Droit pénal spécial

ATF 149 IV 1 (d)

2022-2023

Télémarketing ; relation commerciale actuelle. Une personne peut refuser de recevoir des publicités par appel téléphonique par l’insertion d’un astérisque dans l’annuaire. Seule une relation commerciale actuelle permet de passer outre ce principe. Cette notion doit être interprétée restrictivement. Un délai de sept ans entre les dernières communications entre le client et le fournisseur ne constitue pas une relation commerciale actuelle.

ATF 149 IV 153 (d)

2022-2023

Vidéosurveillance ; absence de consentement ; licéité ; exploitabilité. La vidéosurveillance dans un parking privé de l’aéroport correspond à une récolte de données personnelles. Cette collecte sert à la sécurité des usagers et à la prévention des infractions, ce qui constitue un intérêt privé prépondérant. Ainsi la récolte est licite et le consentement des personnes filmées n’est pas nécessaire. Les enregistrements obtenus sont totalement exploitables.

TF 6B_911/2021 (d)

2022-2023

Confiscation ; quantités minimes de cannabis. Cet arrêt répond par la négative à la question de la savoir si les quantités minimes de stupéfiants (art. 19b al 1 LStup) peuvent faire l’objet d’une confiscation pénale au sens de l’art. 69 CP. Deux positions doctrinales s’opposaient précédemment : l’une, en défaveur de la confiscation d’un objet d’une situation atypique pénalement (art. 19b LStup) et l’autre, en faveur de la confiscation de l’objet d’une situation certes pénalement atypique, mais qui peut constituer un acte préparatoire d’une infraction, dont on ne peut nier le risque d’une infraction suivante (art. 19 LStup). Il s’agirait de la confiscation d’objets dangereux, qui a vocation à exister indépendamment de la culpabilité de l’auteur·e, dès lors qu’il existe une mise en danger de la sécurité, moralité ou de l’ordre publics (art. 69 CP). Le TF rejette cette seconde position. D’une part, la confiscation d’objets dangereux exige une infraction concrète comme point de départ, ce qui n’est pas le cas de l’art. 19b LStup, et donc en cas d’infraction postérieure, l’art. 19b serait un acte préparatoire non punissable. D’autre part, le fait qu’il existe hypothétiquement une infraction subséquente ou préalable par l’intervention d’un tiers n’est pas un fondement suffisant : il est nécessaire d’apporter la preuve d’une telle infraction. Une enquête serait systématiquement nécessaire pour répondre à cette dernière question, mais au vu de la volonté d’alléger la procédure par l’amende d’ordre, de la non-punissabilité des quantités minimes de cannabis et de la légalité de certains types de cannabis, cela serait contraire à la volonté du législateur. Ainsi les quantités minimes de cannabis, au sens de l’art. 19b LStup, ne sont pas confiscables et doivent être remises à l’auteur·e.

ATF 149 IV 57 (f)

2022-2023

Acceptation d’un avantage indu. Pour retenir l’infraction de l’art. 322sexies CP, il suffit que l’autorité accepte l’avantage en sachant que celui-ci ne repose sur aucune base juridique, qu’elle ne peut l’accepter et qu’elle s’accommode du fait que cela soit fait pour l’influencer dans son activité officielle. Le défaut de l’intention de réaliser la tâche pour laquelle l’avantage est fourni ou la non-commission de cette tâche n’a aucune pertinence pour appliquer l’art. 322sexies CP. En outre, cette infraction est indépendante de l’art. 322quinquies CP et ne nécessite donc pas que les deux actes (donner et recevoir) soient punissables ensemble.

TF 6B_777/2022 (f)

2022-2023

Propos négationnistes discriminatoires ; humour satirique ; liberté d’expression. Les propos négationnistes tenus dans le cadre d’un spectacle d’humour sont susceptibles de constituer une infraction au sens de 261bis CP. Bien que la liberté d’expression protège les spectacles satiriques, ces derniers peuvent être limités par la protection contre les abus de droit dès lors que ces propos sont en opposition aux valeurs et libertés protégées par la CEDH.

ATF 148 IV 409 (f)

2022-2023

Diffamation ; notion de tiers ; l’avocat et son client. Lorsque le client s’entretient avec son avocat sur l’affaire pour laquelle il l’a mandaté, une atteinte à l’honneur à l’égard des autres participants de l’affaire doit être admise avec précaution. En effet, le contexte émotionnel et conflictuel avec les autres personnes concernées, la relation particulière de confiance entre l’avocat et son client ainsi que le secret professionnel de l’avocat doivent être pris en compte, l’avocat n’étant pas « n’importe quel tiers » (art. 173 ch. 1 CP) dans cette situation. Cependant, n’entrent pas dans cette catégorie les propos tenus sans lien aucun avec l’affaire, dans le but de nuire ou de mépriser une personne.

ATF 149 IV 116 (d)

2022-2023

Lésions corporelles par négligence ; consentement dans le cadre d’une activité sportive ; entrave à la circulation publique lors d’un accident de parapente. Avant de s’inscrire à un examen de vol en parapente en tandem, l’élève doit s’assurer qu’il dispose des compétences nécessaires pour passer cet examen en toute sécurité. Si, en raison d’une violation grossière des règles de prudence, il cause la chute du parapente et occasionne des lésions corporelles à son examinateur, il commet une imprévoyance coupable au sens de l’art. 12 al. 3 CP et l’infraction de lésions corporelles par négligence au sens de l’art. 125 CP doit être retenue. L’élève ne peut donc pas se prévaloir de son inexpérience pour exclure sa responsabilité. Pour pouvoir condamner l’élève, se pose encore la question de l’acceptation du risque d’accident par l’examinateur puisqu’il était conscient du fait que voler avec un débutant comportait certains risques. Dans ce contexte particulier où la victime ne peut pas intervenir et n’a ainsi aucune maitrise sur le déroulement de l’action, la jurisprudence parle de mise en danger d’autrui avec son consentement. Pour les activités sportives, il convient de prendre en considération les règles applicables à la discipline sportive en question. Lorsqu’un risque inhérent à la pratique du sport en question se réalise, l’acceptation de celui-ci est admise et l’auteur n’est pas punissable sauf s’il viole de manière grossière ou intentionnelle les règles précitées, ce qui a été le cas en l’espèce. Par ailleurs, la question de savoir si le comportement de l’auteur constituait également une entrave à la circulation publique au sens de l’art. 237 CP a été tranchée par la négative. Par un revirement de jurisprudence, le TF a considéré que la victime d’une telle infraction ne pouvait être qu’une personne touchée au hasard par la mise en danger créée par l’auteur de l’infraction, cette personne représentant alors la collectivité. En l’espèce, l’examinateur n’ayant pas été une personne touchée au hasard, cette infraction n’a pas pu être retenue contre le prévenu.

TF 6B_234/2022 (i)

2022-2023

Partages de vidéos représentant de la violence ; caractère insistant de l’art. 135 al. 1 CP ; valeur d’ordre culturel. Le partage, sur ses réseaux sociaux, de vidéos de courte durée représentant de la violence peut tomber sous le coup de l’art. 135 CP. Le caractère insistant requis par l’al. 1 de cette disposition ne présuppose pas que la représentation dure longtemps. Par ailleurs, accompagner la publication d’une légende incitant au partage pour condamner les violences ne suffit pas à lui conférer une valeur d’ordre culturel ou scientifique digne de protection au sens de l’art. 135 al. 1 CP. En effet, en l’espèce, faute de réelle clarification et/ou analyse de la part de l’auteur de l’infraction, les images brutales auxquelles les spectateurs et spectatrices ont été confrontés n’avaient aucune fonction informative et il ressortait clairement des vidéos que l’intention des réalisateurs et réalisatrices était l’incitation à la brutalité. S’agissant de l’élément constitutif subjectif de cette infraction, le dol éventuel suffit.

ATF 148 IV 393 (i)

2022-2023

Instigation au vol ; recel ; concours d’infractions. Il y a désormais concours réel imparfait – et non plus parfait – entre l’instigation à une infraction contre le patrimoine et le recel commis subséquemment par la même personne. Le recel constitue dès lors une infraction subséquente non punissable. Le traitement réservé à l’instigateur est dorénavant le même que celui réservé à l’auteur principal lorsque ce dernier commet successivement une infraction contre le patrimoine et un recel.

Obtention illicite d’une prestation d’une assurance sociale ou de l’aide sociale ; cas de peu de gravité. Le TF précise sa jurisprudence sur les conditions pour pouvoir retenir un cas de peu de gravité au sens l’art. 148a al. 2 CP. En cas d’obtention illicite d’une prestation d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, si le montant est inférieur à CHF 3’000, il s’agit toujours d’un cas de peu de gravité. Si le montant est supérieur à CHF 36’000, il ne s’agira plus d’un cas de peu de gravité. Si la somme perçue de manière indue se trouve entre ces deux sommes, c’est l’examen de la culpabilité au cas par cas qui permettra de déterminer si un cas de peu de gravité peut être retenu. De plus, si un cas de peu de gravité est retenu, il sera puni de l’amende (art. 148 al. 2 CP) et l’expulsion selon l’art. 66a al. 1 CP ne pourra pas être prononcée.

ATF 148 IV 128 (d)

2022-2023

Abus d’autorité ; dessein de nuire à autrui ; préjudice et acte de contrainte. Pour retenir le dessein de nuire à autrui de l’art. 312 CP, le lésé doit avoir subi un préjudice non négligeable, lequel peut résider dans l’acte de contrainte lui-même. Lorsque l’autorité ou les fonctionnaires usent d’une contrainte excessive consciemment et volontairement, ils acceptent ou s’accommodent de causer un préjudice à autrui. La légitimité du but poursuivi n’est pas pertinente pour l’examen des éléments constitutifs.