Droit pénal spécial

Art. 181 CP.

L’art. 181 CP réprime le comportement de celui qui restreint la liberté d’action de sa victime par la menace ou la violence ou de quelque autre manière. S’il convient d’interpréter de façon restrictive ce dernier point, le Tribunal fédéral admet que les comportements regroupés sous le terme de « stalking » peuvent produire un effet comparable à celui de la violence et de la menace. Dans le cas de la contrainte, il convient bien de juger un acte particulier, celui-ci devant obliger la victime à faire, ne pas faire ou à laisser faire un acte. S’il faut se concentrer sur un acte individuel, il convient toutefois de prendre un compte l’ensemble des circonstances l’entourant et notamment les actes similaires antérieurs pouvant produire l’intensité suffisante nécessaire à la punissabilité du dit comportement. La jurisprudence de l’ATF 124 IV 262 est ainsi confirmée.

Art. 261bis al. 4 CP et 10 CEDH.

Après avoir publiquement nié le génocide arménien et l’avoir qualifié de « mensonge international », le requérant a été condamné pour discrimination raciale par les instances nationales et a saisi la CEDH. Si la légalité de la restriction à la liberté d’expression ainsi que la poursuite d’un but légitime ont été admises relativement facilement par la Cour. L’examen du caractère nécessaire de la restriction dans une société démocratique a prouvé être plus problématique.

La Cour relève en effet que le droit à la liberté d’expression doit être mis en balance avec le droit au respect de la vie privée de la population arménienne en Suisse protégé par l’art. 8 CEDH. Dans le cas d’espèce, la Cour estime que la situation n’est pas assimilable à une éventuelle négation de l’Holocauste. Par ailleurs, après avoir examiné la situation en Suisse, elle estime que le contexte historique et géographique ne nécessite pas une telle restriction dans une société démocratique. Partant, la Suisse s’est rendue coupable d’une violation de l’art. 10 CEDH.

Art. 251 ch. 1 CP.

Une comptabilité incorrecte constitue un faux dans les titres au sens de l’article 251 ch. 1 CP lorsque l’image d’ensemble est faussée et que, par là même, sont violés les prescriptions et principes institués pour garantir la vérité de la déclaration. Dans le cas d’espèce, la présentation de comptes annuels faux dans le cadre de négociations avec des banques concernant l’octroi ou la prolongation de crédit remplit les éléments subjectifs du faux dans les titres dans la mesure où, ce faisant, on cherche à améliorer sa propre position dans les négociations de crédit. Dans ce contexte, il est par ailleurs sans importance de savoir si les sociétés demanderesses de crédit étaient surendettées du point de vue économique.

Art. 251 CP.

La notion de titre utilisée par l’art. 251 CP se trouve à l’art. 110 ch. 4 CP. Selon cette disposition, un tel document doit être destiné et propre à prouver un fait juridique. Le TF souligne l’aspect relatif d’un titre se référant à un fait précis. Dans le cas d’espèce, le faux porte sur un billet à ordre, réglé par les art. 1096 à 1099 CO. Le billet à ordre constitue un cas spécifique de reconnaissance de dette abstraite (art. 17 CO) permettant un recouvrement facilité en vertu de l’art. 177 LP. Dans le cas d’espèce, le TF souligne le fait que le titre constitué par le billet à ordre constitue uniquement un moyen d’assurer le paiement de la dette. Il n’est donc en rien relatif à l’intention de l’auteur de s’acquitter de cette dette. Partant, il ne saurait être reproché à l’auteur d’avoir commis un faux dans les titres quant à son intention de s’acquitter du montant indiqué.

Art. 111 et 16 al. 1 CP.

Suite à une condamnation pour homicide en état de défense excusable, le prévenu fait recours en reprochant à l’instance inférieure de ne pas avoir envisagé son cas sous l’angle d’un meurtre passionnel en état de défense excusable. Le Tribunal fédéral effectue un revirement de jurisprudence et se rallie à la doctrine dominante pour laquelle l’art. 113 CP exclu l’application de l’art. 16 al. 1 CP. Pour se faire, il se base sur le principe de Doppelverwertungsverbot interdisant de prendre en compte des éléments particuliers à la fois dans la typicité et la fixation des peines.

Art. 285 ch. 1 CP.

Sujet à une fouille corporelle par des agents de police, le recourant a violemment résisté, a frappé les policiers à coups de pied et les a insultés. Le Tribunal fédéral estime que le recourant ne peut pas se prévaloir de la jurisprudence de l’ATF 98 IV 41 prévoyant une non-punissabilité des actes d’opposition dans le cas où ceux-ci viseraient au maintien ou au rétablissement de l’ordre légal. En effet, dans le cas d’espèce, l’état physique du recourant au moment des faits ainsi que la garantie de la sécurité prévue par l’art. 241 al. 4 CPP ne rendent pas la fouille manifestement illégale.

Art. 173 et 98 let. a CP.

A la suite d’une condamnation pour diffamation suite à un post sur un blog, le Tribunal fédéral refuse le recours du ministère public et maintient sa jurisprudence concernant la prescription applicable à la diffamation. Le dies a quo en la matière reste ainsi le jour de publication et n’est pas différent s’agissant d’une publication sur papier ou sur internet.

Art. 146 CP.

L’acheteur sur internet d’une imprimante coûtant CHF 2’200.- ne pouvant payer la facture reçue à la livraison recourt contre sa condamnation pour escroquerie. Si le Tribunal fédéral admet que l’élément de tromperie est réalisé, il estime que cette tromperie n’était pas astucieuse. Le fait que l’acheteur soit une personne privée, ainsi que le prix élevé de l’imprimante auraient dû alerter le vendeur du caractère inhabituel de l’achat. Il ne lui était par ailleurs pas difficile pour de se protéger. En effet, il lui suffisait de livrer le produit uniquement après avoir reçu le paiement. Dans le cas d’espèce, le vendeur n’a donc pas pris les précautions de prudence élémentaires, empêchant ainsi de pouvoir considérer la tromperie comme étant astucieuse. Partant, les éléments constitutifs de l’escroquerie ne sont donc pas remplis.

Art. 320 CP.

Dans le cadre du renvoi de Christophe Mörgeli de son poste à l’Université de Zürich, un rapport est établi sur la qualité des thèses rédigées sous sa direction. Ayant pris connaissance de ce rapport, Katharina Riklin, membre du Conseil de l’Université, déclare à un journaliste que le rapport sera publié prochainement et que « cela ne se présente pas bien pour lui ». Le Tribunal fédéral confirme le jugement du Tribunal cantonal et condamne Madame Riklin pour violation du secret de fonction selon l’art. 320 CP. Il estime en effet, que l’obligation de garder un secret ne doit pas obligatoirement être prévue dans une loi au sens formel et qu’il suffit qu’elle soit inscrite dans le règlement interne de l’Université. Dans le cas d’espèce, le fait que le Conseil de l’Université de Zürich soit élu par le Conseil d’Etat et soit chargé d’une tâche d’intérêt public remplit par ailleurs les conditions d’application de l’art. 320 CP.