Droit pénal spécial

TF 6B_711/2008

2008-2009

Art. 220 CP ; 82 al. 1 LDIP, droit malais

(BJP N°585)

Enlèvement de mineur. Le recourant est un citoyen autrichien. L’intimée est ressortissante de Malaisie. Ils se sont mariés le 24 février en Autriche. Le 25 mai 2000, les époux ont divorcé en Autriche. La recourante, alors enceinte, a quitté l’Autriche pour retourner vivre en Malaisie, dans la province du Selangor, où elle donna naissance à A., sa fille née le 6 janvier 2001. Le recourant fut inscrit dans les registres des naissances, comme le père de l’enfant. En novembre 2002, le recourant se rendit en Malaisie, pénétra dans la maison de la recourante pendant que celle-ci travaillait emmena sa fille avec lui jusqu’en Suisse, dans son logement sis à Bâle. Dans la mesure où, au moment de son enlèvement par le recourant, l’enfant avait son lieu de résidence habituel en Malaisie, c’est le droit malais, selon l’art. 82 al. 1 LDIP qui régit la question des relations personnelles entre parents et enfants. L’intimée, le recourant et leur fille appartiennent à la communauté islamique, raison pour laquelle selon le système juridique malais, il y a lieu d’appliquer le droit de la famille islamique local, à savoir le "Selangor Islamic Family Law Enactment 1984". A. est un enfant issu d’un couple divorcé. La mère d’un tel enfant est titulaire de la « custody », respectivement de la garde, pendant le mariage, mais également après sa dissolution (art. 81 ff. des "Selangor Islamic Family Law Enactment 1984"). La « custody » sur une fille se termine lorsque celle-ci atteint sa neuvième année et le droit de garde est alors complètement transféré au père de l’enfant. Selon l’art. 83 lit. c du "Selangor Islamic Family Law Enactment 1984", la mère de l’enfant perd également sa « custody », respectivement la garde de l’enfant antérieurement à la neuvième année « by her changing her residence so as to prevent the father from exercising the necessary supervision over the child, except that a divorced wife may take her own child to her birth-place ». Le père de l’enfant détient alors, selon le droit malais, le « guardianship », soit une sorte de tutelle. Il a le devoir de veiller sur l’enfant et sur le bien de ce dernier (art. 88 ff. des "Selangor Islamic Family Law Enactment 1984"). Ses pouvoirs sont plus larges que ceux de la mère et c’est à lui qu’incombent toutes les décisions importantes relatives à l’enfant. Sur la base du "guardianship" dont le recourant était titulaire au moment du déplacement de l’enfant de Malaisie en Suisse, il doit être considéré comme (co)titulaire de l’autorité parentale. Il ressort d’une interprétation correcte de l’art. 83 lit. c du « Selangor Islamic Family Law Enactment 1984 » que la mère doit agir délibérément dans le but de priver le père de sa faculté d’exercer ses droits. L’intimée n’a pas agi avec un tel dessein, raison pour laquelle elle n’avait pas perdu la « custody » sur sa fille. Dans la mesure où le recourant n’était pas le seul titulaire du droit de garde sur sa fille, sa condamnation pour enlèvement de mineurs ne viole pas le droit fédéral.


TF 6B_993/2008

2008-2009

Art. 219 CP

(BJP N°579)

Violation du devoir d’assistance ou d’éducation. Le recourant avait surchargé sa belle-fille âgée de 12 ans pendant une période de 3 ans par une participation substantielle aux tâches du ménage et ne lui avait pas laissé assez de temps pour ses travaux scolaires, alors même qu’il savait que celle-ci souffrait d’un trouble de la perception lui occasionnant une lenteur et une sensibilité particulières. La jeune fille en âge de scolarité obligatoire devait s’occuper de ses trois jeunes frères (réveiller, langer, habiller), préparer le petit déjeuner, parfois le repas de midi et, lors d’absence de la mère, le dîner, laver la vaisselle et le linge, aider aux écuries, donner le foin et cueillir les fruits. Si elle ne travaillait pas autant que le souhaitait le recourant, ce dernier la dénigrait verbalement ou jetait ses objets. Celui qui utilise dans cette mesure et pendant des années, comme force de travail, une enfant mineure sur laquelle il doit veiller – au moyen d’humiliation physiques et verbales et au dépens de son intégration scolaire – fait courir un tel danger au développement de celle-ci que des effets sur le développement physique et psychique ordinaire de l’enfant sont à craindre, respectivement qu’il existe une forte probabilité de lésion portée au bien juridiquement protégé. Il n’est pas requis que le danger concret se matérialise, à savoir que le comportement de l’auteur contraire à ses devoirs occasionne un dommage à la santé. Dès lors, l’instance précédente pouvait considérer, sans violer le droit fédéral, que les éléments constitutifs objectifs de l’art. 219 CP étaient réalisés, notamment la condition de la causalité. L’admission de l’élément subjectif sous la forme du dol éventuel ne viole pas plus le droit fédéral. Le recourant avait connaissance des conditions factuelles de sa position de garant, du fait que son comportement était contraire à ses devoirs ainsi que de la situation personnelle et de santé de la victime. Dans une telle situation, il a nécessairement dû avoir conscience de la possibilité sérieuse de la survenance du résultat requis sous la forme d’une mise en danger concrète de la victime. S’agissant de l’aspect volitif, sur la base des circonstances objectives du cas d’espèce, il y a lieu de considérer que le recourant a pris en compte la possibilité de mettre en danger la santé physique et psychique de sa belle-fille. En effet, la probabilité de la survenance du résultat apparaissait tellement élevée que son comportement ne peut être compris que comme l’admission du résultat, pour le cas où il viendrait à se produire.


TF 6B_355/2009

2008-2009

Art. 181 CP

(BJP N°619)

Contrainte. Faits : X. était le propriétaire d’un bien-fonds grevé d’une servitude de passage à véhicules, ainsi que le copropriétaire de la barrière se situant sur ledit bien-fonds. L’assemblée des copropriétaires a décidé d’un nouveau revêtement pour le chemin d’accès et du déplacement de la barrière. X. a attaqué cette décision auprès du juge de paix. Peu avant l’audience, une entre­prise de constructions mise en oeuvre par certains des copropriétaires du chemin, a commencé à pourvoir celui-ci d’un nouveau revêtement. A l’aide de sa voiture, X. a privé les ouvriers d’accès. Il a appelé la police et a, à travers son avocat, requis l’arrêt immédiat des travaux auprès de l’autorité judiciaire compétente. Sur ordre du juge d’instruction compétent, X. a garé son véhicule à un autre endroit. Le bloquage des ouvriers a duré une heure environ. Droit : X. n’a fait que ce que tout citoyen raisonnable a le droit de faire ou ferait dans une telle situation, certes émotionnellement tendue. Une personne qui a l’intention d’adopter un comportement illicite n’appelle pas aussitôt la police, se plie à ses injonctions, consulte son avocat et introduit immédiatement une requête en arrêt des travaux auprès de l’autorité judiciaire compétente. L’on ne pouvait raisonnablement demander davantage à X. Dans ces circonstances, son comportement n’était ni disproportionné ni inapproprié. Le fait de bloquer le chemin avec sa voiture pour une durée d’environ une heure se trouvait dans une relation justifiée par rapport aux moyens utilisés et aux objectifs visés, soit dans le but d’empêcher la prétendue exécution des mesures de construction dans les circonstances de l’époque. Le comportement contraignant adopté par X. n’était donc pas illicite.

TF 6B_536/2008

2008-2009

Art. 123 al. 1, 181 CP

(BJP N°537)

Contrainte ; lésions corporelles simples. Celui qui, pour ennuyer autrui, place son véhicule de livraison contre un véhicule stationné, de sorte que son détenteur est empêché de s’en servir pendant près d’une demi-heure commet l’infraction de contrainte. Si l’auteur ne déplace pas son véhicule en dépit de plusieurs demandes, le conducteur empêché de repartir est légitimé à entreprendre des démarches proportionnées en vue de faire cesser l’atteinte dont il est l’objet (en l’espèce, ouvrir la porte du véhicule de livraison pour y chercher la clé de contact). L’auteur de la contrainte qui s’en prend physiquement au conducteur dans ce contexte ne peut pas se prévaloir de la légitime défense.

TF 6B_793/2008

2008-2009

Art. 181 CP, 49 LCR, 46 al. 1 et 2 et 47 al. 1 OCR

(BJP N°577)

Contrainte; manifestation. Celui qui participe avec d’autres manifestants à un rassemblement d’une heure (de 6h04 à 7h08) sur la chaussée du Rheinbrücke bei Kaiserstuhl et, ce faisant, empêche la traversée du Rhin pour le trafic motorisé et contraint les automobilistes, soit à attendre, soit à prendre un autre chemin, agit de manière illicite et commet, tant sur le plan objectif que subjectif, un acte de contrainte sous la forme d’une autre entrave dans la liberté d’action. Il n’y a pas de violation de l’interdiction de l’arbitraire ni du principe d’équivalence des coûts, si chacun des 23 manifestants reconnus coupables, est condamné à payer les frais et émolument de procédure à hauteur de CHF 1'146.- chacun.

 

TF 6B_664/2008

2008-2009

Art. 261bis CP

(BJP N°580)

Discrimination raciale. Les membres de la section valaisanne de l'UDC ont placardé des affiches, montrant des musulmans en train de prier face contre terre devant le Palais fédéral accompagnées du slogan suivant: « Utilisez vos têtes ! Votez UDC. Suisse, toujours libre ! ». Pour apprécier si la déclaration porte atteinte à la dignité humaine et si elle est discriminatoire, il faut se fonder sur le sens qu'un destinataire moyen lui attribuerait en fonction de toutes les circonstances. Les messages concernant des questions politiques et des problèmes de la vie publique revêtent une importance particulière. Dans une démocratie, il est primordial de pouvoir défendre des points de vue qui déplaisent à une majorité et qui sont choquants pour de nombreuses personnes. La critique doit être admise dans une certaine mesure et parfois aussi sous une forme outrancière. Certes, il ne faut pas donner à la liberté d'expression une signification si étendue que le souci de lutte contre la discrimination raciale est vidé de sa substance. A l'inverse, il doit être possible, dans une démocratie, de critiquer aussi le comportement de groupes humains déterminés. Le lecteur moyen pouvait comprendre ces affiches dans le sens où il devait voter UDC pour éviter une invasion, voire une contamination musulmane en Suisse. Ce message joue évidemment sur les peurs et croyances populaires, puisqu'il laisse craindre une présence accrue de l'Islam dans notre société, alors que des gens en prière ne sont pourtant pas censés constituer une menace. Il dénote également un manque d'ouverture d'esprit et de tolérance. Cependant, il ne fait pas apparaître les musulmans comme étant de rang inférieur et ne comporte pas d'affirmation d'inégalité de droit à jouir des droits de l'homme, même si un climat de peur ou d'hostilité peut être créé ou entretenu de cette manière. L'affiche comporte également un jeu de mot provocateur, dans la mesure où elle associe l'image des postérieurs avec le mot « tête ». Cette allusion ne constitue pas le message principal des affiches litigieuses et ne suffit pas pour faire paraître les musulmans comme inégaux en droit du simple fait de leur croyance. De plus, la liberté d'expression commande de ne pas admettre facilement, dans le débat politique, notamment dans le contexte d'élections, l'existence d'un abaissement ou d'une discrimination. Cette campagne ne tombe donc pas sous le coup de la discrimination raciale.


ATF 134 IV 307

2008-2009

Art. 305ter

Violation de l'obligation de diligence dans les opérations financières ; prescription. L'obligation d'identifier naît avec la relation d'affaires et subsiste jusqu'au terme de celle-ci. L'intermédiaire financier qui, dans le cadre d'une relation d'affaires durable, effectue des actes de gestion sans identifier l'ayant droit économique agit en permanence de manière illicite. La violation de l'obligation de diligence dans les opérations financières se caractérise alors comme un délit continu. Dans cette hypothèse, la prescription court du jour où s'éteint la relation d'affaires, partant le devoir d'identification y relatif, ou du jour où l'intermédiaire financier régularise la situation illicite ainsi créée en identifiant l'ayant droit économique des valeurs patrimoniales qu'il gère (consid. 2.4).

TF 6B_402/2008

2008-2009

Art. 156, 271, 304 al. 1, 22 al. 1, a23 al.1, 322septies CP

(BJP N°541)

Induire la justice en erreur ; délit impossible. Celui qui prétend sciemment de manière fallacieuse, à l’intention des autorités suisses, qu’un avocat russe lui a promis, en Suisse, contre le paiement de 50'000 USD, le classement d’une procédure pénale et le retrait d’une demande d’extradition dans la cause d’un tiers qui lui est proche comme un délit impossible (art. a23 al. 1 CP, respectivement 22 al. 1 in fine CP) d’induire la justice en erreur (art. 304 ch. 1 al. 1 CP). Le recourant n’a pas réalisé l’élément objectif de l’infraction consistant à induire la justice en erreur, dans la mesure où le comportement allégué par lui ne constituait pas une infraction en droit suisse, au moment déterminant et que, dès lors, cet élément constitutif objectif de l’art. 304 CP n’était pas donné. Au moment des faits, l’art. 322septies CP n’était pas encore en vigueur, de sorte que la corruption d’agents publics étrangers ne constituait pas une infraction en droit suisse. L’infraction décrite à l’art. 271 CP (actes exécutés sans droit pour un Etat étranger) n’était pas réalisée, dans la mesure où il n’y avait aucun acte et aucune atteinte à la souveraineté étatique suisse. Dans l’optique de l’art. 156 CP (extorsion), la menace d’un dommage sérieux faisait défaut.


TF 6B_835/2008

2008-2009

Art. 305bis CP

(BJP N°621)

Blanchiment d’argent. Celui qui se fait remettre par une connaissance une somme d’argent au comptant, contenue dans un sac, d’un montant de CHF 362'000.-, afin qu’il la transfère – en contrepartie d’une commission de CHF 46'000.-, vers le Brésil, après l’avoir fait transiter par une banque de Vaduz, en faveur d’une entreprise destinataire qu’il ne connaît pas, - doit, au vu des circonstances, en particulier de la répartition insolite de la somme en petites coupures, de la commission élevée et du fait qu’il ne connaît pas personnellement l’ayant droit économique, admettre que l’argent est d’origine criminelle.

TF 6B_559/2008

2008-2009

(BJP N°503)

Rupture de ban ; droit transitoire (CP/StGB 291, 2 al. 2, a55; disp. finale de la modification du CP du 13.12.2002 ch. 1 al. 2). La rupture de ban est une infraction qui punit la non soumission à une décision exécutoire d’expulsion du territoire suisse rendue par une autorité compétente judiciaire ou administrative. Selon le chiffre 1 al. 2 des dispositions finales de la modification du CP du 13.12.2002, les peines accessoires, soit l'incapacité d'exercer une charge ou une fonction (art. 51 ancien), la déchéance de la puissance paternelle ou de la tutelle (art. 53 ancien), l'expulsion en vertu d'un jugement pénal (art. 55 ancien), l'interdiction des débits de boisson (art. 56 ancien) sont supprimées ex lege à l'entrée en vigueur du nouveau droit si elles ont été prononcées en vertu de l'ancien droit. Dès lors, l’insoumission à une décision d’expulsion prononcée par le juge pénal avant l’entrée en vigueur du nouveau droit, mais jugée postérieurement au 1.1.2007 n’est pas punissable.

Art. 34 PPF, 242 CP

(BJP N°558)

Mise en circulation de fausse monnaie ; qualité de partie civile. Dans le cas d’une infraction de mise en circulation de fausse monnaie, l’action civile ne peut être exercée que par ceux auxquels l’auteur de l’infraction a directement, personnellement et intentionnellement remis de la fausse monnaie. La qualité de partie civile doit être refusée, à toute autre personne qui subit un dommage réfléchi du fait de la remise des faux billets par la victime directe de l’infraction.

ATF 135 IV 12

2008-2009

Art. 251 CP

Éléments constitutifs subjectifs du faux dans les titres. Celui qui signe consciemment des documents qu'il n'a pas lus, ne peut arguer de sa méconnaissance de leur contenu exact. Celui qui sait qu'il ne sait rien, ne se trompe pas (consid. 2.3.1). On ne saurait toutefois, sans examen de la connaissance de l'auteur, conclure à une acceptation d'un faux dans les titres (consid. 2.3.2). Peuvent constituer des indices d'une acceptation, l'importance de la mise en danger des intérêts d'autrui, le risque concret de réalisation du résultat et les motifs de l'auteur (consid. 2.3.3).

ATF 135 IV 37

2008-2009

LPTh 86, 87

Mise en danger concrète de la vie d’autrui ; violation de la Loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (Loi sur les produits thérapeutiques) ; différence entre les délits et les contraventions. La commission des délits exige, contrairement aux éléments constitutifs des contraventions, une mise en danger concrète de la santé des êtres humains. La remise sans ordonnance d'un médicament qui ne peut être prescrit que par un médecin (dans le cas particulier du "Viagra") à un tiers remplit les conditions objectives du délit uniquement si ces substances sont effectivement livrées à des personnes à risque pour lesquelles la prise de ces produits peut être dangereuse. Le fait que parmi les nombreux clients livrés au hasard se trouvent certainement aussi des personnes à risque ne suffit pas pour fonder une mise en danger concrète de la santé des êtres humains (consid. 2.4).

ATF 135 IV 56

2008-2009

Art. 125 al. 2 CP

Lésions corporelles graves par négligence. Question de l'imputation du résultat. Une personne en a intentionnellement blessé gravement une autre par un coup de pistolet. Le pistolet - qui lui avait été séquestré en raison d'un précédent - lui avait été restitué par l'autorité de police compétente en application de la législation sur les armes, après que l'accusé, suite à une expertise psychiatrique, avait certifié que la personne ne présentait pas de risque de suicide ni n'était dangereuse pour des tiers. Au moment du coup, la personne était munie d'un second pistolet prêt au tir, qu'elle possédait indépendamment du comportement de l'accusé (consid. 3-5). Causalité alternative, compensation hypothétique des causes du résultat; participation non intentionnelle à une infraction de résultat commise intentionnellement (consid. 3). Violation du devoir de prudence dans l'examen des dangers résultant de la possession d'une arme par une personne (consid. 4). Exigences quant à la relation entre le comportement imprudent et le résultat qui s'est produit (consid. 5).

TF 6B_15/2008

2008-2009

(BJP N°496)

Homicide intentionnel ; défense excessive. Coup mortel porté à un agresseur qui avait frappé sur la tête de la personne concernée avec un revolver chargé. L’état de fait, notamment en relation avec l’état d’émotion du recourant et son ressenti de l’intensité de la menace, n’est pas établi de manière suffisante, de sorte qu’il n’est pas pos­sible de vérifier si l’acte de défense était proportionné et plus généralement si l’art. a33 CP a été correctement appliqué. L’état de fait est lacunaire, ce qui correspond à une violation du droit fédéral. L’arrêt doit donc être annulé et retourné à l’autorité précédente afin qu’elle établisse complètement les faits déterminants pour l’application du droit fédéral (art. 107 al. 2 LTF).


TF 6B_468/2008

2008-2009

Homicide par négligence. Les règles de prudence en matière d’armes à feu, singulièrement celles qui ont trait aux mesures à prendre en présence d’enfants et d’adolescents, reposent sur le constat que les armes exercent sur les jeunes gens un attrait particulier, difficilement maîtrisable, qui commande, notamment lorsque l’arme se trouve dans un foyer où vivent des enfants ou des jeunes gens, des précautions particulières. De plus, il y a ici l’aspect de la responsabilité des parents pour les dommages causés à des tiers par leurs enfants au moyen d’objets dangereux, tels que des armes ou d’autres instruments susceptibles de causer des lésions corporelles ou même un décès, peut reposer sur la violation d’obligations de deux ordres : d’une part si les parents ont satisfait à leur obligation d’instruire les enfants ou les adolescents sur l’utilisation de l’objet et les risques qu’il comporte, d’autre part s’ils ne devaient pas restreindre ou empêcher, dans une mesure plus ou moins étendue, l’accès de l’enfant ou de l’adolescent à l’instrument dangereux par exemple en le conservant sous clé.

TF 6B_922/2008

2008-2009

Lésions corporelles par négligence. Le conducteur d’un véhicule à moteur qui, en faisant preuve de l’attention due, aurait pu et dû reconnaître qu’un piéton d’un âge avancé s’apprêtait, en infraction aux règles de la circulation et en partant du trottoir gauche, à traverser la route trois mètres à côté du passage pour piétons, viole son devoir de diligence lorsqu’il heurte ledit piéton sur sa moitié de la piste en raison d’un manque d’attention.

ATF 135 IV 76

2008-2009

Art. 146 al. 1 CP

Escroquerie au placement. Le placement d'options sur des actions - par un démarchage oral agressif des clients, auxquels sont dissimulées les commissions effectivement prélevées - effectué par l'intermédiaire de télévendeurs ne comprenant pour l'essentiel rien aux produits placés et eux-mêmes dans l'erreur quant à la structure des commissions, constitue une escroquerie. Le fait que les victimes aient pu a posteriori, sur la base de décomptes correctement établis, se rendre compte du montant des commissions n'exclut pas l'astuce (consid. 5.3).

TF 6B_440/2008

2008-2009

Art. 146 CP (BJP N°540)

Escroquerie ; coresponsabilité de la victime. L’astuce a été admise dans le cas de commandes trompeuses pour un montant de l’ordre de 16'000 CHF, par une personne incapable de s’exécuter. L’instance cantonale devait notamment partir du principe que selon les usages commerciaux, il n’existe un devoir de vérification approfondie de la solvabilité qu’à partir d’un volume d’affaires plus élevé que celui retenu dans la présente cause.

TF 6B_483/2008

2008-2009

Art. 169 CP

(BJP N°542)

Détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice. Le TF confirme sa jurisprudence consacrée dans l’ATF 86 IV 170. Ainsi, l’employeur qui retient une partie du salaire de son employé sur la base d’une saisie notifiée par l’Office des poursuites dans le cadre d’une poursuite dirigée contre cet employé et qui ne la verse pas à l’Office des poursuites mais en fait un autre usage, ne commet pas l’infraction de détournement de valeurs mises sous main de justice; l'objet de la saisie reste, tant que le débiteur ne s'en est pas acquitté, la créance de salaire. C’est donc à tort que l’instance cantonale a reconnu le recourant coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice au sens de l’art. 169 CP; en effet, au lieu d’utiliser l’argent de l’entreprise pour payer la partie de salaire faisant l’objet de la saisie, l’employeur a versé directement ces fonds à l’employé, respectivement a compensé la créance de salaire avec une dette contractée auprès de lui.


TF 6B_948/2008

2008-2009

Art. 150bis CP, art. 1 al. 1 LAVI, 81 al. 1 LTF (BJP N°600)

Fabrication et mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés; qualité pour recourir en matière pénale. En matière de fabrication et mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés, la personne morale lésée ne peut pas interjeter un recours en matière pénale, si elle n’est pas accusateur privé au sens de l’art. 81 al. 1 lit. b ch. 4 LTF ou ne peut pas faire valoir de violation de son droit de porter plainte. En effet, la personne morale ne peut pas être une victime au sens de la LAVI et le simple lésé, non victime LAVI, n’est pas légitimer à interjeter un recours en matière pénale en relation avec le verdict de culpabilité. Indépendamment du défaut de légitimation, le lésé peut toutefois faire valoir une violation des droits de procédure dont le non respect peut être assimilé à un déni de justice. Dans ce cas, l’intérêt juridiquement protégé visé à l’art. 81 al. 1 lit. b LTF ne se rapporte pas à une légitimation sur le fond de l’affaire, mais à une légitimation à participer à la procédure. Si le recourant est partie à la procédure cantonale au sens de ce qui vient d’être dit, il peut invoquer la violation de chaque droit de partie dont il dispose sur la base du droit cantonal de procédure, de la Constitution fédérale ou de la CEDH et dont la violation correspond à un déni de justice. Sont ainsi recevable des griefs qui sont de nature formelle et qui peuvent être disjoints de l’examen du fond.


TF 6B_225/2008

2008-2009

(BJP N°500)

Enregistrement secret de conversation par des journalistes; principe d’accusation; motif justificatif de la défense d’intérêts légitimes; devoir de la profession. Le Tribunal fédéral admet une violation du principe d’accusation, du droit d’être entendu et des droits de la défense, en relation avec la violation du domaine privé ou du domaine secret au moyen d’un enregistreur, au sens de l’art. 179quater CP. Un entretien de conseil mené par un assureur dans le logement d’un client potentiel n’est pas public et tombe dans le champ d’application des art. 179bis et 179ter CP. Dans le cas d’espèce, les enregistreurs de son et d’images dissimulés n’étaient pas nécessaires afin de parvenir au but qui consistait à informer le public à propos des carences dans le domaine du conseil en assurances. Dès lors, l’infraction ne peut pas être justifiée, ni par la défense d’intérêts légitimes, ni par un devoir professionnel.

TF 6B_33/2008

2008-2009

Art. 173 CP

(BJP N°575)

Diffamation ; impression du lecteur moyen non prévenu. Le verdict de culpabilité pour diffamation repose en partie sur une interprétation extensive des déclarations contenues dans les propos incriminés et, partant, sur des affirmations que le recourant n’a pas faites, selon l’impression du lecteur moyen non prévenu. Les soupçons véhiculés qui ont conduit au verdict de culpabilité pour diffamation ne sont pas attentatoires à l’honneur, dans la mesure où, contrairement à ce que retient l’autorité can­tonale, ils ne s’en prennent au lésé que dans ses qualités professionnelles. Même si ces accusations devaient avoir un certain effet réflexe sur la réputation du lésé en sa qualité d’être humain honorable, le recourant n’en est pas pour autant punissable, dans la mesure où la véracité des soupçons ainsi véhiculés a été démontrée sur ses points essentiels.


TF 6B_850/2008

2008-2009

Art. 14, 173 CP

(BJP N°525)

Diffamation ; justification. Dans le cadre d’une procédure matrimoniale, l’avocat de l’épouse mandate un psychologue afin que ce dernier établisse un rapport d’évaluation de l’état psychologique de sa mandante et du lien éventuel entre ce dernier et la situation conjugale. Le psychologue élabore un rapport aux termes duquel il retient notamment que l’épouse est victime d’un harcèlement psychologique important de la part de son conjoint. Le psychologue accusé de diffamation (art. 173 CP) qui n’est pas intervenu comme expert judiciaire ne peut pas invoquer un devoir légal direct de parler (art. 14 CP), faute de disposition à ce propos. En revanche, on peut déduire que celui qui déclare à l'avance, par écrit, des faits en vue d'une procédure déterminée et qui anticipe de la sorte sa participation à la procédure en qualité de témoin, se trouve déjà dans une situation particulière, analogue à celle du témoin, en ce sens que la seule production de sa déclaration en procédure, qu'il accepte, l'expose à devoir assumer les obligations incombant au témoin. Dès lors, il y a lieu d’appliquer à ce cas la jurisprudence relative au témoignage, à savoir que le témoin, tenu de déposer, n'est pas punissable s'il se borne à répondre, sans formules inutilement blessantes, aux questions posées en disant ce qu'il considère comme vrai.

TF 6B_494/2008

2008-2009

Art. 190 al. 3, 47 CP

Viol avec cruauté ; fixation de la peine. En cas de viol, la gravité de l'acte et, partant, de la faute se détermine en premier lieu en fonction des moyens de contrainte utilisés par l'auteur. Lorsque l'auteur a fait preuve de cruauté envers la victime, le juge doit tenir compte, lors de la fixation de la peine, du degré de cruauté avec lequel la victime a été traitée. Le comportement de la victime peut constituer une circonstance atténuante au sens de l’art. 48 CP, si la victime provoque l'auteur par un comportement initial. La conduite de la victime doit avoir été si provocante que même un homme conscient de ses responsabilités aurait eu de la peine à y résister. Le juge ne saurait retenir cette circonstance atténuante au motif que la morale de la victime serait douteuse ou que l'auteur se serait vu offert une occasion favorable; un éventuel comportement de la victime proche du consentement peut toutefois être pris en compte lors de la fixation de la peine dans le cadre de l'art. 47 CP. En revanche, le comportement de la victime en réaction à l'acte de contrainte est en règle générale sans pertinence. Ainsi, il n'y a pas lieu d'atténuer la peine du seul fait que la victime n'a pas opposé de résistance et s'est prêtée de plein gré aux entreprises de l'auteur. En l’espèce, une peine privative de liberté de trois ans et demi pour un viol avec cruauté commis en menaçant la victime et en la blessant avec un tesson de bouteille est exagérément clémente. Le fait que la victime ait feint le consentement sous l’effet de la menace n’est d’aucune pertinence.


TF 6B_75/2009

2008-2009

(BJP N°618)

Désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel ; utilisation abusive d’une installation de télécommunication. Se rend coupable de harcèlement sexuel (art. 198 al. 2 CP) celui qui importune une personne par des attouchements d’ordre sexuel ou par des paroles grossières. Il n’est pas indispensable que le harcèlement se produise dans un lieu public. La connotation sexuelle de propos doit s’apprécier à l’aune des circonstances concrètes et du contexte général. Doit être prise en compte la question de savoir si l’on pouvait attendre de la victime qu’elle se soustraie au harcèlement, ce qui est en règle générale plus difficile au lieu de travail et dans des lieux semblables que par exemple dans des locaux publics. D’un point de vue subjectif, l’art. 198 al. 2 CP exige que l’auteur ait à tout le moins accepté l’éventualité que la victime se sentît importunée par ses propos. Des incitations et questions grossières et obscènes d’ordre sexuel qui émanent d’un appelant inconnu, beaucoup plus âgé, et qui portent sur la vie sexuelle de la victime sont manifestement propres à importuner une adolescente de 14 ans. Remplit les conditions de l’art. 179septies CP celui qui, par méchanceté ou par espièglerie, aura utilisé abusivement une installation de télécommunication pour inquiéter un tiers ou pour l’importuner. L’art. 179septies CP protège le droit à la personnalité de la personne concernée contre certaines atteintes par téléphone. Il peut dès lors entrer en concours idéal avec l’infraction de harcèlement sexuel exécutée au moyen de paroles grossières selon l’art. 198 al. 2 CP, qui protège le bien juridique de l’autodétermination sexuelle de la victime. Un tel concours n’est toutefois possible que si le téléphone n’est pas uniquement utilisé comme instrument de l’infraction en vue de transmettre un seul message obscène. Il faut que l’auteur ait assailli sa victime au moyen de nombreux appels téléphoniques obscènes et qu’il ait ainsi tiré profit de l’effet potentiellement harcelant des installations de télécommunication (pour la relation entre la contrainte selon l’art. 191 et l’art. 179septies CP, cf. ATF 6S.559/2000, 29.12.2000, consid. 5 et les références citées). Celui qui fait un usage conscient des possibilités offertes par les installa­tions de télécommunication aux fins d’entrer en contact avec des victimes adolescentes de façon anonyme et de manière à les importuner, ce qui ne lui aurait pas été possible sans l’abus ciblé du téléphone, se rend coupable à la fois de harcèlement sexuel et d’utilisation abusive d’une installation de télécommunication, dès lors que le contenu illicite de son comportement ne s’épuise pas en la violation de l’intégrité sexuelle de la victime.