Droit des personnes

Admission d’un changement de nom (pour motifs légitimes) pour l’inscription d’un double nom pour les enfants, connus ainsi depuis leur naissance et le souhaitant eux-mêmes, alors que cette possibilité n’est pas prévue par la loi.

Changement de nom de l’enfant effectué à tort ; reconnaissance de l’enfant de parents non mariés par le père. Un formulaire a été signé par les parents attribuant à l’enfant le nom du père, puis la mère conteste ce changement par la voie de la rectification à l’état civil, en agissant en qualité de représentante légale de l’enfant mineur et donc dans son intérêt. Lorsque l’autorité parentale est exercée conjointement, les parents choisissent lequel de leurs deux noms de célibataire leurs enfants porteront. Faute d’une telle autorité conjointe en l’espèce, les conditions prévues ne sont pas réalisées. Du point de vue de l’enfant, son intérêt est de figurer dans le registre de l’état civil sous le nom de la mère, avec laquelle il vit depuis sa naissance ; d’autant qu’il n’a pas noué des liens vivants avec le père, au demeurant domicilié à l’étranger.

Constatation d’une atteinte à la personnalité dans un média en ligne (accusations de châtiments corporels sur des enfants dans la secte apocalyptique des « Zwölf Stämme » [Douze Tribus] en Allemagne). Clarification des notions de personnes absolues et relatives de l’histoire contemporaine et rappel des contours du droit à l’image. Précision des exigences quant à la preuve de la persistance du trouble dans le cadre de l’action en constatation, s’agissant en particulier de contenus médiatiques publiés sur Internet. Relation entre la perception attendue du lecteur moyen et son impression générale. Lignes directrices pour déterminer si une personne doit tolérer la publication d’un reportage dans lequel figurent son nom et son image.

Litige en lien avec un article paru dans un média, faisant état d’un commentaire Facebook d’un politicien au sujet d’une autre personnalité politique : « et pour F., ce sera direct une balle dans la nuque… », valant selon lui comme un trait d’humour satirique. Suite à la parution de l’article, le politicien en cause demande un droit de réponse, qui est refusé par le média pour motif qu’il avait été contacté avant la parution et a refusé de commenter. Son appel ayant été partiellement admis en deuxième instance, le politicien dépose un recours au TF. Ainsi, le TF rappelle le cadre du droit de réponse et le contour du pouvoir d’appréciation de l’autorité pour modifier le texte proposé (not. consid. 6.2 et 7.3). Le recours est rejeté dès lors que l’autorité n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation pour corriger le texte du droit de réponse publié.

Deux médias différents ont publié des articles concernant des défauts et incidents survenus dans le service d’un hôpital à Zurich. L’un des médias reproche à l’autre un conflit d’intérêts et des fausses allégations dans son article ; il demande l’exercice d’un droit de réponse à l’encontre de l’autre média. Le TF rejette cette demande.

Publication d’un article d’un média sur un milliardaire actif dans le commerce du pétrole et dans le secteur de l’immobilier, amateur d’art qui, par le biais de sa fondation, a pris en charge la rénovation du Musée d’art et d’histoire à Genève. Un média publie un article intitulé « mécène en eaux troubles » avec le nom de la personne en question, une photo de lui légendée « plusieurs fois soupçonné mais jamais condamné ». L’article évoque des affaires et financement suspicieux à l’international dans des zones politiquement instables, supposant de la corruption. Le mécène en question dépose une action en constatation d’une atteinte illicite à la personnalité et en cessation de l’atteinte (retrait de l’article) et obtient gain de cause. Le média introduit un recours au TF. Selon la jurisprudence, la mission d’information de la presse ne constitue pas un motif absolu de justification, qui devrait être admise lorsque le fait vrai qui est rapporté est en lien avec l’activité ou la fonction publique de la personne concernée. En revanche, la publication de faits inexacts est illicite. En cas de soupçon d’actes délictueux, seule est admissible une formulation qui fasse comprendre avec suffisamment de clarté, pour un lecteur moyen, qu’il s’agit d’un simple soupçon. L’impression suscité auprès du lecteur moyen est déterminante. Lorsqu’une personne de l’actualité contemporaine (personnalité publique) est concernée, la mention du nom peut se justifier, en tenant compte de la présomption d’innocence et de la proportionnalité. Les opinions, commentaires et jugements de valeur sont admissibles pour autant qu’ils apparaissent soutenables en fonction de l’état de fait (liberté d’expression). En l’espèce, à défaut d’éléments plus tangibles, les journalistes auraient dû faire preuve d’une grande retenue dans la manière de relater les soupçons afin qu’un lecteur moyen puisse comprendre suffisamment clairement que la commission de tels actes relevait, en l’état, de la simple supposition. Examen et critique des termes utilisés dans l’article, tels que « flibustier ». Le TF admet une atteinte illicite à la personnalité.

Suite à la publication d’un article « Der Schafquäler » (le tortionnaire de moutons) en ligne par une association. Il y est principalement question de la manière dont l’agriculteur D. traite ses moutons. Dans une émission télévisée, une société monte un reportage vidéo – constitué sur la base de la vidéo originale et d’un montage avec des scènes reconstituées, sans le déclarer – par lequel on laisse penser au spectateur moyen que des personnes ont porté des accusations de cruauté animale sans preuve contre un agriculteur. Le TF admet une atteinte illicite à la personnalité. L’honneur protégé par le droit civil consiste à ne pas être présenté au public comme une personne qui répand des mensonges et qui, en particulier en tant qu’organisation de protection des animaux, porte des accusations injustifiées de cruauté envers les animaux.

Cas d’accusations portées par un hebdomadaire contre une APEA et son président avec un tirage de plus de 60’000 exemplaires et qui est distribué gratuitement à tous les ménages des régions dans les cantons de St-Gall, Schwytz et Zurich (50 articles). L’éditeur gère également une page d’accueil avec un lien vers le numéro actuel sous forme électronique, ainsi qu’une page Facebook sur laquelle elle poste régulièrement des articles avec des liens vers le journal hebdomadaire (130 articles sur un peu moins de deux ans, beaucoup de lettres de lecteurs [50] et commentaires de tiers [70]). Les personnes morales de droit public, par ex. la commune, ont la légitimation active pour se plaindre d’une violation de l’art. 28 CC à leur égard. Si les articles et contributions blessants ne sont plus consultables dans les archives et sur le réseau et qu’il ne s’agit pas d’une simple image possible du lectorat, le fait que les plaignants rendent compte publiquement de la procédure en cours ne peut jouer aucun rôle. Le TF rejette l’intérêt de la constatation, en revanche reconnaît un risque de récidive et la demande d’injonction et ne voit aucune violation du droit fédéral dans les nombreuses interdictions prononcées par l’instance précédente et la réparation morale de CHF 8'000.-.

ATF 148 III I (d)

2021-2022

Le droit à l’autodétermination du patient n’est pas absolu. L’ordre de placement à des fins d’assistance au sens de l’art. 426 CC est un acte de souveraineté de droit public qui entraîne une privation de liberté au sens de l’art. 5 ch. 1 CEDH. La notion de grave état d’abandon contenue dans l’art. 426 CC doit correspondre à un état incompatible avec la dignité humaine et auquel il ne peut être remédié que par le placement dans une institution. Elle exclut les actes dus à une déficience temporaire. Nécessité d’une expertise pour le placement médical. Confirmation de la jurisprudence selon laquelle la présence d’un juge professionnel ne dispense pas de devoir requérir une expertise externe dans le cadre du recours contre un placement médical pour trouble psychique ou de déficience mentale.

Rappel du but et des conditions de la curatelle de représentation et des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Protection de l’adulte et autonomie de gestion de l’argent. Une personne ne saurait être placée sous curatelle simplement parce qu’elle gère son argent d’une manière déraisonnable. Le droit de la protection de l’adulte protège la personne vulnérable, pas ses héritiers ni la collectivité publique. En l’espèce, les donations ont toutefois été faites pendant des épisodes délirants en l’absence de capacité de discernement.

Refus de validation d’un mandat pour cause d’inaptitude. L’autorité cantonale n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de valider le mandat pour cause d’inaptitude par lequel la personne concernée, souffrant désormais de démence sénile, a désigné son conjoint comme mandataire. En effet, ce dernier persiste à vouloir la faire rentrer à domicile, alors que c’est médicalement impossible et qu’elle souhaite rester dans le home ; il a également transféré CHF 100’000.- de comptes bancaires communs pour les mettre sur un compte personnel, puis il a prélevé la moitié de cette somme. L’autorité doit ainsi renoncer à valider la désignation lorsque les intérêts de la personne concernée risquent d’être compromis, en appréciant l’aptitude du mandataire sur des éléments objectifs.

Hospitalisation forcée avec placement en chambre d’isolement. Le recourant doit en règle générale justifier d’un intérêt actuel et pratique. Il y a lieu toutefois d’en faire abstraction lorsque la mesure attaquée soulève une question de principe. Il appartient au recourant de démontrer son intérêt digne de protection. Pour le PAFA, lorsqu’une personne placée a été libérée, elle n’a plus d’intérêt juridique actuel à recourir, mais le TF reconnaît un intérêt virtuel lorsque le recourant a dû être placé à plusieurs reprises en urgence par le passé et qu’il est à craindre que des placements soient nécessaires à l’avenir. Une action en dommages-intérêts et réparation du tort moral est envisageable dans ce cas. En l’espèce, le recourant n’a pas suffisamment motivé un intérêt virtuel.

Rappel des conditions matérielles du placement à des fins d’assistance et des limites à la liberté personnelle.

Indignité du légataire qui est curateur. Testament attribuant un legs d’un immeuble d’une valeur de près de CHF 780’000.- à l’infirmier qui s’est occupé pendant dix-sept ans de la personne concernée et qui a également été son curateur, son fondé de procuration ou son mandataire pour cause d’inaptitude, selon les époques. L’indignité successorale sanctionne le comportement qui, par dol, menace ou violence, induit le défunt à faire révoquer une disposition de dernière volonté ou qui l’en a empêché. En l’espèce, l’infirmier était rémunéré pour son travail et il était de son devoir d’informer le défunt – qui dépendait fortement de lui – que ses prestations étaient fournies en contrepartie de salaire, et non pas par amitié ou par amour. L’infirmier avait en outre déjà accepté une donation entre vifs de CHF 200’000.- alors qu’il était curateur et sans consentement de l’APEA, qu’il avait dû restituer après un procès. Au surplus, il avait également hérité d’une autre personne qu’il s’occupait dans les mêmes circonstances. Selon l’expérience générale de la vie, il faut admettre que la personne concernée aurait révoqué le legs litigieux si elle avait été dûment informée de la véritable nature des relations.

Alimentation forcée d’une jeune adulte anorexique. Une jeune majeure souffrant d’anorexie depuis très jeune s’oppose à un traitement sans consentement (alimentation forcée) en établissement. Examen du principe de la proportionnalité, en particulier de l’adéquation et de la nécessité de la mesure. En l’espèce, la mesure est nécessaire pour empêcher la mort de l’intéressée et apparaît comme acceptable par rapport aux risques d’effets secondaires (infection, perforation, dislocation de la sonde, décompensation psychique).

Confirmation de l’ATF 146 III 313 sur la vaccination. L’autonomie parentale est respectée lorsque des divergences de vues au sujet de questions de santé importantes mettent potentiellement le bien de l’enfant en danger et que l’autorité doit par conséquent intervenir, même si le danger ne s’est pas encore concrétisé. La vaccination de l’enfant est une décision à prendre conjointement, qui n’est pas une décision courante ou urgente selon l’art. 301 al. 1bis ch. 1 CC. En l’espèce, confirmation de l’injonction de vacciner, préconisée par l’OFSP et pas contre-indiquée pour l’enfant, adressée à la mère.

Rappel détaillé des règles applicables pour l’audition de l’enfant et l’instruction d’une décision de placement.

Changement de curateur de protection de l’enfant. La demande de libération de mandat d’un curateur de protection de l’enfant se fonde par analogie sur les dispositions de protection de l’adulte (art. 422 et 423 CC). Le refus de changement du curateur désigné peut faire l’objet d’un recours au TF. En l’espèce, la curatrice a demandé sa libération au motif que le père l’avait lui-même requis et que la collaboration avec lui serait difficile, en particulier sur le sujet de la prise en charge médicale et des reproches de partialité, ce qui serait contraire au bien de l’enfant. Le TF retient que ces éléments ne constituent pas un juste motif de libération en l’espèce.

Composition de l’APEA pour rendre une décision de mesures provisionnelles relatives au retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et le placer. Remise en cause d’une réglementation cantonale jurassienne (art. 12 LOPEA/JU) – et par conséquent de toutes les autres réglementations des cantons latins, sauf Valais et Tessin – attribuant à un membre unique de l’APEA la compétence de prononcer de telles décisions de mesures provisionnelles. Or, selon le droit fédéral, l’autorité de protection prend en principe ses décisions en siégeant à trois membres au moins, sauf exception. Selon le TF, les interprétations de la loi appellent la compétence d’une autorité collégiale dans un tel cas, dès lors que le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et son placement s’inscrivent dans le domaine central du droit de la protection de l’enfant et que, même prononcées à titre provisionnel, de telles mesures portent généralement une atteinte grave aux droits fondamentaux de l’enfant, avec effet également pour les parents voire des tiers. Il faut donc accorder une importance particulière aux principes d’interdisciplinarité et de collégialité.

Récusation APEA. La récusation des membres de l’APEA n’est pas réglée par le Code civil. En l’espèce, récusation demandée d’un membre de l’APEA devant se prononcer sur une limitation de l’autorité parentale au motif que celui-ci avait par le passé rejeté le recours de la recourante contre une décision de PAFA. Rappel de la jurisprudence relative à l’apparence de partialité lorsqu’une personne a déjà eu à connaître une affaire ; elle s’applique également à l’APEA, qui est un tribunal au sens de la CEDH et de la Constitution. Grief admis en l’espèce.

En cas de décès d’un parent détenteur de l’autorité parentale conjointe, l’autorité parentale revient au survivant, y compris le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant. Afin de protéger le développement de l’enfant, l’autorité de protection de l’enfant, en dernier recours, retire l’enfant au parent et le place de façon appropriée. Pour déterminer si une mesure doit être prise, il est sans pertinence que les parents aient commis ou non une faute. En l’espèce, les seuls reproches adressés au père survivant figurent dans le testament de la mère décédée où elle allègue également une éducation stricte dans la famille paternelle. Selon le TF, il n’apparaît pas arbitraire de retenir que ces reproches sont insuffisants à établir que le bien-être de l’enfant serait compromis chez son père.

Changement de curateur. Le curateur ne saurait conditionner les relations personnelles à des consultations individuelles régulières avec le parent. Il s’agit du pouvoir de décision de l’APEA. Seule une personne physique, disposant des compétences personnelles et professionnelles et du temps nécessaire, peut être désignée à la fonction de curateur. Sous sa propre responsabilité, le curateur peut ensuite déléguer des tâches concrètes, qui ne sont pas directement liées à la prise en charge de l’enfant, à un tiers (par ex. amener l’enfant quelque part, être présent lors de la remise ou de la durée des visites).

Enlèvement international d’enfant et procédure de retour. Enfants vivant auprès de leur mère en Espagne et retenus en Suisse par le père à l’issue de vacances. Enlèvement illicite établi. Rappel des motifs de refus du retour et du cadre de l’opposition des enfants. En l’espèce, le premier enfant, âgé de 14 ans, n’a pas pu être entendu en raison de son handicap. Le second enfant, âgé de presque 13 ans, souffre d’un déficit de développement et a été longuement manipulé par le père, de sorte qu’il est retenu un manque de maturité nécessaire pour se former une volonté autonome et que son opposition ne peut être suivie telle qu’elle. Le TF s’interroge néanmoins sur le traumatisme (avec risque suicidaire) que pourrait engendrer un retour, mais il n’est pas possible de faire un pronostic sérieux à cet égard. Le bien des enfants serait de toute manière mis en danger en restant en Suisse : le père ne fait pas appel aux aides nécessaires pour surmonter les handicaps, le placement devrait être envisagé. Voir aussi : TF 5A_437/2021 du 8 septembre 2021 (d) ; TF 5A_954/2021 du 3 janvier 2022 (f).

Violation du devoir d’assistance ou d’éducation. L’infraction suppose un devoir d’assistance, soit de protection ou un devoir d’éducation, en assurant le développement sur le plan corporel, spirituel et psychique, du mineur. Cette obligation peut découler de la loi, d’une décision ou d’un contrait, voire d’une situation de fait. Le comportement délictueux peut consister en une action ou une omission.

Droit d’accès à l’origine des données. Le droit d’accès ne vise que les informations qui existent sur un support, et non celles qui se trouvent dans la mémoire humaine, qui ne peuvent être considérées comme « disponibles ».