Droit pénal général

TF 6B_221/2011

2010-2011

Art. 3 al. 1, 8 et 138 ch. 1 CP

Compétences des autorités pénales suisses. Le recourant conteste la compétence des autorités pénales suisses. En vertu de l’art. 3 al. 1 CP, le Code pénal est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. Conformément à cette disposition, la Suisse revendique la compétence de ses tribunaux en cas d’infraction commise sur son territoire. Selon l’art. 8 CP, un acte est réputé commis tant au lieu où l’auteur a agi ou aurait dû agir qu’au lieu où le résultat s’est produit. Afin d’éviter des conflits de compétence négatifs, il convient en principe dans le cadre de problématiques internationales d’admettre la compétence des autorités pénales suisses, même en l’absence de lien étroit avec la Suisse. En présence de plusieurs infractions commises par métier, il convient d’examiner pour chacune d’elles si l’auteur a agi ou si le résultat s’est produit en Suisse. Cette solution s’impose lorsque les infractions sont distinctes. En revanche, lorsque des actes reprochés à une personne ne sont pas isolés et indépendants les uns des autres, mais sont de même nature et ont été commis au détriment de la même victime, ils doivent, comme en l’occurrence, être appréhendés comme formant une entité. C’est en considération de cette entité qu’il y a alors lieu d’examiner s’il existe un lien suffisant avec la Suisse.

ž Que les sommes d’argent litigieuses aient été débitées par l’intimée depuis un compte ouvert en Suisse ne constitue pas un résultat au sens de l’art. 8 CP, propre à fonder la compétence des autorités suisses. En effet, l’intimée n’a pas été appauvrie par ces débits, mais du fait de l’utilisation indue par le recourant des montants confiés. Or cette utilisation n’est survenue qu’après ces débits, qui ne peuvent donc être considérés comme un résultat de l’infraction. L’utilisation de fonds confiés à d’autres fins que celles convenues constitue en revanche un acte de l’auteur au sens de cette disposition. En l’espèce, le recourant a ouvert un compte à Genève. Il s’y est fait verser par l’intimée plus de la moitié des sommes obtenues et a utilisé une bonne partie de ce montant à d’autres fins que celles convenues par les parties. Le recourant doit dès lors être considéré comme ayant agi, de ce fait, en Suisse au sens de l’art. 8 CP. Les autorités précédentes étaient par conséquent compétentes pour juger des actes reprochés au recourant, appréhendés comme une entité.

ATF 136 IV 145

2010-2011

Art. 17 al. 3 Cst. ; art. 28a CP

Liberté des médias, notion d’information, protection des sources en relation avec des inscriptions sur un blog. L’art. 17 al. 3 Cst. garantit de manière générale le secret de rédaction. Ce droit fondamental n’est pas absolu et peut être restreint, aux conditions prévues par l’art. 36 Cst. et moyennant la prise en considération de l’importance que revêt la protection des sources. Pour l’essentiel, la protection des sources et sa limitation sont détaillées et concrétisées par l’art. 28a CP. La distinction entre information et divertissement est déterminante car seule la première bénéficie de la protection des sources. Au regard de l’arrière-plan constitutionnel de la protection des sources et de l’orientation de l’art. 28a CP, ainsi que dans l’intérêt de la sécurité du droit, il convient, d’une manière générale, de donner un sens large à la notion d’information. La protection des sources selon l’art. 28a CP peut être invoquée en relation avec le commentaire sur un blog qui est ici litigieux.

TF 6B_176/2010

2010-2011

Art. 14, 17 et 18 CP

État de nécessité. L’art. 17 CP, relatif à l’état de nécessité licite, et l’art. 18 CP, relatif à l’état de nécessité excusable, supposent tous deux que l’auteur ait commis un acte punissable pour préserver un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers d’un danger imminent et impossible à détourner autrement. Le danger est imminent lorsqu’il n’est ni passé ni futur, mais actuel et concret. L’impossibilité que le danger puisse être détourné autrement implique une subsidiarité absolue. Ces dispositions ne visent que la protection des biens juridiques individuels. Celle des intérêts collectifs, respectivement des intérêts de l’Etat, relève de l’art. 14 CP.

ž In casu, bien qu’elle ait retenu que le recourant avait agi pour empêcher l’entrée immédiate sur le territoire suisse de personnes pouvant nuire de manière sérieuse et concrète aux intérêts du pays et de ses habitants et que son comportement (excès de vitesse de 57 km/h sur l’autoroute par un commissaire de police dans une voiture banalisée) visait à prévenir la réalisation d’un danger imminent et à protéger non seulement des intérêts collectifs mais aussi des biens juridiques individuels (vie et intégrité physique de personnes), la Cour cantonale pouvait, sans violer les droits constitutionnels invoqués, admettre que le recourant disposait d’autres moyens pour arriver à temps à Genève et pour détourner ainsi le danger.

TF 6B_576/2010

2010-2011

Art. 22 al. 1 et 146 al. 1 CP

Tentative d’escroquerie à l’aide sociale, astuce dans l’administration de masse. L’autorité agit de manière légère lorsqu’elle n’examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert l’aide sociale les documents nécessaires afin d’établir ses revenus et sa fortune, par exemple sa déclaration fiscale et la décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. Compte tenu du grand nombre de demandes d’aide sociale, une telle omission ne peut en revanche être reprochée à l’autorité lorsque ces pièces ne contiennent pas d’indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu’il est prévisible qu’elles n’en contiennent pas.

TF 6B_808/2010

2010-2011

Art. 25 et 146 CP

Complicité de tentative d’escroquerie. Admission de l’existence d’une complicité de tentative d’escroquerie (dans le cadre d’un procès) par rapport à la fondation d’une Sàrl et de sa cession subséquente au propre frère, lequel voulait, à travers cette Sàrl, fictivement augmenter les charges de son entreprise dans le but de faire apparaître, dans le cadre de son divorce, ses revenus effectifs comme inférieurs.

TF 6B_1067/2009

2010-2011

Art. 29 al. 2 Cst., art. 69 al. 1 CP

Confiscation. Le tribunal qui confisque des téléphones portables au motif qu’il est notoire que des personnes participant à un trafic de drogue utilisent de tels appareils pour pouvoir organiser des transactions, viole son devoir de motivation au sens de l’art. 29 al. 2 Cst., s’il omet de se déterminer au sujet de la question de savoir si les téléphones portables représentent un risque concret futur selon l’art. 69 al. 1 CP. La confiscation viole, partant, le droit fédéral.

TF 6B_560/2010

2010-2011

Art. 69 CP

Confiscation (destruction d’une récolte de chanvre saisie). Dès lors qu’est établie l’intention de l’intéressé de transformer le chanvre qu’il produit en cubes de chanvre destinés à servir de nourriture à ses vaches laitières, le chanvre (saisi) devait bel et bien servir à commettre une infraction, au sens de l’art. 69 CP. Cette infraction met en danger la sécurité des personnes puisqu’il convient, selon la jurisprudence, de considérer comme scientifiquement avéré qu’en le donnant comme nourriture – même ordinaire et en de petites quantités seulement – aux vaches, du THC peut s’introduire dans le lait. Or, ceci peut notamment déboucher sur la mise en danger de la santé des petits enfants.

ž La confiscation ne constitue pas une mesure proportionnée lorsque l’intéressé a l’intention d’utiliser le chanvre saisi à des fins légales et qu’il est possible de contrôler cet usage légal dans une mesure suffisante. Dans le cas concret, l’instance précédente n’a toutefois pas assez clarifié l’état de fait à ce sujet. L’intéressé avait allégué devant l’instance précédente qu’il entendait produire, à la base dudit chanvre, une décoction destinée à fortifier ses plantes ou qu’il voulait le donner en pâture à ses deux chameaux.

ATF 136 IV 97

2010-2011

Art. 92 CP et art. 36 al. 1 Cst.

Interruption de l’exécution des peines et mesures ; clause générale de police. Pouvoir d’examen du Tribunal fédéral en cas de recours contre une décision refusant d’interrompre l’exécution d’une peine ou d’une mesure (consid. 4). Interprétation de l’art. 92 CP ; notion de motif grave (consid. 5.1) ; limites du pouvoir d’appréciation de l’autorité d’application des peines et mesures (consid. 5.2). Problème posé par le détenu qui se livre à une grève de la faim prolongée ; à certaines conditions, l’autorité d’application des peines peut ordonner qu’un tel détenu soit alimenté de force ; dès lors, en vertu de la subsidiarité de l’interruption, l’autorité d’application des peines ne saurait interrompre l’exécution de la peine ou de la mesure d’un gréviste de la faim si rien n’empêche de retenir que le risque d’atteinte à la santé pourra être écarté, le moment venu, par l’alimentation forcée de l’intéressé (consid. 6).

ATF 137 IV 105

2010-2011

Art. 54 CP

Portée de l’exemption de peine lorsque l’auteur a commis plusieurs délits. Cas d’un automobiliste qui, faute d’avoir adapté sa vitesse aux circonstances, a causé, par négligence, la mort de son meilleur ami et qui a par ailleurs commis d’autres infractions au cours du même trajet. Pour l’application de l’art. 54 CP, est seule relevant l’infraction dont les conséquences ont directement atteint l’auteur. Le fait qu’il ait conduit sous l’influence de marijuana, sans avoir attaché sa ceinture de sécurité et avec des pneus dont le profil était insuffisant n’a manifestement pas de rapport direct avec l’homicide par négligence et l’atteinte subie par l’auteur. Ces délits ne sont pas couverts par l’art. 54 CP (consid. 2.3.4).

Art. 52, 322ter et 322octies CP

Principe d’opportunité de la poursuite et corruption. Offrir un cadeau de Noël à un policier afin que celui-ci renonce à établir un rapport sur un dommage matériel consécutif à un accident de la circulation routière équivaut à promettre un avantage en échange de l’omission d’un acte qui se trouve en relation avec l’activité officielle de l’intéressé et qui s’avère contraire à ses devoirs. Faute de pouvoir parler encore d’un paiement non spécifique assimilable à un geste de bonne volonté, l’art. 322octies ch. 2 CP ne s’applique pas. Si le dommage matériel survenu est peu important et qu’il n’existe aucune mise en danger sérieuse du bien juridique que constitue l’objectivité de l’activité officielle, l’autorité compétente peut renoncer à poursuivre l’auteur, à le renvoyer en jugement ou à lui infliger une peine, conformément à l’art. 52 CP.

ATF 137 IV 57

2010-2011

Art. 49 al. 2 CP

Identité des peines en cas de concours rétrospectif. La condamnation à une peine d’ensemble au sens de l’art. 49 al. 1 CP n’est pas possible si les sanctions ne sont pas du même genre. Ces dernières doivent être prononcées de manière cumulative, car le principe de l’absorption s’applique seulement aux peines du même genre. Il en va de même en cas de concours rétrospectif au sens de l’art. 49 al. 2 CP. Il est par conséquent exclu de prononcer une peine privative de liberté, à titre de peine complémentaire, à une peine pécuniaire ordonnée précédemment (consid. 4.3).

TF 6B_287/2009

2010-2011

Art. 47 al. 1 CP

Fixation de la peine. Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu’il fonde sa décision sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, lorsqu’il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu’il abuse de son pouvoir d’appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (ATF 134 IV 17, consid. 2.1).

žIl était certes justifié de prendre en considération le fait que l’intimé a agi dans le cadre de relations sexuelles initialement consenties. Il n’était en revanche pas admissible de tenir compte, en sa faveur, du fait que les actes reprochés ont été commis dans le cadre de relations avec des prostituées. La gravité des actes commis ne saurait être relativisée, motif pris du statut ou de la profession de la victime. Une prostituée est non moins en droit que toute autre personne de refuser un rapport sexuel ou une pratique sexuelle déterminée. La gravité de l’acte commis par celui qui la contraint à s’y soumettre, respectivement l’importance de la faute de ce dernier, ne s’en trouve en rien diminuée. Il n’est pas non plus acceptable de relativiser la gravité d’un viol, respectivement d’une contrainte sexuelle, au motif que l’auteur n’a pas frappé ou blessé la victime, ni ne l’a menacée. Le fait que l’auteur, en raison des circonstances, n’ait pas eu à recourir à de tels moyens, mais ait pu se limiter à profiter de sa supériorité physique n’amoindrit pas sa faute.

TF 6B_332/2010

2010-2011

Art. 64 al. 3, 64a et 64b CP

Libération conditionnelle. L’art. 64b CP concerne l’examen de la libération conditionnelle de l’internement pendant l’exécution même de la mesure (cf. art. 64b al. 1 let. a CP) et la modification d’un internement en traitement thérapeutique institutionnel (cf. art. 64b al. 1 let. b CP). L’art. 64 al. 3 CP concerne en revanche la libération conditionnelle d’une peine privative de liberté exécutée avant une mesure d’internement. Ces dispositions visent ainsi des hypothèses différentes mais traitent néanmoins toujours de la même question, à savoir la libération de la mesure d’internement. L’art. 64 al. 3 CP ne renvoie pas expressément à l’art. 64b al. 2 CP et ne précise pas davantage les éléments sur lesquels l’autorité doit se fonder lorsqu’elle statue précisément sur la libération conditionnelle de la peine privative de liberté précédant l’internement. Il convient d’admettre que l’art. 64b al. 2 CP est également applicable par analogie dans ce cas. En effet, il n’existe aucun motif de différencier ce dernier cas et de poser des exigences moindres, dès lors que la libération conditionnelle de la peine privative de liberté exécutée avant l’internement entraîne également la levée de cette mesure. Aussi, l’autorité doit décider de la libération conditionnelle d’une peine privative de liberté précédant l’internement au sens de l’art. 64 al. 3 CP en se fondant sur un rapport de la direction de l’établissement, une expertise indépendante, l’audition d’une commission composée de représentants des autorités de poursuite pénale, des autorités d’exécution et des milieux de la psychiatrie et l’audition de l’auteur. De plus, l’expert et les représentants des milieux de la psychiatrie ne doivent ni avoir traité l’auteur ni s’être occupés de lui d’une quelconque manière (cf. art. 62d al. 2 CP) (consid. 2.2.2).

TF 6B_854/2010

2010-2011

Art. 59, 62, 62c et 62d CP

Refus de la libération conditionnelle de la mesure thérapeutique institutionnelle. Lors de l’examen du risque de récidive, il convient de tenir compte de l’imminence et de la gravité du danger, ainsi que de la nature et de l’importance du bien juridique menacé. Le pronostic doit également tenir compte de la durée de la privation de liberté déjà subie par l’auteur. Cependant, cette circonstance est sans pertinence lorsque la dangerosité actuelle de l’auteur atteint le degré requis pour justifier l’internement chez un individu inaccessible à un traitement médical. En effet, la loi ne limite pas l’internement dans le temps et n’autorise la libération conditionnelle d’un interné que s’il est hautement vraisemblable que celui-ci se comportera correctement en liberté (consid. 1). La mesure thérapeutique institutionnelle ne peut dès lors être maintenue que si le traitement médical conserve une chance de succès. Même la simple prise en charge de l’auteur dans un milieu structuré et surveillé accompagnée d’un suivi psychothérapeutique relativement lointain constitue un traitement, si elle a pour effet prévisible d’améliorer l’état de l’intéressé de manière à permettre, à terme, sa réinsertion dans la société (consid. 1.3).

ATF 137 IV 59

2010-2011

Art 65 al. 2 CP

Internement. L’art. 65 al. 2 CP ne prévoit aucun délai quant au moment du prononcé de l’internement ultérieur d’un condamné en exécution de peine. Question non tranchée in casu de savoir si une telle procédure doit être introduite en cours d’exécution de peine ou si elle peut l’être après que le condamné a fini de purger sa peine (consid. 3). La prescription de l’action pénale ne continue pas de courir pendant la procédure tendant au prononcé ultérieur de l’internement d’un condamné en exécution de peine (consid. 4). La révision en défaveur du condamné prévue à l’art. 65 al. 2 CP est soumise à quatre conditions. Elle doit reposer sur des faits ou des moyens de preuve (1). Ceux-ci doivent être nouveaux – en ce sens que le juge ne pouvait pas en avoir connaissance – (2) et sérieux (3). Enfin (4), les conditions présidant au prononcé ultérieur de l’internement d’un condamné en exécution de peine doivent avoir été remplies déjà au moment du jugement de condamnation (consid. 5). L’internement ordonné a posteriori doit non seulement remplir les conditions de l’art. 64 CP au moment où il est requis, mais avoir été fondé au regard des articles 42 ou 43 ch. 1 al. 2 de l’ancien droit si le jugement de condamnation a été rendu sous l’empire de l’ancien droit (consid. 6).

ATF 137 IV 72

2010-2011

Art. 67b CP

Interdiction de conduire, champ d’application. L’art. 67b CP, relatif à l’interdiction de conduire, n’est pas applicable aux infractions à la Loi sur la circulation routière (consid. 2).

Art. 59 CP, art. 54 CO, art. 390 al. 4 BE CPP

Détention provisoire de l’irresponsable. Dans le cas d’un prévenu reconnu irresponsable, la condamnation aux frais malgré un acquittement ne s’appréhende pas sur la base du concept de comportement répréhensible au regard du droit, mais à la lumière de l’équité (art. 390 al. 4 BE CPP). La condamnation d’une personne irresponsable aux frais de procédure ne suppose donc pas de faute. Sont déterminants les principes de droit civil de l’art. 54 CO, disposition réglant la responsabilité des personnes incapables de discernement et qui prévoit que le juge peut, si l’équité l’exige, condamner l’individu concerné à la réparation totale ou partielle du dommage. C’est pourquoi les frais judiciaires peuvent être mis à la charge d’un prévenu acquitté, malgré son incapacité à apprécier le caractère illicite de ses actes, pour ces raisons. Le législateur a prévu avec l’art. 390 al. 4 BE CPP une réglementation qui s’écarte clairement des principes normalement applicables – l’équité se substituant au comportement répréhensible au regard du droit. Ce même critère doit, par analogie, être appliqué à la question de l’indemnité, car le même cas de figure est visé et il convient, conformément au principe d’égalité, de ne pas traiter différemment ce qui est comparable.

ž La mesure de l’art. 59 CP ne tend pas exclusivement au traitement et à la réinsertion de celui qui a commis des infractions en relation avec son grave trouble mental, mais poursuit également des objectifs sécuritaires. De surcroît, le traitement institutionnel, dans son expression concrète, prive l’individu de sa liberté de la même manière que la détention.

ž En l’occurrence, le prévenu a objectivement commis des actes que la loi déclare punissables. Ce n’est qu’en raison de son irresponsabilité qu’il a été acquitté et non parce qu’il n’aurait pas été l’auteur des faits. La privation de liberté intervenue était donc la réponse adéquate aux actes commis et il serait inapproprié que le prévenu puisse prétendre à une réparation morale pour une détention dont ses propres actes sont la cause. Ainsi, l’équité commande de lui refuser une indemnité.

Art. 56, 61, 62c al. 1 et 63 al. 1 CP

Levée d’une mesure de traitement institutionnel dans un établissement pour jeunes adultes au profit d’un traitement ambulatoire. Le juge n’ordonne une mesure pénale que si un établissement approprié est à disposition, à savoir s’il existe ; l’art. 56 al. 5 CP n’exige toutefois pas que l’établissement en question soit disposé à accueillir le condamné, sans quoi les tribunaux risqueraient de renoncer à prononcer une mesure lorsque les places nécessaires manquent. La désignation de l’institution d’exécution de la mesure incombe aux autorités d’exécution. Il appartient au tribunal de l’exécution des peines et de mesures d’examiner si la mesure ordonnée par le juge du fond peut effectivement être exécutée à court terme.

ž Le placement dans un établissement pour jeunes adultes (art. 61 CP) – le seul à disposition des cantons latins étant la Maison d’éducation au travail de Pramont – assure principalement une prise en charge axée sur le développement de la personnalité, mais elle encourage également la formation et/ou le perfectionnement professionnel des jeunes adultes. De ce fait, elle se distingue nettement d’une simple peine privative de liberté. En effet, les jeunes adultes mis au bénéfice de cette mesure obtiennent la possibilité de développer des capacités personnelles (intellectuelles, corporelles, sociales) et professionnelles qui leur permettront d’acquérir leur autonomie.

ž In casu, compte tenu de l’impossibilité de placer le condamné à court terme dans un établissement pour jeunes adultes et du défaut de suivi psychothérapeutique adéquat à la prison de Champ-Dollon, au sein de laquelle il aura bientôt exécuté l’intégralité de sa peine privative de liberté ferme, le maintien des mesures ordonnées par le juge du fond apparaît voué à l’échec. Il est également disproportionné en regard de l’atteinte portée à la liberté personnelle de l’appelant, notamment au vu de son jeune âge et de ses besoins immédiats d’un cadre structuré lui permettant de se soigner et de préparer son avenir. Par conséquent, levée du placement institutionnel au profit d’un traitement ambulatoire.

TF 6B_128/2011

2010-2011

Art. 41, 42 CP et art. 83ss LEtr

Courte peine privative de liberté ferme, travail d’intérêt général, admission provisoire en Suisse. Aux termes de l’art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés. La peine pécuniaire et le travail d’intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l’intention essentielle, qui était au cœur de la révision de la partie générale du CP en matière de sanction, d’éviter les courtes peines de prison ou d’arrêts, qui font obstacle à la socialisation de l’auteur, et de leur substituer d’autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l’opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l’auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive.

ž Le prononcé d’un travail d’intérêt général n’est justifié qu’autant que l’on puisse au moins prévoir que l’intéressé pourra, cas échéant après l’exécution, poursuivre son évolution en Suisse. Car la réparation en faveur de la collectivité locale ainsi que le maintien du réseau social de l’intéressé sont l’essence même de la peine de travail. Lorsqu’il est d’avance exclu que l’étranger demeure en Suisse, ce but ne peut être atteint. Aussi, lorsqu’il n’existe déjà, au moment du jugement, aucun droit de demeurer en Suisse ou lorsqu’il est établi qu’une décision définitive a été rendue sur son statut en droit des étrangers et qu’il doit quitter la Suisse, le travail d’intérêt général ne constitue pas une sanction adéquate et est exclu.

ž En l’espèce, l’analyse des conditions du sursis conduit à poser un diagnostic défavorable (la première peine avec sursis et la seconde ferme n’ont pas dissuadé la recourante de commettre une nouvelle infraction contre le patrimoine), ce qui exclut une peine avec sursis. Caractère non dissuasif des peines pécuniaires infligées. Toutefois, la recourante est disposée à exécuter un travail d’intérêt général (art. 37 CP). Requérante d’asile déboutée, la recourante est au bénéfice d’une admission provisoire (art. 83ss LEtr). Elle a en principe une durée de douze mois, qui peut le cas échéant être prolongée, et permet à son bénéficiaire d’obtenir une autorisation d’activité lucrative (cf. art. 85 al. 1 et 6 LEtr). Il en résulte que, même si la situation de la recourante reste précaire quant à son statut en Suisse, on ne peut exclure une certaine durabilité de sa présence dans le pays. Admission partielle du recours et renvoi à l’autorité cantonale pour analyser en détail la situation de la recourante en vue de son éventuelle condamnation à fournir un travail d’intérêt général.

TF 6B_583/2010

2010-2011

Art. 397bis al. 4 aCP, art. 77b, 79 al. 1 et 2, 387 al. 4 let. a CP

Exécution des peines privatives de liberté sous la forme de la semi-détention, de journées séparées et des arrêts domiciliaires. Dans le cadre des autorisations que le Conseil fédéral a accordées sur la base de l’art. 397bis al. 4 aCP et prolongées en application de l’art. 387 al. 4 let. a CP, les cantons désignés demeurent libres de délimiter le champ d’application des arrêts domiciliaires (electronic monitoring) en les soumettant à des conditions restrictives, sous la seule réserve de l’arbitraire dans le choix des critères (consid. 2). La semi-détention constitue le mode d’exécution ordinaire impératif des peines privatives de liberté de six mois à un an (art. 77b CP) et des (soldes de) peines de moins de six mois (art. 79 al. 1 CP) ; le droit fédéral ne laisse la place à un autre mode d’exécution que s’il le prévoit expressément (ainsi à l’art. 79 al. 2 CP pour l’exécution par journées séparées) ou lorsque les conditions légales de la semi-détention ne sont pas remplies (consid. 3).