Droit pénal spécial

Art. 181 CP.

Après avoir refusé la dénonciation anticipée par le locataire et proposé de régler amiablement le litige moyennant un paiement par le locataire de CHF 20’000.-, le bailleur lui notifie un commandement de payer de CHF 610’000.-. Les instances cantonales reconnaissent le bailleur coupable de contrainte. Saisi d’un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral doit déterminer si la notification du commandement de payer constitue en l’espèce une tentative de contrainte.

Le Tribunal fédéral retient que la notification d’un commandement de payer constitue un dommage sérieux au sens de l’art. 181 CP. Il retient également que la manière d’agir du bailleur indique son intention d’utiliser le commandement de payer comme un moyen de pression envers le locataire, remplissant ainsi la condition de l’élément subjectif de l’infraction. Partant, la Haute cour rejette le recours.

Art. 260ter CP ; 116 LEtr.

En lien avec des activités relatives à une cellule suisse de l’Etat islamique (EI), le Tribunal pénal fédéral a reconnu une personne coupable de participation à une organisation criminelle au sens de l’art. 260ter ch. 1 al. 1 CP, ainsi que d’incitation et de tentative d’incitation à un séjour illégal (art. 116 al. 1 let. a LEtr cum art. 22 CP) et l’a condamné par une peine privative de liberté de quatre ans et huit mois ferme. Le prévenu a fait recours au Tribunal fédéral, qui doit déterminer s’il s’est rendu coupable d’infraction à l’art. 260ter CP ainsi que sur sa peine.

La Haute Cour confirme que l’EI est une organisation criminelle au sens de l’art. 260ter CP à mesure qu’elle correspond aux critères jurisprudentiels, soit la présence d’au moins trois personnes, une certaine structure pouvant assurer la survie de l’organisation à terme ainsi qu’une répartition des tâches, un manque de transparence et un professionnalisme à tous les stades de l’activité criminelle. Doivent être considérés comme participants au sens du ch. 1 al. 1 de l’art. 260ter CP, toutes les personnes impliquées de manières fonctionnelles dans l’organisation et qui déploient des activités poursuivant ses buts criminels, décrivant une notion large de participation. En conséquence, il est retenu que le prévenu s’est rendu coupable de participation au sens de cet article. S’agissant de la quotité de la peine, le Tribunal fédéral considère que l’instance précédente a violé le droit fédéral en retenant que le concours d’infractions pouvait mener à une peine aussi sévère ; en l’absence de motivation suffisante, il a en conséquence renvoyé l’affaire pour nouvelle décision sur ce point.

Art. 261bis CP.

Le parti de l’UDC publie des annonces publicitaires dans le cadre de la campagne « Pour stopper l’immigration de masse ». Sur celles-ci est indiqué, sous l’intitulé « voici les conséquences d’une immigration de masse incontrôlée » que « des Kosovars poignardent un Suisse » et relatent un fait divers selon lequel deux Kosovars auraient poignardés un homme en sortant d’un taxi. Le Tribunal fédéral doit examiner si le secrétaire général de l’UDC et sa suppléante doivent être condamnés pour violation de l’interdiction de la discrimination raciale.

Le Tribunal fédéral commence par confirmer que c’est bien une ethnie qui est visée par l’appellation « Kosovars », quand bien même il s’agit de plusieurs ethnies regroupées sous un terme générique. Il examine ensuite si la publicité est rabaissante ou dénigrante et y répond de manière positive, à mesure que d’un point de vue objectif, le but visé est de dépeindre les Kosovars comme étant des hommes plus violents que la moyenne ; les prévenus ne peuvent prétendre que le but était l’information du public et ne peuvent justifier le dénigrement collectif en arguant qu’ils se sont basés sur un fait réel. D’un point de vue subjectif, il ne peut pas être retenu que le secrétaire général de l’UDC et sa suppléante, professionnels de la communication, n’étaient pas conscients des effets de l’annonce, ou ne s’en seraient pas accommodés. La Haute cour expose ensuite qu’il doit être retenu que les prévenus ont incités à la haine ou à la discrimination et qu’il n’est pas nécessaire que cela soit fait de manière explicite, le fait d’avoir contribué à créer un climat où la haine et la discrimination peuvent prospérer étant suffisante. Partant, le Tribunal fédéral a rejeté le recours des prévenus.

Art. 261bis CP.

Le prévenu est accusé de discrimination raciale au sens de l’art. 261bis al. 4 première partie CP pour avoir fait le geste de la « quenelle » avec une synagogue en toile de fond. Son geste a été pris en photo et publié dans un journal électronique. Le geste, popularisé par l’humoriste controversé Dieudonné M’Bala M’Bala, consiste à tenir son bras gauche tendu vers le bas et leur bras droit replié vers son épaule gauche. Le Tribunal fédéral doit examiner si le geste de la quenelle peut être constitutif de discrimination raciale au sens de l’article précité.

Les juges de Mon repos rappellent que selon la jurisprudence du TF, une expression relève de l’art. 261bis CP lorsqu’elle serait comprise par un tiers moyen non averti dans les circonstances d’espèce comme relevant de la discrimination raciale. La Haute cour examine si le geste en question remplit l’élément constitutif du rabaissement ou de discrimination de l’art. 261bis al. 4 première partie CP ; on doit admettre qu’un rabaissement porte atteinte à la dignité humaine lorsque la personne visée est traitée comme un être humain de deuxième classe. Elle confirme le jugement de la cour cantonale et retient que le geste de la quenelle effectué devant un lieu de culte notoirement connu à Genève tombe sous le coup de l’article précité. Elle admet que le tiers non prévenu aurait compris que ce message de mépris de s’adressait pas à une personne déterminée, dans un contexte concret, mais à l’ensemble de la confession juive, représentée par le lieu religieux figurant à l’arrière-plan.

Art. 157 CP.

Une propriétaire vend sa maison à moins d’un tiers de sa valeur au fils de sa locataire. Le produit de la vente est quasiment entièrement utilisé pour procéder à des travaux dans la maison. En échange, le fils ne perçoit aucun loyer de l’ancienne propriétaire. Après que les relations entre les parties se soient détériorées, l’ancienne propriétaire dépose plainte pénale. Une expertise psychiatrique met en évidence un trouble mixte de la personnalité de l’ancienne propriétaire à traits anxieux et dépendants. Le TF doit déterminer si la locataire et son fils se sont rendus coupables d’usure.

L’usure suppose une contreprestation de celui qui tire un avantage pécuniaire de l’exploitation de la dépendance d’une personne. Le montant de la vente affecté à des travaux et le contrat de bail accordé à l’ancienne locataire ne constituent pas de contreprestation au sens de l’art. 157 CP. Partant, le TF ne retient pas l’usure

Art. 158 CP.

Un investisseur fait des placements via une Sàrl active dans la gestion de fortune pour un montant total de USD 280’000.00. En raison de la fréquence élevée des transactions, il doit payer plus de USD 160’000.00 de commissions. Il subit de surcroît une perte sur le marché, de sorte que l’investisseur perd quasiment l’entier de l’argent investi.

Prévenus de gestion déloyale respectivement de complicité à gestion déloyale, l’associé-gérant et l’employé qui s’est occupé de l’investisseur sont acquittés par le Tribunal cantonal. La Haute cour doit déterminer les conditions de la gestion déloyale.

Le Tribunal fédéral condamne le gestionnaire de fortune pour violation des devoirs qui lui appartenait en s’étant rendu coupable de « churning ». Ce procédé financier consiste déplacer de manière excessive les avoirs de clients sans que ce soit économiquement justifié, dans le but de générer des commissions. De surcroît, un consentement du client ne peut pas être retenu, à mesure qu’il aurait dû intervenir avant la réalisation de l’atteinte. Au vu du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire de fortune, un tel consentement ne peut généralement pas être retenu dans l’hypothèse du « churning ».

Art. 138 CP.

Le prévenu conclut un contrat de leasing portant sur une voiture au nom d’une société. Quelques mois plus tard, le donneur de leasing résilie le contrat et exige la restitution du véhicule, que le prévenu a vendu à un tiers. Selon les conditions générales du contrat de leasing, le preneur de leasing n’avait pas le droit de laisser utiliser le véhicule par un tiers. Considérant qu’en conséquence le véhicule n’avait pas été confié au prévenu, le tribunal cantonal a jugé qu’il ne pouvait être reconnu coupable d’abus de confiance au sens de l’art. 138 CP. Saisi d’un recours du Ministère public, le Tribunal fédéral doit clarifier la notion d’ « objet confié » au sens de l’art. 138 CP.

Le Tribunal fédéral retient qu’une chose est confiée aux termes de l’art. 138 al. 1 ch. 1 CP si une personne en reçoit la maîtrise avec l’obligation de gérer conformément aux intérêts de l’ayant droit, la maîtrise étant une notion factuelle et non juridique. En l’espèce, quand bien même le prévenu n’était juridiquement pas partie au contrat de leasing, il s’est, dans les faits, chargé de la voiture. Partant, il doit être condamné pour abus de confiance au sens de l’article précité.

Art. 321 CP.

Le médecin-conseil d’un employeur est condamné par le Tribunal cantonal pour violation de son secret professionnel pour avoir communiqué à l’employeur des informations excessivement détaillées du patient expertisé. Le médecin interjette recours au Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral est d’avis que tout titulaire du titre de médecin est soumis au secret professionnel en vertu de l’art. 321 CP, peu importe qu’il agisse en qualité d’expert et médecin-conseil de l’employeur et non de médecin traitant du patient. Il rejette également l’argument selon lequel l’intéressé aurait consenti à la révélation, en considérant qu’en vertu de l’art. 328b CO et du Manuel de formation au cabinet médical FMH, le médecin-conseil était en droit de transmettre à un employeur exclusivement les informations concernant le moment auquel l’incapacité de travail a commencé, sa durée, son étendue et son origine (maladie ou accident). Le Tribunal fédéral retient également que les éléments subjectifs de l’infraction sont réalisés, partant confirme la condamnation du médecin-conseil.