Droit international privé

Procédure pénale ; représentation d’une partie ; accès au dossier. L’art. 13 LDIP doit être interprété en ce sens que la désignation d’un droit étranger comprend toutes les dispositions de droit matériel étatique effectivement en vigueur au moment de l’application de la règle de conflit de lois et qui, d’après ce droit, sont applicables à la cause. Peu importe que l’Etat ou le régime étranger en question ait été reconnu ou non par la Suisse au regard du droit international public, pourvu que le droit soit effectivement appliqué par une autorité jouissant d’un pouvoir inhérent à l’exercice de la souveraineté (consid. 8.4).

Examen de la notion d’authenticité d’une décision. La partie qui demande la reconnaissance d’une décision ou la délivrance d’une déclaration constatant sa force exécutoire doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité. Le critère de l’authenticité est rempli aussi bien par la production de l’original de la décision, que par une copie de celle-ci établie et certifiée par la juridiction de l’Etat d’origine de la décision. Une copie certifiée de la décision est propre à remplir la preuve de l’authenticité lorsque les juridictions de l’Etat de la reconnaissance et de l’exécution n’ont pas de doutes quant à la validité des documents qui leur sont soumis (consid. 2.1).

Compétence des autorités suisses en matière successorale ; dernier domicile du de cujus. Une personne physique a son domicile dans l’Etat dans lequel elle réside (élément objectif) avec l’intention de s’y établir (élément subjectif), intention qui se détermine sur la base de circonstances objectives reconnaissables pour les tiers. En l’espèce, plusieurs indices ont permis à l’autorité cantonale – sans violation du droit – d’établir l’intention du de cujus de s’établir en France. Il n’est tout d’abord pas démontré que les autorités françaises ne s’occuperaient pas de la succession. Le fiduciaire suisse du de cujus n’a établi de déclarations fiscales que pour ses actifs immobiliers en Suisse, mais jamais pour l’ensemble de son patrimoine, indice que le défunt ne se considérait pas comme étant domicilié en Suisse. Le de cujus a certes été soigné en Suisse, mais il l’était d’une manière régulière en France plusieurs années avant son décès. Finalement, le de cujus n’était plus au bénéfice d’une assurance maladie suisse, indice qu’il n’entendait pas demeurer en Suisse.

Administration d’office de la succession (art. 554 CC) ; caractère international de la succession. L’administration d’office de la succession tombe sous le coup de l’art. 89 LDIP puisqu’elle vise un but de gestion conservatoire du patrimoine du défunt dans son état et sa valeur et elle n’est pas limitée aux biens dont l’administrateur peut immédiatement prendre possession (lequel peut agir contre ceux qui possèdent les biens successoraux sans droit) (consid. 4.2). Un certificat d’héritier belge qui ne statue pas définitivement sur la qualité d’héritier et qui n’a pas été établi par le pays du dernier domicile du défunt ne peut pas être reconnu en Suisse sur la base de l’art. 96 al. 1 LDIP (consid. 4.1).

Compétence ratione loci des autorités suisses. Lorsqu’un Etat (en l’espèce, l’Algérie) n’a ratifié ni la CLaH 61, ni la CLaH 96, cette dernière est applicable « en tant que droit national ». La compétence des autorités suisses perdure tant qu’une demande de retour n’a pas été déposée par le parent lésé dans le délai d’une année dès qu’il a connu le lieu où les enfants sont retenus. Une demande de retour doit être qualifiée de manière fonctionnelle, c’est-à-dire d’après la nature de la procédure dans laquelle la demande s’inscrit. En cas de déplacement d’un enfant à l’étranger, le dépôt d’une action en modification du jugement de divorce, concluant à ce que l’autorité parentale ainsi que la garde et l’entretien des enfants soient exclusivement attribués à l’un des parents, doit être assimilé à une demande de retour au sens de l’art. 7 al. 1 lit. b CLaH 96.

Reconnaissance d’un jugement russe sur l’annulation d’une adoption. Le jugement russe concernant la dissolution du lien juridique entre un parent et un enfant adopté contre la volonté du parent ne viole pas l’ordre public matériel suisse (art. 27 al. 1 LDIP), même si telle annulation n’existe pas en droit suisse. La contrariété à l’ordre public suisse, qui est examinée de manière restrictive, implique que la reconnaissance du jugement étranger soit insupportable par rapport au sentiment suisse du droit. La cause a été renvoyée à l’instance inférieure qui devra analyser la conformité du jugement russe avec l’ordre public formel, question qui avait été laissée ouverte (consid. 3.4 et 3.5).

Reconnaissance d’une décision de kafala. L’art. 23 al. 2 CLaH 96 énumère les situations dans lesquelles la reconnaissance des mesures prises par les autorités d’un Etat contractant peut être refusée. Tel est notamment le cas si la procédure de notification prévue à l’art. 33 CLaH 96 n’a pas été respectée. En l’espèce, dans la mesure où les autorités marocaines n’ont pas suivi la procédure prévue à l’art. 33 CLaH 96, et n’ont, en particulier, pas consulté l’autorité compétente suisse ni fourni à celle-ci un rapport sur la situation des enfants, ni même requis l’approbation des autorités suisses, l’autorité cantonale était en droit de refuser de reconnaître les décisions de kafala litigieuses, ceci afin de respecter l’esprit et le but de la Convention, notamment l’intérêt supérieur de l’enfant (consid. 5).

Requête en retour d’un enfant (déplacement illicite CLaH 80). La CLaH 80 ne régit pas le droit applicable à la procédure prévue par cette convention. Cette dernière a uniquement pour objet d’examiner les conditions auxquelles est subordonné le retour de l’enfant, de façon à permettre une décision future sur l’attribution de la garde par le juge du fond dans l’Etat requis (art. 12 CLaH 80). A défaut de réglementation dans la CLaH 80 et dans la LDIP concernant le droit applicable dans l’Etat requis à la procédure en matière d’enlèvement international d’enfant, les autorités judiciaires suisses saisies appliquent le droit de procédure suisse (consid. 4.3.1). La maxime inquisitoire illimitée est applicable lorsque le juge est saisi de questions relatives aux enfants dans les affaires du droit de la famille (art. 296 al. 1 CPC). En vertu de ce principe, le juge a l’obligation d’établir d’office l’ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d’administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires à établir les faits pertinents pour rendre une décision conforme à l’intérêt de l’enfant (consid. 4.3.2). L’instance inférieure a à juste titre refusé le retour de l’enfant au Royaume-Uni, sur la base de l’art. 13 al. 1 let. b CLaH 80, estimant que le placement de la fillette auprès de sa mère ne serait pas dans son intérêt au sens de l’art. 5 let. a LF‑EEA (consid. 5.2).

Mesures provisionnelles (divorce, compétence internationale). Dans le cadre d’une procédure visant l’obtention d’une contribution d’entretien à laquelle le droit iranien doit être appliqué, le TF rappelle que le principe d’intangibilité du minimum vital ne fait pas partie de l’ordre public suisse et cela même s’agissant, en cas d’application du droit étranger, de l’ordre public atténué de la reconnaissance. En l’espèce, afin de demander le respect du minimum vital prévu en droit suisse, l’intimé s’est contenté de produire une statistique générale sur le coût de la vie à Oxford, où il est domicilié, en ne produisant aucune justification pour ses dépenses effectives (consid. 6.1). En fait, même en cas de mesures provisionnelles de divorce où la maxime inquisitoire dite sociale ou limitée est applicable (art. 272 CPC) comme dans le cas d’espèce, les parties doivent collaborer et indiquer les moyens de preuve disponibles (consid. 6.2).

Opposition au séquestre ; Convention de Lugano et séquestre ; reconnaissance et exequatur d’un jugement de la High Court of Justice of England and Wales de 2019 invoqué comme titre de mainlevée définitive dans le cadre d’une procédure de séquestre. La Convention de Lugano s’applique conformément au régime transitoire. Le juge suisse doit statuer sur la constatation de la force exécutoire du jugement étranger invoqué comme titre de mainlevée définitive soit par une ordonnance distincte, soit directement dans le dispositif de l’ordonnance de séquestre lorsque la Convention de Lugano s’applique (art. 271 al. 3 LP). Le caractère exécutoire de la décision « Lugano » fondant la requête de séquestre ne peut être examiné que dans le recours prévu à l’art. 327a CPC, disposition mettant en œuvre l’art. 43 CL. Parallèlement, une procédure d’opposition au séquestre prononcé à titre de mesure conservatoire (art. 47 par. 2 CL cum art. 271 al. 1 ch. 6 LP) permet d’imposer, cas échéant, des objections spécifiques au séquestre.