit celle d’assignation au centre des Verrières) de sorte que le recourant a dû attendre douze jours avant de pouvoir recourir contre cette dernière. Un tel délai est raisonnable et l’on ne saurait, dès lors, conclure que le recourant a été privé de recours effectif dans le cadre de l’atteinte à la libre circulation subie.

Art. 79 LEI, Art. 80 LEI al. 6 let. a

Un ressortissant somalien admis provisoirement en Suisse fait l’objet d’une détention administrative à la suite de la commission de plusieurs infractions. Cette dernière est prolongée jusqu’au 24 mai 2020. Les motifs justifiant une détention en vue de renvoi sont bel et bien présents. Toutefois, tel qu’il se déduit des recommandations du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe relatives aux détentions en temps de pandémie, des politiques d’interdiction d’entrée et de sortie adoptées par de nombreux pays, dont la Somalie ainsi que de la situation sécuritaire « complexe et instable » dans ledit pays africain, le développement de la pandémie et ses effets sur l’exécution de l’expulsion du recourant sont imprévisibles au moment où le TAF rend la décision attaquée. Or, en vertu de l’art. 80 al. 6 LEI, la détention doit être levée lorsque l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Ainsi, le TAF se base sur une « fausse prémisse » lorsqu’il considère qu’il est justifié de maintenir la détention. En outre, l’impossibilité d’exécuter le renvoi n’est, de toute évidence, imputable ni au recourant, ni aux autorités de son Etat d’origine. Il en découle que les conditions pour prolonger la détention par-dessus les six mois (79 al. 2 LEI) ne sont pas remplies. Il n’est toutefois pas exclu que la détention puisse être reprise en cas de changement fondamental de la situation pandémique.

Art. 78 LEI

Dans le cadre de l’analyse de la légalité d’une détention pour insoumission (art. 78 LEI), il sied d’examiner la réalisation de diverses conditions, à savoir qu’une décision de renvoi ou d’expulsion soit entrée en force, que la personne concernée ne s’y soit pas conformée dans le délai imparti, que l’exécution du renvoi ou de l’expulsion échoue en raison du comportement reprochable de l’intéressé et que le principe de proportionnalité soit respecté. Dans cette affaire, concernant un ressortissant algérien devant quitter le territoire suisse, c’est bien les autorités algériennes qui refusent de lui délivrer un laissez-passer, refus menant à l’annulation de plusieurs vols à destination d’Alger. Ces mêmes autorités ont également demandé aux autorités suisses de retarder l’exécution du renvoi, en raison des procédures pendantes contre le recourant. Toutefois, ce dernier n’a jamais entrepris de démarches auprès des autorités de son pays d’origine, démultiplie les demandes de réexamen du refus de sa demande d’asile et s’est même inscrit à l’Université de Fribourg. De surcroît, c’est son comportement pénalement répréhensible qui dissuade les autorités algériennes de délivrer le laissez-passer. Le recourant n’a donc jamais fait preuve de vouloir se conformer à la législation suisse et le blocage de la situation lui est imputable. La détention respectant le principe de proportionnalité, son recours est rejeté.

Art. 50 LEI

Si cet arrêt concerne la notion d’intégration professionnelle réussie dans le cadre de l’ancien art. 50 LEtr, les développements qui y sont réalisés restent pertinents sous l’angle de la nouvelle disposition. Le critère le plus déterminant est le recours à l’aide sociale. Or, dans le cas d’espèce, la recourante n’y a jamais eu recours. Le fait qu’elle n’ait occupé que des emplois à temps partiel et qu’elle ait été sans emploi lucratif pendant plusieurs années ne saurait justifier la négation de son intégration professionnelle, qui est donc réussie. En outre, c’est à tort que le TAF a tenu compte du fait que la recourante pourrait avoir recours à l’aide social dans le futur. Effectivement, « en cas d’absence d’activité lucrative permettant de couvrir les besoins, la jurisprudence retient qu’il n’y a pas d’intégration réussie que si, cumulativement, la personne est dépendante aux prestations sociales pendant une période relativement longue […], ce qui implique nécessairement un examen a posteriori. Il est donc contraire à la jurisprudence d’anticiper la réalisation de cette condition. »

Art. 49 LEI

Des problèmes budgétaires et la charge financière supplémentaire que constitue, pour des époux, de s’installer ensemble (dans le cas d’espèce, à Genève) ne constituent pas une raison majeure au sens de l’art. 49 LEI, justifiant qu’exception soit faite à l’exigence d’un ménage commun (art. 42 à 44 LEI). Ne constituent également pas des raisons majeures au sens de la disposition topique le fait que l’un des époux déménage temporairement à l’étranger afin d’y réaliser des études ou le fait qu’il soit convenable de conserver l’appartement à Genève dans la perspective d’y exercer la profession d’avocat international dans le futur.

Art. 50 LEI al. 1 let. b

Soit une ressortissante algérienne ayant obtenu un titre de séjour en Suisse par le biais du regroupement familial avec son mari. A la suite de la dissolution de l’union conjugale, le SEM prononce son renvoi de la Suisse. Cette décision est confirmée par le TAF qui considère que le fait que le mari de la recourante ait été condamné pour lésions corporelles qualifiées commises sur son épouse ne permet pas de conclure à l’existence d’un cas de rigueur au sens de l’art. 50 al. 1 let. b LEI. Pour entrainer l’application dudit article, la violence conjugale doit revêtir une intensité telle que l’on puisse accepter que la poursuite des relations conjugales risque de perturber gravement la personne ayant un droit de présence dérivé. Dans le cas d’espèce, la recourante a été giflée sur la joue, jetée au sol puis saisie par les cheveux, ce qui lui a provoqué diverses abrasions ainsi que des tuméfactions. Ces actes atteignent le degré d’intensité exigé par l’art. 50 al. 1 let. b LEI. Pour cette raison, le recours est admis et le TF n’examine pas le grief de la recourante selon lequel elle a également été victime de violence psychologique et de menaces et sa réintégration en Algérie est compromise.

Art. 50 LEI

Dans cet arrêt, un ressortissant étranger ne pouvant se prévaloir de l’art. 50 al. 1 let. a LEI en raison de l’absence d’union conjugale ayant duré trois ans en Suisse invoque des raisons personnelles majeures au sens de l’art. 50 al. 1 let. b LEI. Le fait que le recourant soit homosexuel et que ce groupe social souffre, à un certain degré, de discrimination au Pérou, ce qui a été admis par le TAF, ne suffit pas à lui conférer un droit à la continuation de son séjour en Suisse. Le TF se base principalement sur le fait que le Pérou ait été le premier pays d’Amérique latine à avoir dépénalisé l’homosexualité, que la loi péruvienne prévoie l’égalité de protection en cas de discrimination basée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre et que le recourant y ait vécu durant vingt-deux ans sans que son homosexualité lui porte préjudice.

Art. 3 CEDH

Cet arrêt a trait à l’existence d’un risque réel de traitements contraires à l’art. 3 CEDH pour un ressortissant afghan converti au christianisme. Si la Cour, tout comme le TAF, n’est pas convaincue que la conversion religieuse du requérant soit antérieure à sa fuite et que le requérant ait déjà été recherché en Afghanistan en raison d’actes de prosélytisme chrétien, elle rappelle, en citant sa jurisprudence ainsi que les recommandations du HCR, qu’en cas de conversion postérieure à la fuite, il sied de procéder à une appréciation ex nunc approfondie et rigoureuse des risques auxquels le requérant serait exposé en cas de renvoi en raison de sa nouvelle foi, appréciation que le TAF n’a nullement effectuée.

Art. 8 CEDH

Des ressortissants turcs et marocains ayant obtenu la nationalité française en sont déchus, conformément à la procédure prévue par le code civil français, en raison de leur soutien financier et logistique à l’organisation terroriste islamique « groupe islamique combattant marocain ». Une telle mesure ne porte pas atteinte à la vie familiale protégée par l’art. 8 CEDH étant donné qu’elle ne comporte pas d’obligation de quitter le territoire français et que, si une telle obligation devait survenir dans le futur, les requérants peuvent faire valoir leur droit à la vie familiale à ce moment-là. La nationalité constitue toutefois un élément de l’identité des personnes et la question peut, dès lors, être analysée sous l’angle de la protection de la vie privée, garantie par le même article. Dans le cas d’espèce, les procédures de déchéance litigieuses interviennent plus de dix ans après la commission des infractions, presque huit ans après le jugement de première instance et presque sept ans après l’arrêt d’appel. Le laps de temps écoulé entre les condamnations et les procédures de déchéance de nationalité ne suffit pas à lui seul à qualifier de telles mesures d’arbitraires. En effet, un Etat est légitimé, sous condition d’un strict contrôle de proportionnalité, à « reprendre avec une fermeté renforcée l’évaluation du lien de loyauté et de solidarité existant entre lui-même et des personnes condamnées antérieurement pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ». En outre, s’il est vrai que les mesures litigieuses affectent bel et bien l’identité des requérants, la Cour tient compte du contexte dans lequel lesdites mesures ont été effectuées (attentats terroristes frappant la France en 2015), de la gravité des infractions commises par les requérants et, notamment, de l’exclusion du risque d’apatridie. Effectivement, tous les requérants sont détenteurs d’une autre nationalité. Partant, l’atteinte à leur vie privée ne constitue pas une ingérence disproportionnée, contraire à l’art. 8 CEDH.

Art. 3 CEDH

Des défaillances procédurales contraignant des requérants d’asile à vivre dans la rue pendant des mois, sans ressources, sans accès à des sanitaires, sans pouvoir subvenir à leurs besoins essentiels et craignant constamment d’être attaqués et volés ainsi que la réponse insuffisante des autorités nationales face à une telle situation sont propres à créer des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité et constituent, dès lors, des traitements contraires à l’art. 3 CEDH.

Art. 3 CAT, Art. 16 CAT

Cette affaire comporte plusieurs volets. Le Comité y examine premièrement le respect de la protection contre le refoulement conférée par l’art. 3 CAT dans le cadre de l’extradition, vers l’Egypte, d’un journaliste critique envers le régime dudit Etat. Le Maroc n’a pas procédé à une évaluation individualisée du risque personnel et réel auquel le requérant est exposé en Egypte. A cet égard, le Comité tient compte des informations concernant le non-respect des droits de l’homme en Egypte, notamment en ce qui concerne les journalistes et activistes, mais également du caractère absolument disproportionné d’une des condamnations pénales prononcées à l’encontre du requérant. Effectivement, ce dernier a été condamné à la prison à perpétuité en raison de sa présumée implication dans une affaire de faux en écriture authentique, soit un « simple délit ». Ce critère est déterminant dans l’analyse du Comité. Concernant le deuxième volet, la détention du requérant au Maroc, en isolement cellulaire, sans contact avec sa famille et son avocat et ne bénéficiant que d’un accès limité aux soins médicaux constitue un mauvais traitement contraire à l’art. 16 CAT.

Art. 3 CDE, Art. 12 CDE, Art. 20 CDE, Art. 22 CED

Art. 6 du Protocole facultatif à la CDE établissant une procédure de présentation de communications ; il s’agit d’affaires concernant la détermination de l’âge de jeunes requérants d’asile non-accompagnés. Dans la première affaire (communication 17/2017), les autorités nationales n’ont pas effectué les démarches propres à dissiper leurs doutes concernant les documents produits par le requérant. A cet égard, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve ne repose pas toujours sur les requérants mais qu’il est partagé entre ces derniers et les Etats en cause. Or, dans le cas d’espèce, les autorités concernées n’avaient contacté les autorités consulaires ivoiriennes, dans le but de vérifier l’authenticité du passeport du requérant, qu’une fois sa majorité établie, soit trop tard. Il en découle une violation de l’art. 3 CDE. Dans la deuxième affaire (communication 27/2017), c’est le caractère insuffisant des preuves dont les autorités nationales avaient tenu compte qui est jugé incompatible avec ce même article. En effet, les examens osseux ne constituent pas une preuve suffisante étant donné l’importante marge d’erreur de la méthode Greulich et Pyle et le fait que le requérant affirme être mineur, pièce à l’appui. Concernant le droit d’être entendu des requérants (art. 12 CDE), tous deux ont été privés de l’accompagnement des tuteurs ou représentants légaux auxquels ils, en tant que potentiels mineurs, avaient droit pendant la procédure de détermination de leur âge. Le Comité accorde une importance primordiale à l’examen rigoureux de l’âge de possibles mineurs, la protection conférée par la Convention en dépendant. Ainsi, dans les deux affaires, l’impossibilité d’effectuer leur demande d’asile en tant que mineurs a privé les requérants de la protection spéciale réservée aux requérants d’asile mineurs non-accompagnés, entrainant ainsi une violation des art. 20 et 22 CDE. Le Comité relève également, dans la deuxième affaire, une violation de l’art. 6 du Protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation de communications. Le requérant a été placé dans un centre pour requérants adultes et, ce faisant, l’Etat partie a violé son obligation, découlant dudit article, d’adopter les mesures provisoires nécessaires à la prévention de la survenance d’un dommage irréparable pendant la procédure de communication individuelle menant à la présente décision.

Art. 3 CDE, Art. 12 CDE, Art. 20 CDE, Art. 22 CDE

Art. 6 du Protocole facultatif à la CDE établissant une procédure de présentation de communications ; il s’agit d’affaires concernant la détermination de l’âge de jeunes requérants d’asile non-accompagnés. Dans la première affaire (communication 17/2017), les autorités nationales n’ont pas effectué les démarches propres à dissiper leurs doutes concernant les documents produits par le requérant. A cet égard, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve ne repose pas toujours sur les requérants mais qu’il est partagé entre ces derniers et les Etats en cause. Or, dans le cas d’espèce, les autorités concernées n’avaient contacté les autorités consulaires ivoiriennes, dans le but de vérifier l’authenticité du passeport du requérant, qu’une fois sa majorité établie, soit trop tard. Il en découle une violation de l’art. 3 CDE. Dans la deuxième affaire (communication 27/2017), c’est le caractère insuffisant des preuves dont les autorités nationales avaient tenu compte qui est jugé incompatible avec ce même article. En effet, les examens osseux ne constituent pas une preuve suffisante étant donné l’importante marge d’erreur de la méthode Greulich et Pyle et le fait que le requérant affirme être mineur, pièce à l’appui. Concernant le droit d’être entendu des requérants (art. 12 CDE), tous deux ont été privés de l’accompagnement des tuteurs ou représentants légaux auxquels ils, en tant que potentiels mineurs, avaient droit pendant la procédure de détermination de leur âge. Le Comité accorde une importance primordiale à l’examen rigoureux de l’âge de possibles mineurs, la protection conférée par la Convention en dépendant. Ainsi, dans les deux affaires, l’impossibilité d’effectuer leur demande d’asile en tant que mineurs a privé les requérants de la protection spéciale réservée aux requérants d’asile mineurs non-accompagnés, entrainant ainsi une violation des art. 20 et 22 CDE. Le Comité relève également, dans la deuxième affaire, une violation de l’art. 6 du Protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation de communications. Le requérant a été placé dans un centre pour requérants adultes et, ce faisant, l’Etat partie a violé son obligation, découlant dudit article, d’adopter les mesures provisoires nécessaires à la prévention de la survenance d’un dommage irréparable pendant la procédure de communication individuelle menant à la présente décision.

Art. 31a LAsi al. 1 let. b, Art. 3 CEDH

Dans cette affaire concernant le transfert d’une famille de requérants d’asile vers l’Italie en application du Règlement de Dublin III, le TAF rappelle la jurisprudence de la CourEDH Tarakhel c. Suisse selon laquelle « en l’absence d’informations détaillées et fiables quant à la structure précise de destination, aux conditions matériels d’hébergement et à la préservation de l’unité familiale, la Suisse ne peut exécuter le transfert de familles vers l’Italie, au risque de violer l’art. 3 CEDH. » S’il est vrai que la capacité du système d’accueil italien a connu une évolution favorable, la situation des familles dans les centres de premier accueil et les CAS italiens reste celle en vigueur lors de l’arrêt de la CourEDH susmentionné. Il en découle que les autorités suisses ne peuvent procéder au transfert de familles vers l’Italie sans obtenir auparavant de garanties supplémentaires de la part des autorités italiennes.

ATF 146 II 49 (d)

2019-2020

Art. 62 LEI al. 2, Art. 66ass CP

Cet arrêt porte sur les aspects temporels régissant la relation entre la révocation d’une autorisation par une autorité migratoire d’un côté et l’expulsion pénale de l’autre. En vertu de l’art. 62 al. 2 LEI, une révocation prononcée en vertu de la législation sur les étrangers est illicite si elle est fondée uniquement sur une infraction pour laquelle un tribunal pénal a déjà prononcé une sanction mais aucune expulsion. Le but est d’éviter que différentes autorités statuent différemment sur un même état de fait. Dans le cas d’espèce, l’autorité migratoire a fondé la révocation du titre de séjour du requérant sur le viol pour lequel ce dernier a été jugé en avril 2016. En raison de la date de commission de l’infraction, les art. 66a ss CP (en vigueur depuis le 1er octobre 2016) n’ont pas pu être appliqués par le juge pénal. Ainsi, l’art. 62 al. 2 LEI ne s’oppose pas à la révocation du titre de séjour par l’autorité migratoire car ladite révocation n’est pas « fondée uniquement sur des infractions pour lesquelles un juge pénal a déjà prononcé une peine ou une mesure mais a renoncé à prononcer une expulsion » (art. 62 al. 2 LEI) mais, au contraire, sur la commission d’un crime pour lequel les art. 66a ss CP n’ont pas pu être appliqués. Partant, le recours est rejeté.

ATF 146 IV 105 (d)

2019-2020

Art. 66a CP al. 2, Art. 8 CEDH

Le présent arrêt précise la notion de cas de rigueur, découlant de l’art. 66a al. 2 CP, en ce qui concerne les étrangers qui sont nés ou ont grandi en Suisse. Il s’agit d’une notion que le TF n’a pas encore circonscrite, c’est-à-dire qu’il n’est pas clair quand est-ce qu’une personne doit être considérée comme ayant grandi en Suisse et dans quelle mesure cette circonstance doit être prise en compte dans l’évaluation prévue à l’alinéa 2 de la disposition topique. Les dispositions de la LEI relatives au regroupement familial, qui prévoient que les enfants de moins de douze ans ont droit à une autorisation d’établissement (par exemple l’art. 42 al. 4 LEI), sont particulièrement pertinentes dans le cadre de l’interprétation de l’art. 66a al. 2 CP. En effet, la règle des 12 ans a pour but de garantir qu’un enfant passe au moins la moitié de sa scolarité obligatoire en Suisse, favorisant ainsi son intégration et l’acquisition de compétences linguistiques. Or, le degré d’intégration est précisément un facteur clé dans le cadre de l’art. 66a

al. 2 CP. Il semble toutefois que le législateur n’a pas voulu inclure de limite d’âge précise dans la disposition du CP. A cet égard, le TF rappelle qu’il a déjà jugé qu’un séjour de longue durée en Suisse ne permet pas de conclure de façon automatique à un bon niveau d’intégration. Il sied donc d’analyser les critères d’intégration usuels au cas par cas et, dans ce cadre, la durée du séjour de l’étranger en Suisse a tendance à indiquer une plus forte intégration et, par conséquent, un intérêt plus important à rester en Suisse. Dans le cas d’espèce, il n’y a pas d’intérêts personnels suffisamment importants bien que le requérant séjourne en Suisse depuis l’âge de treize ans ; et ce en raison du manque d’obstacles importants s’opposant à son retour au Chili (maîtrise de l’espagnol, moitié de la scolarité passée au Chili, relation intacte avec son père, qui vit au Chili, carrière professionnelle en Suisse instable et possibilités de s’insérer sur le marché du travail chilien).

Art. 5 Cst., Art. 8 Cst., Art. 34 CR

Une famille de réfugiés reconnus, actuellement au bénéfice d’une autorisation d’établissement, dépose une demande de naturalisation. Ladite demande est refusée en raison des dettes contractées par la famille (condition de bonne réputation prévue par le droit cantonal concerné). Le simple fait que des poursuites aient été engagées contre les recourants ne suffit pas à nier leur bonne réputation. Effectivement, bien que leur situation ne soit pas irréprochable, les intéressés s’efforcent de remplir leurs obligations et ont un emploi rémunéré (notamment le mari, qui exerce le métier de dentiste et a son propre cabinet). C’est donc leur capacité et motivation à rembourser leurs dettes qui doit être prise en compte. En outre, les membres de la famille sont des réfugiés reconnus, de sorte qu’il sied de favoriser leur naturalisation (dont la procédure dure depuis sept ans déjà). Dans tous les cas et, contrairement à ce que prévoit la loi cantonale, la condition de la bonne réputation ne saurait être une condition absolue. Les autorités doivent analyser la totalité des conditions et circonstances dans un cas concret avant de refuser la naturalisation.

Art. 26 LAsi, Art. 26c LAsi, Art. 26d LAsi, Art. 37 LAsi, Art. 29a Cst., Art. 3 CEDH, Art. 13 CEDH

Le 1er mars 2019, les nouvelles procédures d’asile accélérées découlant de la révision de la LAsi sont entrées en vigueur. En vertu de l’art. 26 LAsi, la phase préparatoire (soit la phase d’enquêtes préliminaires nécessaire à la suite de la procédure d’asile) est de vingt-et-un jours. Une fois la phase préparatoire terminée, la procédure peut continuer par la voie de la procédure accélérée ou de la procédure étendue. Cette dernière est réservée aux affaires plus complexes. Dans le cadre de la procédure accélérée, la décision sur le fond doit être prise dans les huit jours suivant la fin de la phase préparatoire. En principe, si la décision sur le fond ne peut être rendue dans ce délai, la procédure étendue est la règle. Un retard de quelques jours est toutefois acceptable s’il existe des raisons valables et qu’il est prévisible que la décision puisse être rendue dans un centre de la Confédération (art. 37 al. 3 LAsi). Dans le cas d’espèce, le requérant d’asile concerné a été attribué à la procédure accélérée mais la décision négative de première instance n’a été rendue que soixante-huit jours après la fin de la phase préparatoire. Cette durée dépasse largement la marge de manœuvre laissée par le législateur et prouve qu’il s’agit d’une affaire complexe nécessitant des clarifications supplémentaires, affaire ne pouvant donc pas être traitée en procédure accélérée. La procédure accélérée ne prévoit qu’un délai de recours de sept jours afin d’attaquer la décision de première instance, délai qui, dans le cas d’espèce, s’avère insuffisant pour préparer un recours. Ainsi, par le choix erroné de procédure, le SEM a privé le recourant de ses droits procéduraux et violé les art. 29Cst. et 13 CEDH (combiné à l’art. 3 CEDH).

Art. 29 Cst.

A la suite de l’échec définitif dans le cadre de ses études dans le canton du Valais, une ressortissante étrangère se voit refuser la prolongation de son autorisation de séjour pour études par le Service cantonal valaisan compétent. Arrivée dans le canton de Neuchâtel, elle dépose une demande d’autorisation de séjour pour études afin de commencer une formation dans ce dernier canton. Une décision de non-entrée en matière de la part du Service cantonal neuchâtelois est confirmée par le TC, en application des principes applicables à la reconsidération des décisions. Ledit tribunal retient qu’en raison de la décision de refus des autorités valaisannes, les autorités neuchâteloises ne peuvent examiner la demande d’octroi d’autorisation de séjour pour études déposée devant elles. On ne saurait, toutefois, considérer que la demande adressée auprès des autorités neuchâteloises constitue une demande de réexamen de la décision prise par les autorités valaisannes étant donné que les autorités ne sont pas les mêmes et que l’objet des demandes est également différent. Effectivement, il s’agissait d’une demande de prolongation de l’autorisation de séjour en vue d’accéder à une formation passerelle permettant d’intégrer la filière informatique de gestion de la Haute Ecole du Valais d’un côté et d’une demande d’octroi d’une autorisation de séjour afin de suivre une formation bachelor auprès de la Haute Ecole de Neuchâtel de l’autre. Ainsi, c’est à tort que le TC neuchâtelois s’est basé sur les principes applicables à la reconsidération des décisions pour confirmer l’irrecevabilité de la demande. Certes, il est possible que la décision des autorités valaisannes ait une incidence sur l’examen de la demande faite auprès des autorités neuchâteloises. Toutefois, il s’agit là d’une question de fond, qui n’est pas propre à justifier la non-entrée en matière litigieuse.

Art. 24 Annexe I ALCP

Dans cet arrêt, le TF répond à la question, jusque-là laissée ouverte : est-ce que les subsides d’assurance-maladie doivent être pris en compte, sous l’angle de l’art. 24 Annexe I ALCP, en tant que ressources de la personne concernée ou doivent être assimilés à l’aide sociale ? Rejoignant l’avis, non-contraignant, des normes de la CSIAS, le TF tranche la question en statuant que lesdits subsides doivent être pris en compte dans le calcul des ressources suffisantes de la personne concernée. La nature de ces subsides est fort différente de celle de l’aide sociale et des prestations complémentaires. En outre, une approche contraire pourrait mener à des décisions disproportionnées de révocation ou non-prolongation d’autorisations basées sur l’art. 24 Annexe I ALCP.

Art. 3 Annexe I ALCP al. 6

Un ressortissant kosovar ayant la garde exclusive sur son fils se voit refuser le renouvellement de son autorisation de séjour UE/AELE car il ne peut plus, en raison de son inactivité, se prévaloir de la qualité de travailleur au sens de l’art. 6 al. 1 Annexe I ALCP. Les conditions prévues par l’art. 4 Annexe I ALCP pour l’octroi d’un droit de demeurer après la fin d’une activité économique ne sont pas remplies. En outre, étant au bénéficie de l’aide sociale et de prestations complémentaires familiales, le recourant ne peut pas se prévaloir du droit de séjour pour personnes inactives découlant de l’art. 24 Annexe I ALCP. L’autorité précédente n’a toutefois pas convenablement évalué si le recourant remplissait les conditions lui permettant de bénéficier d’une autorisation de séjour en vertu de l’art. 3 al. 6 Annexe I ALCP. Effectivement, le fils du recourant était âgé de 13 ans à la date de l’arrêt attaqué et était né et avait grandi en Suisse. Dans ces circonstances, le TF retient qu’un soudain déplacement du centre de vie pourrait constituer « un véritable déracinement et s’accompagner de grandes difficultés d’intégration » pour l’enfant concerné. Il en découle que le requérant, qui a la garde exclusive de son enfant, a un droit dérivé de séjourner en Suisse jusqu’à l’achèvement de la scolarité obligatoire de son fils et ce, indépendamment de ses ressources financières.

Art. 83 LTF let. c ch. 2, Art. 43 LEI, Art. 8 CEDH

Dans cette affaire concernant une demande de regroupement familial, le TF examine, au stade de la recevabilité du recours, si le recourant dispose d’un droit potentiel à l’autorisation litigieuse (art. 83 let. c ch. 2 LTF). Un tel droit peut découler des art. 42 et 43 LEI ou de l’art. 8 CEDH. Dans le cas d’espèce, le recourant est encore mineur lorsqu’il dépose sa demande de regroupement familial. Toutefois, son père n’est, à cette époque, qu’au bénéficie d’une autorisation de séjour de sorte qu’aucun droit au regroupement familial ne peut être tiré de l’art. 43 LEI. Le TF rappelle que, lorsqu’un parent étranger demande le regroupement familial sans avoir encore reçu l’autorisation d’établissement lui permettant de se prévaloir d’un droit à l’octroi d’une autorisation pour son fils ou sa fille sur la base de l’art. 43 LEI, il convient de se fonder, pour juger de ce droit, sur l’âge atteint par l’enfant au moment de l’octroi de cette nouvelle autorisation au parent. Or, dans le cas d’espèce, le recourant est déjà âgé de vingt-deux ans au moment où son père se voit délivrer l’autorisation d’établissement et ne dispose donc, en tant que majeur, d’aucun droit découlant de l’art. 43 LEI, applicable uniquement aux enfants mineurs. Il en va toutefois différemment sous l’angle de l’art. 8 CEDH. Dit article peut conférer un droit à une autorisation aux enfants étrangers mineurs dont les parents bénéficient d’un droit de présence assuré en Suisse. Lors de l’examen de l’existence d’un droit découlant de l’art. 8 CEDH, le TF se base sur l’âge de l’enfant au moment où il statue et non, comme c’est le cas sous l’angle des art. 42 ss LEI, sur l’âge atteint par l’enfant au moment du dépôt de la demande. Dès lors, l’art. 8 CEDH ne confère a priori aucun droit au recourant, âgé de vingt-quatre ans au moment où le TF statue. Nonobstant, le TF tient compte de l’arrêt Tanda-Muzinga de la CourEDH en vertu duquel les autorités nationales se doivent de statuer sur les demandes de regroupement familial en faisant preuve de souplesse, de célérité et d’effectivité, et ce afin de respecter le droit au respect de la vie familiale garanti par la CEDH. Or, dans le cas d’espèce, la procédure de regroupement familial a duré presque neuf ans, sans que le retard soit imputable au recourant. Il convient donc de ne pas tenir compte de sa majorité. Un droit peut être déduit de l’art. 8 CEDH et, partant, le recours en matière de droit public auprès du TF est recevable.

Art. 44 LEI, Art. 47 LEI al. 4, Art. 8 CEDH

Après une première procédure de regroupement familial restée infructueuse en raison de la tardivité de la demande y relative, une demande de réexamen est rejetée par le SPOP. Ce rejet est confirmé par le TC, qui considère que le fait nouveau invoqué (la récente détérioration de l’état de santé du recourant) ne constitue pas une raison familiale majeure au sens de l’art. 47 al. 4 LEtr, permettant de faire exception à la tardivité de la demande de regroupement familial. Toutefois, les nouvelles circonstances relatives à l’état de santé du recourant (douleurs chroniques, troubles visuels et céphalées invalidantes couplés à un état dépressif récurrent, problèmes de concentration et mémoire, hallucinations acoustico-verbales et visuelles ainsi que problèmes coronariens menant à des crises d’angoisse) constituent bien des raisons familiales majeures au sens de la disposition susmentionnée. Effectivement, le recourant, au bout de ses moyens, se verrait, sans l’aide de son épouse, contraint de recourir à des institutions de soins médicaux et sociaux. On ne peut, en outre, reprocher aux recourants d’avoir volontairement vécu de façon séparée pendant plusieurs années étant donné que la situation financière précaire du recourant l’a empêché de disposer d’un logement familial adéquat et de subvenir aux besoins de la famille. La cause est donc renvoyée au SPOP pour nouvelle instruction et prise de décision.