Droit des personnes

Art. 30 et 160 CC, 37 al. 2 LDIP, 8 CEDH

Un ressortissant hongrois et une femme suisse voulaient conserver leur nom de famille respectif après le mariage. Comme le droit suisse ne prévoit pas cette possibilité, les époux ont demandé à porter le nom de l’épouse comme nom de famille et le mari l’a fait précéder de son propre nom. Il a ensuite demandé l’application de son droit national pour ne porter que son nom. Selon le Tribunal fédéral, le choix du nom de l’épouse comme nom de famille empêchait le mari de choisir ensuite comme loi applicable la loi hongroise. Or, si le mari avait été suisse et la femme étrangère, celle-ci aurait pu soumettre son nom au droit étranger après avoir pris le nom de son mari comme nom de famille. La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi jugé que la Suisse traitait de manière discriminatoire les couples binationaux, selon que c’est l’homme ou la femme qui est étranger.

ATF 137 III 97

2010-2011

žArt. 30 al. 1 CC

Le Tribunal fédéral a admis qu’une femme de 57 ans adoptée par une octogénaire puisse garder son nom de famille, en dérogation à la règle voulant qu’une personne adulte adoptée prenne le nom du parent adoptif. Le Tribunal fédéral a jugé qu’à partir d’un certain âge, l’intérêt à garder un nom porté depuis longtemps l’emporte sur l’intérêt à garantir l’immutabilité du nom de famille, d’autant plus que beaucoup de mères et de filles de cet âge n’ont pas le même patronyme.

TF 5A_224/2010

2010-2011

Art. 270 al. 2 CC et 8 CEDH

L’art. 270 al. 2 CC concernant le nom de famille de l’enfant né de parents non mariés n’est pas contraire à l’article 8 CEDH. En effet, cette réglementation n’a pas pour but d’assurer l’unité du nom de famille, mais prend en compte le fait que dans ce genre de situation, c’est la mère qui vit avec l’enfant et qui est plus proche de lui. Le fait que les parents non mariés ne puissent choisir le nom de l’enfant n’est pas contraire à la CEDH.

TF 5A_424/2010

2010-2011

Art. 30 CC

Conformément à l’article 30 al. 1 CC, il est possible de changer de nom s’il existe de justes motifs. Il faut que l’intérêt de la personne concernée à changer de nom l’emporte sur « l’intérêt de l’administration et de la collectivité à l’immutabilité du nom acquis et inscrit à l’état civil » ainsi que sur « l’intérêt public à la fonction d’individualisation du nom ». Il est possible de changer de nom pour des considérations d’ordre moral, spirituel ou affectif, en raison du caractère inadapté, ridicule, choquant ou odieux du nom ou encore pour des motifs professionnels ou administratifs. Un lien de concubinage durable entre la mère et le père n’est pas un juste motif pour que l’enfant prenne le nom du père. Il faudrait pouvoir démontrer au surplus que porter le nom de la mère entraine pour l’enfant des désavantages d’ordre social.

TF 5A_89/2010

2010-2011

Art. 28ss et 30 CC

Le Tribunal fédéral a rejeté la requête d’une mère qui souhaitait que ses enfants de 10 et 7 ans portent son nom, alors qu’elle s’était remariée. Il a en effet estimé que permettre à des enfants de porter le nom de leur mère remariée porterait atteinte à la personnalité de leur père.

ATF 136 III 497

2010-2011

Art. 397a et 397d CC

Un recourant n’a plus d’intérêt juridique actuel à l’examen de son recours s’il a pu sortir de l’établissement où il avait été placé. S’il n’y a pas non plus d’intérêt virtuel, la procédure de recours devant le Tribunal fédéral est sans objet et il n’est donc plus nécessaire d’examiner si la plàfa et le refus de l’établissement de libérer la personne sont contraires à la CEDH. La personne concernée pourra toutefois demander une indemnité fondée sur l’article 429a CC si elle a été lésée par la plàfa.

ATF 137 III 67

2010-2011

Art. 420 al. 1 CC

Un tiers a qualité pour recourir à l’autorité tutélaire (art. 420 CC) s’il invoque les intérêts du pupille ou se plaint de la violation de ses propres droits et intérêts, dont on aurait dû tenir compte. Par analogie avec l’art. 397d CC, seul un proche a qualité pour recourir en invoquant les intérêts de la personne à protéger. Appréciation de la qualité de proche d’un employé de banque.

TF 5A_150/2011

2010-2011

Art. 420 al. 2 CC

Un recours peut être adressé par des tiers à l’autorité de surveillance contre les décisions de l’autorité tutélaire s’ils peuvent invoquer la protection des intérêts du pupille ou la violation de droits ou intérêts personnels. Il faut noter que « la poursuite d’intérêts personnels n’est toutefois admise que si les droits ou intérêts propres de l’intéressé doivent être pris en considération s’agissant de l’acte litigieux ». Avant de nommer un curateur de représentation pour agir en désaveu de paternité, l’autorité tutélaire doit examiner si l’action est dans l’intérêt des enfants.

TF 5A_523/2010

2010-2011

Art. 397a al. 1 CC

Une privation de liberté à des fins d’assistance (plàfa) est justifiée lorsque la personne concernée met autrui ou soi-même en danger (risque de suicide). Par ailleurs, une nouvelle plàfa ne doit pas forcément être jugée inutile quand un premier traitement prodigué dans un établissement a échoué.

TF 5A_541/2010

2010-2011

Art. 369 et 374 al. 2 CC

L’article 374 al. 2 CC n’impose pas de seconde expertise lorsque la personne expertisée conteste les résultats de la première expertise. Le Tribunal fédéral rappelle que « la détermination de l’état pathologique et de ses répercussions sur la capacité de réfléchir, de vouloir et d’agir d’un individu relève du fait ». En revanche, savoir si l’état de santé mentale de l’intéressé constitue une maladie mentale ou une faiblesse d’esprit et s’il a un besoin de protection particulier est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit en principe librement. Mais il ne reverra la notion de « besoin de protection particulier » que si l’autorité cantonale a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé. Les principes de proportionnalité et de subsidiarité gouvernent le choix de la mesure tutélaire. L’interdiction n’a pas été jugée excessive, car une curatelle était exclue, étant donné que l’intéressé refusait toute aide alors que la curatelle nécessitait sa collaboration pour être couronnée de succès.

TF 5A_668/2010

2010-2011

Art. 397a CC

Rappel des conditions pour qu’une personne soit placée en vue d’une expertise. Pour justifier un placement en clinique d’une durée de 6 semaines, il faut une situation d’urgence, des examens médicaux ayant démontré un soupçon sérieux de troubles psychiques et une impossibilité de faire les analyses complémentaires nécessaires en ambulatoire.

TF 5A_232/2010

2010-2011

Art. 84 CC

Pour savoir quel est le but d’une fondation, il ne faut pas se fonder sur les règles d’interprétation des contrats, dont le principe de la confiance, mais il faut interpréter l’acte de fondation selon la volonté du fondateur.

Art. 28 CC et droit associatif

Une joueuse de basket ne peut porter le voile lors de l’exercice de ce sport. Le Tribunal a confirmé la décision de Pro-Basket, association de basket du nord-est de la Suisse, qui soutenait que son intérêt à se conformer aux règles internationales en matière de basket était plus grand que l’intérêt personnel de la joueuse. De plus, en signant un contrat avec Pro-Basket pour avoir une licence, la joueuse en a accepté les règles et doit dès lors s’y conformer.

ATF 136 II 508

2010-2011

Art. 12 al. 2 let. a et 13 LPD

Atteinte à la personnalité commise par le traitement de données sur des utilisateurs de réseaux peer-to-peer (affaire Logistep). Les adresses IP peuvent être qualifiées de données personnelles. Si la collecte de données personnelles n’est pas reconnaissable par les utilisateurs, elle viole les principes de finalité et de reconnaissabilité (art. 4 LPD). En l’espèce, aucun motif justificatif ne légitimait ce traitement de données.

ATF 136 III 401

2010-2011

Art. 27 et 28 al. 1 CC et 20 CO

Une femme qui travaillait dans une agence d’escorte avait accepté, contre rémunération, que des photos d’elle soient mises sur le site Internet de l’agence. Elle voulait les faire enlever sans payer l’indemnité convenue en cas de résiliation du contrat. Le droit à l’image fait partie des droits de la personnalité mais peut faire l’objet, comme ici, d’un engagement contractuel qui ne contrevient ni à l’art. 27 CC (engagement excessif) ni à l’art. 20 CO. L’indemnité de résiliation convenue par les parties est également valable et lie les parties.

ATF 136 III 410

2010-2011

Art. 28 al. 2 CC

La surveillance d’une personne par un détective privé porte atteinte aux droits de la personnalité de celle-ci mais l’atteinte peut être justifiée par un motif justificatif. En l’espèce, un détective privé oeuvrant pour une assurance responsabilité civile a surveillé un homme blessé dans un accident de voiture qui demandait des indemnités pour les travaux ménagers qu’il ne pouvait plus exercer. Le lésé n’ayant pas donné assez d’informations sur sa participation aux tâches ménagères et ayant fourni des informations contradictoires sur son état de santé, il était légitime d’avoir recours à un détective privé. L’atteinte est ainsi justifiée par un intérêt public prépondérant à ne pas fournir à tort des prestations injustifiées et, par conséquent, à ne pas augmenter les primes d’assurance.

TAF A-7040/2009

2010-2011

Art. 12 et 13 LPD

Le Tribunal administratif fédéral estime que Google ne respecte pas la protection des données avec son service Google Street View, permettant d’explorer sur Internet les principales rues des villes du monde entier grâce à des images à 360°. Google doit rendre flous tous les visages et toutes les plaques d’immatriculation, même si cela doit être fait manuellement, car il s’agit de données personnelles. Google devra en outre à l’avenir annoncer son passage une semaine à l’avance dans les rues suisses qu’il souhaite filmer. Les photos ne devront montrer que ce qu’un passant normal peut voir. Google a fait recours au Tribunal fédéral contre cette décision.

TF 5A_585/2010

2010-2011

Art. 28 CC et 3 let. a LCD

Les allégations d’« escrocs », « voleurs », « groupe criminel international » et « fraude fiscale » tenues envers les administrateurs d’une société anonyme et la société par un investisseur déçu constituent des atteintes à l’honneur. Aucun motif justificatif au sens de l’art. 28 al. 2 CC n’a été reconnu ; en particulier, l’intérêt à divulguer des agissements contraires à « l’éthique des affaires » n’a pas été jugé prépondérant.

TF 6B_536/2009

2010-2011

Art. 28 CC, 328 et 328b CO et 12 LPD

A des conditions strictes, le Tribunal fédéral a admis la vidéosurveillance à l’insu des employés, notamment pour contrôler brièvement certains faits et gestes. Il a rappelé que l’interdiction figurant dans l’ordonnance de la Loi fédérale sur le travail « d’utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail » avait pour but de protéger la santé des travailleurs et que la vidéosurveillance ne portait pas forcément atteinte à la santé de ceux-ci. Il admet aussi la vidéosurveillance lorsqu’elle est occasionnelle, comme dans cette affaire, où une bijouterie avait installé une caméra dans la salle des coffres suite à des vols. Les employés n’étaient alors filmés que brièvement. La vidéosurveillance a également été admise car elle visait à prévenir des infractions. Le Tribunal fédéral suggère enfin que la question de la vidéosurveillance ne soit pas traitée dans une ordonnance, mais dans une loi formelle.