Droit international privé

TF 5A_391/2021 (d)

2022-2023

žRefus d’inscrire la mention d’un troisième sexe ou la suppression de la mention du sexe intervenue à l’étranger dans le registre d’état civil suisse. L’art. 30bCC, entré en vigueur début 2022, permet à toute personne qui a la conviction intime et constante de ne pas appartenir au sexe inscrit dans le registre de l’état civil de déclarer à l’officier de l’état civil vouloir une modification de cette inscription (art. 30b al. 1 CC). Sur le plan international, l’art. 40a LDIP, lu conjointement avec les art. 39 s. LDIP, permet la reconnaissance en Suisse d’un changement de sexe intervenu à l’étranger si ce changement de sexe est valable dans l’Etat du domicile ou dans l’Etat national du requérant. La transcription du sexe dans les registres d’état civil lors d’un changement survenu à l’étranger a lieu conformément aux principes suisses sur la tenue des registres (art. 40a cum 40 LDIP). Le droit suisse pose le principe de la binarité (masculin et féminin) ; la renonciation à la mention du sexe à l’état civil suisse n’est pas possible de lege lata, tant au niveau interne qu’international. Il en va de même pour la transcription d’un troisième sexe reconnu à l’étranger. En l’espèce, la déclaration de suppression de la mention du sexe intervenue dans le registre d’état civil allemand, selon le droit allemand, ne peut pas être reconnue en Suisse.

ATF 149 III 71 (d)

2022-2023

Convention attributive de juridiction ; effet contraignant envers un tiers ; stipulation pour autrui parfaite (parental guarantee). L’art. 23 CL ne régit pas la question de savoir si et dans quelle mesure un tiers est lié par une convention attributive de juridiction. Il convient de se référer au droit national (lex causae) pour répondre à cette question. Le tiers bénéficiaire d’une stipulation pour autrui parfaite acquiert en principe le droit de créance tel que les parties au contrat l’ont déterminé. Celles-ci peuvent dès lors prévoir que le tiers ne peut faire valoir en justice la prétention en sa faveur qu’au for convenu dans le contrat (consid. 4).

TF 4A_310/2022 (f)

2022-2023

Clause d’élection de for ; for de la consorité. Les clauses d’élection de for contenues dans des conditions générales sont valables lorsque, dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi exprès est fait à ces conditions générales. Il n’est en revanche pas nécessaire que les parties aient effectivement pris connaissance des conditions générales intégrées au contrat (consid. 7.3.1). En l’espèce, la clause d’élection de for n’est pas insolite puisqu’elle prévoit deux fors exclusifs et alternatifs au domicile et au siège des parties, et qu’il n’était pas insolite non plus de limiter ces fors au territoire suisse, puisque le droit suisse est applicable au contrat (consid. 7.3.3). En application de l’art. 23 par. 1 CL, le for élu par les parties est présumé être exclusif et prime, par conséquent, toute autre compétence, notamment celle de la consorité. Il appartient à la partie qui conteste l’exclusivité du for élu d’alléguer et de prouver l’existence d’une disposition conventionnelle contraire des parties (consid. 7.4.1). En conclusion, en l’absence d’accord contraire des parties, une clause d’élection de for qui respecte les conditions de l’art. 23 par. 1 CL prime le for de la consorité de l’art. 8a LDIP.

Résidence habituelle des enfants ; reconnaissance du lien de filiation maternel en cas de gestation pour autrui. Ces deux arrêts traitent de l’établissement de la filiation des parents d’intention en cas de maternité de substitution, ainsi que de sa reconnaissance en Suisse, cette pratique étant interdite dans l’ordre juridique helvétique. Selon l’art. 68 LDIP, le principe mater semper certa est attribue la filiation maternelle à la femme ayant vécu la grossesse. Cela pose problème pour les enfants nés de gestation pour autrui, où la mère d’intention initie le processus et fournit les gamètes.

Le TF souligne que cette interdiction ne peut être contournée par des couples qui savaient que l’enfant serait reconnu ultérieurement en Suisse, car l’ordre public ne tolère pas cette fraude en raison des intérêts moraux, publics et de la dignité humaine. Dans ces deux arrêts, les enfants sont nés en Géorgie d’une mère porteuse, et le tribunal a examiné la filiation de ces enfants en Suisse, en tenant compte de la loi suisse. Le tribunal a clarifié que l’acte de naissance géorgien établit la naissance mais pas nécessairement la filiation, et a précisé la résidence habituelle des enfants à la naissance. La résidence habituelle de l’enfant détermine le droit applicable à l’établissement de la filiation et celle-ci est conditionnée par celle de ses parents, or dans les deux cas d’espèce, les parents avaient leur résidence habituelle en Suisse et prévoyaient de rentrer en Suisse, ce qui suppose que l’enfant a également sa résidence habituelle en Suisse et donc que le droit suisse s’applique. La filiation de la mère ne peut donc pas être reconnue.

ATF 149 III 81 (d)

2022-2023

Compétence en cas de déplacement illicite de l’enfant ; compétence et droit applicable en cas de litige international portant sur l’entretien. Lorsque le changement de résidence habituelle d’un enfant est intervenu de manière illicite, le transfert de compétence immédiat prévu par l’art. 5 al. 2 CLaH 96 est momentanément bloqué, selon les conditions de l’art. 7 al. 1 CLaH 96 ; la compétence des autorités suisses est alors maintenue (perpetuatio fori ; consid. 2.4.1). La procédure de mesures protectrices de l’union conjugale ne tombe pas dans le champ d’application de l’art. 10 CLaH 96. En effet, par « séparation de corps » au sens de cette disposition, on entend en droit suisse une procédure au sens des art. 117 ss CC et non pas les mesures judiciaires des art. 172 ss CC (consid. 2.4.3). En cas de déménagement du créancier d’aliments dans un Etat signataire de la Convention de Lugano, la perpetuatio fori s’applique au procès en entretien pendant en Suisse. En cas de litige portant sur l’entretien, le droit interne de la nouvelle résidence habituelle du créancier d’aliments s’applique en principe dès le déménagement hors de la Suisse (art. 4 CLaH 73 sur la loi applicable aux obligations alimentaires). Toutefois, la Suisse s’est réservé le droit d’appliquer son propre droit de l’entretien aux conditions de l’art. 15 CLaH 73 sur la loi applicable aux obligations alimentaires (consid. 3.1).

TF 5A_518/2022 (d)

2022-2023

žRappel de la jurisprudence concernant la notion de risque grave pour l’enfant comme motif pour empêcher le retour en cas d’enlèvement international. Le tribunal examine la possibilité de renvoyer les enfants en Serbie. Différents aspects sont évalués, y compris les risques financiers, médicaux et émotionnels liés au retour. Le tribunal considère que la situation financière du père, notamment sa dépendance au jeu, ainsi que ses problèmes médicaux ne constituent pas une menace grave pour les enfants. Le souhait de la mère de rester en Suisse n’est pas non plus déterminant car la décision de renvoi doit se concentrer sur l’intérêt des enfants eux-mêmes et non sur les préférences des parents. Le tribunal conclut que le retour en Serbie ne constituerait pas une menace grave pour les enfants (consid. 3.1).

TF 5A_635/2022 (d)

2022-2023

Rappel de la jurisprudence concernant la notion de risque grave pour l’enfant comme motif pour empêcher le retour en cas d’enlèvement international. Un père, demandeur d’asile et appartenant à une ethnie d’opposition en Turquie, a enlevé son fils qui vivait en Turquie avec son oncle après la séparation des parents. L’enfant, souffrant de problèmes médicaux et de développement, était attaché à son père. Malgré l’opposition de l’enfant au retour (consid. 3), le tribunal a jugé que le père avait de bonnes perspectives d’obtenir l’asile en Suisse et que le retour de l’enfant dans l’environnement familial de la mère et du frère en Turquie était envisageable (consid. 4). Bien que l’enfant ait été traumatisé par les événements et qu’une séparation de son père puisse causer des souffrances, le retour a été décidé, étant donné les conditions favorables pour son développement personnel avec la mère. Le tribunal a souligné la nécessité d’organiser le retour de manière appropriée compte tenu de la fragilité de la situation familiale, notamment en assurant un suivi médical (consid. 5).

TF 5A_760/2021 (f)

2022-2023

Reconnaissance de paternité sans lien biologique. Lorsqu’une reconnaissance de paternité, effectuée à l’étranger sans lien biologique établi, est présentée pour transcription en Suisse, la reconnaissance prévaut si une véritable relation socio-affective est établie, indépendamment de la biologie, en accord avec l’art. 8 CEDH et les principes de l’art. 73 al. 1 LDIP (consid. 5.2).

TF 5A_81/2022 (d)

2022-2023

žReconnaissance en Suisse d’un lien de filiation. Une « paternité alimentaire » (Zahlvaterschaft) fondée sur l’ancien droit allemand et qui, contrairement à ce que prévoit le droit transitoire suisse, a été transformée ipso iure en une paternité avec effets d’état civil à la suite d’une modification de la loi n’est pas contraire à l’ordre public suisse (consid. 3.7).

Reconnaissance d’un décret de faillite étranger ; juridiction gracieuse. La procédure de reconnaissance d’une décision de faillite étrangère en Suisse (art. 166 LDIP) ne relève pas de la juridiction gracieuse. L’exécution forcée conserve son caractère conflictuel même lorsqu’une seule partie est impliquée dans la procédure. Une décision de reconnaissance d’une décision de faillite étrangère ne peut donc pas être modifiée ou annulée sur la base de l’art. 256 al. 2 CPC (consid. 3.4).

ATF 149 III 34 (d)

2022-2023

Exequatur et séquestre ; succession non partagée ; for de poursuite du séquestre. Un séquestre peut être dirigé contre une succession non partagée si les biens du défunt situés en Suisse au moment du décès ont pu être séquestrés et qu’un for de poursuite (art. 52 LP) a ainsi pu être créé. Il n’est pas nécessaire que le séquestre ait déjà été exécuté du vivant du défunt pour que la succession indivise puisse être poursuivie sur la base de l’art. 49 LP. Une fois l’ordonnance de séquestre valablement rendue, le poursuivant bénéficie du for de la poursuite après séquestre au lieu de situation des biens (art. 52 LP) (consid. 3).