Droit international privé

ATF 148 III 50 (d)

2021-2022

Lieu d’exécution. Si l’obligation contractuelle du vendeur se limite à mettre une chose mobilière à disposition de l’acheteur pour enlèvement, le lieu de livraison au sens de l’art. 5 ch. 1 let. b CL est le lieu où le vendeur met la marchandise à disposition, indépendamment du fait que la marchandise y soit enlevée par l’acheteur lui-même ou par un tiers autorisé par celui-ci (consid. 4.3).

Compétence internationale ; élection de for ; for de nécessité ; pouvoir de représentation d’une société étrangère. L’instance précédente n’est pas tombée dans l’arbitraire en considérant qu’une procuration spéciale (approval note), conférée sans avoir vu le contrat à signer et ne mentionnant pas l’élection de for, ne permet pas au représentant d’engager la société signataire quant au choix des tribunaux compétents pour traiter les litiges liés au contrat de vente d’actions. La clause prévoyant un for à St-Gall n’a, par conséquent, pas été valablement conclue dans le cas d’espèce (consid. 3 et 4). Le for de nécessité de l’art. 3 LDIP vise à éviter qu’un justiciable ne soit privé de protection juridique et doit être interprété restrictivement. Le simple fait qu’une élection de for soit invalide ou ne soit pas conclue ne suffit pas à fonder l’existence d’un for de nécessité en Suisse. Encore faut-il que les conditions de l’art. 3 LDIP soient remplies, à savoir l’impossibilité d’introduire une procédure à l’étranger et des liens suffisants entre la cause et les autorités judiciaires ou administratives suisses, conditions que la recourante n’a pas pu démontrer en l’espèce (consid. 5.2.2.3).

Applicabilité de la Convention de Lugano à la restitution du passeport d’un enfant. En dépit du caractère mobilier du passeport en lui-même, l’obligation d’un parent de restituer les passeports des enfants au parent ayant obtenu la garde dans une procédure de divorce n’est pas de nature obligationnelle ou réelle, mais relève de l’exercice des relations entre parents et enfants et, ainsi, n’entre pas dans le champ d’application de la Convention de Lugano (consid. 4).

Transcription à l’état civil d’une naissance issue d’une maternité de substitution effectuée en Géorgie ; établissement des liens de filiation maternel et paternel ; résidence habituelle d’un nouveau-né. Lors de la transcription à l’état civil d’une naissance survenue à l’étranger (art. 32 LDIP), il y a lieu de distinguer le cas d’un acte de naissance, qui constate un lien de filiation établi de par la loi (effets ex lege), d’une décision ou d’un autre acte juridique, qui génère ou modifie une situation juridique. Dans le premier cas, l’art. 68 LDIP s’applique pour déterminer le droit applicable, tandis que dans le second cas, l’art. 70 LDIP s’applique pour reconnaître la décision étrangère (consid. 4). Lorsqu’un droit étranger (in casu, le droit géorgien) prévoit que les père et mère d’intention sont automatiquement les parents juridiques d’un enfant né d’une maternité de substitution (effets ex lege), la simple transcription des liens de filiations étrangers à l’état civil suisse ne relève pas de l’art. 70 LDIP, faute de « décision étrangère » au sens de cette disposition (consid. 5.2). Le contrat de maternité de substitution conclu en l’espèce entre les parents d’intention et la mère de substitution ne saurait être qualifié de décision au sens de l’art. 70 LDIP (consid. 5.3). Ainsi, l’art. 68 LDIP s’applique pour déterminer le droit applicable à l’établissement, la constatation et la contestation de la filiation et désigne le droit de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant. En application du droit suisse (art. 252 al. 1 CC), la mère de substitution est la mère juridique des enfants (consid. 6.4). En ce qui concerne le lien de filiation paternel, l’instance précédente a vu dans le contrat de maternité de substitution une reconnaissance des enfants par le père d’intention à l’étranger (art. 73 LDIP). En revanche, il n’est pas possible, de lege lata, d’admettre une « reconnaissance par la mère d’intention » (consid. 7.4). Selon le TF, il reviendra au législateur de régler, à l’avenir, la divergence entre parentalité génétique, biologique et sociale (consid. 8.7).

Reconnaissance et inscription d’une reconnaissance de filiation étrangère. La transcription d’un lien de filiation établi à l’étranger a lieu conformément à l’art. 32 LDIP. Afin de déterminer la validité de la reconnaissance de l’enfant effectuée à l’étranger, le droit applicable se détermine d’après l’art. 73 LDIP (consid. 3.1). L’examen des conditions de la reconnaissance lors de la transcription d’une décision étrangère dans le registre d’état civil n’a pas de valeur absolue. Une transcription ne fera pas obstacle à une action fondée sur l’art. 42 CC (rectification) s’agissant de la validité de la reconnaissance, pas plus qu’elle n’exclurait une action en constatation ou une action formatrice (consid. 3.3). L’art. 73 LDIP vise soit des déclarations privées soumises à des conditions de forme et authentifiées par des autorités étrangères, soit des déclarations unilatérales en dehors de tout procédure formelle (par exemple, un testament ; consid. 3.4.1). En vertu du droit brésilien, applicable en l’espèce, une reconnaissance de l’enfant valable formellement et matériellement a été effectuée au Brésil. La validité de la reconnaissance ne présuppose pas que l’auteur de la reconnaissance soit le père génétique de l’enfant. Il n’appartient pas non plus à l’autorité de transcription de se prononcer sur d’éventuels vices de la volonté au moment de la déclaration de reconnaissance (consid. 3.5 à 3.7). Selon le droit et la doctrine suisses, la reconnaissance intentionnelle par un individu qui n’est pas le père génétique de l’enfant est valable, sous réserve d’une action en contestation, d’un abus de droit ou d’une tentative de contourner la loi. En l’espèce, il s’est écoulé trois ans entre le moment de la reconnaissance et le moment où cette dernière a été contestée par le recourant. En outre, il n’existe pas de lien de filiation avec un autre homme que le recourant. Par conséquent, la reconnaissance de la reconnaissance de l’enfant effectuée au Brésil n’est pas contraire à l’ordre public suisse (consid. 8).

Notion de droit de garde ; exception au retour de l’enfant en cas de risque grave pour ce dernier. La notion de droit de garde doit être interprétée de manière large et autonome. La terminologie utilisée par le pays concerné n’est pas déterminante. Seul le contenu du droit l’est (consid. 4.1.2). L’exception au retour de l’enfant n’est admissible que face à des « dangers réels et atteignant un certain niveau ». Il n’est pas question de mise en balance des conditions de vie que chaque parent ou Etat est susceptible d’offrir. Des allégations portant sur la situation économique, politique ou sécuritaire de l’Etat ne sont pas suffisantes pour déclencher cette exception (consid. 5.2.4). Le parent ravisseur créant une situation intolérable pour l’enfant en refusant de le raccompagner, alors qu’il le pourrait, ne peut invoquer l’exception au retour sur cette base (consid. 5.3.2).

Déclaration de force exécutoire ; ordre public de l’Etat requis. La réserve de l’ordre public matériel (art. 45 ch. 1 cum art. 34 ch. 1 CL), qui doit être interprétée restrictivement, permet au juge de ne pas apporter la protection de la justice suisse à des situations qui heurtent de manière choquante les principes les plus essentiels de l’ordre juridique suisse (consid. 2.3). Le jugement étranger ne doit toutefois pas faire l’objet d’un examen matériel au fond (art. 45 ch. 2 CL). La décision doit être acceptée telle qu’elle a été rendue, tant en ce qui concerne sa formation que son résultat (consid. 2.4). En l’espèce, l’examen de l’étendue du pouvoir de représentation et de la bonne foi de l’organe d’une société équivaudrait à une révision au fond, expressément prohibée par la Convention de Lugano (consid. 4).

Reconnaissance d’une ordonnance de séquestre rendue par une juridiction étrangère. Une ordonnance concernant des mesures provisoires, notamment une ordonnance de séquestre, rendue par un juge d’un Etat partie à la Convention de Lugano ne peut pas être reconnue si elle a été prononcée sans que le droit d’être entendu ait été accordé à la partie adverse (ordonnances dites ex parte ou inaudita altera parte) (consid. 2.1).