Droit des successions

ATF 143 III 51 (f)

2016-2017

Art. 495, 559 al. 1 CC ; 27 al. 1 LDIP.

Reconnaissance d’un certificat d’héritier égyptien. En l’espèce, le défunt de nationalité égyptienne et son épouse de nationalité allemande se sont mariés en Egypte en application du droit égyptien et de la Charia. Le droit musulman prévoit l’absence de succession entre un musulman et un non-musulman. Au décès du défunt, les tribunaux égyptiens ont constaté le décès et la dévolution de la succession légale aux frères et sœurs du défunt à l’exclusion du conjoint survivant. Le résultat qu’engendre le certificat d’héritier égyptien – en ne mentionnant pas le conjoint survivant – contrevient clairement au principe de l’interdiction de la discrimination en raison des convictions religieuses et viole donc l’ordre public matériel suisse (consid. 3.3.5).

Art. 488, 492, 522, 527 ch. 4, 531 CC.

Action en réduction ; substitution fidéicommissaire ; protection de la réserve héréditaire. L’héritier appelé jouit de la même protection que l’héritier grevé. S’il est un héritier réservataire du défunt, il n’est pas tenu d’accepter que sa part réservataire lui soit attribuée au titre d’héritier appelé et qu’elle lui soit, par conséquent, transmise seulement à l’ouverture de la substitution. Au décès du de cujus, l’héritier appelé – en l’occurrence également réservataire – doit au moins obtenir le montant de sa réserve dans la mesure, notamment, où il n’acquiert la part successorale objet de la substitution fidéicommissaire que s’il est vivant à l’échéance de la charge de restitution (art. 492 al. 1 CC) (consid. 7.1).

Art. 90, 91, 93 LTF.

Qualification en matière procédurale d’une décision sur l’appartenance d’un actif à un patrimoine successoral. Une décision de dernière instance cantonale statuant uniquement sur l’intégration d’un actif dans le patrimoine successoral, en l’occurrence le solde d’un compte bancaire au décès du défunt, dans le cadre d’une action en partage, ne constitue ni une décision finale (art. 90 LTF), ni une décision partielle (art. 91 LTF), ni une autre décision incidente (art. 93 al. 1 LTF). Les recourants conservent la possibilité de s’en prendre à ladite décision dans le cadre d’un recours contre la décision finale en partage.

Art. 602 al. 2, 607 al. 1, 610 al. 1, 635 al. 1 CC.

La convention sur parts héréditaires conclue entre deux héritiers a un effet réel et non seulement « obligationnel » ; en effet, l’héritier cédant cesse de faire partie de la communauté héréditaire. L’objet de la cession est la participation – la quote-part – de l’héritier cédant dans la communauté héréditaire, et non un bien déterminé. La quote-part peut être cédée entièrement ou partiellement. En outre, un légataire peut céder sa créance contre le débiteur du legs, cas échéant avant même l’ouverture de la succession sous la forme de la cession d’une créance éventuelle future. La cession du droit à la délivrance du legs n’est pas soumise aux restrictions prévues pour les conventions sur parts héréditaires. La conclusion d’une convention sur parts héréditaires, sa validité, son interprétation ainsi que son éventuelle contestation pour vice de la volonté sont régies par les dispositions générales du droit des obligations (art. 1 ss, 18 ss et 23 ss CO) (consid. 5.1).

Art. 583 al. 1 CC.

Procédure de bénéfice d’inventaire ; notion de « papiers du défunt ». La clôture de l’inventaire officiel prévue par l’art. 584 al. 1 CC est un acte administratif, sans autorité de chose jugée ; l’autorité qui dresse l’inventaire n’examine pas les droits annoncés. Alors qu’en principe l’autorité doit procéder le plus rapidement possible à la clôture de l’inventaire une fois le délai pour les productions expiré, celle-ci peut être repoussée en présence d’une contestation non liquidée dont le sort est déterminant pour établir la solvabilité de la succession. Le délai de consultation prévu par l’art. 584 al. 1 CC doit permettre notamment à l’héritier, tant qu’il ne s’est pas déterminé, de faire compléter l’inventaire ou de le faire corriger en cas d’erreurs éventuelles qui lui sont défavorables (p. ex. en matière d’estimation des biens inventoriés, de prise en considération d’une créance tardive ou d’omission d’une créance annoncée à temps). Les « papiers du défunt » au sens de l’art. 583 al. 1 CC sont tous les documents du de cujus qui fournissent des informations sur l’état de sa fortune ; il s’agit de tout document retrouvé au domicile de l’intéressé et en particulier les factures, les registres commerciaux, les livres de comptabilité commerciale, les extraits de compte-courant, les contrats, les titres de créance, la correspondance ainsi que les papiers-valeurs. L’autorité a le devoir de rechercher ces papiers et de les examiner, mais les héritiers sont également tenus de la renseigner. En l’espèce, un courrier adressé à la fiduciaire du défunt et de son épouse n’est pas considéré comme un papier du défunt.

Art. 611, 612 CC.

Lorsque les conditions pour la formation de lots sont remplies et que les héritiers ne parviennent pas à s’entendre sur leur attribution, le tribunal n’a pas la compétence d’attribuer directement les lots aux héritiers selon sa propre appréciation. Dans ces circonstances, il reste lié par les principes prévus dans la loi – qui n’accorde que le droit de procéder au partage –, de sorte qu’un tirage au sort doit avoir lieu (art. 611 al. 3 in fine CC).

Art. 509, 519 CC.

Lorsque les personnes gratifiées par une disposition pour cause de mort ne sont, antérieurement à l’ouverture de la succession, liées par aucun rapport de droit, l’action tendant à la constatation de la validité de ladite disposition ne requiert pas – sur le plan procédural – de consorité nécessaire passive. Une telle action est ouverte même si elle ne vise pas l’ensemble des héritiers institués – en l’occurrence, deux avocats et notaires et deux neveux de l’épouse du de cujus – par la disposition de dernière volonté. Toutefois, en cas d’admission de l’action en constatation de droit, seules les parties au jugement – en l’occurrence la veuve, les deux avocats et notaires ainsi qu’un seul des deux neveux – sont liées par celui-ci (consid. 6.2).

Art. 609 CC.

Le concours de l’autorité au sens de l’art. 609 CC a pour but d’éviter au créancier d’être désavantagé par le partage. L’autorité doit être attentive aux intérêts de l’héritier débiteur, mais elle représente principalement les intérêts du créancier. L’autorité doit respecter le droit d’être entendu de l’héritier débiteur, mais elle ne doit pas nécessairement le consulter. Le consentement de l’héritier débiteur n’est pas requis, car celui-ci ne jouit d’aucun droit de participer à ses prises de décisions.

Art. 517 al. 2 CC ; 6 CO.

La déclaration d’acceptation ou de refus du mandat d’exécuteur testamentaire n’est soumise à aucune forme. La déclaration ne peut pas être soumise à condition ; cas échéant, l’acceptation conditionnelle du mandat est assimilée à un refus. L’art. 517 al. 2 CC n’exige pas une déclaration expresse dans la mesure où, à l’expiration du délai de 14 jours, le silence de la personne concernée vaut acceptation. En utilisant l’expression « silence », l’art. 517 al. 2 CC renvoie à la notion d’acceptation tacite de l’art. 6 CO, à la différence qu’il prévoit un délai de réflexion. Une acceptation tacite en application de l’art. 6 CO est toutefois exclue lorsque le requérant s’attend à une déclaration expresse ; tel est le cas lorsqu’un délai est expressément fixé. En l’espèce, la période de réflexion de l’art. 517 al. 2 CC a été prolongée. La question de la licéité de la prolongation de délai pour se déterminer a été laissée ouverte (consid. 4 et 5).

Art. 517, 518, 562 al. 1 CC.

Le litige dans lequel l’exécuteur testamentaire intervient en tant que partie doit être distingué de celui relatif à la délivrance d’un legs, dans lequel l’exécuteur testamentaire a la qualité d’administrateur de la succession. La prétention de l’exécuteur testamentaire à une indemnité équitable conformément à l’art. 517 al. 3 CC tombe dans la première catégorie. Ladite indemnité est considérée comme une dette de la succession, dont les héritiers sont en principe solidairement responsables. En l’espèce, la prétention formulée par le légataire reprochant à l’exécuteur testamentaire d’avoir engendré, par une facturation trop importante de ses honoraires, la diminution de l’actif successoral et la réduction de son legs ne constitue pas une action en délivrance du legs au sens de l’art. 562 al. 1 CC, mais une action personnelle dirigée contre l’exécuteur testamentaire (consid. 5.2).