Droit international privé

ATF 143 III 51 (f)

2016-2017

Art. 27 al. 1 LDIP

Refus de reconnaissance d’un certificat d’héritier égyptien excluant le conjoint survivant de la succession ; ordre public.

En l’espèce, le défunt de nationalité égyptienne et son épouse de nationalité allemande se sont mariés en Egypte en application du droit égyptien et de la Charia. Le droit musulman prévoit l’absence de succession entre un musulman et un non-musulman. Au décès du défunt, les tribunaux égyptiens ont constaté le décès et la dévolution de la succession légale aux frères et sœurs du défunt en exclusion du conjoint survivant. Le résultat qu’engendre le certificat d’héritier égyptien – en ne mentionnant pas le conjoint survivant – contrevient clairement au principe de l’interdiction de la discrimination en raison des convictions religieuses et viole donc l’ordre public matériel suisse (consid. 3.3.5).

Art. 25 à 27 LDIP

Refus de reconnaissance d’un jugement de divorce libanais ; rectification du registre de l’état civil suisse ; ordre public.

En l’espèce, l’intimée a reçu son assignation à comparaître devant les autorités libanaises le 20 janvier 2014 pour une audience fixée le 27 janvier 2014 ; elle n’a été informée de l’objet de sa comparution que le jour de l’audience. Dans la mesure où le délai d’assignation doit être suffisant afin de permettre au défendeur de consulter un avocat et de préparer sa défense, il ne peut pas être admis que l’intimée a pu faire valoir ses moyens dans un délai utile, et ce même si elle a comparu à l’audience. La reconnaissance du jugement libanais se heurte donc à l’ordre public formel suisse (consid. 3.2).

Art. 27 ss aCL ; 34 s. CL ; 347 CPC

Reconnaissance d’un acte authentique étranger ; ordre public.

Seul un motif fondé sur l’ordre public est invocable dans une procédure de mainlevée afin de s’opposer à la reconnaissance d’un acte authentique étranger. Les art. 347 ss CPC, consacrés à l’exécution des titres authentiques, ont été introduits pour pallier le risque que les actes authentiques suisses ne soient pas reconnus à l’étranger. L’art. 347 CPC ne fait pas partie de l’ordre public matériel suisse et ne peut, par conséquent, pas constituer un motif de refus de reconnaissance.

Art. 27 al. 2 let. a LDIP

Reconnaissance ; ordre public.

L’intimée ne peut pas se prévaloir de la violation de l’ordre public formel suisse si elle n’a pas réagi volontairement à un acte introductif d’instance qui nécessitait une confirmation de réception. L’intimée ne peut pas nier avoir été au courant de la procédure ouverte contre elle et dans laquelle elle a eu la possibilité de préparer sa défense, même si le délai pour le dépôt d’un mémoire de réponse et la date de comparution n’avaient pas encore été fixés. Le résultat serait le même si l’intimée avait appris par cas fortuit ou de toute autre manière l’existence d’une procédure ouverte à son encontre, pour autant qu’elle ait eu le temps d’organiser sa défense (consid. 5.2).

Art. 44, 45 al. 2 LDIP ; 74a 1 OEC

Recours contre le refus de délivrance d’un certificat de capacité matrimoniale dans le but de célébrer un mariage à Tunis.

L’application de l’art. 74a al. 1 OEC à un projet de mariage à l’étranger, indépendamment d’une procédure de reconnaissance, peut être un instrument préventif destiné à faire obstacle à une union lorsque les partenaires ont l’intention de s’établir en Suisse après la célébration. Le droit suisse intervient ainsi en tant que « rattachement anticipé au domicile imminent ».

Art. 59 LDIP ; CLaH70

Divorce ; compétence.

Un divorce religieux obtenu en Suisse sans qu’il ne puisse être prouvé qu’une partie de la procédure rabbinique se serait déroulée à l’étranger ne peut pas être qualifié de décision étrangère. Il ne peut donc pas être reconnu en Suisse et ne peut pas être inscrit au registre suisse de l’état civil.

CLaH2000

Protection des adultes ; compétence internationale.

Le principe de perpetuatio fori s’applique lorsqu’un adulte, pour qui une procédure de mesures protectrices a déjà été ouverte en Suisse, déménage dans un Etat ne faisant pas partie de la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes.

Art. 32 LDIP ; OEC

Changement de sexe ; inscription au registre de l’état civil.

De manière générale, la reconnaissance suppose l’existence d’une décision qui peut être attribuée à une autorité juridictionnelle jouissant d’un pouvoir inhérent à l’exercice de la souveraineté d’un Etat étranger. Or, la Suisse n’accepte pas que les représentants diplomatiques ou consulaires étrangers exercent, en Suisse, des fonctions d’état civil. En conséquence, la retranscription dans les registres de l’Etat civil suisse du changement de sexe découlant d’un décret du Consul général d’Espagne à Genève a été refusée. Faute de reconnaissance, l’intéressée – Suissesse domiciliée en Suisse – conserve le droit de faire constater son nouveau sexe par la voie d’une action judiciaire ouverte devant les tribunaux suisses (consid. 5.3).

Art. 129 LDIP

Protection de la personnalité ; critères de rattachement.

Une atteinte à la personnalité commise par le biais d’Internet entraîne une localisation du dommage multiple car elle se concrétise dans tous les lieux où les informations sont disponibles. Afin d’admettre un for dans l’un de ces lieux – en l’espèce en Suisse – l’exigence d’un lien de rattachement supplémentaire est nécessaire. Un tel lien est admis lorsque le lésé a son domicile ou sa résidence habituelle au lieu du for. En outre, un lien de rattachement supplémentaire peut résulter de la notoriété d’une personne. La notoriété – en tant que lien de rattachement – dépend alors du lien qu’entretient ladite personne avec le for lui‑même. En l’espèce, le lien avec la Suisse n’est pas suffisant lorsque le lésé est en possession d’une autorisation de séjour et d’une adresse en Suisse, et que des membres de sa famille y résident, alors que ses intérêts professionnels sont clairement localisés dans un autre Etat (consid. 5.1 et 7.3).

Art. 118 LDIP ; 3 CLaH55

Vente aux enchères en ligne ; droit applicable.

L’art. 3 al. 3 CLaH55 ne peut pas s’appliquer lorsque la vente aux enchères s’effectue par le biais d’Internet. Dans ce cas, il n’est pas possible de déterminer le lieu concret où la vente a lieu. Il faut donc appliquer l’art. 3 al. 1 CLaH55 et déterminer le droit applicable en fonction du lieu où le vendeur a sa résidence habituelle (consid. 2.4).

Art. 87 al. 1 LDIP

Ouverture de la succession ; compétence.

Pour se prévaloir de l’art. 87 al. 1 LDIP, il est nécessaire de démontrer que les autorités étrangères du dernier domicile du de cujus sont restées inactives malgré des démarches formelles. Une simple demande d’informations concernant la succession ne constitue pas une démarche formelle. A contrario, une requête tendant à la délivrance d’un certificat d’héritier ou à l’établissement d’un inventaire est une démarche propre à établir l’inaction des autorités étrangères. L’inaction peut également être motivée par des considérations de nature juridique. Tel est le cas lorsque, en vertu de leurs propres règles de droit international privé, les autorités étrangères concernées ne sont compétentes que pour des biens situés sur leur territoire, alors que des biens sont situés hors de celui-ci (consid. 3.2 et 3.3).

Art. 13 al. 2 CLaH80 ; 13 al. 1 LF-EEA

Enlèvement ; refus de l’enfant.

A l’occasion d’un premier arrêt rendu le 12 août 2016 par le TF, le retour de l’enfant déplacé illicitement d’Espagne en Suisse avait été ordonné. Quelques jours après le prononcé du jugement, l’enfant en question, âgé de 10 ans, a rédigé une lettre dans laquelle il exprimait son refus de retourner en Espagne. Suite à une action du père tendant à faire exécuter le jugement, la mère a demandé à ce qu’il soit renoncé au retour de l’enfant au regard de ces nouvelles circonstances. En l’absence d’éléments suffisants pour juger de la maturité de l’enfant à prendre une telle décision – maturité qui, quand bien même elle a fait l’objet d’une expertise, a pu évoluer au cours des mois qui se sont écoulés – la cause a été renvoyée au tribunal cantonal.

Art. 12 al. 2, 13 CLaH80

Exceptions au retour de l’enfant suite à un déplacement illicite.

La validité du consentement au déplacement de l’enfant, donné par le parent ayant la garde, s’apprécie au regard de l’intégralité du texte contenant l’éventuel consentement. Ce dernier doit être établi sans équivoque (consid. 4.2.2). Tous les éléments justifiant et excluant le retour de l’enfant doivent être examinés. Le juge cantonal ayant admis que les art. 12 al. 2 et 13 al. 1 let. a CLaH80 s’appliquaient, il n’a pas examiné les autres exceptions prévues par la CLaH80. L’admission du recours s’agissant des griefs relatifs aux articles susmentionnés entraîne la nécessité d’examiner la réalisation des exceptions non analysées (consid. 7.2.2).

CLaH96

Protection des enfants ; compétence internationale.

Le principe de perpetuatio fori ne s’applique pas dans le cas où un changement de résidence de l’enfant a été autorisé sans effet suspensif par un tribunal et que le déménagement dans un autre Etat contractant de la CLaH96 a lieu avant le dépôt d’un recours contre cette décision. En vertu de la CLaH96, les autorités de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant sont donc compétentes en matière d’autorité parentale et de mesures protectrices relatives aux enfants.