Droit des migrations

Art. 25 Règlement (CE) n° 810/2009

Cet arrêt fait suite à une question adressée à la Cour par la Belgique après le rejet par les autorités belges de la demande de visa humanitaire d’une famille syrienne visant à pouvoir ensuite déposer une demande d’asile en Belgique. Selon les autorités belges, suivies par la CJUE, la famille avait pour objectif de déposer des demandes d’asile et donc de séjourner pour plus de 90 jours et ne rentrait par conséquent pas dans le champ d’application du code des visas. Au contraire, dans la mesure où il n’existe pas de texte communautaire relatif à l’octroi de visa humanitaire pour un séjour plus long que 90 jours, seul le droit national est applicable. Dans cet arrêt, la Cour a rejeté l’opinion de l’avocat général Paolo Mengozzi selon lequel le code des visas doit s’appliquer « si, eu égard aux circonstances de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que le refus de procéder à la délivrance de ce document conduira à la conséquence directe d’exposer ce ressortissant à subir des traitements [inhumains ou dégradants] prohibés par l’article 4 de la charte des droits fondamentaux, en le privant d’une voie légale pour exercer son droit de demander une protection internationale dans cet État membre ».

 

Art. 3, 8 et 13 CEDH

žCet arrêt concerne un ressortissant turc ayant déposé une demande d’asile en Grèce en 2002 et dans l’attente d’une décision formelle sur son recours contre le refus d’octroi de l’asile depuis cette année-là. La Cour conclut à une violation de l’art. 8 CEDH en raison de l’absence de procédure d’examen rapide de la demande du requérant qu’elle examine comme une violation de l’obligation positive de la Grèce de protéger le droit à la vie privée de l’intéressé. Une violation de l’art. 3 en lien avec l’art. 13 CEDH est également reconnue en raison du risque persistant de renvoi inopiné en Turquie alors même qu’il existe des indices de risque de traitements contraires à l’art. 3 dans ce pays.

Art. 8 CEDH

Il est question dans cet arrêt de la prise en compte du bien de l’enfant dans l’examen de l’octroi du regroupement familial. En l’occurrence, la Suisse a refusé d’accorder le regroupement familial en faveur du fils âgé de 15 ans d’un ressortissant d’origine égyptienne marié avec une Suissesse et naturalisé. Le fils avait bénéficié d’un premier regroupement familial avant d’être renvoyé en Egypte par son père en raison de problèmes relationnels avec la belle-mère et de difficultés scolaires. Pour la Cour, la Suisse a certes effectué une pesée d’intérêts entre ceux de la famille et l’intérêt public à contrôler la migration – en prenant en compte le fait que l’enfant avait passé la majeure partie de sa vie en Egypte et y bénéficiait de plus d’attaches – mais elle n’a pas suffisamment pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. La violation de l’art. 8 est donc reconnue, de même que le non-respect des obligations découlant de la Convention sur les droits de l’enfant.

Art. 3 et 5 CEDH

Cet arrêt concerne le cas de deux ressortissants du Bangladesh ayant déposé une demande d’asile dans la zone de transit entre la Serbie et la Hongrie. Suite au rejet de leur demande, ces deux personnes sont expulsées vers la Serbie. La Cour reconnaît une violation de l’art. 3 CEDH en raison du déroulement de la procédure ayant mené au renvoi vers la Serbie (absence de traducteur, informations données par écrit alors que les requérants ne savaient pas lire, charge excessive en matière de preuve). Elle reconnaît également une violation de l’art. 5, par. 1 CEDH en raison du maintien des intéressés dans la zone de transit durant plus de trois semaines sans que l’on puisse considérer qu’ils avaient volontairement choisi de rester dans celle-ci.

Art. 3 et 13 CEDH ; 4 Protocole 4 CEDH

Ce cas concerne plusieurs ressortissants tunisiens dont le bateau a été arraisonné par les garde-côtes italiens alors qu’ils tentaient de rejoindre ce pays. Ils sont ensuite amenés dans un centre de Lampedusa puis transférés sur deux navires dans le port de Palerme avant d’être renvoyés en Tunisie par avion. Par rapport aux expulsions collectives, la Cour précise que l’art. 4 Protocole 4 CEDH n’exige pas dans tous les cas un entretien individuel mais que ses exigences peuvent être satisfaites lorsque chaque personne a réellement et effectivement la possibilité de s’opposer à son expulsion et que ses arguments sont examinés de manière adéquate par l’Etat en cause. En l’espèce, la Cour estime que tel a été le cas puisque les recourants ont été identifiés à deux reprises, que leur nationalité a été établie et qu’ils ont eu la possibilité de développer des arguments s’opposant à leur renvoi. Les juges rejettent également la violation de l’art. 13 CEDH en lien avec l’art. 4 Protocole 4 CEDH ainsi que la violation de l’art. 3 CEDH, invoqué en raison des conditions de rétention avant le renvoi.

Art. 3 CEDH

Dans cet arrêt, la Cour analyse le recours d’un requérant d’asile érythréen dont la demande a été rejetée par la Suisse en raison du manque de crédibilité des éléments allégués. Selon le recourant, le renvoyer en Erythrée constituerait une violation de l’art. 3 CEDH. La Cour rejette cette analyse en arguant que la situation en matière de droit de l’homme en Erythrée ainsi que sa situation personnelle ne permettent pas de retenir l’existence d’un risque réel de subir des traitements contraires à l’art. 3 CEDH. Cet arrêt est intéressant car la CourEDH semble indirectement remettre en cause l’approche retenue par le Tribunal administratif fédéral suisse depuis le début de l’année 2017 s’agissant des déserteurs et personnes fuyant la conscription. En effet, elle reconnaît que les mauvais traitements subis par ces personnes sont largement rapportés et que l’effet de la signature d’une « lettre de regret » est contesté.

Art. 3 et 8 CEDH

Cette affaire concerne un ressortissant géorgien résidant en Belgique dont la situation personnelle est marquée par plusieurs condamnations pénales et de graves problèmes de santé. Suite au rejet de sa demande d’asile, l’intéressé, dont la famille a fini par être régularisée, a lui-même demandé à plusieurs reprises sa régularisation. Dans cet arrêt, la Cour précise la notion d’« autres cas très exceptionnels » dans lesquels des considérations humanitaires peuvent s’opposer à un renvoi (notion mentionnée dans l’arrêt D. c. Royaume-Uni du 2 mai 1997, requête n° 30240/96). Selon la Cour, il s’agit de cas concernant « une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l’absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d’accès à ceux-ci, à un risque réel d’être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ». L’analyse se fait au cas par cas en comparant l’état de santé avant le renvoi et celui qu’aurait la personne suite au renvoi dans son Etat d’origine et en vérifiant la suffisance, l’adéquation et l’accessibilité effective des soins dans ce pays.

Art. 2 et 3 CEDH

Cette affaire concerne un ressortissant syrien arrivé en Russie au bénéfice d’un visa puis condamné pour être resté dans le pays au-delà de la validité de celui-ci. En raison de cette condamnation, son expulsion vers la Syrie est prononcée. Une demande d’asile temporaire est ensuite rejetée par la Russie qui estime que la situation en Syrie n’en justifie pas l’octroi. Pour la CourEDH, une expulsion en Syrie entrainerait une violation des art. 2 et 3 CEDH en raison des conditions humanitaires et sécuritaires ainsi que de la situation de violence généralisée dans le pays.

Art. 8 CEDH

La Cour se penche dans cet arrêt sur le recours d’un ressortissant macédonien, titulaire d’une autorisation d’établissement en Suisse qui voit celle-ci lui être retirée suite à une condamnation à cinq ans de prison pour un meurtre par dol éventuel et des infractions graves à la loi sur la circulation routière. La Cour reconnaît une ingérence de la Suisse dans le droit au respect de la vie privée et familiale de l’intéressé ainsi que le but légitime de celle-ci. La question qui se pose est donc celle de la nécessité dans une société démocratique. Après avoir effectuée une pesée d’intérêts prenant en compte notamment la durée de vie en Suisse, les liens du recourant avec la Suisse et la Macédoine, les possibilités de réintégration en Macédoine de la femme et des enfants de celui-ci ainsi que leur droit à poursuivre leur séjour en Suisse, la Cour arrive à la conclusion que l’expulsion et l’interdiction d’entrée n’ont pas empêché la vie familiale mais l’ont déplacé en Macédoine. Par conséquent, la Suisse n’a pas violé l’art. 8 CEDH dans cette affaire.

Art. 3 CEDH

žDans cet arrêt la CourEDH traite le recours d’un ressortissant sri-lankais renvoyé par la Suisse dans son pays suite au rejet de sa demande d’asile. A son retour, il est emprisonné et torturé. Ayant appris la situation, le SEM rapatrie la famille puis octroie un visa humanitaire et finalement l’asile à l’intéressé lorsque celui-ci est libéré. Attaquée pour violation de l’art. 3 CEDH, la Suisse estime que l’intéressé ne peut plus se prévaloir de sa qualité de victime en raison du fait que des mesures ont été prises en sa faveur. La Cour est d’avis que ces mesures équivalent bien à une reconnaissance de la violation de l’art. 3 CEDH mais que l’absence de réparation suffisante fait que l’intéressé conserve tout de même sa qualité de victime. Une violation de l’art. 3 est également formellement reconnue par la Cour.

Art. 3 et 5 CEDH

Cet arrêt traite le cas de quatre requérants d’asile qui, arrivés à l’aéroport de Moscou, se voient refuser le droit d’entrer sur le territoire russe et retenus dans la zone internationale de transit dudit aéroport. Ils y passent entre cinq et vingt-deux mois durant lesquels ils ne disposent pas de douches, doivent se nourrir de rations du HCR russe et dormir sur des matelas à même le sol de la zone d’embarquement. La Cour analyse ce traitement comme une restriction à la liberté acceptable que dans la mesure où il est accompagné « de garanties adéquates pour les personnes qui en font l’objet et ne se prolonge pas de manière excessive ». En l’occurrence, les juges estiment que leur rétention doit être considérée comme une privation de liberté de facto. De plus, elle reconnaît que celle-ci est dépourvue de base légale en droit russe. La Cour reconnaît également une violation de l’art. 3 CEDH en raison de la souffrance psychique découlant de cette rétention prolongée et des conditions de celle-ci.

Art. 2 et 3 CEDH

Ces arrêts sont tous deux relatifs à des ressortissants soudanais ayant vu leur demande d’asile respective rejetée par la Suisse en raison du manque de vraisemblance des éléments allégués et qui font face à une décision de renvoi. La question que se pose la Cour est de savoir si un renvoi au Soudan emporte violation des art. 2 et 3 CEDH examinés conjointement. A ce sujet, ces arrêts sont intéressants parce qu’ils ont permis à la Cour de poser une grille d’analyse précise du risque pour une personne d’être suspectée par les autorités soudanaises d’être un opposant politique. Parmi ces critères figurent notamment l’intérêt passé des autorités soudanaises pour ces personnes, leur appartenance, au Soudan ou dans leur pays de résidence, à une organisation d’opposition ou encore leur lien avec des membres de l’opposition. Après avoir reconnu dans les deux cas que les circonstances invoquées pour justifier la fuite manquent de vraisemblance, la Cour arrive à un résultat différent dans l’analyse du risque. La différence se fait sur le fait que N.A. ne possédait pas de lien avec des opposants alors que A.I. avait régulièrement côtoyé des dirigeants de l’opposition en Suisse.

ATF 143 I 21 (d)

2016-2017

Art. 8 CEDH ; 3, 9, 18 CDE ; 50 al. 1 let. b LEtr

Cet arrêt constitue la première reprise par le TF de l’arrêt de la CourEDH El Ghatet c. Suisse (cf. supra). Dans le cas soumis au Tribunal, il est question d’une ressortissante nigériane titulaire d’une autorisation de séjour puis d’établissement suite à son mariage avec un ressortissant suisse. Durant le mariage, cette personne a deux enfants avec un ressortissant nigérian, raison pour laquelle l’autorité compétente – estimant qu’elle a fait de fausses déclarations durant la procédure d’octroi – décide de lui retirer son autorisation d’établissement. L’applicabilité de l’art. 50 al. 1 let. b LEtr est rejetée par le TF dans la mesure où celui-ci ne prend en compte que les intérêts des enfants communs, à l’exclusion d’enfants hors mariage, tels que ceux en cause ici. L’analyse des juges fédéraux se concentre donc sur l’art. 8 CEDH. C’est dans le cadre de cette analyse que le TF fait référence à l’arrêt El Ghatet pour reconnaître l’intérêt de l’enfant à grandir en contact étroit avec ses deux parents comme un élément essentiel, parmi d’autres, de la pesée d’intérêts à effectuer. Appliqué au cas d’espèce, ce principe ne permet toutefois pas au TF de reconnaître un droit au regroupement familial inversé sur la base de l’art. 8 CEDH en raison de l’absence d’une relation particulièrement forte entre le père et les enfants.

Art. 3, 5 et 8 CEDH

Ce cas concerne une famille afghane composée du père, de la mère et de quatre enfants. Après l’échec d’une première tentative de renvoi, la mère est placée en détention à l’aéroport de Zurich en compagnie du plus jeune des enfants alors que le père est détenu dans le canton de Zoug et que les trois autres enfants sont placés dans un foyer. Au sujet de l’art. 3 CEDH, les juges fédéraux reconnaissent que la séparation a créé une situation de stress pour la famille et en particulier pour les trois enfants les plus âgés, situation renforcée par l’impossibilité de communiquer entre les membres de la famille. Cependant, ils estiment que le seuil de gravité de l’art. 3 CEDH n’est juste pas atteint. Le TF reconnaît par contre une violation de l’art. 8, le placement des enfants et leur traitement comme des MNA étant analysés comme une ingérence dans le droit à la vie familiale des recourants. Dans le cadre de la pesée des intérêts, les juges estiment que le bien de l’enfant doit prendre une grande place et que la proportionnalité ne peut être respectée que si la mesure est une ultima ratio. En l’occurrence, le Tribunal reconnaît qu’il n’y a pas eu d’évaluation de la possibilité de prendre une autre mesure que l’internement des parents et le placement des enfants et que par conséquent la mesure prise ne peut pas être qualifiée d’ultima ratio. La violation de l’art. 8 est donc reconnue et la question de la violation de l’art. 5 CEDH laissée ouverte.

Art. 8 CEDH

Dans cet arrêt, les juges se posent la question de l’effectivité du mariage conclu entre une ressortissante helvète et un Sénégalais suite au dépôt par ce dernier d’une demande d’entrée en Suisse afin d’y vivre auprès de sa nouvelle épouse. Selon le Tribunal, l’art. 8 CEDH ne protège que le mariage « légal et non fictif », il implique ainsi l’existence d’une relation « étroite et effective ». Les juges dressent une liste d’indices servant à évaluer si un mariage est réel ou non : une grande différence d’âge ; des difficultés, voire une impossibilité des époux à communiquer entre eux ; une méconnaissance du cadre et des conditions de vie de l’autre époux ; un arrangement financier en vue du mariage ; une période courte entre la rencontre et le mariage et l’absence de vie commune avant le mariage ; ou encore, une procédure de renvoi en cours contre l’un des fiancés. Dans le cas présent, le Tribunal rejette le recours en mettant en cause la rapidité des préparatifs du mariage ainsi que le fait que les époux ne se connaissaient guère et n’avaient passé que peu de temps ensemble avant de se marier.

Art. 8 CEDH

Cet arrêt traite de la question du droit au regroupement familial d’une personne titulaire d’une carte de légitimation du DFAE sur la base de l’art. 8 CEDH. Selon la jurisprudence du TF, l’art. 8 n’est invocable qu’en présence d’un « droit de séjour durable » en Suisse, la question est donc de savoir si une carte de légitimation de type H permet de remplir cette exigence. Selon les juges, un tel titre de séjour offre un statut moins stable qu’une autre autorisation de droit des étrangers et même qu’une admission provisoire. Ainsi, le titulaire d’une telle autorisation ne peut se prévaloir ni d’une intégration professionnelle et sociale forte car son droit de séjour est soumis à la volonté de l’employeur de renouveler le contrat de travail, ni de l’impossibilité du retour dans le pays d’origine. Par conséquent, malgré un séjour de sept ans, le statut reste néanmoins précaire, ce d’autant plus que l’employeur, s’il souhaitait engager la personne de manière durable, pourrait obtenir pour elle une carte de légitimation offrant plus de droits.

Art. 27 LN

Dans cette affaire, le SEM rejette la naturalisation facilitée de la requérante au motif qu’elle exerce comme péripatéticienne indépendante et que cela porte atteinte au devoir de fidélité inhérent à la communauté conjugale. Le TAF rappelle que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, « la notion de communauté conjugale suppose non seulement l’existence formelle d’un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints ; tel est le cas s’il existe chez eux une volonté commune et intacte de maintenir une union conjugale stable ». À cet égard, l’instance fédérale rappelle que des doutes quant à la volonté des conjoints de maintenir l’union conjugale au sens de l’art. 27 LN peuvent découler notamment du fait qu’un enfant soit conçu hors mariage ou l’entretien de relations extraconjugales sur la durée, malgré l’accord de l’époux ou de l’épouse. Le TAF ajoute encore que « le fait d’exploiter un salon de massage et de faire commerce de ses charmes n’est pas représentatif de la communauté conjugale au sens de la jurisprudence ». Toutefois, le TAF précise que, dans le cadre de l’examen de la stabilité et l’effectivité de la communauté conjugale, d’autres facteurs et éléments que la prostitution sont pris en compte, tels que l’intensité de l’activité en tant que prostituée, la différence d’âge entre les conjoints, la qualité de relation entre eux et la situation familiale, la présence ou non d’enfants communs et la vie menée par les conjoints (arrêt résumé par Rabia Amor, in : Actualité du droit des étrangers 2016 II, p. 229).

Art. 14 LN

žUn ressortissant serbe se voit refuser la naturalisation au motif d’une intégration insuffisante, à savoir notamment des lacunes dans ses connaissances en géographie et en histoire du canton. La Haute Cour rappelle que « lorsqu’il s’agit d’examiner l’intégration d’un candidat à la naturalisation, notamment son intégration locale, les autorités cantonales et communales bénéficient d’un large pouvoir d’appréciation dont le Tribunal fédéral ne revoit l’exercice qu’avec retenue ». Le TF reproche à l’instance inférieure de ne pas avoir pris en compte dans son arrêt les éléments tendant à démontrer la réussite de l’intégration du requérant. Il est d’avis que l’instance précédente s’est « en outre focalisée sur les réponses les plus saugrenues, passant en revanche sous silence d’autres explications, pourtant satisfaisantes, fournies par le recourant », non seulement en matière de politique et d’histoire, mais également en géographie. L’affaire est donc renvoyée à l’autorité précédente pour nouvelle décision (arrêt résumé par Rabia Amor, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 111).

Art. 14 LN

A., ressortissante iranienne née en 1929, arrive en Suisse en 2001. Elle dépose en 2013 une demande de naturalisation ordinaire, qui lui est refusée en octobre 2015. Suite au rejet de son recours auprès du tribunal administratif du canton de Zurich, qui estime en l’occurrence que l’intéressée ne s’est pas suffisamment intégrée en Suisse malgré ses problèmes de santé et son âge avancé, elle forme un recours constitutionnel subsidiaire auprès du TF. S’agissant des conditions prévues à l’art. 14 LN, ce dernier rappelle que les cantons sont libres de prévoir dans leur législation leurs propres critères en matière d’aptitude à la naturalisation ordinaire. Le TF constate que l’état de santé de la recourante s’est certes dégradé depuis son hospitalisation en 2009 et qu’elle est à présent incapable de discernement. Toutefois, il considère que, bien qu’elle souffre de problèmes de santé avant son arrivée en Suisse, l’état de santé de l’intéressée ne s’est pas détérioré au point de ne pouvoir fournir aucun effort d’intégration dans notre pays, d’apprendre l’allemand, d’entretenir des contacts et de tisser des liens sociaux avec des personnes autres que les membres de sa famille et des compatriotes. Notre Haute Cour estime que A. aurait pu, depuis son arrivée en 2001 et dans la mesure où son état de santé le lui permettait encore, fournir de plus grands efforts pour s’intégrer et au moins d’essayer d’apprendre l’allemand. Il n’est donc pas suffisant de produire un rapport médical expliquant que A. est dans l’impossibilité de s’intégrer dès son arrivée et d’apprendre l’allemand, car elle a employé ses dernières forces physiques et mentales dont elle disposait pour fuir de son pays à l’âge de 72 ans. Le TF considère dès lors que son intégration est insuffisante et que l’instance cantonale n’a ni fait preuve d’arbitraire ni violé l’interdiction de discrimination. Le recours est rejeté (arrêt résumé par Natalia Perez, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 113).

ATF 143 II 57 (f)

2016-2017

Art. 16 par. 2 ALCP ; 3 par. 1 Annexe 1 ALCP

Dans cet arrêt, le TF se pose la question de la reprise des jurisprudences de la CJUE C-434/09 (McCarthy) et C-456/12. Selon la première, le droit européen à la libre circulation ne peut être invoqué par une personne ressortissante de deux Etats membres de l’UE mais qui a toujours vécu dans le même Etat. La seconde s’intéresse à l’applicabilité des dispositions européennes sur le regroupement familial et précise que celles-ci ne sont applicables à des personnes vivant dans leur pays d’origine que si les regroupés ont acquis le statut de « membre de la famille » alors que le regroupant séjournait dans un autre Etat membre, excluant de fait les situations purement internes. Dans le cas tranché par le TF, il est question d’une ressortissante équatorienne souhaitant bénéficier du regroupement familial en vertu de l’ALCP grâce à sa belle-fille binationale française et suisse. Selon les juges, la situation n’est pas comparable à celle de l’affaire McCarthy dans la mesure où la regroupante a vécu 23 ans en France avant de s’établir en Suisse. Dans de tels cas, la pratique du TF était jusque-là d’appliquer l’ALCP aux Suisses également nationaux d’un Etat membre de l’UE sans regarder si ceux-ci avaient fait usage de leur droit à la libre circulation. Ici, les juges fédéraux décident cependant de reprendre la jurisprudence C-456/12 de la CJUE et de refuser le regroupement familial en raison du fait qu’il s’agit d’une situation purement interne puisque le lien entre la regroupée et la regroupante s’est créé alors que cette dernière était déjà établie en Suisse.

Art. 7 let. d ALCP ; 3 par. 1 et 2 Annexe 1 ALCP

Dans cet arrêt, les juges du Tribunal fédéral sont amenés à interpréter l’art. 3 par. 2 let. b Annexe 1 ALCP et la notion de « à sa charge ». Selon les recourants, la condition de prise en charge ne s’applique en effet qu’aux ascendants du conjoint. Cette interprétation purement grammaticale est rejetée par le TF au terme d’une analyse des différentes méthodes d’interprétation ainsi que de la jurisprudence pertinente de la CJUE. Par conséquent, aussi bien les ascendants d’un citoyen européen que ceux de son conjoint doivent être « à charge » pour pouvoir bénéficier du regroupement familial.

Art. 6 Annexe 1 ALCP

Dans cet arrêt, les juges fédéraux ont, une nouvelle fois, eu la possibilité de prendre position sur la notion de travailleur. Il s’agit ici du recours d’une ressortissante allemande à laquelle l’autorité cantonale a retiré son autorisation de séjour car elle estimait qu’elle n’exerçait qu’une activité économique marginale et accessoire et n’avait, dès lors, pas acquis le statut de travailleuse au sens de l’ALCP. En l’occurrence, l’intéressée a travaillé comme serveuse dans un restaurant pendant trois mois avant d’être licenciée en raison de sa grossesse. Elle a ensuite repris une activité à 50% au bénéfice d’un contrat de durée indéterminée pour un salaire d’environ 2'100 CHF par mois. Le Tribunal fédéral estime que ce revenu est effectivement modeste mais qu’il n’est pas pour autant « purement symbolique et doit partant être considéré comme un revenu réel au sens de l’[ALCP] ». Le fait que l’intéressée bénéficie de prestations de l’aide sociale ne change pas cette appréciation et ne peut la priver de son statut de travailleuse.

Art. 5 par. 1 Annexe 1 ALCP

Cet arrêt concerne un ressortissant kosovar de Serbie marié à une ressortissante italienne titulaire d’une autorisation d’établissement avec laquelle il a deux enfants. Condamné à plusieurs reprises, l’intéressé se voit interdit d’entrée en Suisse pour une durée indéterminée mais revient tout de même en Suisse et est encore condamné à plusieurs reprises. En 2016, il dépose une demande de regroupement familial car sa femme et ses enfants ont entretemps acquis la nationalité suisse. Sa demande est rejetée par l’autorité et par le Tribunal cantonal. Le TF casse ces décisions et estime que l’intéressé ne représente plus une menace actuelle, réelle et grave notamment en raison du temps passé depuis les premières condamnations et de l’amélioration de son comportement.

Art. 5 par. 1 Annexe 1 ALCP

Le Tribunal fédéral juge ici injustifié le retrait de l’autorisation de séjour UE/AELE d’un ressortissant algérien marié avec une ressortissante française. Dans cette affaire, l’autorité cantonale a retiré au recourant – connu sous onze identités différentes – son autorisation de séjour pour deux motifs : tout d’abord en raison de fausses déclarations faites durant la procédure d’autorisation (il n’a pas mentionné le fait qu’il a été condamné à huit reprises en Suisse) ; mais également pour atteinte à la sécurité et à l’ordre publics du fait desdites condamnations. Selon le TF, l’intéressé réunit effectivemen plusieurs motifs de retrait de l’autorisation de séjour (art. 62 let. a et c LEtr). Cependant, s’agissant d’un titre de séjour délivré en vertu de l’ALCP, son retrait doit encore respecter les conditions de l’art. 5 Annexe 1 ALCP. Dans son appréciation de la situation, le Tribunal prend tout d’abord en compte le fait que le recourant a été condamné à huit reprises depuis son arrivée en Suisse. L’importance de ces condamnations est toutefois amoindrie par plusieurs éléments : le recourant n’a plus commis d’infractions depuis son mariage ; le risque de récidive paraît donc faible vu la situation familiale ; il n’a jamais commis d’infractions pour lesquelles le TF se montre particulièrement strict ; trois des condamnations sont liées uniquement au séjour illégal de l’intéressé, motif pour lequel il ne peut aujourd’hui plus se faire condamner ; il n’a jamais reçu d’avertissement formel de la part de l’autorité. Face à ces éléments, les juges concluent que le retrait de l’autorisation n’était pas adéquat à la situation dans la mesure où le recourant ne représente pas une menace actuelle, réelle et grave pour l’ordre public.

Art. 5 par. 1 Annexe 1 ALCP

Cet arrêt concerne un ressortissant espagnol titulaire d’une autorisation d’établissement, dépendant de l’aide sociale durant 10 ans et condamné à une peine privative de liberté de quatre ans pour infraction grave à la loi sur les stupéfiants pour avoir transporté un total de 15 kg de cocaïne. Le TF reconnaît que les conditions du retrait de l’autorisation d’établissement sont remplies (art. 63, al. 2 et 62, let. b LEtr) et, là encore, axe son analyse sur l’art. 5 Annexe 1 ALCP en tenant compte des éléments suivants : contrairement à l’arrêt précédent, les infractions commises dans ce cas font partie de celles pour lesquelles le Tribunal fédéral est particulièrement rigoureux (LStup) ; l’intéressé n’a cessé ses infractions que parce qu’il a été arrêté et a agi uniquement pour des motifs financiers, sans se soucier de la législation ou de la santé d’autrui ; les infractions ne peuvent pas être considérées comme une erreur de jeunesse dans la mesure où il avait plus de 40 ans au moment des faits. Au vu de ces faits, les juges estiment que l’application de l’art. 5 Annexe 1 ALCP est justifiée. Le renvoi de Suisse est également considéré comme proportionnel en raison de la haute gravité de l’infraction commise et de l’absence d’éléments exceptionnels permettant de faire primer son intérêt personnel à pouvoir rester en Suisse.

Art. 5 par. 1 Annexe 1 ALCP

Le Tribunal fédéral est saisi du recours d’un ressortissant allemand dont l’autorisation de séjour n’a pas été renouvelée par le canton de Schwyz. Le canton justifie ce refus de renouveler par le fait que l’intéressé a été condamné à de multiples reprises en Allemagne et en Suisse. Dans son analyse, le TF commence par rappeler qu’une pluralité de petites condamnations peut en raison de leur nombre justifier l’application de l’art. 5 Annexe 1 ALCP. Il estime toutefois que tel n’est pas le cas ici, en particulier en raison de la baisse de l’activité criminelle de l’intéressé durant les cinq dernières années (« que » quatre condamnations sur cette période).

Art. 7 let. d ALCP ; 3 par. 1 Annexe 1 ALCP

Cet arrêt traite du cas d’un ressortissant kosovar, titulaire d’une autorisation de séjour suite à son mariage avec une ressortissante portugaise avec laquelle il a deux filles, qui demande le regroupement familial en faveur de son fils kosovar né d’un mariage traditionnel. Cette demande est rejetée par l’autorité cantonale qui y voit un abus de droit. Cet arrêt permet au TF de rappeler les deux conditions du regroupement familial en faveur d’enfants d’un seul des conjoints : (1) Le citoyen de l’UE/AELE doit avoir donné son accord ; (2) Une relation familiale minimale doit exister entre le parent domicilié en Suisse et l’enfant vivant à l’étranger. En l’occurrence, la première condition est remplie mais le TF doute que la seconde soit remplie dans la mesure où le père et le fils n’avaient eu jusque-là que de rares contacts lors de vacances du père et que le fils ne connaissait ni la belle-mère ni ses demi-sœurs. De plus, l’intérêt du fils à venir en Suisse n’est qu’économique et son arrivée aurait pour conséquence de le séparer de ses proches au Kosovo, le regroupement n’est donc pas dans son intérêt supérieur.

ATAF 2016/17 (f)

2016-2017

Art. 111c LAsi et art. 5 et 46a PA

Dans cet arrêt de principe, le TAF interprète les al. 1 et 2 de l’art. 111c LAsi et définit leur champ d’application respectif (consid. 4.1 et 4.2). Il considère que le classement sans décision formelle au sens de l’art. 111c al. 2 LAsi ne constitue pas une décision au sens de l’art. 5 PA et n’est donc pas susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral. Cependant, si le SEM commet une erreur manifeste en classant à tort une demande alors que les conditions de l’art. 111c al. 2 LAsi ne sont pas remplies, la possibilité de déposer un recours pour déni de justice demeure (consid. 6).

Art. 83 LEtr

Le TAF se penche sur la question de savoir si les Erythréennes et Erythréens dont la demande d’asile a été refusée sont menacés de se voir condamner pénalement et enrôler dans le service national en cas de retour au pays. Il arrive à la conclusion que tel n’est pas le cas pour les personnes qui ont déjà effectué leur service national obligatoire ainsi que pour les personnes qui ont régularisé leur situation vis-à-vis de leur Etat d’origine en payant l’impôt sur le revenu de 2% et en signant une lettre de repentir. En l’espèce, la recourante n’ayant pu rendre sa désertion vraisemblable, le TAF juge improbable que cette dernière se fasse condamner ou reconvoquer en cas de retour au pays. En conséquence, il laisse ouverte la question de savoir si le service national érythréen comporte une menace de traitement inhumain ou doit être qualifié d’esclavage ou de travail forcé. En outre, après une analyse détaillée de la situation actuelle, le TAF arrive à la conclusion que l’Erythrée ne connaît actuellement pas une situation de violence généralisée et donc qu’un retour au pays n’est pas d’une manière générale inexigible.

Art. 31a al. 1 let. b LAsi et RD III

cet arrêt analyse la situation en Hongrie en lien avec l’application du règlement Dublin III (RD III). Depuis 2015, la Hongrie procède à plusieurs durcissements de sa législation dans le domaine de l’asile. Le dernier en date, avec l’entrée en vigueur de l’acte T/13976 le 28 mars 2017, modifie fondamentalement la situation de ce pays, avec des conséquences tant pour les procédures d’asile que les conditions d’accueil des requérants. Ce système prévoit que tous les requérants d’asile présents sur le territoire hongrois sont désormais hébergés dans l’un des deux centres situés dans les zones de transit à la frontière serbo-hongroise. Le TAF en arrive à la conclusion, « qu’en l’état, la cause n’est pas susceptible d’être définitivement tranchée » (consid. 12). Pour les personnes transférées dans le cadre d’une reprise en charge fondée sur le RD III, le régime dont elles feront l’objet demeure incertain, car les dispositions topiques ont été abrogées par l’acte T/13976. Suite à ces changements, plusieurs Etats européens adaptent leur pratique par rapport à la Hongrie (notamment l’Allemagne décide de ne plus renvoyer de requérants vers la Hongrie). C’est pourquoi le TAF renvoie la cause au SEM pour complément d’instruction et nouvelle décision.

Art. 3 LAsi

Le TAF examine la question de savoir si la situation en Erythrée a évolué ou s’il est toujours justifié d’accorder la qualité de réfugié du simple fait que le requérant rend vraisemblable d’avoir quitté illégalement l’Erythrée. En effet, conformément à la pratique suivie jusqu’à maintenant, la sortie illégale de l’Erythrée justifie en soi la reconnaissance de la qualité de réfugié. Ces dernières années, l’émigration atteint une telle proportion que c’en est devenu un problème pour le fonctionnement de l’Etat car ce dernier est basé sur le service national. Dès lors, en cas de retour au pays, il n’apparaît pas comme hautement probable que la personne ayant quitté illégalement l’Erythrée soit sanctionnée pour ce motif d’une façon telle que ces sanctions constitueraient de sérieux préjudices au sens de l’art. 3 LAsi en raison de leur intensité et de leur motivation politique. Au contraire, il ressort de l’analyse faite par le TAF, sur la base des différents rapports, que de nombreuses personnes ayant quitté l’Erythrée illégalement peuvent y revenir relativement sans problème. D’ailleurs, après un certain temps, elles reçoivent le statut de la diaspora qui leur permet de revenir temporairement au pays sans danger. De plus, le TAF relève qu’une éventuelle punition en raison, par exemple, du non-paiement de la taxe de 2%, n’est pas considérée comme un motif déterminant en matière d’asile. Le TAF change donc sa pratique et arrive à la conclusion qu’il n’existe un risque majeur de sanctions en cas de retour qu’en présence de facteurs supplémentaires (weitere Faktoren) à la sortie illégale qui font apparaître le requérant d’asile comme une personne indésirable aux yeux des autorités érythréennes.

 

Art. 111b et 111c LAsi

le TAF examine quand une demande doit être traitée selon l’art. 111b LAsi (réexamen) ou selon l’art. 111c LAsi (demandes multiples) en lien avec les procédures Dublin. A cet égard, il s’agit de faire la distinction entre les cas où la personne qui dépose une nouvelle demande d’asile n’a pas encore été transférée dans l’Etat Dublin compétent de ceux dans lesquels elle revient en Suisse après que le transfert Dublin ait été effectué. Dans le premier cas, la nouvelle requête doit être examinée sous l’angle du réexamen (art. 111b LAsi). En effet, tant que le transfert n’a pas encore été exécuté, la décision (de non-entrée en matière et de renvoi) demeure pleinement exécutoire. Dans le second cas, il faut examiner la requête sous l’angle de l’art. 111c LAsi. La décision (de non-entrée en matière et de renvoi) a été pleinement exécutée : « lorsque le transfert a déjà été exécuté, le recourant a “épuisé” son obligation de quitter la Suisse vers l’Etat membre responsable, la Suisse a respecté son obligation de le transférer dans les délais, et l’Etat responsable a rempli son obligation de le réadmettre sur son territoire » (consid. 4.3.2). Cette distinction est importante car dans le cas d’une demande multiple (art. 111c LAsi), le SEM doit entamer une nouvelle procédure Dublin s’il souhaite procéder à un nouveau transfert. L’art. 111c al. 1 LAsi pose deux exigences supplémentaires au dépôt d’une nouvelle demande d’asile : elle doit revêtir la forme écrite et être dûment motivée (lex specialis de l’art. 18 LAsi). Ces demandes nécessitent donc une procédure matérielle spéciale, menée uniquement par voie écrite qui permet de renoncer à une nouvelle audition. La procédure étant uniquement écrite, il est important que la demande soit suffisamment motivée, sans quoi le SEM ne pourra pas établir l’état de fait à satisfaction (cf. art. 12 PA). Même si ces exigences sont remplies, le SEM n’est pas obligé d’examiner la demande sur le fond puisque les motifs de non-entrée en matière sont applicables. Lorsque la compétence de l’Etat requis est donnée, le SEM doit, par renvoi de l’art. 111c al. 1 LAsi, faire application de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi.

Art. 84 al. 4 LEtr

L’intéressée est une ressortissante érythréenne reconnue réfugiée par décision du 6 février 2015 mais exclue de l’asile. De mars à juin 2016, elle séjourne en Allemagne, où elle dépose une demande d’asile. Elle regagne la Suisse le 9 juin 2016. Par décision du 10 août 2016, le SEM met fin à l’admission provisoire de l’intéressée, conformément à l’art. 84 al. 4 LEtr et à l’art. 26a let. a OERE. La recourante soutient que l’art. 84 al. 4 LEtr, à l’instar de l’art. 85 al. 4 LEtr, ne devrait pas s’appliquer aux réfugiés admis à titre provisoire. Le TAF procède alors à une interprétation littérale, historique, systématique et téléologique de l’art. 84 al. 4 LEtr, à l’issue de laquelle il conclut que cette disposition est applicable à toute personne admise à titre provisoire, qu’elle bénéficie ou non du statut de réfugié. Il précise que la levée de l’admission provisoire au sens de l’art. 84 al. 4 LEtr se fait ex lege et que l’application du principe de proportionnalité est exclue (arrêt résumé par Semsija Etemi, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 100).

Art. 3 LAsi

Le TAF a reconnu la persécution collective des Yézidis de la province de Ninawa en Irak. Les Yézidis de cette province sont victimes, depuis la prise de pouvoir de l’Etat islamique (EI) en 2014, de persécutions systématiques. Dans la mesure où le risque de persécution de l’EI vise tous les membres de la communauté yézidie, chaque Yézidi a une crainte fondée de persécution du seul fait de son appartenance à cette religion. Une persécution collective des Yézidis doit donc être admise dans la province de Ninawa.

OTest

Dans la présente procédure, la demande d’asile du recourant est traitée dans le cadre des procédures en phases de test à Zurich (cf. art. 4 OTest). Le 2 mai 2016, un recours est déposé et le jour même le SEM rend une décision incidente attribuant le requérant à un canton. Le 23 septembre 2016, la représentation juridique du centre test de Zurich demande à recevoir son forfait pour la représentation effectuée auprès du requérant en procédure de première instance. Cette requête est fondée sur le fait que, suite à la décision du SEM attribuant le recourant à un canton, ce dernier ne se trouve plus dans la procédure relative aux phases de test mais en procédure élargie ; procédure pour laquelle aucune indemnisation sur la base de l’OTest n’est prévue (art. 25 al. 3 et 28 al. 2 OTest). Or, un changement de la procédure accélérée à la procédure élargie n’est possible que lors de la procédure de première instance : si la demande est traitée en procédure accélérée et qu’une décision est rendue, il n’est plus possible de faire passer le requérant en procédure élargie. La décision incidente rendue par le SEM le 2 mai 2016 et attribuant le recourant à un canton a été prise sur la base de l’art. 27 LAsi ainsi que les art. 21 et 22 OA 1 : ce n’est pas une décision décidant du passage du requérant en procédure élargie comme celle fondée sur l’art. 17 al. 2 let. d OTest mais une décision attribuant le requérant à un canton comme conséquence de l’octroi de l’admission provisoire (art. 22 OTest). Dans le cadre des procédures en phases de test, la représentation juridique dure jusqu’à la fin de la procédure de recours (art. 25 al. 3 OTest) et les frais de ladite représentation sont pris en charge par le forfait contractuel basé sur l’art. 28 al. 3 OTest. Ce qui a pour conséquences que le recourant n’a aucuns frais de représentation à supporter pendant la procédure de recours. Il n’y a donc pas de raison d’accorder l’assistance judiciaire sur la base des art. 65 al. 1 PA et 110a LAsi.

Art. 63 LEtr en lien avec art. 8 CEDH, 96 LEtr et 5 al. 2 Cst

Dans cet arrêt, le TF doit déterminer si la révocation d’une autorisation d’établissement d’un multirécidiviste d’origine serbe est proportionnée. Cet examen correspond en substance à celui qui est effectué en présence d’une restriction au droit à la vie privée et familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH). Le recourant a vécu presque sa vie entière en Suisse où se trouvent ses parents et ses frères et sœurs. Cependant, sa femme et le reste de sa famille se trouvent à l’étranger ; il entretient des relations étroites avec son pays natal et y retourne régulièrement. Dès lors, lors de la pesée des intérêts, l’intérêt public à son éloignement au vu des délits commis prime son intérêt privé à rester en Suisse. Le retour dans son pays d’origine est exigible et il n’y a donc pas de violation des art. 8 CEDH, 96 LEtr et 5 al. 2 Cst.

 

Art. 63 LEtr

Un ressortissant macédonien entré en Suisse en 1996 à l’âge de neuf ans fait l’objet d’une condamnation pénale à une peine privative de liberté d’une durée de trois ans pour tentative de meurtre (dont six mois sans sursis, avec un délai d’épreuve de deux ans). De ce fait, l’autorité cantonale compétente révoque l’autorisation d’établissement de l’intéressé. Saisi d’un recours contre cette mesure, les Juges fédéraux observent en premier lieu qu’il n’est pas contesté que le recourant remplit le motif de révocation prévu à l’art. 63 al. 1 let. a LEtr en relation avec l’art. 62 al. 1 let. b LEtr. Dans l’analyse de la proportionnalité de la mesure, le TF relève que la faute du recourant doit être relativisée, compte tenu en particulier du fait que l’infraction relève du dol éventuel, que l’intéressé a fait l’objet d’une seule condamnation et qu’il avait 19 ans lors de la commission de l’infraction en question. En outre, l’intéressé a effectué une thérapie, est intégré au niveau professionnel et a fait preuve d’un comportement irréprochable depuis lors (à l’exception d’une infraction à la LCR lui ayant valu une amende de CHF 400.-). L’intéressé a ainsi fait ses preuves durant plus de dix ans (et durant plus de huit ans hors de prison). Dans ces conditions, l’intérêt public à l’éloignement du recourant de Suisse ne saurait être qualifié de particulièrement important. Cela étant, l’intéressé est entré en Suisse à l’âge de neuf ans, a ainsi passé les premières années de sa vie dans son pays d’origine et ne fait partant pas partie de la deuxième génération d’étrangers en Suisse. Il a au contraire passé une partie importante de sa vie en Macédoine et maîtrise par ailleurs la langue de son pays d’origine. En outre, il est jeune, célibataire et sans enfants et devrait partant être en mesure de se créer une nouvelle existence en Macédoine. Dans ces conditions, l’intérêt privé du recourant à pouvoir demeurer en Suisse doit également être relativisé. En conclusion, le TF, statuant à cinq Juges, retient que bien qu’il s’agisse d’un cas limite, la mesure d’éloignement est conforme au droit. En conséquence, le recours est rejeté (arrêt résumé par Rahel Diethelm, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 62).

ATF 143 II 113 (d)

2016-2017

Art. 79 LEtr

Pour calculer la durée totale maximale admissible d’une détention ordonnée en vertu du droit des étrangers, il faut, en cas de détentions multiples, additionner les durées de détention d’une seule et même procédure de renvoi. Par contre, si la mise en détention intervient dans le cadre d’une nouvelle procédure de renvoi – indépendante des procédures antérieures – les délais légaux recommencent à courir et une détention est à nouveau admissible pour la durée maximale prévue (consid. 3.1-3.3).

Art. 76a LEtr

Cet arrêt concerne un ressortissant camerounais qui fait l’objet d’une mise en détention en vue du renvoi dans le cadre d’une procédure Dublin. Saisi d’un recours contre la décision de mise en détention fondée sur l’art. 76a al. 1 LEtr, le TF rappelle qu’en vertu de cette disposition, un étranger peut être mis en détention afin d’assurer son renvoi dans l’Etat Dublin responsable lorsque des éléments concrets font craindre que l’étranger concerné entende se soustraire au renvoi, la détention est proportionnée et d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace. Une mise en détention peut notamment être justifiée lorsque l’étranger en question ne respecte pas son devoir de collaboration (art. 76a al. 2 LEtr). Dans le cas particulier, l’autorité a considéré qu’il était nécessaire d’assurer le renvoi par une détention, puisqu’elle craignait que l’intéressé entende se soustraire au renvoi, compte tenu en particulier de son refus d’obtempérer aux décisions des autorités (art. 76a al. 2 let. b LEtr) et du fait qu’il a omis de mentionner le dépôt d’une demande d’asile dans un autre Etat Dublin (art. 76a al. 2 let. i LEtr). Les Juges fédéraux estiment que la mise en détention était effectivement nécessaire eu égard au comportement du recourant qui se trouve dans l’Espace Schengen sans autorisation depuis plus d’une année et a systématiquement essayé de cacher sa présence aux autorités, notamment à travers l’utilisation de faux papiers d’identité. Compte tenu de ce comportement, on ne saurait reprocher à l’autorité intimée d’avoir considéré qu’il existait un risque concret que l’intéressé tente de se soustraire au renvoi au sens de l’art. 76a al. 1 let. a LEtr. En outre, la mesure respecte le principe de la proportionnalité. En conséquence, le recours est rejeté en ce qui concerne la question de la conformité au droit de la mise en détention en vue du renvoi. Cela étant, le recours est admis en ce qui concerne la question du refus d’octroi de l’assistance judiciaire devant l’autorité intimée, eu égard aux garanties de procédure contenues dans le règlement Dublin III en relation avec la directive UE 2013/33. L’art. 9 al. 6 de cette directive ne permet en effet pas de soumettre l’octroi de l’assistance judiciaire à la condition que le recours ne soit pas dénué de chances de succès. Dans la mesure où le règlement Dublin renvoie explicitement à la directive précitée, la règlementation prévue par les dispositions en question fait partie de l’acquis applicable en Suisse. En conséquence, l’autorité inférieure aurait dû examiner l’indigence de l’intéressé et le cas échéant, lui octroyer l’assistance judiciaire. Partant, sur ce point, l’affaire est renvoyée à l’autorité intimée pour nouvelle décision (arrêt résumé par Rahel Diethelm, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 65).

Commentaire
(publication prévue)

ATF 143 II 1 (f)

2016-2017

Art. 99 LEtr

Le recourant, ressortissant iranien occupant un poste de haut fonctionnaire, s’est vu délivrer en 2008 une carte de légitimation du Département fédéral des affaires étrangères, retirée lors de sa retraite en 2010. Afin de poursuivre son séjour en Suisse, en 2011, l’office des migrations du canton de Genève préavise positivement la délivrance d’une autorisation d’établissement, approuvée par le SEM, qui révoque ensuite son approbation suite à des informations transmises par le Service des renseignements de la Confédération, décision confirmée par le TAF qui estime que le recourant représente une menace pour la Suisse. Saisi d’un recours, le TF examine la compétence du SEM de révoquer une autorisation d’établissement. De par la loi, le SEM ne dispose d’aucune compétence de révocation : les compétences du SEM sont limitées à l’approbation de l’octroi ou du renouvellement des autorisations, sauf exception de l’art. 40 al. 1 LEtr et ce n’est que dans le cadre de cette procédure qu’il fera application des dispositions de la LEtr relatives à la révocation des autorisations, en examinant si les conditions de leur application sont réunies pour refuser son approbation. Pour le surplus, seuls les cantons disposent de la compétence de révoquer directement une autorisation sur la base de l’art. 63 LEtr. Le TF estime également que les principes généraux de révocation ne fondent pas une compétence en faveur du SEM : l’approbation du SEM est une condition de validité de l’autorisation octroyée par l’autorité cantonale. Il s’ensuit que lorsque le SEM approuve un préavis positif, cette décision perd son autonomie et s’intègre dans la décision cantonale. L’approbation du SEM n’est donc pas une décision assortie d’effets durables, révocable en cas d’irrégularités subséquentes, ou mêmes initiales. Il en découle que seule la décision cantonale peut faire l’objet d’une révocation, qui revient à l’autorité cantonale. A défaut, les cantons seraient privés de l’une de leurs prérogatives. Par conséquent, le SEM n’est pas habilité à révoquer son approbation donnée à l’octroi de l’autorisation d’établissement du recourant. Le recours est donc admis (arrêt résumé par Gaëlle Sauthier, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 76).

Art. 85 al. 7 LEtr

žLe TAF reprend la jurisprudence du TF au sujet de cette question posée en relation avec l’art. 85 al. 7 LEtr : la personne à regrouper doit-elle impérativement se trouver à l’étranger ? Non, désormais. La venue illégale en Suisse du membre de la famille concerné par le regroupement familial n’empêche pas, selon la jurisprudence développée par le TF et le TAF au sujet des art. 42 et ss. LEtr, que la demande de regroupement puisse être admise lorsque l’intérêt primordial de l’enfant au regroupement familial l’emporte sur l’intérêt public à son refus. Dès lors, il n’y a pas de motifs permettant de motiver un raisonnement différent lorsque la demande est fondée sur l’art. 85 al .7 LEtr. La demande d’inclusion dans l’admission provisoire d’un ressortissant étranger ne soulève aucune question au regard de la LAsi, de sorte que les conditions spécifiques y afférentes (notamment les art. 44 et 51 LAsi, ainsi que l’art. 74 al. 5 OASA) ne trouvent pas à s’appliquer (cf. consid. 3.6 de l’ATF 141 I 49).

Art. 47 LEtr

Dans cette affaire se pose la question du délai pour déposer une demande de regroupement familial. Les Juges fédéraux observent que pour sauvegarder le délai prévu pour le regroupement familial, la personne concernée doit uniquement avoir déposé une demande en ce sens, qu’il n’est cependant pas nécessaire qu’elle forme un recours contre une éventuelle décision négative. Le TF rappelle ensuite qu’en cas de décision négative sur une première demande de regroupement familial, la famille conserve la possibilité de former une nouvelle demande lorsque sa situation juridique s’est améliorée et cela même après l’échéance des délais consacrés à l’art. 47 LEtr. Il faut toutefois que la première demande infructueuse ait été déposée dans ces délais et que la seconde demande intervienne également dans ces délais. En l’espèce, la première demande de regroupement familial a été déposée dans les délais prévus par la loi. En outre, la situation juridique du recourant n’était plus « en suspens » depuis l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur en octobre 2012, puisqu’il avait désormais la possibilité de former une nouvelle demande de regroupement familial fondée sur l’art. 44 LEtr. Enfin, la deuxième demande déposée en juillet 2014 (soit moins de cinq ans après l’octroi de l’autorisation de séjour en octobre 2012) est également intervenue dans le délai prévu par la loi. En conséquence, le recours est admis et l’autorité cantonale est invitée à délivrer une autorisation de séjour à l’épouse de l’intéressé (arrêt résumé par Rahel Diethelm, in : Actualité du droit des étrangers 2016 II, p. 139).

ATF 143 IV 97 (f)

2016-2017

Art. 116 LEtr

A. et B., ressortissants roumains et exploitant une entreprise, transportent de Roumanie à la Suisse des personnes Roms titulaires de documents d’identité valides. Néanmoins, ces personnes se trouvent dans une situation d’extrême pauvreté, ce que les transporteurs savent. Ils sont tous deux condamnés en 2014 par le Tribunal correctionnel de Genève pour tentative de contrainte et d’infraction à l’art. 116 al. 1 let. a et al. 3 let. a LEtr, condamnation annulée ensuite par l’autorité supérieure. Seul l’un des comparses est reconnu coupable de tentative de contrainte uniquement. Sur recours du Ministère public, le Tribunal fédéral rappelle la distinction entre les conditions régissant l’entrée et le séjour des ressortissants communautaires sans activité lucrative pour une durée maximale de trois mois et celles applicables au séjour de tels ressortissants d’une durée supérieure à trois mois. Dans le premier cas, il suffit à la personne étrangère de présenter un document d’identité valable pour se prévaloir de l’ALCP pour entrer en Suisse pour une durée n’excédant pas trois mois, alors que dans le second cas, la personne doit en outre démontrer posséder des ressources suffisantes. Le recours est donc rejeté (arrêt résumé par Gaëlle Sauthier, in : Actualité du droit des étrangers 2017 I, p. 125).

Art. 115 LEtr

« La Directive sur le retour ne s’oppose pas à ce que le droit pénal suisse réprime le séjour illégal lorsqu’une procédure de retour est mise en œuvre. En ce sens, elle ne s’oppose pas à ce que le séjour illégal soit érigé en infraction. Sur le plan de la sanction, une application de l’art. 115 al. 1 let. b LEtr conforme à la Directive sur le retour et à la jurisprudence européenne impose qu’il soit renoncé à prononcer et à exécuter une peine privative de liberté lorsque l’intéressé en séjour illégal fait l’objet d’une décision de renvoi et que les mesures nécessaires pour procéder à l’éloignement n’ont pas encore été mises en œuvre. C’est la solution adoptée par l’arrêt du Tribunal fédéral le plus récent qu’il convient de suivre (arrêt 6B_106/2016 du 7 décembre 2016). En revanche, le prononcé d’une peine pécuniaire n’est pas incompatible avec la Directive sur le retour, pour autant qu’elle n’entrave pas la procédure de retour. Une telle sanction ne nécessite pas, à teneur de la jurisprudence européenne rendue à ce jour, que toutes les mesures nécessaires au renvoi aient préalablement été mises en œuvre. » « Il y a lieu de s’écarter de la solution retenue dans l’arrêt 6B_1172/2014 du 23 novembre 2015. »

Commentaire
(publication prévue)