Droit administratif

ATAF 2012/24

2012-2013

Art. 29 al. 2 Cst., art. 29 ss PA, art. 4 et 177 al. 1 Lagr, art. 1, 3 et 6 Ordonnance sur les zones agricoles

Délimitation des zones en matière d’agriculture, droit d’être entendu et pouvoir d’appréciation, exigences pour justifier la délimitation des zones et réparer la violation du droit d’être entendu. Selon la jurisprudence du TF, les exigences de motivation sont d’autant plus sévères, plus le pouvoir d’appréciation est grand, que les conditions d’application sont nombreuses. L’instance précédente dispose d’un large pouvoir dans la planification des zones d’alpage (consid. 3.2.2). L’autorité doit expliquer concrètement les critères utilisés et la manière dont elle les a appréciés lorsqu’elle statue sur une délimitation de zone.

Dans le cas concret, l’autorité doit déterminer si les critères sont remplis, ou dans le cas contraire, dans quelle mesure ces critères ne sont pas remplis. En l’espèce, l’instance précédente aurait dû expliquer clairement pourquoi certaines parcelles ou parties de parcelles doivent être considérées comme des alpages, respectivement zone de montagne IV, au regard des critères de la réglementation des zones agricoles. Le TAF a plein pouvoir de cognition. Il exerce une certaine retenue quand il s’agit d’apprécier des critères de nature géographique avec lesquels l’autorité précédente a de meilleures connaissances. Cela s’applique en particulier lorsque la frontière de l’alpage est encore à déterminer (consid 3.2.3). Rappel des conditions de la réparation de la violation du droit d’être entendu (consid. 3.4).

ATF 138 II 570

2012-2013

Art. 24 LAT

Antenne de téléphonie mobile destinée à couvrir la zone agricole. L’implantation d’une antenne de téléphonie doit être imposée par sa destination en vertu de l’art. 24 let. a LAT et ne pas s’opposer à un intérêt public contraire conformément à l’art. 24 let. b LAT. En ce qui concerne la première condition, l’emplacement de l’antenne destinée à couvrir une zone agricole doit avoir une relation fonctionnelle étroite avec la zone de couverture considérée (consid. 4.2). Lorsque l’installation en cause n’entraîne qu’un empiètement minime sur la surface agricole et que l’impact visuel, du fait que le mât se trouve dans un milieu largement bâti et à proximité d’une importante ligne de chemin de fer, est préférable à l’érection d’un mât sur une parcelle agricole vierge de toute construction, les conditions de l’art. 24 let. b LAT sont alors remplies (consid. 4.3).

ATF 139 II 134

2012-2013

Art. 19 al. 2 Leaux, art. 4, 5 et 16 Lfo, art. 24 LAT

Travaux de forage destinés à évaluer les réserves disponibles en matière de roches calcaires nécessaires à la fabrication de ciment : examen de l’assujettissement à autorisation sous l’angle de la législation forestière ainsi que de l’aménagement du territoire et des constructions. Les travaux de forage en question, qui portent sur une surface inférieure à 100 m2 et sont situés sur une route forestière, sont limités à une durée de quatre semaines et laisseront peu de traces puisque les trous devront être rebouchés au terme des travaux. Ceux-ci sont prévus en forêt mais n’ont pas pour but de promouvoir l’économie forestière. Se pose donc la question de leur assujettissement à autorisation exceptionnelle de construire selon l’art. 24 LAT (consid. 5.2).

Un tel assujettissement dépend des effets concrets des forages en cause, en particulier sur l’organisation du territoire et l’environnement. En l’espèce, nonobstant la faible superficie concernée et la durée limitée des travaux, les effets sont jugés suffisamment importants pour justifier un assujettissement à autorisation exceptionnelle de construire (art. 24 LAT), en particulier en raison des nombreuses machines et appareils qui seront stationnés sur le chantier et des transports de véhicules qui seront nécessaires. A cela s’ajoute que les travaux sont prévus dans le périmètre de l’objet n° 1108 IFP au sens de l’art. 5 LPN et dans un secteur particulièrement menacé au sens des art. 19 al. 2 LEaux et 32 OEaux (consid. 5.3).

Bien que les travaux de forage entraînent un changement temporaire de l’affectation du sol forestier au sens de l’art. 4 LFo, ils peuvent être considérés comme de « petites constructions et installations non forestières » au sens de l’art. 4 let. a OFo. Par conséquent, ils n’emportent qu’une utilisation ponctuelle du sol forestier et ne nécessitent pas d’autorisation de défricher (art. 5 al. 2 LFo). Au vu de leurs effets négatifs sur l’environnement, ces travaux de forage compromettent ou perturbent au moins de façon temporaire les fonctions de la forêt, de sorte qu’ils constituent une exploitation préjudiciable au sens de l’art. 16 al. 1 LFo et nécessitent une autorisation cantonale exceptionnelle selon l’art. 16 al. 2 LFo (consid. 6.2 et 6.3).

ATF 139 II 243

2012-2013

Art. 75b et 197 ch. 9 al. 2 Cst.

Applicabilité directe et applicabilité dans le temps des nouvelles dispositions constitutionnelles sur la limitation des résidences secondaires dans les communes comptant plus de 20% de résidences secondaires. Conformément aux art. 195 Cst. et 15 al. 3 LDP, les modifications de la Constitution fédérale entrent en vigueur le jour de leur acceptation par le peuple et les cantons, à moins que le projet prévoie une solution différente. L’art. 75b Cst. et ses dispositions transitoires sont dès lors entrés en vigueur le 11 mars 2012. Les dispositions constitutionnelles peuvent être suffisamment précises pour être d’application directe dès leur entrée en vigueur sans législation d’exécution, en sorte qu’elles peuvent déployer des effets (entièrement ou partiellement) pour les particuliers. Il convient de déterminer si cela est le cas par le biais de l’interprétation (consid. 8).

L’interdiction de délivrer des autorisations de construire énoncée par l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst. constitue une interdiction provisoire qui équivaut dans son résultat à un moratoire, voire à une zone réservée dans toutes les communes comptant plus de 20% de résidences secondaires. Cette interprétation se fonde sur le titre de l’initiative ainsi que sur les travaux préparatoires (consid. 9.1 et 9.2). L’applicabilité directe d’une disposition constitutionnelle requiert que l’état de fait et les conséquences juridiques soient formulés avec suffisamment de précision. La notion de résidence secondaire est déjà consacrée dans de nombreuses dispositions fédérales, cantonales et communales, en particulier à l’art. 8 al. 2 et 3 LAT. Par ailleurs, la proportion de 20% est une valeur statistique qui peut être établie dans les cas d’application (consid. 10 à 10.4). Sous l’angle du principe de la légalité, la possibilité d’une modification juridique du fait de l’acceptation éventuelle de l’initiative avait été thématisée depuis longtemps dans le public et le moratoire sur les constructions avait fait l’objet d’une large discussion, de sorte que les destinataires de la norme étaient connus. Rien ne s’oppose donc à l’applicabilité directe du « noyau dur » de la nouvelle norme constitutionnelle, quand bien même elle implique une restriction non négligeable à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). L’interdiction provisoire qui découle de l’applicabilité directe de l’art. 75b Cst. en lien avec l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst. doit être interprétée de façon large pour ne pas anticiper sur le travail du législateur et pour éviter de préjuger des futures dispositions d’exécution (consid. 10.5).

L’applicabilité dans le temps des nouvelles dispositions constitutionnelles fait l’objet de dispositions transitoires à l’art. 197 ch. 9 Cst. Celles-ci ne règlent toutefois pas expressément le sort des autorisations de construire délivrées après l’entrée en vigueur de l’art. 75b Cst. le 11 mars 2012, mais avant le 1er janvier 2013. Au vu des différentes méthodes d’interprétation, il faut considérer que l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst. n’admet pas de période transitoire permettant de continuer à appliquer l’ancien droit, mais qu’il énonce uniquement un renforcement des conséquences juridiques (nullité au lieu d’annulabilité) jusqu’à l’entrée en vigueur de la législation d’exécution. Pour la période précédente, ce sont donc les conséquences juridiques ordinaires qui s’appliquent : les permis de construire délivrés après le 11 mars 2012 mais avant le 1er janvier 2013 sont annulables. S’ils ne sont pas attaqués, ils acquièrent force de chose jugée et peuvent être utilisés, sous réserve de leur révocation. Les permis de construire délivrés en première instance avant le 11 mars 2012 ne tombent pas sous le coup des nouvelles dispositions constitutionnelles et demeurent valables, indépendamment de la date à laquelle ils ont acquis force de chose jugée (consid. 11.3 à 11.6).

ATF 139 II 263

2012-2013

Art. 75b et 197 ch. 9 al. 2 Cst.

Applicabilité dans le temps des nouvelles dispositions constitutionnelles sur les résidences secondaires. L’art. 75b al. 1 Cst. est applicable dès son entrée en vigueur le 11 mars 2012. Les autorisations de construire délivrées en première instance avant cette date ne tombent pas sous le coup de la nouvelle disposition constitutionnelle et restent donc valables, indépendamment de la date à laquelle elles ont acquis force de chose jugée. Dans le cas d’espèce, la demande d’autorisation de construire a certes été déposée avant l’acceptation de l’initiative populaire, mais elle a fait l’objet d’une décision de première instance après le 11 mars 2012 (consid. 3).

L’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst. ne contient pas de disposition transitoire relative à l’applicabilité de l’art. 75b al. 1 Cst., mais renforce simplement les conséquences juridiques applicables à partir du 1er janvier 2013. L’art. 75b al. 1 Cst., en lien avec l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst., est en principe applicable lorsque la décision de première instance est intervenue après le 11 mars 2012, même lorsque la demande d’autorisation de construire a été déposée avant cette date. Par conséquent, les autorisations de construire des résidences secondaires (dans les communes concernées) qui ont été délivrées en première instance après cette date sont annulables. Les autorisations de construire délivrées en première instance après le 1er janvier 2013 sont nulles en vertu de l’art. 197 ch. 9 al. 2 Cst. Sont cependant réservées les circonstances spéciales sous l’angle de la protection de la confiance, le déni de justice ou le retard à statuer (consid. 7).

TF 1C_246/2012

2012-2013

Art. 15 et 16 LAT

Révision d’un plan d’aménagement local, décision de la commune de n’affecter que partiellement en zone village des parcelles servant autrefois à une exploitation agricole. Le fait que l’ensemble d’un terrain n’ait plus de fonction agricole et soit équipé pour la construction ne permet pas à lui seul d’affecter le domaine en zone à bâtir (consid. 3.1.1). En effet, le maintien de zones agricoles vise non seulement à assurer l’approvisionnement du pays, mais également à sauvegarder le paysage et à assurer l’équilibre écologique, ainsi qu’à différencier le milieu bâti du milieu non bâti (consid. 3.3). In casu, pas de violation de la LAT par la nouvelle planification, dans la mesure où le maintien partiel en zone agricole apparaissait également opportun pour mettre en valeur la ferme sise sur la parcelle, dont la mise sous protection n’était plus contestée. Grief de violation de l’égalité de traitement rejeté au surplus, ce principe n’ayant qu’une portée réduite dans l’élaboration des plans d’affectation, la planification devant seulement être objectivement soutenable (consid. 4.1).

TF 1C_41/2012

2012-2013

Art. 26 Cst., 18 al. 1 de l’Ordonnance sur la construction et l’aménagement de la commune de Rüschlikon, § 2, 25 et 27 de la Loi sur la gestion de l’eau du canton de Zurich, art. 36a Leaux, art. 41b, 41c et 46 OEaux, § 5, art. 15a à c Ordonnance sur la protection contre les crues et les constructions

Permis d’autorisation de construire sur des remblais ; modification de la pratique du TF selon laquelle on refusait une autorisation de construire en se basant sur un intérêt public (consid. 1). Les restrictions supplémentaires sur les terrains étaient auparavant un bon moyen de protéger les rives. Aujourd’hui, la protection des rives est assurée par l’aménagement du territoire, la protection de la nature et du patrimoine. On ne peut aller au-delà des conditions exigées par ces normes ; la protection est suffisante (consid. 3.2).

Toutefois il appartient aux cantons d’étendre la protection des rives en général. Dans tous les cas, les plans d’affectation doivent être adaptés aux dispositions de la nouvelle Loi sur la protection des eaux. Cela peut être effectué avec les dispositions de droit de la construction ou d’aménagement ou avec un plan d’affectation cantonal. Il y a deux ans, le CF a décidé de la manière dont la nouvelle Loi sur la protection des eaux devait être appliquée, et en particulier comment l’étendue de l’eau devait être définie. La distance à la rive doit être au minimum de 15 m jusqu’à ce que les cantons aient défini de manière précise cette distance. On peut aussi considérer qu’une distance de 20 m est acceptable. Ces règles doivent être appliquées même si elles entrent en vigueur alors que le recours est pendant (consid. 3.4 et consid. 4).

Art. 1 et 23 LChP

Réparation du dommage causé au canton par l’abattage illicite de gibier lors d’actes de braconnage. Nature publique du litige portant sur l’indemnité réclamée par le canton aux braconniers ; compétence de statuer par voie de décision. Rappel des critères applicables pour déterminer si une contestation relève du droit public ou du droit privé (consid. 4.1.1). Le gibier constitue un bien inhérent au territoire cantonal sur lequel la chasse constitue l’un des monopoles historiques à caractère essentiellement territorial. De plus, la protection de la faune est un élément d’intérêt public récent et l’art. 1er LChP poursuit principalement un but d’intérêt public (consid. 4.1.2).

Il ressort tant du rapport de subordination dans lequel le particulier est placé par rapport à la collectivité publique que du but d’intérêt public poursuivi par la LChP, que le chasseur est lié au canton par un rapport de droit public. Comme l’art. 23 LChP prévoit une responsabilité du particulier pour le gibier illicitement abattu, la demande de remboursement pour le dommage causé à la faune relève du droit public (consid. 4.1.4). L’art. 23 ChP confère au canton ou à la commune la compétence d’exiger la réparation du dommage mais ne spécifie pas la procédure à suivre pour la réclamer. En l’espèce, le canton du Jura était fondé à demander la réparation du dommage par voie de décision du Département de l’environnement et de l’équipement (consid. 4.2 à 4.5).

ATF 138 I 468

2012-2013

ž  Art. 49 al. 1 et 91 al. 1 Cst. ; art. 7a LEne

Primauté du droit fédéral, entrée en vigueur de la Loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité. L’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité régit de manière exhaustive la fixation des tarifs d’électricité. Par conséquent la compétence du Conseil communal de Wangen d’approuver les tarifs de livraison d’énergie d’une sociétés privée d’exploitation du réseau prévus dans un contrat de concession, est devenue contraire au droit fédéral. Les redevances et les prestations fournies à des collectivités publiques ne sont pas régies exhaustivement par le droit fédéral (consid 2.3 – 2.8).

ATF 139 II 185

2012-2013

Art. 4, 5, 19, 20, 21, 22, 65, 67, 70, 71 et 72 Lenu, art. 2 et 21 LIFSN, art. 49 PA

Décision du DETEC de supprimer la limitation dans le temps de l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Mühleberg. Régime de l’autorisation d’exploiter des installations nucléaires, conditions d’octroi, teneur et retrait de l’autorisation d’exploiter, compétences des autorités de surveillance. Quiconque entend exploiter une centrale nucléaire doit avoir l’autorisation d’exploiter délivrée par le département (art. 19 LEnu). L’autorisation d’exploiter est accordée aux conditions fixées à l’art. 20 LEnu. L’autorisation d’exploiter constitue une autorisation de police, de sorte qu’il existe un droit à l’obtenir lorsque les conditions de son octroi sont remplies. L’autorisation d’exploiter peut être limitée dans le temps (art. 21 al. 2 LEnu). La loi n’énonce cependant aucune condition permettant de la limiter dans le temps. Une limitation dans le temps n’est admissible que pour des motifs de police. Les autorités de surveillance veillent à ce que les détenteurs d’autorisation assument leurs obligations conformément à la loi (art. 72 al. 1 LEnu). En vertu de l’art. 67 al. 1 LEnu, l’autorité qui a accordé une autorisation la retire si les conditions d’octroi ne sont pas ou plus remplies (let. a) ou si le détenteur de l’autorisation, malgré un rappel, ne s’est pas acquitté d’une charge ou d’une tâche qui lui avait été imposée par une décision (let. b) (consid. 4.1 à 4.4). L’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Mühleberg, initialement limitée dans le temps, a été convertie en une autorisation illimitée par décision de reconsidération du DETEC du 17 décembre 2009. Un réexamen de l’autorisation dans le cadre d’une procédure de reconsidération ou de révocation – y compris devant un tribunal – n’est pas exclu : si l’art. 21 al. 2 LEnu permet à l’autorité de limiter dans le temps l’autorisation dans le cadre de la procédure de son octroi, cela doit aussi être possible par la suite si les conditions d’une reconsidération ou d’une révocation sont remplies. Il s’agit en effet d’une mesure moins incisive que le refus ou le retrait de l’autorisation (consid. 9). La limitation dans le temps de l’autorisation ordonnée par le TAF en tant qu’instance inférieure ne se justifie pas par le seul fait que les autorités de surveillance réexaminent en permanence la sécurité de l’installation, qu’elles soulèvent de nouvelles questions ou qu’elles ordonnent de nouvelles mesures. Ces éléments constituent plutôt une situation tout à fait normale. Lorsque de telles mesures conduisent en particulier à mettre l’installation en conformité avec des exigences plus élevées en terme de sécurité, l’autorité de surveillance doit fixer un délai approprié pour compléter l’équipement, mais il n’est pas justifié de limiter dans le temps l’autorisation. Une telle limitation dans le temps se justifie en revanche lorsqu’il existe des indices probants qu’à l’échéance du délai, les conditions légales de l’autorisation ne seront plus remplies et que leur élimination ne pourra pas non plus être assurée par le biais de la surveillance permanente (consid. 10).

TF 1C_264/2012

2012-2013

Art. 26 al. 2 Cst.

Refus de classement : examen des conditions donnant droit à indemnisation au titre de l’expropriation matérielle. L’attribution de la parcelle du recourant à la zone agricole en 1995 est à qualifier juridiquement comme un refus de classement et non pas comme un déclassement car le plan d’affectation de la ville de Zoug de 1982 n’était pas conforme aux prescriptions de la LAT (consid. 2). En principe, un refus de classement ne peut pas fonder le droit à une indemnité pour expropriation matérielle. La jurisprudence reconnaît toutefois des exceptions à ce principe, notamment lorsque le terrain litigieux est prêt à la construction ou lorsqu’il est déjà raccordé aux installations de l’équipement général et lorsque son propriétaire a déjà engagé des frais importants pour l’équipement ou la construction. Ces conditions sont en règle générale cumulatives. La jurisprudence retient encore d’autres hypothèses pouvant justifier une indemnisation tels que la protection de la bonne foi du propriétaire concerné, ou encore le fait que le terrain se trouve dans un secteur déjà largement bâti. (consid. 5). En l’espèce, on ne se trouve pas en présence d’une exception à la règle de la non-indemnisation car la réalisation de l’équipement de la parcelle était juridiquement trop incertaine (consid. 5.1-5.3) et il n’existe pas d’éléments suffisants justifiant de protéger la confiance qu’aurait pu légitimement avoir le propriétaire dans le classement futur de sa parcelle en zone à bâtir (consid. 5.5).

TF 1C_129/2012

2012-2013

Art. 16 LIE , art. 3 et 6 LPN, art. 1a OPIE

Approbation de plans pour la transformation et la construction d’une ligne électrique aérienne à haute tension 220/132 kV. Etude de variantes pour un tracé mis en terre (câblage) ; exigence d’un plan sectoriel. L’étude de variantes câblées pour la ligne électrique Innertkirchen-Mühleberg doit porter non seulement sur les paysages faisant l’objet d’une protection cantonale, mais aussi sur ceux qui font l’objet d’une simple protection communale afin de permettre une pesée complète des intérêts au sens des art. 3 et 6 LPN (consid. 3). Il ne se justifie en revanche pas d’ordonner des études de variantes câblées pour les tronçons de la ligne qui ne sont pas situés dans le périmètre des paysages faisant l’objet d’une protection cantonale ou communale (consid. 4.1 et 4.2). Pour des raisons de sécurité juridique, il convient d’annuler l’approbation de plans pour l’ensemble du tracé, y compris les tronçons non contestés. Il est en effet possible que les études de variantes câblées à effectuer pour les tronçons concernés indiquent qu’un autre couloir de ligne serait finalement plus opportun, ce qui pourrait avoir un impact sur les tronçons non contestés, en sorte qu’une appréciation globale doit rester possible (consid. 4.3). En vertu de l’art. 16 al. 5 LIE et de l’art. 1a OPIE, un plan sectoriel doit en règle générale être établi pour l’approbation des plans d’un projet de ligne électrique tel que le projet en cause. Sur la base d’une interprétation historique et téléologique de l’art. 1a OPIE, il faut retenir que cette ordonnance n’énonce pas une réglementation exhaustive quant aux exceptions à l’exigence de plan sectoriel, à tout le moins pour des projets pour lesquels la procédure d’approbation de plans était déjà pendante au moment de l’entrée en vigueur de cette disposition le 1er septembre 2009. Ainsi, en l’espèce, il se justifie, pour des motifs d’économie de procédure et de célérité, de renoncer à titre exceptionnel à exiger un plan sectoriel pour le projet de ligne électrique (consid. 5.5 et 5.6). Il faut cependant veiller à assurer, dans le cadre de la procédure d’approbation de plans, un examen équivalent des questions encore ouvertes. Cela implique que les éclaircissements concernant en particulier le tracé et ses variantes soient qualitativement équivalents à ce qu’ils auraient été dans le cadre d’une procédure de plan sectoriel. Il se justifie donc d’ordonner que les études de variantes de câblage à effectuer le soient par le groupe de travail prévu pour cela, mais avec la participation d’un expert international reconnu et indépendant pour donner suite à la demande d’administration de preuve de l’un des recourants (consid. 5.7).

ATF 138 II 440

2012-2013

Art. 27 Cst., art. 8 al. 1 let. d, art. 12 let. b et art. 13 LLCA

Admissibilité d’une étude d’avocats organisée sous la forme d’une personne morale. Portée de la liberté économique (art. 27 Cst.) et de l’indépendance institutionnelle (consid. 13-22). L’art. 8 al. 1er let. d LLCA n’exclut pas de manière générale la formation de sociétés de capitaux d’avocats. L’indépendance de l’avocat ne dépend pas de la forme juridique de l’étude, mais de la manière dont celle-ci est concrètement organisée. Lorsque seuls les avocats inscrits sont en mesure d’exercer une influence sur la relation de travail, l’indépendance nécessaire est garantie (consid. 17). La structure sous forme de société n’est en outre pas incompatible avec l’exercice par l’avocat de son activité sous sa propre responsabilité professionnelle selon l’art. 12 let. b LLCA et avec le secret professionnel de l’art. 13 LLCA (consid. 19-21). In casu, admissibilité de la réorganisation d’une étude en une société anonyme exclusivement dirigée par des avocats inscrits au registre ; des mesures contractuelles et statutaires permettant de garantir que la SA d’avocats restera entièrement contrôlée par des avocats inscrits en Suisse (consid. 23).

ATF 139 II 173

2012-2013

Art. 12 let. d LLCA

Conformité à la Loi fédérale sur les avocats de la publicité sous forme d’enseigne lumineuse. Bureau situé en zone industrielle, les avocats souhaitant afficher le nom de l’étude en grandes lettres bleues contre la façade, avec l’indication « avocat & notaire » en dessous. L’enseigne entière aurait mesuré plus de 9 mètres de long, pour une hauteur de 70 cm, respectivement 32 cm. La LLCA ne prévoit pas d’interdiction générale de la publicité. Celle-ci doit toutefois se limiter à des faits objectifs et correspondre au besoin d’information du public et, partant, satisfaire à l’intérêt général (consid. 2.2). La publicité doit en outre éviter tout aspect tapageur ou exagéré (consid. 6.2.2). In casu, si l’inscription se limite effectivement dans son contenu à des éléments objectifs, le critère de discrétion fait défaut, du fait de la taille et de la luminosité de l’enseigne (consid. 7.2). La Commission de surveillance du canton de Zoug a ainsi à juste titre considéré l’enseigne comme illégale.

ATF 139 II 106

2012-2013

Art. 32d LPE

Prise en charge des frais d’assainissement de la décharge de Illiswil : répartition entre les perturbateurs par comportement et les perturbateurs par situation. La lettre et la genèse de l’art. 32d LPE permettent d’assimiler la notion de personne à l’origine des mesures nécessaires (« Verursacher- ») à celle de perturbateur (« Störerbegriff »). Cette interprétation est confirmée par la révision de la LPE de 2005 (consid. 3.4 et 3.5). Il découle de cette interprétation que le détenteur d’un site ayant acquis son bien-fonds alors que celui-ci était déjà contaminé fait aussi partie du cercle des personnes éventuellement appelées à devoir participer aux frais d’assainissement, à tout le moins s’il ne peut pas faire valoir un motif de libération en vertu de l’art. 32d al. 2, troisième phrase LPE (consid. 3.6). En tant que descendants directs des agriculteurs ayant mis leur terrain à disposition en 1962 pour exploiter la décharge et ayant grandi sur place, les recourants avaient connaissance de l’exploitation de la décharge ou auraient dû en avoir connaissance en faisant preuve de diligence. Ils ne sauraient donc être libérés de l’obligation d’assumer leur part de frais selon l’art. 32d al. 2, troisième phrase LPE (consid. 3.7). Dans le cadre de la fixation de la part des frais, outre le degré de responsabilité, des motifs d’équité peuvent être pris en compte. Si les recourants répondaient exclusivement en tant que détenteurs du site sans avoir obtenu ou sans obtenir à l’avenir un avantage économique à travers l’exploitation de la décharge ou à travers l’assainissement, et s’il n’était pas possible de leur imputer la part de responsabilité de leurs prédécesseurs en droit, leur participation à la prise en charge des frais à hauteur de 10% serait alors excessive et contraire au droit fédéral (consid. 5.5). La pratique selon laquelle 10 à 30% des frais sont mis à la charge du perturbateur par situation innocent doit dès lors être précisée : une telle part ne résulte pas seulement de la qualité de propriétaire au moment de la décision sur la répartition des frais. Elle ne semble justifiée que si d’autres circonstances sont données, par exemple si la personne concernée était déjà responsable du site au moment de sa contamination et que celle-ci aurait donc pu être évitée, si la personne concernée répond de la part de responsabilité de ses prédécesseurs en droit (en vertu d’une reprise d’exploitation ou en sa qualité d’héritier) ou encore si elle a obtenu ou obtiendra un avantage économique non négligeable à travers la pollution et/ou l’assainissement (consid. 5.6).

ATF 138 II 575

2012-2013

Art. 40 et 80 al. 1 LEaux

Réglementation du curage des bassins de retenue, en particulier la vidange des sédiments qui ont été accumulés dans le bassin de retenue afin de maintenir la capacité d’accumulation exploitable. Critères de l’admissibilité des mesures d’assainissement selon l’art. 80 al. 1 LEaux. Le fait que le curage provoque des modifications de courte durée du débit de l’eau ne change rien au fait que l’art. 40 LEaux reste applicable. La question de savoir si l’application de l’art. 39a LEaux reste limitée au fait de démarrer et d’éteindre les turbines sur une courte durée provocant une éclusée ou si cet article englobe aussi d’autres modifications artificielles de courte durée sur l’écoulement d’un cours d’eau peut rester ouverte : l’instance précédente n’a en effet en aucun cas violé le droit fédéral, à savoir l’art. 40 LEaux (consid. 3.5) L’appréciation de ce qui est économiquement supportable se fait en prenant en considération les mesures de l’art. 80 al. 1 LEaux. L’assainissement n’est admis que pour autant qu’il ne porte pas atteinte à la substance des droits acquis. Il convient d’apprécier si une intervention étatique respecte la substance de ces droits selon le fait que cette intervention demeure ou non économiquement supportable par rapport à l’atteinte portée aux droits du titulaire. Le critère de ce qui est économiquement supportable se mesure au fait de préserver la valeur d’investissement effectuée conformément au droit. Il doit être possible durant la durée de vie de l’ouvrage construit d’amortir les investissements, d’obtenir des intérêts sur les fonds propres et les fonds étrangers, de couvrir les charges courantes et de maintenir des liquidités suffisantes. Pour atteindre cet objectif, l’ouvrage doit réaliser le rendement nécessaire. Sont économiquement supportables les atteintes de l’Etat si leurs effets laissent intacte la rentabilité minimale de l’ouvrage. Le critère de ce qui est économiquement supportable est de pouvoir exister économiquement pour un ouvrage et d’avoir une protection quand on investit. Il faut se baser sur les mêmes principes que ceux qui régissent la garantie de la propriété et la protection du principe de la confiance (consid. 4.5).

ATF 139 II 28

2012-2013

Art. 36 Cst., 80 al. 1 et 2 LEaux

Assainissement des débits résiduels. Rappel des critères de l’admissibilité des mesures d’assainissement selon l’art. 80 al. 1 LEaux. Pour déterminer l’étendue de l’obligation d’assainir, il faut partir de la production moyenne de l’installation sur une durée représentative suffisamment longue, évaluer les mesures d’assainissement possibles ainsi que leur potentiel écologique et rechercher les déficits de production et les diminutions de recettes induites par chacune d’entre elles. Les mesures les plus judicieuses doivent être combinées afin de pouvoir rester dans le cadre des restrictions admissibles. Il convient de choisir la variante qui, en restant dans les limites du caractère économiquement supportable, présente un rapport coût-efficacité écologique, respectivement un potentiel écologique optimal (consid. 2.7.3). En cas rentabilité bonne à très bonne et d’installations convenablement amorties, un assainissement entraînant une diminution de la production, respectivement des recettes, de plus de 5% peut se justifier (consid. 2.7.4). Assainissement des débits résiduels selon l’art. 80 al. 2 LEaux. Il faut procéder à une pesée des intérêts pour la partie de l’assainissement qui va au-delà des prescriptions de l’art. 80 al. 1 LEaux. On peut notamment se baser sur les objectifs de protection des objets inscrits à l’inventaire. Les mesures d’assainissement ne doivent être ordonnées que si elles s’imposent en vue d’une amélioration urgente et indispensable de la situation (consid. 3.7).

ATF 139 IV 137

2012-2013

Art. 3 LRCF, art. 3 al. 3, 64, 67 et 67a EIMP

Communication spontanée d’informations touchant au domaine secret, délimitation entre information et moyen de preuve. Procédure en responsabilité contre la Confédération pour prétendue illicéité des renseignements transmis spontanément au Brésil par le Ministère public de la Confédération concernant des avoirs bancaires pour lesquels le recourant disposait d’une procuration. La transmission spontanée de moyens de preuve et d’informations par les autorités d’entraide suisse est réglée à l’art. 67a EIMP. Cette disposition fonde un type d’entraide particulier, destinée aux autorités de poursuite pénale, qui s’écarte des formes habituelles de coopération judiciaire. La distinction opérée par le législateur entre la transmission de moyens de preuve et celle d’informations est importante dès lors que, s’agissant du domaine secret, l’art. 67a al. 5 EIMP autorise uniquement la transmission d’informations. En revanche, la transmission spontanée de moyens de preuve touchant au domaine secret est prohibée en vertu de l’art. 67a al. 4 EIMP. Il est délicat de fournir une définition générale de ces deux notions, de sorte que la qualité de « moyen de preuve » ou « d’information » d’un renseignement ou document transmis à un Etat étranger doit s’apprécier au cas par cas. Un magistrat suisse est en droit d’informer son homologue étranger de l’existence d’un compte bancaire, sans pour autant lui communiquer des documents et correspondances bancaires et autres pièces y relatifs qui constitueraient des moyens de preuve. En l’espèce, le tableau des comptes bancaires transmis par le Ministère public au Procureur général du Brésil est qualifié d’information et non de moyen de preuve touchant au domaine secret. Il en découle qu’aucun acte illicite au sens de l’art. 3 al. 1 LRCF ne peut être reproché à la Confédération en relation avec l’art. 67a EIMP (consid. 4.4 à 4.6).