Droit pénal général

ATF 143 IV 445 (f)

2017-2018

Art. 63b al. 5 et 65 al. 2 CP

Levée d’un traitement ambulatoire exécuté pendant l’exécution d’une peine privative de liberté, changement de sanction, internement. La conversion d’un traitement ambulatoire (exécuté en même temps que la peine privative de liberté) en un internement par la voie de l’art. 65 al. 2 CP est exclu. L’art. 65 CP doit s’appliquer uniquement à la transformation d’une peine privative de liberté en une mesure institutionnelle (art. 65 al. 1 CP) ou en un internement (art. 65 al. 2 CP). La conversion d’une mesure en une autre mesure est réglée par les réglementations spécifiques aux mesures (art. 62c al. 3, 4 et 6 CP pour les mesures institutionnelles, art. 63b al. 5 CP pour les traitements ambulatoires).

ATF 144 IV 1 (f)

2017-2018

Art. 70 CP ; 376 CPP

Procédure de confiscation indépendante ; confiscation d’avantages futurs. La confiscation de valeurs patrimoniales doit, en principe, être ordonnée dans le cadre d’une procédure pénale ordinaire, à titre accessoire. Une procédure de confiscation indépendante ultérieure peut se justifier si de nouvelles valeurs confiscables apparaissent après la clôture de la procédure ordinaire. Toutefois, si l’autorité pénale aurait pu avoir connaissance des valeurs patrimoniales futures confiscables et prononcer la mesure idoine à l’issue de la procédure ordinaire, une procédure de confiscation indépendante est exclue car elle est incompatible avec le principe ne bis in idem. Si le montant des valeurs patrimoniales soumises à la confiscation ne peut être déterminé avec précision ou si cette détermination requiert des moyens disproportionnés, le juge peut procéder à une estimation du montant (art. 70 al. 5 CP), s’il est à même d’en circonscrire l’objet et de le désigner de façon suffisamment précise. S’agissant de loyers futurs, l’absence de certaines données (frais d’entretien, rémunération des gérants, etc.) ne fait pas obstacle à une estimation des montants à percevoir, de sorte qu’il s’agissait de valeurs patrimoniales déterminables et, partant, confiscables dans la procédure ordinaire. La procédure de confiscation indépendante ultérieure est donc illicite, ce qui conduit le TF à admettre le recours sur ce point.

Art. 66a CP

Expulsion obligatoire. Le prévenu a commis une tentative de vol, des dommages à la propriété et une violation de domicile. Il est condamné à une peine privative de liberté avec sursis. En sus, une expulsion obligatoire du territoire helvétique est prononcée à son encontre pour une durée de 5 ans. Le TF considère que toute forme de participation à une infraction listée à l’art. 66a CP entraine l’expulsion obligatoire. Dans la mesure où l’expulsion ne met pas l’étranger dans une situation personnelle grave au sens de l’art. 66a al. 2 CP et que la tentative ne constitue pas une circonstance permettant au juge de renoncer à l’expulsion (art. 66 al. 3 CP), le Tribunal fédéral confirme l’expulsion obligatoire du prévenu.

Art. 70 CP

Confiscation de valeurs patrimoniales qui sont le résultat d’une infraction ; lien de causalité. Le prévenu a assassiné ses parents en 2016. Suite à un accord avec ses oncles et tantes, il a reçu une somme de CHF 100’000.- provenant de la succession de ses parents en échange de sa renonciation au reste de l’héritage. Les autorités pénales ont considéré que cette somme devait servir à couvrir les frais judiciaires dans la mesure où il s’agissait d’un héritage auquel le prévenu n’avait pas droit puisqu’il était indigne d’être héritier pour le fait d’avoir donné la mort à ses parents (art. 540 al. 1 ch. 1 CC). Le TF rappelle que, pour être confiscables, les valeurs patrimoniales doivent être le résultat direct et immédiat de l’infraction. Or, en l’espèce, l’accord passé avec ses oncles et tantes ne visait pas à éluder l’indignité du prévenu, de sorte que le TF a rejeté la confiscation des CHF 100’000.- en raison du défaut de lien de causalité entre cette somme et l’assassinat des parents.

ATF 144 IV 49 (d)

2017-2018

Art. 30 al. 1, 144 CP ; 306 al. 3 CO

Droit de porter plainte de l’emprunteur d’un véhicule pour dommages à la propriété. Le prévenu a endommagé un véhicule emprunté par le plaignant en frappant du poing le capot, causant ainsi un dégât à la carrosserie. L’emprunteur a déposé plainte pénale pour dommages à la propriété. En matière de droits qui ne sont pas de nature strictement personnelle, outre le titulaire du bien juridique atteint, dispose également de la qualité pour porter plainte pénale celui qui est directement touché par l’acte dans la sphère de ses intérêts ou celui à qui incombe la responsabilité de conserver la chose. L’emprunteur d’un véhicule automobile ne peut porter plainte pénale, en cas d’utilisation conforme aux règles, que si le dommage l’a entravé dans l’usage du véhicule qui lui a été prêté. Le dommage n’a provoqué qu’un simple dégât de carrosserie et n’a donc pas empêché l’emprunteur d’utiliser le véhicule. En cas d’accident, l’emprunteur n’est responsable qu’en cas d’utilisation abusive (art. 306 al. 3 CO), si bien qu’il n’a pas de responsabilité particulière pour la conservation de l’objet. La qualité pour déposer plainte de l’emprunteur est donc niée par le TF.

Art. 31 CP

Délai de plainte au sens de l’art. 31 CP ; dies a quo. Une plainte déposée le 17 août 2017 pour des dommages à la propriété constatés le 16 mai 2017 est tardive. La règle de calcul en quantième des délais fixés en mois qu’exprime l’art. 110 al. 6 CP vise à tenir compte du fait que le nombre de jours par mois varie ; le délai exprimé en mois expire le jour qui correspond par son quantième à celui de l’événement qui le déclenche ou, à défaut de jour correspondant, le dernier jour du mois. Il est exclu de prendre en considération le quantième du lendemain de l’événement déclencheur car ce quantième serait compté à double et le délai serait prolongé d’un jour sans raison.

Art. 65 CP ; 5 CEDH

Mesure thérapeutique institutionnelle ultérieure. Pour être conforme à l’art. 5 par. 1 let. a CEDH, une mesure institutionnelle au sens de l’art. 65 CP doit revêtir un lien de causalité suffisant avec le jugement initial. La Cour semble admettre un lien de causalité suffisant en tant que la mesure thérapeutique est une correction du jugement initial suite à la découverte de faits pertinents nouveaux qui a été ordonnée dans le cadre d’une procédure de révision (art. 65 al. 2 CP). En vertu de l’art. 5 par. 1 let. e CEDH, la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux est admise si a) l’aliénation de l’individu a été établie de manière probante, b) si le trouble revêt un caractère ou une ampleur légitimant l’internement et c) si l’internement ne peut se prolonger valablement sans la persistance de pareil trouble. L’aliénation doit être établie sur la base d’un rapport d’un médecin expert établi moins de 1.5 ans avant le prononcé de la mesure. L’exécution de la mesure n’est « régulière » que si elle se déroule dans un hôpital, une clinique ou un autre établissement approprié.

Art. 59 CP

Une mesure thérapeutique ou un internement doit être ordonné si les conditions posées par le législateur sont remplies (cf. art. 59 et 64 CP). La question de savoir si les autorités administratives prononceront à la suite du jugement pénal l’expulsion de l’intéressé est sans pertinence. L’expulsion n’étant mise en œuvre qu’après l’exécution de la peine et de la mesure thérapeutique institutionnelle, on ne saurait juger la mesure vouée à l’échec car effectuée à l’étranger, après l’expulsion. La question à trancher est de savoir s’il est à prévoir que la mesure détournera le recourant de nouvelles infractions en relation avec son trouble (art. 59 al. 1 let. b CP) en examinant s’il est suffisamment vraisemblable qu’un traitement institutionnel entraînera dans les cinq ans de sa durée normale une réduction nette du risque de récidive. Une expertise sur ce point précis est nécessaire. L’autorité précédente ne pouvait se libérer de l’obligation de rechercher d’office tous les faits pertinents (art. 6 CPP) pour examiner si la condition visée par l’art. 59 al. 1 let. b CPP est remplie en alléguant qu’elle ou l’expert ne détiendrait pas les informations nécessaires, du fait que le recourant, souffrant d’un trouble délirant et d’un trouble de la personnalité paranoïaque, ne les aurait pas données. Le TF admet partiellement le recours et renvoie la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision.

Art. 34 al. 2 CP ; 391 al. 2 CPP

Fixation du montant du jour-amende ; interdiction de la rejormatio in pejus. L’autorité de recours confirme le jugement de première instance condamnant le prévenu pour escroquerie par métier et abus de confiance mais augmente le montant du jour-amende, qui passe de CHF 30.- à CHF 80.-, en raison de l’amélioration de la situation financière du prévenu. L’art. 391 al. 2 CPP interdit à l’autorité de recours de modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur, sauf s’il existe des faits nouveaux qui n’étaient pas connus du tribunal de première instance (al. 2, 2e phrase). L’amélioration de la situation financière du prévenu constituant un fait nouveau, l’autorité de recours était donc en droit d’augmenter le montant du jour-amende sans violer l’interdiction de la reformation in pejus.

ATF 143 IV 450 (f)

2017-2018

Art. 97 CP

Interruption de la prescription pénale indépendante de la qualification juridique en appel. Le prévenu est condamné par jugement de première instance rendu en 2013 pour diffamation en lien avec des faits remontant à 2010. La juridiction d’appel annule ce jugement et condamne le prévenu pour injure en 2017. Le prévenu invoque la prescription de l’infraction. L’interruption du délai de prescription de l’art. 97 al. 3 CP concerne les faits qui sont à la base de la condamnation et non la qualification juridique retenue. La prescription de l’infraction ne faisait donc pas obstacle à une requalification de l’infraction par la juridiction d’appel, ce qui conduit au rejet du recours.

Art. 102 CP ; 6 LAO

Punissabilité de l’entreprise en matière de contraventions ; principe de la légalité. Une amende d’ordre pour excès de vitesse est infligée à la société détentrice du véhicule sur la base de l’art. 102 al. 2 CP car elle n’est pas en mesure de fournir l’identité du conducteur. Appelé à se prononcer sur l’application de l’art. 6 LAO à l’encontre d’une personne morale, le TF commence par examiner si la responsabilité subsidiaire du détenteur (art. 6 al. 5 LAO) viole le principe de la présomption d’innocence et le droit de ne pas s’auto-incriminer découlant de l’art. 6 CEDH. Notre Haute Cour conclut par la négative car elle considère que le détenteur disposait de moyens de défense effectifs dans la mesure où la société n’avait pas à engager des efforts disproportionnés pour connaître le conducteur et qu’elle n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle ne savait pas qui conduisait. Ensuite, le TF souligne que la notion de détenteur du véhicule est une notion formelle et que, dès lors, les personnes morales peuvent être détentrices d’un véhicule au sens de l’art. 6 LAO. Toutefois, compte tenu du fait que l’art. 102 CP ne s’applique pas en matière de contraventions (art. 105 al. 1 CP), la punissabilité de la personne morale ne peut être retenue que si une loi fédérale ou cantonale le prévoit (principe de la légalité). L’art. 6 LAO ne prévoyant pas expressément la responsabilité pénale des entreprises, l’amende ne pouvait pas être infligée à la société, si bien que le TF admet le recours sur ce point.

ATF 143 IV 441 (d)

2017-2018

Art. 44 et 46 CP

Délai d’épreuve en cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté. En matière de sursis partiel, le délai d’épreuve ne commence pas à courir dès la communication du jugement qui devient exécutoire mais une fois que la peine sans sursis a été exécutée. En ce sens, le délai d’épreuve est prolongé de la durée de l’exécution de la partie de peine ferme à exécuter, ce qui a pour conséquence que le délai pour ordonner la révocation du sursis partiel (art. 46 al. 5 CP) commence donc à courir ultérieurement.