Droit international privé

Art. 25 ss, 27 al. 1 et 32 al. 2 LDIP ; 119 al. 2 let. d Cst.

Reconnaissance et inscription de certificats de naissance de jumeaux nés à l’étranger d’une gestation pour autrui dans le registre de l’état civil ; ordre public.

Les parents avec lesquels les enfants nés par gestation pour autrui n’ont pas de liens génétiques ne peuvent pas être inscrits en qualité de parents dans le registre d’état civil suisse. Le recours à la gestation pour autrui est interdit en Suisse. Ce principe est ancré dans la Constitution fédérale (art. 119 al. 2 let. d Cst.) et fait partie du noyau dur de l’ordre public suisse. La reconnaissance et l’inscription de certificats de naissance californiens attestant de liens de filiation à l’égard de parents avec lesquels l’enfant n’a pas de liens génétiques sont contraires à l’ordre public matériel suisse au sens de l’art. 27 al. 1 LDIP.

Art. 12 al. 1 let. b CLaH 70

Entraide judiciaire en matière civile ; obtention de preuves à l’étranger par commission rogatoire ; requête d’une autorité judiciaire espagnole tendant à la production par une banque suisse de documents protégés par le secret bancaire.

L’atteinte à la souveraineté ou à la sécurité de l’Etat requis, au sens de l’art. 12 al. 1 let. b de la Convention de la Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale (CLaH 70), doit être interprétée de manière étroite ; elle se détermine sur la base des principes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Etat requis. Il y a atteinte à la souveraineté ou à la sécurité de la Suisse lorsque l’exécution de la commission rogatoire porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes concernées, respectivement aux principes fondamentaux du droit de procédure civile suisse, tels qu’en l’espèce le droit d’être entendu. La requête d’entraide doit être refusée lorsqu’un tiers touché par la mesure d’entraide – en l’occurrence le titulaire formel du compte bancaire en Suisse – n’a pas eu l’occasion de s’exprimer dans le procès au fond à l’étranger (cons. 3.2).

Art. 27 al. 2 let. a, 29 al. 1 let. c LDIP ; 10 let. a CLaH 65

Reconnaissance d’un jugement étasunien ; citation irrégulière ; jugement par défaut.

La citation régulière au sens de l’art. 27 al. 2 let. a LDIP vise la notification de l’acte introductif d’instance par lequel le défendeur est invité à procéder devant le tribunal par une première manifestation en tant que partie, que ce soit sous la forme du dépôt d’un mémoire (de réponse), d’une comparution lors d’une audience, d’une élection de domicile ou d’une autre manière lui permettant de prendre part à la suite du procès. La régularité de la notification de l’acte introductif d’instance s’examine au regard des règles applicables dans l’Etat de domicile du destinataire (subsidiairement de sa résidence habituelle) ou, lorsque celui-ci est domicilié ou établi en Suisse et que l’Etat d’origine est partie à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (CLaH 65), au regard des règles de cette convention. En cas de jugement rendu par défaut, il appartient au demandeur à la reconnaissance de prouver – par la production d’un exemplaire de l’acte introductif d’instance, ainsi que de l’attestation de notification de l’autorité compétente du domicile du défendeur défaillant – que l’acte introductif d’instance a été notifié régulièrement et en temps utile au défendeur défaillant. En l’absence de ces titres, la reconnaissance doit être refusée (cons. 3).

Art. 27 al. 2 let. a et 29 al. 1 let. c LDIP

Reconnaissance d’un jugement caïmanais ; citation irrégulière.

La citation régulière au sens de l’art. 27 al. 2 let. a LDIP vise la notification de l’acte introductif d’instance par lequel le défendeur est invité à procéder devant le tribunal par une première manifestation en tant que partie, que ce soit sous la forme du dépôt d’un mémoire, d’une comparution lors d’une audience, d’une élection de domicile ou d’une autre manière lui permettant de prendre part à la suite du procès. La régularité de la notification de l’acte introductif d’instance s’examine au regard des règles applicables dans l’Etat de domicile du destinataire (subsidiairement de sa résidence habituelle) ou, lorsque celui-ci est domicilié ou établi en Suisse et que l’Etat d’origine est partie à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (CLaH 65), au regard des règles de cette convention. Une acceptation tacite de compétence ne peut être opposée au défendeur que s’il ne s’est pas réservé le droit de soulever l’irrégularité de l’acte introductif d’instance, au stade ultérieur de l’exécution. En cas de jugement rendu par défaut, il appartient au demandeur à la reconnaissance de prouver – par la production d’un exemplaire de l’acte introductif d’instance, ainsi que de l’attestation de notification de l’autorité compétente du domicile du défendeur défaillant – que l’acte introductif d’instance a été notifié régulièrement et en temps utile au défendeur défaillant. En l’absence de ces titres, la reconnaissance doit être refusée (cons. 3.3).

Art. 34, 35, 44 et 46 CL

Demande de suspension de la procédure ; motif de refus de reconnaissance.

L’art. 44 CL vise uniquement les recours sur le fond en lien avec la reconnaissance et l’exequatur. Il n’est pas possible de recourir contre le rejet d’une demande de suspension fondée sur l’art. 46 CL, qui n’est qu’une décision incidente. Il revient à celui qui se prévaut de motifs de refus énoncés aux art. 34 et 35 CL de prouver avec précision et clarté que les conditions de refus de reconnaissance sont remplies. Ces conditions sont examinées de manière restrictive, les motifs de refus n’étant acceptés que de manière exceptionnelle.

Art. 2 par. 2 CNY

Reconnaissance d’une sentence arbitrale dans le cadre d’une procédure de mainlevée ; abus de droit.

Une convention d’arbitrage signée par un courtier, mais non par les parties, ne respecte pas la forme de l’art. 2 par. 2 de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (CNY). Cependant, fait preuve d’abus de droit la partie qui exerce son droit de s’opposer à l’exequatur de la sentence arbitrale – par le motif qu’il n’existerait pas de convention d’arbitrage entres les parties, ou de convention formellement valable, au sens de l’art. 2 par. 2 CNY, lorsqu’elle n’a à aucun moment durant la procédure arbitrale contesté l’existence d’une convention d’arbitrage et a, de surcroît, allégué elle-même l’existence et le contenu de cette convention en déclarant qu’elle liait les parties.

Art. 46 ch. 1, 47 ch. 2 et 48 ch. 1 aCL

Refus de reconnaissance et d’exequatur d’une décision étrangère lorsque la requête y relative n’est pas assortie de l’original de la décision.

L’autorité compétente de l’Etat d’origine de la décision dont la reconnaissance – et l’exequatur – est requise est compétente pour attester que l’expédition de la décision réunit les conditions nécessaires à son authenticité. C’est la loi de l’Etat d’origine qui règle les conditions de validité de l’expédition. Bien que l’art. 48 ch. 1 aCL permette à l’autorité de l’Etat requis d’impartir un délai pour produire ou accepter des documents équivalents, voire en dispenser, cette disposition ne se réfère qu’aux documents mentionnés aux art. 46 ch. 2 et 47 ch. 2 aCL, et non pas à l’art. 46 ch. 1 aCL, de sorte que la requête doit être déclarée irrecevable lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’une expédition régulière de la décision étrangère. En l’espèce, la décision française n’a pas été produite en original, mais en copie certifiée conforme par un notaire genevois, sans que ne soit démontré que le droit français place celle-ci sur un pied d’égalité avec celle-là. Le requérant conserve la possibilité de former une nouvelle requête munie des documents réguliers (cons. 3).

ATF 142 III 56 (f)

2015-2016

Art. 85 al. 1 et 3 LDIP ; CLaH 96

Modification d’un jugement de divorce.

A défaut d’application – à titre de droit international – de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH 96), cette convention s’applique par renvoi de l’art. 85 al. 1 LDIP – en tant que droit national – même si la Tunisie ne l’a pas ratifiée. En l’espèce, aucune disposition de la CLaH 96 ne permet de retenir une compétence des tribunaux suisses. Ni la CLaH 96 ni la LDIP n’autorisent une élection de for concernant les questions de la garde et de l’autorité parentale. L’art. 85 al. 3 LDIP prévoit une compétence subsidiaire, comparable au for de nécessité, permettant aux autorités suisses du lieu d’origine de prendre des mesures protectrices à l’égard d’enfants domiciliés à l’étranger lorsque les autorités de l’Etat étranger de leur résidence habituelle – en principe non contractant de la CLaH 96 – n’en envisagent pas.

Art. 33 al. 2, 133 al. 1 et 154 LDIP

Violation de la personnalité par omission ; responsabilité d’un organe de la société ; rattachement spécial.

La question de savoir si le conseil de surveillance d’une société lettone aurait pu et dû, conformément aux règles juridiques, intervenir pour empêcher une violation de la personnalité – en l’occurrence en contredisant des déclarations portant prétendument atteinte à la personnalité émanant de ladite société – doit être examinée selon le statut corporatif de la société concernée (art. 154 LDIP). En effet, les devoirs de l’organe sont déterminés par le droit régissant la société (art. 155 let. e LDIP) (cons. 5.4).

Art. 15 par. 1 let. c CL

Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs ; analyse des conditions de l’art. 15 par. 1 let. c CL.

L’art. 15 par. 1 let. c CL vise tout contrat qui est étranger à l’activité professionnelle de l’un des cocontractants – appelé le consommateur – et qui entre au contraire dans le cadre des activités commerciales ou professionnelles de l’autre cocontractant. L’objet de la relation contractuelle est sans importance. En outre, l’autre cocontractant doit exercer les activités commerciales ou professionnelles en cause dans l’Etat dans lequel le consommateur a son domicile, ou les exercer ailleurs tout en les « dirigeant » vers cet Etat. Ainsi, lorsqu’un consommateur s’adresse de sa propre initiative à un fournisseur à l’étranger, sans y avoir été incité par une offre ou une publicité dans son propre pays, il est censé accepter le risque d’un procès à l’étranger, de sorte qu’aucun besoin de protection particulier ne lui est reconnu. L’application de l’art. 15 par. 1 let. c CL ne résulte de l’existence, dans l’Etat dans lequel le consommateur a son domicile, de sociétés affiliées ou d’établissements du cocontractant exerçant des activités commerciales ou professionnelles que lorsqu’ils ont contribué, d’une quelconque manière, à la formation de la relation contractuelle. Les activités du cocontractant sont « dirigées » vers un autre pays lorsque, par un effort conscient et approprié à ce but, il cherche à entrer ou à se maintenir – au moyen de publicité ou de prospection – sur le marché de ce pays (cons. 3).

Art. 150 LDIP ; 5 par. 1 et 22 par. 2 CL

Société simple de concubins ; compétence internationale.

Les rapports purement obligationnels entre les époux, qui n’ont aucun rapport avec le mariage et qui reposent sur le droit des obligations ou les droits réels, sont soumis à la CL. Ainsi, des contrats de société entre époux, qui pourraient être passés par des tiers – comme une société simple du droit suisse – tombent dans le champ d’application de la CL. La notion de société n’est pas définie par la CL ; elle doit être interprétée de manière autonome. La société au sens de l’art. 22 par. 2 CL doit disposer d’une organisation suffisante, correspondant – en application des règles de droit international privé suisse – à ce qui est exigé par l’art. 150 al. 1 LDIP. Elle doit notamment avoir un siège. La société simple des concubins ne répond pas à ce critère, de sorte que la compétence des autorités ne peut pas être fondée sur l’art. 22 par. 2 CL.

En revanche, la compétence peut être fondée sur l’art. 5 par. 1 let. a CL. Cette disposition ne règle pas seulement la compétence internationale, mais aussi la compétence locale ; s’agissant d’une règle de compétence spéciale, elle doit être interprétée restrictivement. L’art. 5 par. 1 CL a pour but de remplir deux objectifs de la CL, l’un de proximité et l’autre de prévisibilité. L’art. 5 par. 1 CL doit donc être interprété de façon à permettre au demandeur de connaître les fors qu’il a à sa disposition et au défendeur de prévoir de manière raisonnable devant quelles juridictions, autres que celles de l’Etat de son domicile, il pourrait être attrait. Lorsque « l’obligation qui sert de base à la demande », au sens de l’art. 5 par. 1 let. a CL, est la liquidation de la société simple des concubins et le montant qui doit être payé à l’associé demandeur, elle est soumise à la loi (lex causae) désignée par les art. 116 ss LDIP, comme le prévoit l’art. 150 al. 2 LDIP, dès lors que la société simple n’est pas une entité organisée au sens de l’art. 150 al. 1 LDIP.

ATF 142 III 1 (d)

2015-2016

Art. 85 al. 1 LDIP ; 5 al. 2 CLaH 96

Enlèvement d’enfant au Qatar.

Au regard de l’art. 5 al. 2 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH 96), la convention ne prévoit en principe pas de perpetuatio fori. Toutefois, comme cet article n’est pas applicable aux relations avec les Etats non contractants, le principe de perpetuatio fori est applicable en cas de changement de la résidence habituelle de l’enfant, en cours de procédure, dans un autre Etat non contractant. Ainsi, les autorités suisses désignées demeurent compétentes pour ordonner les mesures de protection de l’enfant lorsque, en cours de procédure, la résidence habituelle de celui-ci a été déplacée au Qatar (cons. 2.1).

Art. 5, 7 al. 1, 13 CLaH 96

Déplacement licite d’un enfant en Allemagne.

Le déplacement d’un enfant en Allemagne par son père ayant obtenu le droit de garde en vertu d’une décision exécutoire immédiatement – puisque l’effet suspensif au recours a été retiré – ne constitue pas un enlèvement d’enfant. Ce déplacement de l’enfant dans un Etat contractant n’étant pas illicite, il n’y a pas de perpetuatio fori selon l’art. 7 al. 1 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH 96). L’art. 13 CLaH 96, qui est une règle de coordination régissant les conflits de compétences, ne s’applique pas quand la compétence ordinaire s’est modifiée par la suite d’un changement de la résidence habituelle de l’enfant au sens de l’art. 5 CLaH 96.