Droit des sociétés

Art. 18 CO al. 1

Interprétation de la volonté des parties. Sur la base d’une convention d’actionnaires contenant des clauses de call-option et de put-option, A Group AG exerce son option d’achat (call-option) et rachète les actions restantes de D SA. Peu après, D SA perd son client le plus important, événement censé conduire, selon la convention d’actionnaires, à une réduction du prix d’achat des actions. Il résulte toutefois du comportement des parties que la réduction était due uniquement en cas d’exercice de la put-option. En effet, dans le cadre de la procédure arbitrale antérieure, A Group AG ne s’est pas prononcée sur l’application de la clause de réduction de prix tandis que la défenderesse a affirmé qu’une réduction de prix était due uniquement en cas d’exercice de la put-option, affirmation qui n’avait pas été clairement contredite par A Group AG.

Art. 111 CO , Art. 423 CO

Contrat de travail prévoyant l’achat d’actions ; convention d’actionnaires. Un contrat de travail contient une clause de rachat d’actions, prévoyant qu’en cas de résiliation sans juste motif, la SA peut acquérir les actions de son employé, leur valeur étant calculée sur la base des bénéfices réalisés par la SA au cours des douze mois précédant la date de résiliation du contrat de travail. La titularité des actions de la SA étant intrinsèquement liée à l’existence de rapports de travail avec celle-ci, l’on peut objectivement retenir que les parties entendaient permettre à l’employé de bénéficier de la valeur des actions à laquelle il avait contribué par son travail et que c’est la valeur des actions à la date de la résiliation du contrat de travail qui est déterminante. Au contraire, si le droit de rachat est exercé tardivement, les profits ou des pertes réalisés des mois ou des années après le départ de l’employé ne doivent pas être pris en compte pour fixer le prix des actions. Par ailleurs, une convention d’actionnaires peut inclure une clause de porte-fort (art. 111), par laquelle un actionnaire peut par exemple garantir à un organe que le mandat de celui-ci ne sera pas résilié sans l’accord de celui-là. Enfin, il y a gestion d’affaires imparfaite de mauvaise foi au sens de l’art. 423 al. 1 CO, lorsqu’une SA usurpe les droits de l’un de ses employés en percevant volontairement les dividendes des actions appartenant à celui-ci, exclusivement dans son propre intérêt, tout en sachant que son employé en était propriétaire.

Art. 697e CO al. 3

Contrôle spécial. Conformément à l’art. 697e al. 3 CO, le tribunal a l’obligation de donner explicitement l’occasion aux actionnaires requérants ainsi qu’à la société contrôlée de se prononcer sur le rapport du contrôleur spécial et de poser des questions supplémentaires. Selon les circonstances spécifiques du cas d’espèce, le tribunal peut remplir cette obligation en fixant un court délai aux parties pour soumettre leurs commentaires et questions par écrit ou en les convoquant à une audience.

Art. 33 LB , Art. 34 LB , Art. 35 LB , Art. 36 LB , Art. 37a LB , Art. 37b LB , Art. 37c LB , Art. 37d LB , Art. 37e LB , Art. 37f LB , Art. 37g LB

Acceptation illicite de dépôts du public ; liquidation ordonnée par la FINMA. En cas de liquidation d’un établissement non autorisé, la preuve d’un surendettement formel n’est pas requise, l’existence de circonstances raisonnables et compréhensibles indiquant un surendettement existant ou imminent suffit en droit des marchés financiers. La FINMA dispose donc à cet égard d’une marge d’appréciation (technique) non négligeable. Cette marge d’appréciation s’accompagne toutefois d’exigences accrues en matière de motivation : la FINMA doit suffisamment motiver sa décision dans chaque cas particulier, la simple présomption abstraite de surendettement n’est pas suffisante.

Art. 37g LB

Faillite d’une banque étrangère ; remise du patrimoine situé en Suisse à la masse en faillite étrangère sans faillite ancillaire. La demande d’approbation de la procédure prévue à l’art. 37g al. 2 LB a été formulée par les liquidateurs de la banque étrangère en faillite, et non par l’autorité de surveillance étrangère comme dans l’ATF 145 II 168 (auquel le TF s’est référé par analogie, les faits étant similaires en l’espèce), et la FINMA a également autorisé ceux-ci à faire valoir des créances patrimoniales à l’encontre d’une banque suisse. Toutefois, en l’espèce, une assistance a bien été fournie à une autorité étrangère dans la mesure où l’octroi de l’autorisation de mener la procédure simplifiée requise par les liquidateurs bénéficie à la masse en faillite de la banque étrangère et permet à ceux-ci de remplir plus facilement leur mission publique de liquidation de la banque. Ainsi, l’assistance internationale fournie par la FINMA est de nature administrative, car la décision a été prise, comme dans l’ATF susmentionné, dans le cadre d’une procédure de droit public suisse fondée sur l’art. 37g LB. Le recours en matière de droit public est donc exclu en vertu de l’art. 83 let. h LTF. Tout comme le recours en matière civile (art. 72 ss LTF), étant donné que le législateur a spécifiquement soumis la question des faillites de banques étrangères à un régime spécial de droit public à l’art. 37g al. 1 et 2 LB.

Art. 34 LFINMA

Sanctions du droit des marchés financiers. La publication d’une décision de la FINMA (art. 34 LFINMA), qui est limitée dans le temps de manière appropriée, ne remplit aucun des critères de la jurisprudence « Engel » de la CourEDH permettant de déterminer si une mesure disciplinaire entre dans le champ d’application de l’art. 6 par. 1 CEDH. Par conséquent, la sanction prévue par l’art. 34 LFINMA est une sanction administrative répressive et une mesure préventive de protection, mais elle ne constitue pas une accusation pénale au sens de l’art. 6 CEDH.

Art. 3 LSR al. 17

Retrait de l’agrément. En présence de manquements graves (établissement de dix rapports de révision sans l’agrément nécessaire ; établissement de deux rapports de révision sans l’agrément de l’entreprise individuelle ; constatation de violations des règles professionnelles à la suite d’une analyse des travaux de révision portant sur deux années comptables), le retrait de l’agrément pour une durée de quatre ans est justifié.

Art. 729 CO , Art. 17 LSR al. 1

Retrait de l’agrément sans commination préalable. Lorsque la violation de l’indépendance ne concerne qu’un mandat, que l’expert-réviseur a révoqué avant la procédure ouverte par l’ASR, le retrait de l’agrément sans commination préalable est disproportionné et cette sanction doit être remplacée par la notification d’un avertissement (art. 17 al. 1 LSR).

ATF 146 III 37 (f)

2019-2020

Art. 55 CC al. 2 , Art. 718 CO , Art. 722 CO , Art. 754 CO

Représentation de la société anonyme ; organe de fait. Le fait qu’une SA puisse répondre des actes illicites d’un organe de fait (art. 55 al. 2 CC et 722 CO) ne signifie pas qu’elle est liée par les actes juridiques conclus par celui-ci. En tant qu’organe de fait, la personne concernée n’est ni élue ni inscrite au registre du commerce, elle ne peut donc, par son comportement, devenir titulaire des pouvoirs et droits d’un administrateur. En conséquence, un actionnaire qui s’immisce dans la gestion de la SA n’a pas la qualité d’organe et n’oblige pas contractuellement la SA au sens de l’art. 718 CO, mais il peut engager la responsabilité de la SA pour ses actes délictuels (art. 722 CO). Nonobstant l’absence de pouvoir de représentation, la société sera contractuellement liée si le tiers pouvait se fier de bonne foi à l’existence de pouvoirs (art. 33 al. 3 CO) ou si la société a ratifié l’acte du (pseudo-)représentant (art. 38 al. 1 CO).

Art. 731b CO

Carence dans l’organisation de la société. L’actionnaire qui participe à titre accessoire à une procédure pour carences dans l’organisation de la société, peut, en tant qu’intervenant accessoire indépendant (streitgenössische Nebenintervention), se mettre en contradiction avec les actes de procédure accomplis par la partie principale qu’il soutient. En outre, la procédure prévue par l’art. 731b al. 1 CO doit déboucher sur une solution rapide du blocage ; elle n’est pas destinée à résoudre le conflit des actionnaires ni à élucider leurs fautes, responsabilités ou mérites respectifs. La dissolution de la société, qui constitue l’ultima ratio, peut être ordonnée lorsque la vente aux enchères des actions, mesure moins incisive, n’est pas nécessairement susceptible de remédier au blocage de la situation. Tel sera le cas lorsqu’il existe un risque qu’aucun actionnaire ne puisse s’acquitter du prix de réserve vu l’importance des actifs sociaux. L’absence de locaux ou d’activité commerciale plaident également en faveur d’une dissolution.

Art. 956 CO

Droit exclusif à l’utilisation d’une raison de commerce. La société anonyme qui utilise dans sa raison de commerce un signe déjà utilisé par une entreprise individuelle depuis de nombreuses années doit apporter la preuve d’un accord autorisant cette utilisation. Dans le cas contraire, le juge des mesures provisionnelles peut sans arbitraire tenir pour actuellement vraisemblable (art. 261 al. 1 CPC), que l’entreprise individuelle est lésée dans les droits qui lui sont conférés par les art. 956 al. 1 et 2 CO, 3 al. 1 let. d et 9 al. 1 LCD, et qu’elle encourt un préjudice difficilement réparable.

Art. 164 ORC al. 2

Réinscription d’une société radiée. Un intérêt digne de protection au sens de l’art. 164 al. 2 ORC fait défaut s’il est clair d’emblée que le demandeur n’obtiendra rien en réinscrivant une société et en agissant contre elle, ou du moins pas plus que par un autre moyen de droit. La réinscription est donc un moyen de droit subsidiaire. Dans le cadre d’une procédure de faillite suspendue faute d’actifs (art. 230 LP), toute personne disposant d’un intérêt digne de protection peut s’opposer à la radiation de la société (art. 159 al. 5 ORC). Par cette opposition, l’on peut affirmer que la société dispose toujours d’actifs. Ainsi, lorsque la possibilité de s’opposer à la radiation au sens de l’art. 230 LP existe, l’intérêt digne de protection à une réinscription au sens de l’art. 164 al. 2 ORC fait défaut, faute de subsidiarité. Pour justifier de l’existence d’un intérêt digne de protection, il ne suffit pas d’établir qu’une action en justice, notamment une action en responsabilité dirigée contre les organes de la société radiée, a déjà été engagée. Il faut que le bien-fondé de l’action introduite soit au moins rendu vraisemblable.

Art. 162 ORC al. 3 let. c

Blocage du registre du commerce. Le blocage du registre du commerce tombe en cas de rejet de la requête de mesures provisionnelles tendant à le confirmer (art. 162 al. 3 let. b ORC). Le cas échéant, le déblocage du registre faisant suite à un tel rejet est une mesure d’exécution et non une décision susceptible de recours. On ne peut donc, par ce biais, tenter d’obtenir le maintien du blocage nonobstant le rejet des mesures provisionnelles par le tribunal civil.

Art. 716a CO

Responsabilité au sein d’un groupe de sociétés. Le liquidateur de la société anonyme Swissair a ouvert une action en responsabilité contre plusieurs anciens dirigeants de la holding SAirGroup AG, qui ont notamment consenti à l’octroi de prêts sans garantie d’une filiale à une société mère dans la cadre d’un système de cash-pooling. La demande a été rejetée concernant neuf des anciens membres du conseil d’administration de SAirGroup AG, faute d’avoir agi comme organes de fait de Swissair. Dès 2001, les prêts accordés à l’intérieur du groupe ne correspondaient plus aux conditions du marché et n’étaient donc plus conformes aux dispositions sur le capital-actions ; pour autant, les organes poursuivis n’ont pas violé leur devoir de diligence (art. 717 CO) – qui autorise la prise de risques raisonnables dans l’activité commerciale –, car ces prêts ont été faits dans l’intérêt de SAirGroup AG et de ses filiales (dont Swissair), qui n’auraient pas pu survivre ou continuer leurs activités sans le cash-pooling.

Art. 823 CO

Exclusion d’un associé. L’associé d’une Sàrl, qui organise une séance d’information réunissant de nombreux partenaires de distribution et d’employés de la SàRL à l’insu du directeur général de celle-ci et sans disposer de ses propres pouvoirs de gestion enfreint gravement son devoir de fidélité (art. 866 CO). Cette violation grave du devoir de fidélité et l’existence d’un profond désaccord entre l’associé et les organes de la SàRL justifient l’exclusion de l’associé (art. 823 CO).

Art. 530 CO

Société simple ; volonté commune. L’existence d’une volonté commune de poursuivre un but commun, constitutive d’un rapport de société simple (art. 530 CO) doit être alléguée par la partie qui s’en prévaut. Faute d’allégations à cet égard, le tribunal ne peut retenir l’existence d’une société simple sans violer la maxime des débats (art. 55 CPC). Il en va de même lorsque le demandeur allègue avoir formé une société simple avec une autre personne que le défendeur.

Art. 533 CO al. 1 , Art. 549 CO al. 2

Dissolution d’une société simple ; restitution des apports. En cas d’apport en industrie au sens de l’art. 531 CO, aucune indemnité n’est due à l’associé pour son travail (art. 537 al. 3 CO), celui-ci participant aux bénéfices de la société. Une rémunération peut être prévue contractuellement dans le cadre d’un contrat bilatéral entre une société et un associé. Au moment de la liquidation de la société, tous les apports, peu importe leur nature, doivent être traités de la même manière et pris en compte dans le cadre de la détermination du résultat final. Ainsi, lorsque le capital, après paiement des dettes, dépenses et avances, n’est pas suffisant pour restituer tous les apports aux associés, y compris les apports en industrie, la société subit une perte qui doit être, sauf convention contraire, répartie à parts égales entre les associés.