Droit des migrations

Art. 3 CEDH

Un requérant d’asile soudanais, séjournant à Calais (France), invoque l’art. 3 CEDH pour s’opposer à une décision de renvoi vers le Soudan. Il allègue que son appartenance à une ethnie non arabe du Darfour ainsi que le fait qu’il soit soupçonné par le gouvernement d’être un opposant engendrent pour lui un risque de mauvais traitement. Cette violation est reconnue en raison de la violence endémique dont sont victimes les ethnies darfouries (en particulier les ethnies non arabes) et du risque de mauvais traitements encouru par toute personne soupçonnée par le gouvernement d’être un opposant, ce que le requérant a rendu crédible en disant avoir été interrogé, torturé (certificat médical à l’appui) et condamné à une peine de prison.

Art. 3 CEDH

La CourEDH statue sur un recours contre un arrêt du TAF (rendu par un juge unique) qui confirme le refus d’octroyer l’asile à un ressortissant iranien risquant une peine de sept ans de prison et septante coups de fouet s’il est renvoyé dans son pays. Cette décision se basait sur le manque de vraisemblance lié aux différences dans les déclarations faites lors des deux auditions ainsi que sur le refus de prendre en compte les documents présentés, ceux-ci n’étant que des copies. La CourEDH estime que les invraisemblances et différences peuvent s’expliquer par la nature différente des deux auditions ainsi que la longue durée entre les deux (presque deux ans). Les documents auraient également dû être examinés, le recourant ayant expliqué de manière satisfaisante pourquoi il ne produisait que des copies et proposé des solutions pour les faire authentifier. De plus, les conditions de détention en Iran constitueraient une violation de l’art. 3 CEDH et il en va de même des septante coups de fouet.

Art. 3 et 13 CEDH ; 4 du Protocole no 4 à la CEDH

Dans cette affaire, plusieurs personnes originaires de différents pays se plaignent d’avoir été refoulées par l’Italie en direction de la Grèce avec le risque d’être ensuite refoulées vers leur pays d’origine respectif et d’y subir des traitements inhumains ou dégradants. Ils disent avoir été renvoyés sur-le-champ et collectivement par l’Italie à leur arrivée dans le port d’Ancône. Deux violations de la CEDH sont reconnues. Tout d’abord une violation de l’art. 13 CEDH en relation avec l’art. 3 CEDH en raison de l’absence de voie de recours disponible alors même que leur situation faisait craindre un risque de refoulement vers leur pays d’origine. Une violation de l’art. 4 Protocole no 4 est également reconnue en raison de l’absence de preuve de l’existence d’un examen individuel de la situation des requérants ou de participation des autorités d’asile dans la procédure d’identification de ces personnes et en raison des rapports concordants faisant état de « push-back » vers la Grèce par l’Italie.

Art. 3 CEDH

Refus d’entrée en matière sur la demande d’asile d’une famille afghane et décision de renvoi en Italie dans le cadre du règlement Dublin. La situation du système d’asile italien n’est pas propre à empêcher tout renvoi vers ce pays en application du règlement Dublin. Cependant, les données à disposition permettent d’avoir des doutes quant aux capacités de l’Italie à héberger tous les requérants d’asile dont elle a la charge. Par conséquent, il incombe aux autorités suisses de s’assurer que les personnes renvoyées dans ce pays seront hébergées dans des endroits et dans des conditions adaptés à l’âge des enfants et permettant de protéger l’unité de la famille.

Art. 2 et 3 CEDH

Un citoyen turc, séjournant en Suisse depuis 26 ans et bénéficiant du statut de réfugié, perd son autorisation de séjour à cause d’une condamnation pour homicide. En raison d’un trouble schizophrénique décelé durant la procédure pénale, cette personne a besoin d’un suivi psychiatrique. Pour cette raison, elle estime qu’un renvoi vers la Turquie violerait les art. 2 et 3 CEDH. La Cour rappelle qu’une baisse significative de l’espérance de vie à cause de l’expulsion et d’une maladie physique ou mentale ne suffit pas à reconnaître une violation de l’art. 3 CEDH. Une telle violation pourrait être reconnue, mais uniquement en présence d’arguments particulièrement forts.

Art. 2, 3 et 13 CEDH

Après avoir déposé une première demande d’asile en France, une famille serbe (7 personnes, dont une fille handicapée moteur et cérébral) se rend en Belgique et y dépose une seconde demande d’asile. Ne s’estimant pas responsable, la Belgique délivre un ordre de quitter le territoire puis n’offre plus d’hébergement à cette famille qui se retrouve donc à la rue pendant quelques jours avant de retourner en Serbie avec l’aide d’une association caritative. Une violation de l’art. 3 est reconnue pour la période durant laquelle la famille n’avait pas de lieu d’hébergement, puisque, quand bien même le système d’accueil était saturé, la Belgique n’aurait pas dû laisser ces personnes dans de telles conditions (dans la rue, sans ressource ni accès à des installations sanitaires) et sans perspective d’amélioration de leur situation.

Art. 50 LEtr ; 8 CEDH

Refus du renouvellement de l’autorisation de séjour et subsidiairement de la demande d’octroi d’une autorisation d’établissement à un ressortissant ivoirien, suite à son divorce d’avec une citoyenne suisse et à l’attribution de la garde de leur enfant commun à celle-ci. Vu l’absence de lien affectif ou économique fort avec l’enfant et comme le retour dans le pays d’origine n’est pas gravement compromis, les conditions des art. 50, al. 1, let. a et b et 8 CEDH ne sont pas remplies. Sur recours, le TF précise les conditions d’application de l’art. 8 CEDH.

Art. 8 CEDH

Un ressortissant italien, né en Suisse et toxicodépendant, peut invoquer l’article 8 CEDH pour éviter une révocation de son permis en raison d’une pondération liée à plusieurs titres : le décès de son épouse italienne d’une overdose, les relations étroites entretenues avec son seul enfant qui est placé chez les grands-parents, l’évolution positive de sa situation et la très longue durée de vie en Suisse.

Art. 8 CEDH ; 3 et 10 CDE

Il s’agit du cas d’une ressortissante kosovare entrée en Suisse illégalement suite à son mariage avec un compatriote détenant une autorisation de séjour en Suisse et au refus par le SEM du regroupement familial. Suite au divorce, celle-ci demande une autorisation de séjour pour cas de rigueur qui lui est refusée aussi bien par le SEM que par le TAF. Sa demande se base sur l’art. 8 CEDH en raison de la relation entretenue entre son ex-mari et l’enfant du couple ainsi qu’entre elle-même et cet enfant.

Selon la jurisprudence récente, une autorisation de séjour justifiée par l’exercice d’un droit de visite ne peut être accordée que s’il existe une relation économique et affective particulièrement étroite, que celle-ci ne pourrait pas être poursuivie en raison de l’éloignement du pays d’origine et que le parent en question a eu en Suisse un comportement irréprochable. Cette possibilité est encore plus restreinte dans la mesure où le parent demandant une autorisation de séjour est le titulaire du droit de garde et qu’il la demande dans le but de faciliter le droit de visite de l’autre parent. Vu les circonstances, il n’est pas possible de reconnaître l’existence d’une relation particulièrement étroite entre le père et l’enfant, par conséquent, le retour de ce dernier au Kosovo avec sa mère n’est pas propre à engendrer une violation du droit fédéral.

Art. 8 et 12 CEDH

Un ressortissant camerounais voit sa demande d’autorisation de séjour en Suisse, respectivement de simple tolérance de son séjour, en vue de s’y marier avec une ressortissante suisse, mère de ses deux enfants, refusée par le SEM. Une seconde demande – traitée comme demande de réexamen – est également refusée une année plus tard. Le couple n’étant pas marié, le cas ne peut être traité comme une demande de regroupement familial et doit être examiné directement au regard du droit au mariage protégé par l’art 12 CEDH. L’octroi d’une autorisation de séjour est refusé en raison de l’existence d’un motif de révocation (art. 51, al. 2, let. b LEtr en lien avec l’art. 62, let. b et c LEtr).

La demande subsidiaire d’octroi d’une « attestation de tolérance du séjour » est également refusée. Ce refus se justifie par le fait que l’art. 12 CEDH n’offre pas de droit absolu au mariage, la jurisprudence admet en effet que celui-ci puisse être limité à des fins de lutte contre les mariages de complaisance. Une telle justification est admise ici puisque le requérant fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse de durée illimitée liée à plusieurs condamnations pénales.

Art. 51 LAsi ; 12 CEDH ; 14 Cst.

Le TF précise la portée de l’art. 51 LAsi en lien avec l’art. 12 CEDH. Une ressortissante iranienne demande une autorisation de court séjour pour pouvoir épouser en Suisse un compatriote au bénéfice d’une admission provisoire. Saisi de l’affaire, le Tribunal fédéral analyse les conditions sous l’angle des articles 8 et 12 CEDH et 14 de la Constitution. Une telle autorisation peut être accordée dans le cas où le mariage ne peut pas être célébré dans un autre pays. Admettant que l’homme ne peut pas retourner en Turquie et que le mariage ne peut pas être célébré dans un autre pays, le TF, dans une interprétation conforme à la Constitution et à la CEDH reconnaît le droit à une autorisation de séjour. Cependant, les recourants ont certes le droit de se marier en Suisse. Toutefois, cela doit se faire dans le cadre d’un séjour soumis à autorisation pour lequel la recourante ne remplit pas les conditions. Le recours est donc rejeté.

TF 1C_121/2014

2014-2015

Art. 41 LN

Une ressortissante ukrainienne et son fils âgé de quatorze ans contestent un jugement du TAF confirmant l’annulation de leur naturalisation facilitée, prononcée par l’ODM en juin 2013. La recourante, qui met en avant la stabilité de sa communauté conjugale avant et pendant l’obtention de la nationalité suisse, tente de justifier l’entretien d’une relation extraconjugale par le désir d’avoir un enfant. A cet égard, elle soutient en substance que le refus d’interrompre sa grossesse en 2010 constitue l’événement déclencheur, postérieur à la décision de naturalisation facilitée, qui explique la dégradation rapide du lien conjugal. Le TF rejette le recours en considérant que les conditions d’application de l’art. 41 LN sont réunies. La Haute Cour précise que, même en présence de crises entre les époux, « la crise traversée entre la recourante et son conjoint a tout de même abouti rapidement à une relation extraconjugale, à la naissance d’un enfant issu d’un autre homme et au prononcé de leur divorce ».

TF 1C_179/2014

2014-2015

Art. 29 Cst. ; 18 PA

A. (née en 1963) est d’origine chinoise. En janvier 1999, elle arrive en Suisse pour y accomplir une formation. Le 6 août 2002, elle épouse le citoyen suisse B. (né en 1949), employé à l’ODM. Par la suite, elle est mise au bénéfice d’une autorisation de séjour. En août 2003, la fille de A., issue d’un précédent mariage, rejoint sa mère en Suisse. En septembre 2006, A. dépose une demande de naturalisation facilitée. En octobre 2006, les époux signent une déclaration conjointe sur le caractère stable et effectif de leur communauté conjugale. Par décision du 11 décembre 2006, A. est mise au bénéfice de la naturalisation facilitée. En mai 2007, B. adresse un courrier à l’ODM indiquant qu’il a le sentiment que A. l’a épousé uniquement pour obtenir la nationalité suisse pour elle-même et sa fille. Le divorce du couple est prononcé en novembre 2010. Le 27 janvier 2011, B. est entendu à titre de renseignement par la police cantonale sur demande de l’ODM.

Le procès-verbal de cette audition est transmis à A., laquelle déclare par écrit adhérer à son contenu. Par décision du 30 juin 2011, l’ODM annule la naturalisation facilitée de A. Celle-ci recourt vainement au TAF. Saisi de l’affaire, le Tribunal fédéral admet le recours pour des motifs de nature formelle. En effet, A. n’a pas pu assister à l’audition de son ex-époux, ce dernier ayant demandé à être interrogé en son absence. Or, selon le Tribunal fédéral, l’autorité aurait dû permettre à A. d’être présente lors de cette audition. Le fait pour A. d’avoir déclaré adhérer au procès-verbal de l’audition en question ne permet pas de corriger cette irrégularité. En effet, A. se trouvait, du point de vue de la procédure, dans une position défavorable par rapport à son ex-époux : d’une part, son ex-époux, qui est employé de l’ODM, avait déclenché la procédure d’annulation, d’autre part, A. n’était pas assistée d’un conseil à ce moment-là et ne pouvait donc pas apprécier la portée juridique de l’audition de son ex-époux. Partant, le droit d’être entendue de A. a été violé, ce qui conduit à l’admission du recours et au renvoi de l’affaire à l’autorité précédente pour que celle-ci complète l’administration des preuves (arrêt résumé par Roswitha Petry, in : Actualités du droit des étrangers 2014 II, 175-176).

TF 1C_540/2014

2014-2015

Art 41 LN

Dans cette affaire, le TF examine le recours d’un ressortissant tunisien contre un jugement du TAF qui confirme l’annulation de sa naturalisation facilitée. Dans un jugement du 2 octobre 2014, le TAF considère que l’union formée par les époux ne présentait pas l’intensité et la stabilité requises lors de la signature de la déclaration de vie commune et au moment de la naturalisation facilitée. Dans un premier grief, le recourant soutient que la décision du TAF ne respecte pas le délai de prescription prévu par l’art. 41 LN. Sur le fond, il reproche à l’instance fédérale d’avoir nié à tort l’existence d’une communauté de vie effective et stable. Invité à se prononcer sur l’affaire, le TF estime que l’avis prononcé par le SEM, doit être compris comme un acte d’instruction interruptif de prescription ayant fait naître un nouveau délai de deux ans, délai dans lequel l’annulation de la naturalisation facilitée a été prononcée. Sur le fond, le TF considère que, le fait pour le recourant d’avoir accepté un poste de travail à l’étranger sans en informer préalablement son épouse, est un comportement incompatible « avec la poursuite d’un avenir commun et dénote, au contraire, la volonté de chacun des intéressés, en particulier du recourant, de poursuivre ses intérêts personnels ».

TF 1D_3/2014

2014-2015

Art. 27 LN ; 85 al. 4 LEtr ; 34 CR ; 8 al. 2 Cst.

A. est une ressortissante iranienne née en 1984. Arrivée en Suisse en 2000, elle est mise au bénéfice de l’admission provisoire en 2005. En 2011, elle obtient une autorisation de séjour pour cas de rigueur (art. 84 al. 5 cum art. 30 al. 1 lit. b LEtr). Le 6 mars 2012, A. dépose une demande de naturalisation ordinaire auprès de l’office des migrations du canton des Grisons. L’autorité cantonale n’entre pas en matière sur la demande, au motif que l’intéressée ne remplit pas les conditions spécifiques liées à la durée de résidence dans le canton. En effet, selon la législation cantonale, seules les personnes ayant résidé dans le canton depuis au moins six ans au bénéfice d’une autorisation en vue d’un séjour durable (autorisation de séjour ou autorisation d’établissement) peuvent demander la naturalisation ordinaire. Or, l’intéressée ne dispose d’un tel droit que depuis 2011, de sorte qu’elle ne remplissait pas les exigences du droit cantonal au moment du dépôt de la demande. Saisi de l’affaire, le Tribunal fédéral rejette le recours. Contrairement à ce que soutient l’intéressée, la réglementation cantonale n’est pas contraire à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, dont l’art. 34 dispose que les États contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l’assimilation et la naturalisation des réfugiés. En effet, selon le TF, cette disposition n’interdit pas aux États contractants de tenir compte, dans le cadre du calcul de la durée de résidence, du type d’autorisation de présence de la personne concernée. La réglementation cantonale n’est pas davantage contraire au principe de non-discrimination ancré à l’art. 8 al. 2 Cst. dès lors que les personnes admises à titre provisoire ne forment pas un groupe au sens de cette disposition. Enfin, la réglementation litigieuse ne viole pas non plus le principe d’égalité de traitement, car le fait de prendre en considération, dans le calcul de la durée de résidence, le type d’autorisation de présence – et donc la stabilité du droit de présence en Suisse – n’est pas dénué de justification objective et raisonnable (arrêt résumé par Roswitha Petry, in : Actualités du droit des étrangers 2015 I, 233).

ATF 140 II 460

2014-2015

Différence entre les notions de travailleur dépendant et indépendant au sens de l’ALCP.

Une ressortissante roumaine se voit refuser l’octroi d’une autorisation de courte durée pour exercer en Suisse une activité de masseuse (prostitution) dans un Club en raison du non-respect des règles concernant l’ordre de priorité. Selon elle, son activité est indépendante et ne doit, de ce fait, pas être soumise aux mesures transitoires de l’art. 10 ALCP. L’activité qu’exercerait cette personne dans le club en question doit être qualifiée de dépendante.

Plusieurs indices amènent à cette conclusion, notamment le fait que les femmes travaillant dans le club soient soumises aux directives de celui-ci, le fait que le club décide qui a le droit de travailler dans le salon ou encore la nécessité de passer par le site du club pour entrer en contact avec les personnes y travaillant. La recourante avançait à l’appui de son recours qu’elle décidait elle-même de quand et pour combien de temps elle travaillait et sélectionnait ses clients ainsi que leur nombre.

Art. 6, par. 1 et 24, par. 1, let. a Annexe 1 ALCP

Une ressortissante portugaise et son mari capverdien voient leurs autorisations de séjour UE/AELE ne pas être prolongées en raison de l’absence de moyens financiers suffisants pour éviter au couple et à ses enfants de dépendre de l’aide sociale. Le couple conteste cette décision, en effet, la femme exerce une activité lucrative à temps partiel et devrait donc être qualifiée de travailleuse quand bien même le revenu dégagé de cette activité n’est pas suffisant pour faire vivre toute la famille.

Il découle de la jurisprudence de la CJUE qu’un « working poor » doit être considéré comme un travailleur au sens de l’ALCP. Cela ne vaut toutefois que si l’activité exercée est réelle et effective. La personne en question travaillant à 80% pour un revenu mensuel de 2532.65 CHF, il n’est pas possible de retenir que l’activité est si réduite ou la rémunération si basse que le travail doive être considéré comme marginal et accessoire. Cette personne revêt donc la qualité de travailleuse au sens de l’ALCP.

Art. 62, 63 et 96 LEtr ; 5 Annexe 1 ALCP

Dans cette affaire, un ressortissant grec né et au bénéfice d’une autorisation d’établissement en Suisse, conteste une décision de retrait de ladite autorisation d’établissement faisant suite à une condamnation à six ans de peine privative de liberté pour homicide et lésions corporelles graves et simples par négligence (accident de voiture). Malgré le fait que la condition de la longue peine privative de liberté (art. 63, al. 1, let. b) soit remplie, le recourant invoque l’art. 5 Annexe 1 ALCP pour contester la légalité de la révocation. Dans sa pesée des intérêts, le TF met l’accent sur le faible risque de récidive, l’intégration aussi bien familiale que professionnelle du recourant en Suisse ainsi que le bien d’une jeune personne, en particulier les chances de réintégration de celle-ci dans un pays avec lequel elle n’a de lien que la nationalité. En conclusion, les conditions de l’art. 5 Annexe 1 ALCP ne sont pas remplies et le recours est admis.

ATF 141 II 1

2014-2015

Révocation de l’autorisation de séjour ALCP d’un ressortissant allemand en raison du fait qu’il est sans emploi depuis quatre ans. Le TAF s’est, à tort, contenté d’examiner la situation telle qu’elle existait au moment de la prise de décision et n’a pas cherché à savoir si la personne avait exercé une activité lucrative durant le délai d’une année accordé par l’autorité cantonale. Cette manière de faire est contraire au système et disproportionnée. Cependant, les deux stages effectués durant cette période par le requérant ne suffisent pas à faire renaître ou prolonger son statut de travailleur, car ils ne représentent pas, aussi bien qualitativement que quantitativement, une réelle activité économique.

Art. 5 Annexe I ALCP

Retrait de l’autorisation d’établissement d’un ressortissant portugais établi en Suisse depuis 26 ans et auteur de plusieurs infractions. En l’absence de normes relatives au retrait des permis de séjour dans l’ALCP, les dispositions de la LEtr sont applicables à la nuance près que l’art. 5 Annexe I ALCP (clause d’ordre public) doit être respecté. Plusieurs indices permettent de retenir que cet article est respecté : l’intéressé a commis plusieurs infractions à la LStup ; tant les cures de désintoxication que les avertissements pénaux ou administratifs n’ont pas d’effet sur lui ; il existe un risque réel de récidive malgré la relativement longue période d’abstinence dont il se prévaut. S’agissant de l’examen de la proportionnalité, sont pris en compte pour contrebalancer le poids à accorder au long séjour en Suisse : l’absence de formation et l’instabilité professionnelle, le manque d’intégration et de lien social ainsi que la faiblesse des relations familiales existant en Suisse et l’absence de difficultés insurmontables à une réintégration dans son pays d’origine.

Art. 32 PA

Un ressortissant allemand et sa femme turque se voient refuser l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour pour rentiers UE/AELE en raison du fait que leur capacité financière n’est pas prouvée. En procédure de recours, ils déposent de nouvelles pièces prouvant qu’ils remplissent les conditions, mais celles-ci ne sont pas prises en compte, car leur dépôt est jugé tardif. Le TF casse cette décision en raison du formalisme excessif dont a fait preuve le TAF. En effet, il ne manquait que CHF 120.- pour que la condition du financement soit remplie, ces documents avaient donc une importance cruciale.

TAF E-3827/2014

2014-2015

Art. 84 al. 3, 83 al. 7 let. a et 96 al. 1 LEtr

Par décision du 6 juin 2014, le SEM lève l’admission provisoire de A., une ressortissante moldave. Cette décision, fondée sur les art. 84 al. 3 et 83 al. 7 let. aLEtr, fait suite à la condamnation de l’intéressée à une peine privative de liberté de trente mois. Saisi d’un recours, le TAF rappelle tout d’abord qu’une telle décision ne peut être prise qu’à l’issue d’une pesée des intérêts en présence (art. 96 al. 1 LEtr). Il relève ensuite que A. ne présente pas un risque de récidive élevé, puisqu’elle n’a plus commis d’infraction depuis six ans, et dans la mesure où la peine privative de liberté à laquelle elle a été condamnée a été assortie d’un sursis, lequel n’a par ailleurs pas eu à être révoqué. D’autre part, les faits pour lesquels elle a été condamnée sont certes qualifiés de graves (sous-location d’appartements à des personnes en situation illégale et envoi de sommes d’argent d’origine criminelle à l’étranger), mais le TAF observe que son rôle n’a été qu’accessoire, puisque le tribunal correctionnel a retenu le chef de complicité et non d’auteur principal.

En outre, les juges administratifs fédéraux considèrent que le manque d’intégration de A. (dépendance à l’aide sociale et absence d’activité professionnelle) peut s’expliquer par l’âge relativement élevé auquel elle a obtenu l’admission provisoire (52 ans). Il convient également de souligner qu’elle a suivi plusieurs formations ces dernières années et a obtenu un certificat de capacité de cafetier, restaurateur et hôtelier en 2013. A cela s’ajoute le fait que l’intéressée n’a apparemment plus de famille en Moldavie et n’en maîtrise pas la langue. Enfin, elle est actuellement âgée de 62 ans et souffre de différentes maladies psychiques et physiques. L’ensemble de ces circonstances amène le TAF à annuler la levée de l’admission provisoire de A., jugée contraire au principe de proportionnalité (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 208).

TAF E-1683/2013

2014-2015

Art. 51 LAsi

C. est reconnue comme réfugiée et mise au bénéfice de l’asile par décision du 5 avril 2007. En 2010, elle épouse D., un ressortissant nigérian. En 2012, elle donne naissance à A., leur enfant commun. Par courrier du 18 septembre 2012, C. demande au SEM de reconnaître la qualité de réfugiée de sa fille sur la base de l’art. 51 al. 3 LAsi. Par décision du 28 septembre 2012, le SEM rejette cette demande, estimant que la famille pourrait s’établir au Nigéria, l’État d’origine du père. Il considère en effet que A. pourrait obtenir la nationalité nigériane et qu’aucun des membres de la famille n’y est exposé à des persécutions. Saisi d’un recours, le TAF relève tout d’abord que la formulation de l’art. 51 al. 3 LAsi, lequel réserve les « circonstances particulières » s’opposant à l’inclusion de l’enfant dans la qualité de réfugié de ses parents, vise avant tout à prévenir des abus et que cette inclusion doit demeurer la règle. Il convient dès lors d’interpréter restrictivement cette notion de « circonstances particulières ».

Il observe cependant l’existence d’une pratique, élaborée par la CRA puis reprise par le TAF, selon laquelle le fait que le conjoint ou l’enfant mineur du réfugié ait une autre nationalité que ce dernier constitue une telle circonstance particulière, à condition toutefois qu’il soit exigible et possible que l’ensemble de la famille puisse s’installer dans cet autre État. Les juges administratifs fédéraux insistent toutefois sur le fait que cette pratique, qu’ils n’entendent pas remettre en question, suppose que le membre de la famille dont l’inclusion est demandée dispose déjà d’une autre nationalité. Il ne suffit pas que l’intéressé puisse, de façon hypothétique, acquérir cette dernière. En l’espèce, A. n’a pas acquis la nationalité nigériane et dispose pour l’heure de la nationalité de sa mère. Dans ces circonstances, il convient de nier l’existence de circonstances particulières au sens de l’art. 51 al. 3 LAsi et d’inclure A. dans la qualité de réfugiée de sa mère (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 204-205).

TAF D-6818/2013

2014-2015

Art. 1 de la Convention relative au statut des apatrides (RO 1972 2374)

Le 19 novembre 1988, A., une ressortissante du Cameroun, épouse B., un ressortissant suisse, et acquiert la nationalité suisse en application de l’art. 3 al. 1 LN dans son ancienne teneur. Le mariage est déclaré nul par jugement du 11 février 1993, ce qui entraîne une perte automatique de sa nationalité suisse (art. 3 al. 2 LN dans son ancienne teneur). Les demandes d’octroi d’une autorisation de séjour ou de naturalisation facilitée, qu’elle dépose par la suite, sont rejetées. Le 25 février 2013, A. dépose auprès du SEM une demande de reconnaissance de son statut d’apatride ; elle estime en effet avoir perdu la nationalité camerounaise suite à son mariage avec B. Saisi d’un recours contre la décision négative du SEM, le TAF rappelle tout d’abord que le TF interprète l’art. 1er de la Convention relative au statut des apatrides de telle manière que, par apatrides, « il faut entendre les personnes qui, sans intervention de leur part, ont été privées de leur nationalité et n’ont aucune possibilité de la recouvrer. A contrario, cette convention n’est pas applicable aux personnes qui abandonnent volontairement leur nationalité ou refusent, sans raison valable, de la recouvrer, alors qu’ils ont la possibilité de le faire, dans le seul but d’obtenir le statut d’apatride ».

En l’espèce, les juges administratifs fédéraux observent que les autorités camerounaises considèrent généralement comme des étrangères les femmes camerounaises ayant épousé un ressortissant étranger, quand bien même la perte de la nationalité camerounaise ne devrait intervenir qu’en cas de renonciation expresse de l’intéressée. Cela étant, le TAF estime que A. n’est pas dans l’impossibilité de recouvrer sa nationalité camerounaise : « Elle a au contraire induit volontairement les autorités camerounaises en erreur en se prévalant de sa nationalité suisse, qu’elle a pourtant perdue il y a près de 20 ans. Elle a refusé de restituer son passeport suisse et n’a pas répondu à des convocations des autorités suisses et camerounaises. Elle n’a en outre jamais contesté, auprès d’une instance supérieure, les refus opposés à ses demandes de passeport. Tout indique qu’elle ne s’est nullement investie pour recouvrer sa nationalité camerounaise, multipliant à l’inverse les procédures en Suisse pour y prolonger son séjour, alors qu’au vu de la législation camerounaise et de son cas particulier, elle devrait être en mesure d’obtenir un nouveau document d’identité camerounais, si besoin par le biais d’une procédure de réintégration ». Le recours de A. est donc rejeté (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 210).

TAF D-2023/2014

2014-2015

Art. 53 LAsi ; 25 et 48a CP

Cet arrêt porte sur la question de l’indignité du recourant au sens de l’art. 53 LAsi. Ce dernier a été condamné à vie par un tribunal turc pour avoir prêté son pistolet à un ami, lequel s’en est servi pour abattre un homme. Le recourant allègue cependant n’avoir prêté cette arme que parce qu’il savait son ami menacé et pensait qu’il ne s’en servirait que pour se défendre. Il ajoute que sa condamnation était fondée sur des aveux obtenus sous la torture. Pour le TAF, le recourant ne pourrait être poursuivi que pour complicité d’homicide sous l’angle du droit suisse. Or pareille infraction n’est passible que d’une peine privative de liberté de moins de trois ans (art. 25 et 48a CP), ce qui est insuffisant pour retenir l’indignité de l’intéressé. Son recours est donc admis et l’asile lui est octroyé (arrêt résumé par Matthieu Corbaz et Andrina Cavelti, in : Actualité du droit des étrangers 2014 II,143).

TAF E-4724/2014

2014-2015

Art. 24 al. 1 PA ; 108 al. 2 LAsi

Le TAF relève dans cet arrêt qu’il ne peut « accorder la restitution d’un délai légal ou judiciaire, si le demandeur ou son mandataire a été empêché, sans sa faute, d’agir dans le délai fixé, s’il a présenté une demande motivée de restitution dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé et s’il a accompli l’acte omis dans le même délai (art. 24 al. 1 PA) ». En l’espèce, la mandataire de la recourante explique avoir été empêchée de déposer un recours dans le délai de cinq jours ouvrables prévu à l’art. 108 al. 2 LAsi en raison de l’hospitalisation de cette dernière du 18 au 20 août 2014. La décision en cause ayant été notifiée le 14 août 2014, soit plusieurs jours avant l’hospitalisation, le TAF estime que la mandataire n’a pas été empêchée, sans fautes, d’agir dans le délai légal de recours (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 219).

TAF E-3656/2014

2014-2015

Art. 3 LAsi ; 9 Cst.

A. dépose une demande d’asile en Suisse le 1er décembre 2011. Il explique être né en Érythrée et avoir la nationalité de cet État mais avoir vécu en Éthiopie dès son plus jeune âge. Par décision du 28 mai 2014, le SEM rejette sa demande d’asile, prononce son renvoi et ordonne l’exécution de cette mesure. Saisi d’un recours, le TAF observe que le SEM semble admettre que A. est de nationalité érythréenne. Dans sa décision, il désigne en effet cet État comme pays d’origine de l’intéressé. Toutefois, lorsqu’il se prononce sur la qualité de réfugié du recourant, le SEM examine la vraisemblance des motifs invoqués vis-à-vis de l’Éthiopie. Or, pour les juges administratifs fédéraux, « [c]’est le lieu de rappeler que le recourant n’étant pas apatride, l’examen de la qualité de réfugié doit avoir lieu, conformément à l’art. 3 LAsi, vis-à-vis de son État d’origine, et non vis-à-vis du pays de sa dernière résidence ». Le SEM se réfère également à l’Éthiopie lorsqu’il examine si l’exécution de son renvoi est licite, exigible et possible. Dans ce cadre, le Secrétariat d’État estime tantôt que l’Éthiopie est un État tiers dans lequel A. est habilité à résider, tantôt qu’elle est son État de dernière résidence, tantôt qu’elle est son État d’origine. Le TAF considère ainsi que « la décision attaquée présente une contradiction interne, qui ne peut être éliminée, ou tout au moins une ambiguïté irrémédiable, rendant impossible un examen par le tribunal de son bien-fondé. L’ambiguïté, voire la contradiction dans la motivation de la décision attaquée doivent être qualifiées d’arbitraires et conduisent ainsi à une violation de l’art. 9 Cst. ». Le recours est donc admis et la cause renvoyée au SEM pour complément d’instruction et nouvelle décision (arrêt résumé par Matthieu Corbaz, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 202).

TAF E-979/2013

2014-2015

Art. 63 al. 1 let. b LAsi ; 1 C ch. 1 CR

A., une ressortissante vietnamienne, obtient l’asile en 1993. Son fils B. est reconnu comme réfugié à sa naissance. Par décision du 12 décembre 2012, l’ODM révoque l’asile de A. et B. et retire leur qualité de réfugié en raison de trois séjours passés au Vietnam. L’Office fédéral estime en effet que ces voyages doivent être assimilés à un comportement par lequel les intéressés se sont volontairement réclamés de la protection de leur État d’origine (art. 63 al. 1 let. b LAsi et 1 C ch. 1 CR). Saisi d’un recours, le TAF observe que l’ODM fonde sa décision sur les visas chinois présents sur les passeports de A. et B. S’il admet que de tels visas représentent un indice de séjours au Vietnam – ce dernier État octroie des visas dans un document séparé et non dans le passeport –, ils ne représentent cependant pas des preuves incontestables de ces séjours. De plus, le tribunal estime qu’il n’est pas certain que ces éventuels séjours au Vietnam puissent être qualifiés de demandes de protection adressées à cet État, les recourants ayant déclaré que leur mère, respectivement grand-mère, y est hospitalisée en raison d’une maladie grave. Les conditions prévues par l’art. 1 C ch. 1 CR n’étant pas réunies, l’ODM a retiré à tort la qualité de réfugié de A. et B. ; leur recours est donc admis (arrêt résumé par Matthieu Corbaz et Andrina Cavelti, in : Actualité du droit des étrangers 2014 II, 143).

TF 2C_748/2014

2014-2015

Art. 63 al. 1 let. a en relation avec l’art. 62 let. 1 LEtr.

Un ressortissant égyptien épouse en janvier 2007 une ressortissante suisse de près de 30 ans son aînée et est mis au bénéfice d’une autorisation de séjour. En novembre 2011, l’intéressé demande à être mis au bénéfice de l’autorisation d’établissement. A cette occasion, il déclare vivre en ménage commun avec son épouse. Le service des migrations fait droit à sa demande et lui délivre le permis d’établissement. Par la suite, il s’avère que l’intéressé vit séparé de son épouse depuis le 1er novembre 2011. L’autorité décide alors de révoquer son autorisation d’établissement et prononce son renvoi de Suisse. Saisi de l’affaire, le TF confirme la révocation de l’autorisation d’établissement, considérant que l’intéressé a fait de fausses déclarations dans le cadre de la procédure d’autorisation, de sorte que la révocation se justifie sur la base de l’art. 63 al. 1 let. a en relation avec l’art. 62 let. 1 LEtr. Le recours est donc rejeté sur ce point, même s’il est admis sous l’angle de l’analyse de l’art. 50 al. 1 let. a LEtr (arrêt résumé par Roswitha Petry, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 176).

TAF C-3573/2014

2014-2015

Une interdiction d’entrée en Suisse d’une durée indéterminée est prononcée contre un ressortissant camerounais. En cours de procédure, le SEM réduit la durée de l’interdiction à douze ans. Le TAF juge cette durée excessive. Il rappelle qu’une interdiction d’entrée est en principe prononcée pour une durée maximale de cinq ans. Lorsque la personne concernée constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics, il est possible de prononcer une interdiction pour une durée plus longue. En l’espèce, le TAF ne conteste pas que l’intéressé qui a affiché un comportement criminel grave et répété durant plusieurs années (notamment mise en danger de la vie d’autrui, infractions graves à la LCR) constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre publics, de sorte qu’il se justifie de prononcer une interdiction d’entrée pour une durée qui dépasse celle de cinq ans. Toutefois, au terme d’une pesée des intérêts en présence, et notamment en tenant compte du fait que l’intéressé a commis la majeure partie des infractions en tant que jeune adulte, le TAF parvient à la conclusion qu’une interdiction d’entrée d’une durée de neuf ans est suffisante. Le recours est donc admis (arrêt résumé par Roswitha Petry, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 184).

TAF C-6111/2014

2014-2015

Art. 50 al. 1 let. a LEtr

Un ressortissant sénégalais épouse une citoyenne suisse en 2009. Il entre en Suisse la même année et est mis au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. Le couple se sépare en 2013. Le SEM refuse de donner son approbation pour la poursuite de son séjour et l’intéressé recours au TAF. Les juges administratifs fédéraux constatent que les époux ont fait vie commune durant plus de trois ans, de sorte qu’ils examinent si l’intégration est réussie. A cet égard, le TAF constate effectivement que le recourant a eu plusieurs emplois et n’a pas fait véritablement preuve d’une stabilité professionnelle. Néanmoins, dans le cadre de la procédure de recours, il a démontré que sa situation professionnelle avait évolué dans un sens positif depuis l’année 2014. Il démontre également une volonté de s’impliquer au mieux dans la vie économique suisse, étant donné qu’il donne pleine et entière satisfaction à ses employeurs et qu’il a été invité à participer à des cours de formation. L’aide sociale qu’il a effectivement perçue ne l’a été que durant une période limitée. Il ne fait l’objet d’aucune poursuite et n’est pas non plus sous le coup d’actes de défaut de biens. Son intégration sociale est au demeurant bonne. Le recours est donc admis et l’approbation est octroyée pour la poursuite du séjour en Suisse du recourant (arrêt résumé par Martine Dang, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 151).

Art. 5 LEtr ; 2 et 4 OEV

Le TAF admet plusieurs recours en matière d’autorisation d’entrée dans l’Espace Schengen, en estimant que c’est à tort que le SEM a retenu que le retour des intéressés dans leur pays d’origine, après l’échéance des visas requis, ne peut pas être considéré comme garanti. Le tribunal admet ainsi notamment un recours concernant une demande de visa Schengen d’une jeune équatorienne qui souhaite venir rendre visite à son père en Suisse, en relevant que, compte tenu du fait que toute sa famille, à l’exception de son père, ainsi que la totalité de son réseau social se trouvent en Équateur où elle suit encore sa scolarité, le retour de l’intéressée dans son pays d’origine peut être tenu pour assuré (C-4577/2014).

Le TAF admet également le recours concernant une ressortissante sri-lankaise qui souhaite rendre visite à sa sœur domiciliée en Suisse durant trois mois. Constatant que l’intéressée est mariée et mère d’une fille âgée de 25 ans et que les époux disposent par ailleurs d’une fortune non négligeable au regard de la situation économique prévalant dans leur pays d’origine, le tribunal juge que la recourante dispose d’attaches suffisamment importantes dans son pays d’origine pour l’inciter à y retourner à l’échéance du visa requis (C-5262/2014).

Dans une autre affaire, le TAF admet le recours concernant un ressortissant péruvien qui a l’intention de venir en Suisse afin de soutenir sa fille dans la prise en charge de ses six enfants, dès lors que sa fille doit subir une opération. Dans le cas particulier, le fait que l’intéressé ait récemment déposé une demande d’autorisation de séjour, en vue de venir vivre auprès de sa fille en Suisse, ne suffit pas pour modifier l’appréciation du TAF selon laquelle le retour du père au Pérou peut être tenu pour assuré (C-431/2015).

Enfin, le TAF donne une suite favorable à un recours concernant deux ressortissants indiens qui souhaitent venir rendre visite à leur fils domicilié en Suisse durant une période de trois mois. Il estime en particulier que, malgré leur âge avancé, le retour des intéressés en Inde peut être considéré comme garanti compte tenu de leurs attaches familiales en Inde, du fait qu’ils appartiennent à une classe sociale aisée dans leur pays d’origine, qu’ils y occupent une position qu’ils ne retrouveraient certainement pas en Europe et qu’ils ont déjà obtenu des visas de la part des autorités du Royaume-Uni (C-4383/2014) (arrêt résumé par Rahel Diethelm, in : Actualité du droit des étrangers 2015 I, 139).

 

TF 2C_1224/2013

2014-2015

Art. 67 al. 3 LEtr

Un ressortissant dominicain voit son autorisation de séjour au titre du regroupement familial régulièrement renouvelée entre 1996 et 2004. Néanmoins, il est condamné à plusieurs reprises entre 2002 et 2003 et son autorisation de séjour n’est plus renouvelée. En 2006 et 2008, il sollicite le réexamen de son dossier, invoquant qu’il a épousé une ressortissante suisse et que le couple a un enfant. Ces demandes sont rejetées. En 2012, il sollicite une nouvelle fois le regroupement familial, alors qu’il réside en Espagne au bénéfice d’un titre de séjour. Le Service cantonal refuse d’entrer en matière sur la requête. Saisi d’un recours, le TF précise que « l’existence d’une condamnation pénale ne peut en principe pas faire indéfiniment échec à l’examen d’une (nouvelle) demande d’autorisation de séjour ». Les décisions de refus d’octroi d’une autorisation de séjour doivent être conformes au principe de proportionnalité.

En particulier, lorsqu’il est difficilement exigible de demander aux membres de la famille de l’étranger de vivre leur vie de famille à l’étranger, un nouvel examen au fond est indiqué si, « depuis sa condamnation pénale, l’étranger a fait ses preuves et que son comportement n’a pas donné lieu à des plaintes dans son pays d’origine ou de résidence pendant une période raisonnable, de sorte que son intégration en Suisse paraît désormais prévisible et le risque de récidive négligeable ». Les considérations de prévention générale ne sont en principe pas à elles seules suffisantes pour justifier une limitation continuelle au regroupement familial. Quand bien même la loi ne fixe pas de limite temporelle minimale ou de critère permettant à un étranger d’introduire une nouvelle demande d’autorisation de séjour, il convient de se référer à la durée de l’interdiction d’entrée en Suisse qui est prononcée contre l’étranger.

Dans un autre arrêt, le TF considère qu’il faut faire un nouvel examen au fond de la prétention au regroupement familial si l’étranger a fait ses preuves durant cinq ans à l’étranger (cf. art. 67 al. 3 LEtr), ou même avant en cas de modification importante de la situation. Le TF précise encore sa jurisprudence en fixant le dies a quo de cinq ans dès la date d’entrée en force de la décision initiale de non-renouvellement, respectivement de révocation de l’autorisation de séjour ou d’établissement. L’autorité doit néanmoins procéder à une nouvelle pesée des intérêts, au cours de laquelle les condamnations pénales doivent être mises en balance avec l’intérêt privé de la personne concernée. Ainsi, la Haute Cour admet le recours, considérant que l’autorité cantonale aurait dû entrer en matière sur la demande de réexamen, car la demande est intervenue après le délai de cinq ans. Par ailleurs, la décision de refus est sommaire et insuffisante, de sorte que la pesée des intérêts ne semble pas avoir été faite correctement (arrêt résumé par Martine Dang, in : Actualité du droit des étrangers 2014 II, 124).

TF 1B_67/2015

2014-2015

Art. 115 al. 1 let. b LEtr

Pour le TF, l’articulation entre, d’une part, l’art. 115 al. 1 let. b LEtr et, d’autre part, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en rapport avec la directive du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 16 décembre 2008 sur le retour, est une question qui présente, pour une personne qui n’a aucune formation juridique, objectivement des difficultés (arrêts du TF 6B_173/2013 du 19 août 2013 (f) ; 6B_320/2013 du 29 août 2013 (f)). Partant, il faut mettre l’intéressé au bénéfice de l’assistance d’un avocat.

TF 6B_620/2014

2014-2015

Art. 116 LEtr

L’arrêt concerne un ressortissant d’Algérie.

Le TF rappelle qu’une condamnation pour séjour illégal au sens de l’art. 116 al. 1 let. b LEtr suppose que la sortie est objectivement possible. Selon les indications de l’intéressé, il s’est présenté en 2011 auprès de l’ambassade d’Algérie à Berne et en décembre 2012 auprès du consulat de son pays à Genève pour obtenir les documents nécessaires, mais sans succès. En outre, il est de notoriété publique que les autorités algériennes ne collaborent que peu, voire pas du tout, à l’obtention des documents de voyage pour permettre l’exécution d’un renvoi. Pour la Haute Cour, il y a violation du droit fédéral, car l’autorité intimée ne discute ni ne démontre que l’intéressé peut retourner en Algérie et que l’on peut exiger de lui qu’il fasse le nécessaire auprès des autorités algériennes pour rentrer dans son pays.