Droit des personnes

TF 5A_384/2012 (f)

2012-2013

Art. 16 et 467 aCC, 19 aCC

Pour juger de la capacité de discernement, il ne s’agit pas d’examiner si les dispositions prises dans un testament sont sages, justifiées au vu des circonstances, ou simplement équitables. Une disposition absurde peut tout au plus être tenue
pour un indice d’un défaut de discernement. Le fait qu’une personne soit atteinte de faiblesse d’esprit, en particulier due à l’âge, ou de maladie mentale amène à présumer, selon l’expérience générale de la vie, l’absence de discernement. La preuve du contraire incombe à celui qui se prévaut de la capacité de discernement de l’auteur du testament. Il faut alors établir avec une vraisemblance prépondérante que la faculté d’agir raisonnablement existait malgré la cause d’altération. En l’espèce, la capacité de discernement du testateur a été admise, bien que ce dernier fût sous tutelle volontaire depuis 10 ans pour faiblesse d’esprit.

Art. 28 CC

Atteinte à la personnalité en cas d’accusation de racisme. Lors de l’un de ses discours, Benjamin Kasper, président des Jeunes UDC de Thurgovie, a notamment déclaré qu’il était temps de mettre fin à l’extension de l’islam et que la culture suisse, dont le fondement est le christianisme, ne devait pas se laisser supplanter par d’autres cultures. Un signe symbolique comme l’interdiction des minarets constituait donc un moyen permettant d’affirmer sa propre identité. Le Tribunal fédéral considère que Benjamin Kasper a opposé sa propre religion (le christianisme) à celle d’autrui (l’islam),
s’est différencié de celle-ci et a qualifié la sienne de digne d’être protégée et défendue. Il n’en ressort donc ni une dévalorisation des membres de l’islam, ni un rabaissement général des musulmans. En qualifiant les propos de Benjamin
Kasper de « racisme verbal », la fondation GRA contre le racisme et l’antisémitisme a porté une atteinte à l’honneur de Benjamin Kasper, au sens de l’art. 28 CC.

TF 5A_792/2011 (f)

2012-2013

Art. 28 CC

Légitimation passive. Conformément à l’art. 28 al. 1er CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe. Cette disposition vise non seulement l’auteur originaire de l’atteinte, mais aussi toute personne dont la collaboration cause, permet ou favorise celle-ci, sans qu’il soit nécessaire qu’elle ait commis une faute. Ainsi, le lésé peut agir contre quiconque a objectivement joué, que ce soit de près ou de loin, un rôle - fût-il secondaire - dans la création ou le développement de l’atteinte. En fournissant l’espace Internet sur lequel l’auteur originaire de l’atteinte a pu créer son blog et donc développer l’atteinte, l’hébergeuse dudit blog se rend également coupable d’une violation des droits de la personnalité.

Art. 5 CEDH

Internement psychiatrique arbitraire. Privation de liberté injustifiée (art. 5 § 1 CEDH) reconnue dans cette affaire ainsi qu’une violation de l’art. 5 § 4 CEDH, en raison de l’absence de recours juridique de l’intéressé. En effet, un refus d’entrer en matière sur une demande de libération déposée par l’interné avait été prononcé, au motif que cette demande ne pouvait être déposée que par la tutrice de celui-ci, alors que la tutrice avait demandé que soit déclarée l’incapacité juridique de son
pupille.

Art. 5 § 1 CEDH

Selon le droit tchèque, le placement en établissement psychiatrique auquel consent le mandataire tutélaire de l’intéressé devient de ce fait un placement volontaire. La CEDH exige dans ce cas que le mandataire tutélaire rencontre au moins une fois la personne concernée ou la consulte, ce qui n’a pas été le cas ici.

žArt. 5 ch. 1 let. e et 7 CEDH, 397a al. 1 aCC, 19 al. 2 LPMin

Privation de liberté à des fins d’assistance faisant suite à des mesures du droit pénal des mineurs. Le centre d’exécution des mesures pour jeunes adultes de la Justizvollzugsanstalt de Lenzburg dans lequel est placé l’intéressé, condamné notamment pour meurtre et qui souffre de pulsions sadomasochistes, est un établissement approprié pour la mise en place du traitement et la mise en sécurité, au sens de la jurisprudence. L’autorité est toutefois tenue de trouver une institution plus appropriée pour la suite de la prise en charge, y compris à l’extérieur du canton. La mesure civile prononcée ne saurait être considérée comme une peine au sens de l’art. 7 CEDH, mais au contraire comme une privation de liberté légale fondée sur l’art. 5 ch. 1 let. e CEDH. L’autorité doit ordonner une mesure tutélaire à la fin d’une mesure pénale selon l’art. 19 al. 2 LPMin lorsque la fin de cette mesure expose l’intéressé à des inconvénients majeurs ou compromet gravement la sécurité d’autrui et que ces risques ne peuvent être évités autrement.

ATF 139 III 98 (d)

2012-2013

Art. 6 CEDH, 30 Cst, 450 al. 1 CC

Compétence de l’autorité de recours et organisation judiciaire. Bien que l’art. 450 al. 1 CC exige que les décisions de l’autorité de protection de l’adulte puissent faire l’objet d’un recours devant le juge compétent, le législateur n’entendait
pas, selon les travaux préparatoires et la doctrine, imposer un tribunal au sens formel, mais uniquement un tribunal au sens matériel. Le Bezirksrat zurichois, soit le Conseil exécutif zurichois, remplit d’une part les conditions posées par les art. 6 CEDH et 30 Cst. féd. et d’autre part il présente les garanties nécessaires. En effet, le Bezirksrat n’est soumis à
aucune instruction de la part d’autres autorités et dispose d’un plein pouvoir de cognition en fait et en droit. Il est sans importance que certains membres de cette autorité n’aient pas de formation juridique. Par ailleurs, s’il est vrai que le Bezirksrat est l’autorité de surveillance générale des groupements de communes, qui désignent quant à elles les membres de l’autorité de protection, celle-ci est désormais formée selon des critères professionnels et non plus selon des critères politiques (appartenance à l’exécutif cantonal), comme c’était le cas sous l’ancien droit.

TC 5A_580/2012 (f)

2012-2013

Art. 386, 395 et 421 ss aCC

Conseil légal provisoire. En l’espèce, la curatrice a acheté, en son nom, un immeuble avec l’argent de sa pupille, qui est sa mère. Cet acte nécessitait le consentement de l’autorité tutélaire de surveillance pour être valable (art. 422 ch. 7 aCC). N’ayant pas empêché la diminution de la fortune de sa pupille, la curatrice a donc violé son devoir d’assistance et de diligence. Les mesures provisoires sont désormais régies par l’art. 445 CC, qui prévoit un retrait provisoire (total ou partiel) de l’exercice des droits civils. Par ailleurs, selon l’art. 416 al. 3 CC, les contrats entre le pupille et son curateur restent soumis à l’approbation de l’autorité de protection de l’adulte.

TC 5A_658/2012 (d)

2012-2013

Art. 19, 409 et 420 aCC

Droits strictement personnels d’un interdit. La personne interdite et capable de discernement conserve l’exercice des droits strictement personnels et peut donc recourir au sens de l’art. 420 aCC. Toutefois, la défense d’intérêts économiques propres ne fait pas partie des droits strictement personnels ; le pupille doit alors obtenir l’accord de son tuteur ou, en cas de conflit d’intérêts, la désignation d’un curateur ad hoc. Dans cette hypothèse, le pupille n’a donc pas la capacité d’ester en justice. La conclusion d’une convention de partage successoral est une question patrimoniale, qui ne touche pas aux droits strictement personnels.

Art. 450e al. 4 CC

Audition personnelle de l’intéressé lors de son placement à des fins d’assistance. Le recourant se plaint que la Chambre des curatelles vaudoise, soit l’autorité de recours, n’a pas procédé à son audition personnelle, comme le lui imposait pourtant l’art. 450e al. 4 CC. Le Tribunal fédéral confirme une violation de cet article, au motif que le recourant n’avait pas renoncé à son droit et n’était pas empêché pour quelque motif que ce soit. L’élément décisif en faveur d’une interprétation littérale de l’art. 450e al. 1 CC réside dans le fait que le recours de l’intéressé ne doit pas être motivé, même s’il doit être formé par écrit. Le recours n’a pas à être motivé car l’intéressé est précisément autorisé à exposer ses motifs oralement lors de son audition personnelle par l’autorité de recours. L’audition personnelle de l’intéressé est de surcroît nécessaire pour permettre à l’autorité de recours de se forger sa propre opinion quant à la situation de l’intéressé, ce d’autant plus que celle-là a pu évoluer depuis la décision rendue en première instance.

TF 5A_587/2012 (f)

2012-2013

Art. 416 et 430 aCC

Approbation des comptes et responsabilité. L’approbation des comptes n’exclut pas l’exercice de l’action en responsabilité à l’encontre du curateur, dont les conditions relèvent de la compétence exclusive du juge (art. 430 aCC, applicable à la
curatelle). Appelées à approuver les comptes, les autorités tutélaires cantonales n’avaient pas à se prononcer sur les prétendus manquements du curateur et à inscrire à l’actif du compte final ‑ ainsi que l’avait demandé le recourant ‑ les créances en dommages-intérêts correspondantes.

TF 5D_215/2011 (d)

2012-2013

Art. 426 ss aCC

Lien entre rémunération et responsabilité du tuteur. Il appartient au juge (art. 430 aCC) et non à l’autorité tutélaire qui fixe la rémunération, d’examiner la question du prélèvement d’une rétribution indue sur les avoirs du pupille par son tuteur (art. 426 ss aCC). Le pupille ou ses ayants droit ne peuvent pas faire valoir leurs prétentions en remboursement par compensation devant l’autorité tutélaire. La rétribution du tuteur est du ressort de l’autorité tutélaire, même si le tuteur
oppose sa rétribution en compensation à la réclamation, basée sur l’art. 426 aCC.