Droit des successions

ATF 140 III 193

2013-2014

Art. 494 al. 3 CC

Violation d’un pacte successoral ; intention de nuire. La validité des donations constitue la règle, et la possibilité de les attaquer en vertu de l’art. 494 al. 3 CC l’exception. L’art. 494 al. 3 CC trouve application lorsque, compte tenu des donations envisagées, le disposant vide de leur substance les engagements pris dans le pacte successoral antérieur – interdiction de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC) – ou porte préjudice à l’une des parties contractantes au contrat. L’intention du disposant de porter préjudice aux cocontractants du pacte successoral doit être prouvée ; le dol éventuel ne suffit pas. Le fardeau de la preuve incombe aux héritiers cocontractants (art. 8 CC). Par analogie avec l’art. 527 ch. 4 CC, le dessein de se soustraire à ses obligations contractuelles doit être manifeste. Le juge ne peut déceler une intention de causer un dommage que si elle lui semble être clairement établie. Cette exigence limite le pouvoir d’appréciation du juge.

TF 5A_106/2014

2013-2014

Art. 482 et 484 CC

Interprétation d’un testament. Si l’objet de la libéralité accordée n’est pas suffisamment déterminé, la disposition pour cause de mort doit, en conséquence du principe « in favorem testamenti », être réinterprétée en tant que charge (consid. 7.1).

TF 5A_241/2014

2013-2014

Art. 589 al. 3, 590 et 602 al. 3 CC

Représentant de la communauté héréditaire ; frais de procédure ; inventaire officiel. Les frais de procédure relatifs à la nomination d’un représentant de la communauté héréditaire sont des dettes de la succession dont le paiement incombe à la communauté héréditaire. Les dettes de la succession peuvent – mais ne doivent pas – être produites et portées à l’inventaire officiel, d’autant qu’elles ne sont pas des dettes du défunt et sont susceptibles, dans certaines circonstances, de prendre naissance seulement après l’établissement de cet inventaire. Dans le cas où elles ne sont pas portées à l’inventaire officiel, elles doivent malgré tout être prises en considération, de sorte que les héritiers ayant accepté la succession sous bénéfice d’inventaire doivent également répondre de ces dettes.

Art. 511 al. 1 et 608 al. 3 CC.

Exigences relatives aux preuves propres à renverser les présomptions légales. La présomption prévue à l’art. 511 al. 1 CC selon laquelle un testament postérieur remplace les dispositions testamentaires antérieures ne peut être renversée que sur la base de preuves strictes, une vraisemblance ne suffisant pas. La présomption de l’art. 608 al. 3 CC selon laquelle l’attribution de biens déterminés à l’un des héritiers ne constitue qu’une règle de partage peut être renversée au moyen d’éléments de preuve non soumis à des exigences sévères ; la volonté de léguer un bien à un héritier en plus de sa part héréditaire doit pouvoir se déduire, au moins par indices, du testament lui-même.

Art. 609 al. 1 CC.

La mission de l’autorité conformément à l’art. 609 al. 1 CC s’épuise dans la participation au partage, partage qu’elle ne peut ni effectuer ni diriger elle-même. L’autorité, ou le représentant qu’elle a désigné, prend la place de l’héritier-débiteur dans le partage en tant qu’administrateur officiel de sa part. Jouissant d’une totale indépendance, elle agit, à l’exclusion de l’héritier qu’elle remplace, dans l’action en partage ou lors de l’adoption du contrat de partage. L’héritier-débiteur n’est pas habilité à prendre part aux négociations de partage. Si l’intervenant au sens de l’art. 609 al. 1 CC viole ses devoirs, notamment en informant insuffisamment l’héritier-débiteur, ce dernier doit s’en plaindre auprès de l’autorité de surveillance ou, éventuellement, demander l’invalidation de l’acte. L’acceptation ou le rejet d’une offre des cohéritiers quant à la réalisation d’une part successorale saisie peut en particulier constituer une décision susceptible d’engager la responsabilité de l’autorité concourant au partage (cons. 4).

TF 5A_40/2013

2013-2014

Art. 602 al. 2 et 653 al. 2 CC

Reconnaissance par les héritiers d’une dette contractée avant le décès du de cujus. La reconnaissance d’une dette contractée par le de cujus doit émaner de tous les membres de la communauté ou d’un représentant autorisé. Si cette reconnaissance n’est signée que par un héritier non autorisé, elle n’engage pas les héritiers, sous réserve d’une éventuelle ratification. Toutefois, le partenaire contractuel peut réclamer des dommages-intérêts à l’héritier qui s’est engagé sans pouvoirs (consid. 2.3).

Art. 494 al. 3 et 626 CC ; 18 al. 1 CO.

Les règles d’interprétation applicables aux contrats peuvent servir à l’interprétation des pactes successoraux. L’application de l’art. 18 al. 1 CO permet de rechercher la réelle et commune intention des parties. Il y a lieu d’examiner les déclarations des parties à la lumière du principe de la confiance, à savoir selon le texte, le contexte et les circonstances dans lesquelles elles peuvent être comprises. Ces principes sont également applicables en vue de déterminer si les parties avaient la volonté de s’engager contractuellement. De simples souhaits ou désirs ne constituent pas des clauses conventionnelles, leur respect étant uniquement conditionné au bon vouloir de leur destinataire. Or, l’art. 494 al. 3 CC suppose de véritables engagements contractuels, non des souhaits ou des désirs.

TF 5A_501/2013

2013-2014

Art. 467, 519 al. 1 ch. 1 CC

Capacité de discernement du disposant ; action en annulation d’un testament. Une expertise judiciaire sur l’état mental du de cujus ordonnée durant la procédure en annulation du testament constitue un élément de preuve servant à déterminer quelle présomption relative au discernement doit prévaloir ; la contre-preuve reste possible (consid. 6.1.3).

Art. 602 al. 3 CC.

Le jugement sanctionnant un litige relatif à la désignation du représentant de la communauté héréditaire ou en lien avec cette fonction est une décision de mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF. Dans la mesure où ce genre d’affaires est en principe de nature pécuniaire, la valeur litigieuse doit atteindre au minimum CHF 30’000.- pour que le recours en matière civile introduit contre une décision rendue en ce domaine soit recevable. La valeur litigieuse ne peut pas être assimilée à la valeur de la succession. En l’espèce, la valeur litigieuse est d’emblée considérée comme donnée, eu égard au volume de la masse successorale, au nombre important de biens-fonds sur sol suisse et à l’étranger qu’elle comporte, ainsi qu’à la portée du contentieux.

TF 5A_610/2013

2013-2014

Art. 553 CC

Qualité pour requérir un inventaire successoral. L’héritier réservataire, auquel il n’est attribué qu’un legs ou qui est exclu de la succession sans que la raison de son exhérédation ne soit indiquée dans l’acte l’ordonnant, conserve néanmoins tous les droits et obligations que la loi confère aux héritiers dès l’ouverture de la succession. Sa réserve héréditaire étant lésée, il doit entreprendre une action en nullité ou une action en réduction ; il sera considéré comme un « héritier virtuel », jusqu’à ce que son action aboutisse. En tant que tel, il reste légitimé à requérir l’établissement d’un inventaire successoral conformément à l’art. 553 CC.

TF 5A_612/2013

2013-2014

Art. 478 et 553 CC ; 93 al. 1 let. a LTF

Statut de celui qui conteste la validité de l’exhérédation dont il fait l’objet ; droit à obtenir des informations sur le patrimoine du défunt, et not. l’établissement d’un inventaire ; préjudice irréparable. La question est de savoir si la divulgation de données économiques, au sujet du patrimoine de la défunte du vivant de celle-ci, à l’exhérédé, est constitutive d’un dommage irréparable causé à l’autre héritier réservataire. La qualité d’héritier de celui qui conteste, par la voie de l’action en nullité, la validité du testament qui l’exhérède est litigieuse. Jusqu’à droit connu sur la question de l’exhérédation, il n’est pas héritier et ne dispose pas des prérogatives attachées à ce statut, mais il a le droit de requérir le prononcé de mesures visant à protéger le patrimoine successoral, en particulier des mesures de sûreté ou l’établissement d’un inventaire, et d’avoir accès aux informations lui permettant de contester l’acte à cause de mort l’exhérédant. Ce faisant, la communication de données économiques relatives au patrimoine de la défunte du vivant de celle-ci, à l’exhérédé, n’est pas constitutive d’un dommage irréparable causé à l’autre héritier réservataire.

TF 5A_672/2013

2013-2014

Art. 518 CC

Responsabilité de l’exécuteur testamentaire. Situation dans laquelle les relations entre les héritiers sont extrêmement houleuses, de sorte qu’il n’existe aucune perspective en vue de l’approbation par les héritiers du projet de partage de l’exécuteur testamentaire. Comme l’exécuteur testamentaire ne peut que préparer un projet de partage à l’attention des héritiers, et non leur imposer un contrat de partage qui les obligerait, il n’a pas d’autre alternative que de résilier son mandat ou de limiter son activité à l’administration de la succession, en attendant que les héritiers trouvent un règlement à l’amiable ou que l’un d’entre eux introduise une action en partage. En cas de doute sur la validité d’un legs, l’exécuteur testamentaire n’est pas habilité à trancher et, cas échéant, à en ordonner la délivrance ; pour ce faire, il doit obtenir l’accord du débiteur ou attendre une décision de justice.

Art. 400 CO.

Le mandataire a, envers les héritiers du mandant, une obligation de renseigner dont l’étendue est similaire à celle qui existait contractuellement – en vertu de l’art. 400 al. 1 CO – à l’égard du défunt de son vivant. De manière générale, lorsque le défunt était, de son vivant, seulement ayant-droit économique – et non juridique – des actifs, le droit du mandat ne lui conférait aucun droit à l’information. En effet, il n’était pas partie à la relation contractuelle avec le mandataire. A son décès, les héritiers intéressés à obtenir des informations peuvent se prévaloir exclusivement d’un fondement successoral et non pas d’un fondement contractuel. A défaut de réussir à prouver l’existence d’une relation contractuelle entre le défunt et son avocat, dont il découlerait un droit à l’information contractuel, il s’agit pour l’héritier de se prévaloir d’un droit à l’information de nature successorale.

Art. 602 al. 3 CC.

Le représentant de la communauté héréditaire exerçant une fonction privée, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir accordé aux héritiers, préalablement à chacun de ses actes, la possibilité de consulter le dossier. Dans le cadre de sa mission, le représentant de la communauté héréditaire peut autoriser un héritier à effectuer un acte pour la succession ou à engager personnellement l’hoirie moyennant son consentement préalable ou sa ratification ultérieure. En revanche, en l’absence d’autorisation, toute intervention d’un héritier dans les affaires de la succession pour lesquelles le représentant de la communauté héréditaire a été mandaté est exclue. Etant autorisé à nommer des mandataires commerciaux ou des auxiliaires, le représentant de la communauté héréditaire peut déléguer l’administration de biens-fonds à une société spécialisée, et ce même si sa nomination était intervenue essentiellement dans ce but. L’activité du représentant de la communauté héréditaire ne peut être contrôlée par une autorité – qui ne doit en aucun cas se mettre dans la position de celui-ci et examiner comment elle s’occuperait elle-même des affaires de la succession – que si le représentant a ignoré des dispositions légales ou constitutionnelles et, en particulier, dans le cas où il a excédé son pouvoir d’appréciation.

TF 5A_82/2014

2013-2014

Art. 518 al. 2 et 607 al. 2 CC ; 50 al. 1 let. c et 64 al. 1 let. b ORF

Réquisition d’inscription au registre foncier d’un partage successoral ; légitimité des héritiers et de l’exécuteur testamentaire. La convention de partage ne nécessite pas l’accord de l’exécuteur testamentaire. Elle devient contraignante pour celui-ci par la signature de tous les héritiers, de sorte que l’exécuteur testamentaire doit l’exécuter. Le pouvoir de l’exécuteur testamentaire de disposer des immeubles de la succession est exclusif ; il est opposable en particulier aux héritiers. L’office du registre foncier a le devoir de contrôler la qualité d’exécuteur testamentaire sur la base du certificat établi par l’autorité compétente, afin de vérifier si l’exécuteur testamentaire a le pouvoir de disposer de l’immeuble. La réquisition d’inscription pour l’acquisition d’un immeuble, consécutive au partage successoral, doit émaner de la personne légitimée à disposer des biens de la succession, à savoir, dans le contexte d’une succession soumise à l’exécution testamentaire, de l’exécuteur testamentaire, ou à tout le moins avec le concours de celui-ci.

TF 5A_820/2013

2013-2014

Art. 467, 519 al. 1 ch. 1 CC

Capacité de discernement du disposant ; action en annulation d’un testament. Une expertise judiciaire sur l’état mental du de cujus ordonnée durant la procédure en annulation du testament constitue un élément de preuve servant à déterminer quelle présomption relative au discernement doit prévaloir ; la contre-preuve reste possible (consid. 6.1.2).

TF 5A_841/2013

2013-2014

Art. 554, 556 al. 3 et 559 CC

Conséquences de la contestation de la qualité d’héritier institué sur la gestion de la succession ; administration d’office. Comme le prononcé des mesures nécessaires pour assurer la dévolution de l’hérédité – notamment celles prévues aux art. 552 à 559 CC – n’a qu’un caractère provisoire, il peut être modifié en tout temps par l’autorité. Si les héritiers légaux (ou les personnes gratifiées par une disposition testamentaire plus ancienne) contestent la vocation héréditaire des héritiers institués, le certificat d’héritier n’est pas délivré et l’autorité doit décider de ce qu’il advient de la gestion provisoire. L’autorité peut ordonner l’administration d’office de la succession (art. 556 al. 3 CC) dès que des dispositions de dernières volontés lui sont remises, en vertu de l’art. 554 al. 1 ch. 4 CC. Elle choisira cette solution à titre de mesure de sûreté, pour tout ou partie de la succession, chaque fois que la gestion par les héritiers légaux présente un risque particulier pour les héritiers institués. Il en va de même lorsque la qualité des héritiers institués est contestée par les autres prétendants à la succession. En dépit de la délivrance du certificat d’héritier, les héritiers – légaux ou institués – qui s’estiment lésés peuvent intenter les actions en nullité ou en pétition d’hérédité et requérir, dans ce cadre, des mesures provisionnelles empêchant les héritiers mentionnés dans le certificat de disposer des biens successoraux.

TF 5A_947/2013

2013-2014

Art. 598 CC et 400 CO

Qualification d’une action (pétition d’hérédité ou reddition de compte). Lorsqu’un héritier formule une demande de renseignements à l’encontre d’un tiers, il ne dispose d’un choix quant à son fondement juridique – successoral ou contractuel – que lorsqu’il peut simultanément faire valoir un droit préférentiel tiré du droit des successions, lui ouvrant la possibilité d’agir par une action en pétition d’hérédité, et un droit de nature contractuelle, lui ouvrant la voie de l’action personnelle – celle-là même dont disposait le défunt de son vivant (consid. 4.2.2).

Art. 566 al. 2 CC.

Le fardeau de la preuve de l’insolvabilité du défunt et de la connaissance de celle-ci par les héritiers incombe à celui qui s’en prévaut. Quand bien même la succession du défunt était insolvable au moment de son décès, elle n’est présumée répudiée conformément à l’art. 566 al. 2 CC que si les héritiers avaient connaissance du surendettement du défunt (cons. 2).