Droit des personnes

Art. 32 LDIP

Reconnaissance d’un décret consulaire autorisant un changement de sexe. Le changement de sexe prononcé par le consul d’un Etat étranger ne peut être transcrit dans les registres de l’état civil suisse. En effet, cette inscription suppose que la personne a fait constater le nouveau sexe par la voie de l’action judiciaire. Or, comme la Suisse n’accepte pas que des représentants diplomatiques ou consulaires étrangers exercent des fonctions d’état civil ou des actes juridictionnels réservés aux tribunaux civils ordinaires, la décision rendue par le Consul général d’Espagne ne peut être reconnue (consid. 5.3).

Art. 256c al. 3 CC

Restitution du délai de l’action en désaveu de paternité. La restitution de délai pour justes motifs prévue par l’article 256c al. 3 CC n’ouvre pas un nouveau délai d’une année, mais impose le dépôt d’une action aussi rapidement que possible, en principe dans le mois qui suit la découverte du juste motif (confirmation de la jurisprudence). Un droit d’accès aux renseignements concernés suffit à garantir le droit de connaître son ascendance.

GRA Stiftung Gegen Rassismus und Antisemitismus c. Suisse.

La Fondation contre le racisme et l’antisémitisme, qui avait qualifié, dans le contexte du référendum sur l’interdiction des minarets, les propos d’un jeune politicien de l’Union démocratique du centre de « racisme verbal » a été condamnée pour violation des droits de la personnalité dudit politicien par le Tribunal fédéral. La CourEDH juge que dans le contexte du débat suscité par le référendum, et notamment des autres critiques formulées concernant le référendum lui-même par des organismes de défense des droits de l’homme, l’utilisation par l’organisation des mots « racisme verbal » n’était pas dénuée de fondement factuel. La sanction imposée à l’organisation aurait aussi pu produire un effet dissuasif sur la liberté d’expression de celle-ci, de sorte qu’il y a eu une violation de l’art. 10 CEDH (liberté d’expression).

Art. 80 ss CC

Nomination du conseil de fondation. Le droit de choisir le conseil de fondation de la SKKG (Stiftung für Kunst, Kultur und Geschichte) revient en priorité aux descendants du fondateur. Cette décision est conforme aux dispositions de l’acte de fondation de la SKKG datant des années 1980 qui, en cas d’incapacité du fondateur, conféraient à ses descendants le droit de nommer le conseil de fondation. En l’espèce, le fondateur n’était plus en mesure de porter un jugement sur la nomination du conseil d’administration (consid. 5 et 6).

Art. 28 et 28a al. 1 ch. 3 CC

Violation des droits de la personnalité. La campagne médiatique du groupe Tamedia et du journal 20 Minuten lors de l’affaire Carl Hirschmann, millionnaire zurichois arrêté pour délits sexuels, a constitué une ingérence excessive dans la sphère privée de l’intéressé et une atteinte illégale à ses droits de la personnalité, qui ne se justifiait pas par un intérêt public prépondérant à l’information. Les médias ont couvert l’affaire de manière très intense durant une année, en dévoilant des informations qui n’avaient aucun lien avec la procédure pénale et qui ridiculisaient l’intéressé auprès du lecteur moyen. Ils ne peuvent donc pas se prévaloir d’un besoin sérieux d’informer la population (consid. 6).

Art. 27 al. 2 CC

Engagement excessif dans une convention d’actionnaires. Le recours à l’art. 27 al. 2 CC n’amène pas à exercer une résiliation extraordinaire du contrat, mais à refuser l’exécution du contrat. Le juge n’en tient pas compte d’office, sauf si le noyau de la personnalité est touché. Il y a lieu d’examiner les circonstances non pas au moment de la conclusion du contrat, mais au moment où l’exception est soulevée (consid. 4). En l’espèce, la convention d’actionnaires restreint excessivement la faculté de l’actionnaire d’organiser sa succession trente ans après sa conclusion (consid. 5).

ATF 144 III 1 (d)

2017-2018

Art. 28, 252 et 256 CC ; 8 CEDH

Violation des droits de la personnalité (paternité). L’enfant dispose d’une action en recherche de ses origines, fondée sur le droit des personnes. Dans le cas d’espèce, le demandeur, qui se prétend le père de l’enfant, entend se voir reconnaître une prétention de même nature, fondée sur ses droits de la personnalité (art. 28 CC). Dans la mesure où la loi exclut clairement le père génétique du cercle des demandeurs à l’action en désaveu, celui-ci ne saurait faire valoir une atteinte à sa personnalité au sens de l’art. 28 CC. Le fait que le mari de la mère n’agit pas en désaveu ne porte pas non plus atteinte à la personnalité du père biologique. Le mari de la mère est libre dans sa décision. A l’inverse, on porterait atteinte à la personnalité du mari si sa liberté devait être restreinte (consid. 4.4.2). Le droit à la connaissance de sa descendance ne présente pas la même intensité (s’agissant des droits de la personnalité mis en jeu) que celui de l’enfant à la connaissance de ses origines. Pour celui-ci, il en va des circonstances mêmes de sa conception, de la naissance de sa propre personne et donc du cœur même de son identité ; s’agissant de la connaissance des descendants, les intérêts en jeu portent davantage sur la transmission de ses gènes que sur le devenir de sa propre personne (consid. 4.4.3).

A.R. et L.R. c. Suisse.

Droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) et droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 9 CEDH). La Cour considère que l’éducation sexuelle scolaire, telle qu’elle est pratiquée dans le canton de Bâle-Ville, poursuit des buts légitimes, soit la prévention de la violence et de l’exploitation sexuelle et la préparation des enfants aux réalités sociales, et que les autorités suisses ont respecté la marge d’appréciation qui leur est reconnue par la Convention.

Art. 28b CC

Protection de la personnalité. Interdiction de prendre contact avec l’intimée (ex-amie du recourant), sa famille ou ses collègues et interdiction de se rendre à son lieu de résidence ou de travail sur la base de l’art. 28b CC. Examen de la proportionnalité des mesures prises (consid. 4.3.1. à 4.3.3).

Art. 28 CC

Atteinte à la personnalité causée par un transfert de courriel. Celui qui propage au sein d’une association le contenu d’un email portant une atteinte sérieuse à la personnalité de deux de ses membres peut aussi être considéré comme auteur d’une atteinte à la personnalité, même s’il se contente de « transférer » verbatim le contenu de l’email. En l’occurrence, les recourants échouent en particulier à démontrer que l’instance cantonale aurait méconnu l’existence d’un motif justificatif au sens de l’art. 28 al. 2 CC.

Art. 449a CC en lien avec l’art. 404 CC

Sort des frais de représentation dans une procédure de protection de l’adulte. Lorsque l’autorité ordonne la représentation de la personne dans une procédure de protection de l’adulte au sens de l’art. 449a CC, les frais qui en découlent doivent être réglés selon les dispositions applicables à la curatelle, soit selon l’art. 404 CC. Ainsi, la personne concernée en répond en premier lieu ; elle peut faire valoir ces coûts comme des dépens, au même titre que les personnes qui ont mandaté un tiers (consid. 4.2.3 et 4.2.4). Il ne se justifie pas d’appliquer par analogie les règles régissant la représentation de l’enfant dans les procédures de droit matrimonial (consid. 4.2.2).

Art. 439 al. 1 ch. 1 et al. 3 CC en lien avec l’art. 450e al. 3 CC

Placement à des fins d’assistance. Lorsqu’une personne atteinte de troubles psychiques et placée à des fins d’assistance recourt contre cette décision par écrit à un juge selon l’art. 439 CC, un rapport d’expertise au sens de l’art. 450e al. 3 CC est nécessaire. En effet, il n’y a aucun motif d’appliquer au recours contre un placement médical des règles moins strictes que pour les autres recours en matière de protection de l’adulte et de ne pas exiger une expertise (consid. 3.1 et 3.2).

Art. 5 CLaH 2000

Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte. En cas de déplacement de la résidence habituelle dans un Etat non membre de la Convention de la Haye 2000 sur la protection internationale de l’adulte, le principe de la perpetuatio fori s’applique aux procédures pendantes (art. 5 al. 2 CLaH 2000), c’est-à-dire que les autorités suisses saisies à l’ouverture de la procédure restent compétentes (consid. 2.3 et 2.5). Le système est ainsi similaire à celui de l’art. 5 de la Convention de la Haye 1996 sur la protection des enfants.

Art. 433, 434 al. 1 et 439 al. 1 ch. 4 CC

Traitement sans consentement. La décision signée par le médecin-chef de l’établissement qui ordonne expressément un traitement sans consentement de la personne concernée pour une durée indéterminée vaut prescription au sens de l’art. 434 al. 1 CC, même si elle ne s’exprime pas sur le genre de mesure de contrainte ordonnée. En effet, cela est sans importance puisque la prescription de traitement sans le consentement de la personne vise de par la loi les mesures médicales prévues dans le plan de traitement (ici, traitement par des médicaments déterminés). Une telle décision remplit ainsi tous les éléments typiques requis pour une décision de droit administratif, de sorte que l’autorité judiciaire doit entrer en matière sur une éventuelle demande de levée de traitement sans consentement au sens de l’art. 439 al. 1 ch. 4 CC.

Art. 426 CC

Placement à des fins d’assistance en cas de troubles psychiques (troubles de l’humeur mixte et anosognosie de son état) accompagnés de risques suicidaires. Examen des conditions du placement et de la proportionnalité.

Art. 433 et 434 CC

Notion de traitement forcé. Il y a traitement forcé aussi bien lorsque des médicaments sont administrés sous la contrainte physique que lorsque le patient est amené à consentir à un traitement par la suite d’une menace d’administration forcée ou qu’il consent « librement » à un traitement qui lui a été précédemment appliqué de force.

ATF 144 II 77 (d)

2017-2018

Art. 19 al. 1bis LPD

Principe de la transparence et accès aux documents officiels. Si un document officiel contient des données personnelles ne pouvant être anonymisées, une pesée complète des intérêts s’impose, conformément à l’art. 19 al. 1bis LPD (consid. 3). Tant des intérêts privés (intérêt à la protection de la sphère privée et droit à l’autodétermination informationnelle) que des intérêts publics à la confidentialité peuvent être pris en compte (consid. 5.7). Le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir si les personnes morales de droit public ont également droit à la protection de leurs données personnelles (consid. 5).