Droit pénal spécial

ATF 135 IV 198

2009-2010

Art. 110 al. 3 CP et 322sexies CP.

Notion de fonctionnaire et acceptation d’un avantage.

La notion pénale de fonctionnaire, au sens de l’art. 110 al. 3 CP, recouvre tant les fonctionnaires du point de vue organique que les personnes qui revêtent cette qualité du point de vue fonctionnel. Pour les seconds, le critère décisif réside dans l’objet de leurs fonctions. Si celles-ci consistent dans l’accomplissement de tâches publiques, leur activité est officielle et ils sont des fonctionnaires au regard du droit pénal (consid. 3.3). En tant qu’établissement de droit public fédéral jouissant d’un monopole sur une partie de l’assurance contre les accidents, la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : CNA) exerce une tâche publique, de sorte que la confiance du public en l’objectivité de son activité est protégée pénalement. Cela vaut en particulier pour ses activités immobilières, puisque celles-ci ont pour but d’assurer le paiement des rentes aux assurés. Partant, un gestionnaire de portefeuille immobilier de la CNA revêt la qualité de fonctionnaire du point de vue fonctionnel (consid. 3.4.1).

Le délit d’acceptation d’un avantage, au sens de l’art. 322sexies CP, n’est objectivement réalisé que si l’avantage indu a été octroyé à l’auteur pour qu’il accomplisse les devoirs de sa charge. L’avantage doit être propre à influencer la manière dont l’auteur remplit ses fonctions et, donc, avoir un rapport avec son comportement futur dans l’exercice de celles-ci. L’acceptation de simples récompenses ne tombe pas sous le coup de l’art. 322sexies CP (consid. 6.3).

Art. 219 CP.

Violation du devoir d’assistance ou d’éducation, père nourricier (BJP N°654).

Des mauvais traitements physiques répétés (coups, tapes, coups de pieds et d’autres punitions) remplissent les éléments constitutifs de l’art. 219 CP. Lesdites punitions constituent en effet une forme d’éducation axée sur la violence physique. L’art. 219 CP absorbe l’art. 126 CP.

Art. 217 CP.

Violation d’une obligation d’entretien.

Auparavant, le droit de la famille connaissait la paternité alimentaire, fondée sur une relation de fait (cf. ATF 91 IV 225 et 128 IV 86). Toutefois, le nouveau droit érige le rapport juridique de filiation en condition nécessaire de l’obligation que l’art. 276 CC met à la charge des père et mère. Ainsi, comme le jugement de paternité a effet constitutif (ATF 129 III 646 consid. 4.1. p. 651 et les références), l’art. 276 CC n’oblige le père qui n’est pas marié avec la mère et qui n’a pas reconnu l’enfant que si sa paternité est établie par un jugement entré en force. Dès lors, il ne saurait être déclaré coupable de violation d’une obligation d’entretien au sens de l’art. 217 CP pour ne pas avoir versé, avant l’entrée en force du jugement, les contributions qu’il met à sa charge pour le passé. Il ne pourra être condamné au pénal que s’il ne règle pas ces contributions après l’entrée en force du jugement, alors qu’il a encore les moyens de les payer ou qu’il pourrait encore les avoir. Cependant, en vertu de l’art. 283 CC, le défendeur a l’obligation de payer des contributions provisoires. Dès lors, son inexécution intentionnelle durant la litispendance par un défendeur qui a ou pourrait avoir les moyens d’y satisfaire tombe sous le coup de l’art. 217 CP, indépendamment du mérite de l’action en recherche de paternité.

Art. 181 CP.

Contrainte (BJP N°677).

Il n’y a contrainte que si l’auteur a agi intentionnellement. L’auteur doit avoir voulu employer le moyen de contrainte illicite et amener ainsi la victime à adopter le comportement souhaité. Il doit avoir eu conscience des faits rendant son comportement illicite. Le dol éventuel suffit. L’infraction est donc également commise si l’auteur a accepté l’éventualité d’en réaliser les éléments constitutifs, en particulier que le procédé employé entrave le destinataire dans sa liberté de décision. Cas d’un avocat d’une partie qui fait notifier un commandement de payer à un témoin avant son audition.

Art. 181 CP (BJP N°717).

Contrainte.

Commet un acte de contrainte celui qui, au petit matin, se présente comme l’ayant droit des lieux à une simple employée de la station service qui ne disposait déjà plus des clés des lieux et lui intime l’ordre de fermer le shop et d'interrompre le débit des colonnes à essence. Bien que l'opération se soit déroulée en toute quiétude et que l'employée se soit exécutée docilement, on tiendra compte du fait que la victime de la contrainte n'était pas l'employée elle-même mais A. SA, société exploitant la station service. En s'imposant, en l'absence de tout responsable de cette société, à une simple employée de celle-ci, Z. n'en est pas moins parvenu, en privant d'un instant à l'autre la société anonyme des infrastructures dont elle disposait jusque-là, à exercer sur l'exploitante une pression qui n'est pas minime.

Art. 305bis ch. 1 CP (BJP N°622).

Blanchiment qualifié par un avocat.

Le CPP ZG ne prévoit pas d’interdiction formelle de la reformatio in pejus. Il autorise celle-ci également dans les cas où un moyen de droit est formé par le seul accusé ou par le MP en faveur de ce dernier. Conformément à la jurisprudence cantonale, l’art. 70 CPP ZG doit être interprété dans le sens où l’instance d’appel n’est liée par une contestation partielle que dans la seule mesure où l’instance est en mesure d’examiner, sous l’angle du droit matériel, les points attaqués indépendamment des autres points non contestés du jugement. Même si la reformatio in pejus est en principe admise par le droit de procédure cantonal, l’instance qui examine la possibilité d’une telle mesure au détriment de la personne concernée doit au préalable l’en aviser, sans quoi elle viole le droit d’être entendu du recourant. Remplit les éléments constitutifs objectifs et subjectifs du blanchiment d’argent l’avocat qui, pour le compte d’un client de longue date, réceptionne, encaisse et convertit en une autre monnaie des chèques à hauteur de millions de francs, envoie un chèque à l’étranger, remet la plupart de l’argent au comptant, ne vérifie pas l’origine de ces sommes, bien qu’une banque l’y ait invité, et sait que son client fournit des indications contradictoires au sujet de l’origine des montants et que les transactions effectuées n’étaient pas plausibles au vu des informations données par le client.

Art. 305ter CP.

Défaut de vigilance en matière d’opérations financières et droit de communication.

La notion de « vigilance requise par les circonstances » impose au financier un devoir d'identification dont les limites résident dans le principe de la proportionnalité. L'art. 305ter CP a pour objet la réunion d'informations susceptibles de faciliter les enquêtes pénales sur l'origine des valeurs. Il doit permettre aux autorités, notamment de poursuite pénale, de reconstituer le puzzle des transactions financières et de remonter plus facilement jusqu'aux cerveaux des organisations financières. Pour ce faire, l'intermédiaire financier doit conserver une trace écrite de l'identité de ses clients et des ayants droit économiques des comptes, de manière à pouvoir communiquer ces renseignements aux autorités compétentes en cas de demande. En effet, même un homme diligent ne saurait se souvenir du nom, du prénom, de l'adresse, de la date de naissance et de la nationalité de tous ses clients et encore moins de ceux des ayants droit économiques, de sorte qu'une trace écrite de ces données doit être conservée. Cette obligation de documentation constitue la concrétisation du devoir de vérification et son manquement constitue par conséquent une violation de l'art. 305ter CP. Reste que la loi pénale et la LBA ne précisent pas la manière dont les actes doivent être documentés, ni n'obligent les banques à tenir un fichier précis ou informatisé. Selon la CDB, les banques restent d'ailleurs libres d'utiliser leurs propres formulaires, même si le contenu de ceux-ci doit être équivalent au formulaire A (cf. ch. 31 CDB 08 et CDB 03). Les modalités de la documentation restent donc de la compétence des établissements bancaires et ne sauraient par conséquent constituer une violation de l'art. 305ter CP. De plus, conformément à la jurisprudence exposée à l'ATF 129 IV 329, l'objectif visé par l'art. 305ter CP est atteint lorsque l'ayant droit économique est identifié, le résultat important plus que la manière.

Art. 221 al. 3 CP.

Incendie intentionnel (BJP N° 655).

Un dommage d’un montant de CHF 3'600.- est de peu d’importance dans le sens où l’entend le traitement privilégié réservé par l’art. 221 al. 3 CP.

Art. 251 ch. 1 CP (Jusletter du 12 octobre 2009).

Faux (intellectuel) dans les titres.

Une facture mensongère, munie d'une quittance, n'est pas dotée, de par la loi, d'une garantie objective suffisante pour nécessairement constituer un faux intellectuel dans les titres. Il faut encore examiner si un tel document ne possède pas, selon les circonstances, une valeur de preuve accrue, notamment en raison de la personne qui l'a établi (ATF 121 IV 131 consid. 2c, 135 ss; ATF 6S.37/2007 du 19 avril 2007 consid. 8.2.2). Celle-ci doit être dans une position analogue à celle d'un garant (ATF 120 IV 25 consid. F, 29). Selon le Tribunal fédéral, il y a faux dans les titres lorsqu'un médecin établit une feuille de maladie ou une facture mensongère et fait valoir pour lui ou son patient des prestations auprès d'une caisse-maladie, dès lors que ces documents émanent d'un professionnel qui bénéficie d'une position privilégiée et jouit de ce fait d'une confiance particulière (ATF 117 IV 165 consid. 4, 169 s; 103 IV 178 consid. 2c, 184; ATF 6S.491/1999 du 23 septembre 1999 consid. 7; ATF 6S.22/2007 du 4 mai 2007 consid. 9.2). La facture est propre à établir, à l'égard de l'assureur, l'exactitude des indications qui y figurent et la réalité des prestations comptabilisées. Ainsi, en raison de la situation particulière du médecin, qui bénéficie d'une position privilégiée et jouit de ce fait d'une confiance particulière, et du pouvoir de vérification relativement limité des assureurs, les factures litigieuses revêtent – conformément d'ailleurs à la jurisprudence citée ci-dessus – une valeur probante accrue. La question de savoir si les protocoles opératoires – qui n'étaient pas transmis aux assureurs avec les factures d'honoraires et restaient dans les dossiers des patients - constituent réellement des titres au sens de l'art. 251 CP peut rester ouverte. En effet, la seule production des factures, lesquelles constituent des faux intellectuels, dans le but avéré de procurer un avantage illicite, suffit à fonder la condamnation du recourant pour faux dans les titres au sens de la disposition précitée. Par conséquent, même si l'on voulait admettre que les protocoles opératoires qualifiés de faux intellectuels ne puissent être considérés comme tels, cette circonstance ne pourrait avoir d'incidence que sur la quotité de la peine. Or, cette incidence serait insignifiante et ne justifierait aucune réduction de la sanction au vu de la culpabilité de l'intéressé résultant de l'ensemble des infractions commises et de la sanction finalement légère qui lui a été infligée.

Art. 129 CP.

Mise en danger de la vie d’autrui (BJP N° 649).

Celui qui, depuis la fenêtre de son attique, tire au maximum 11 coups de feu avec une arme semi-automatique (tirant par rafales), dont la portée est d’environ 1500 à 2500 mètres, ne met pas en danger la vie d’autrui s’il n’est pas prouvé qu’il existait une probabilité sérieuse ou une possibilité concrète de porter atteinte à la vie d’une personne particulière ou de plusieurs personnes déterminées.

Art. 126 al. 2 let. a CP.

Voies de fait (BJP N°648).

La commission d’actes réitérés est donnée, conformément à la volonté du législateur, lorsque des voies de fait sont perpétrées de façon multiple et systématique. Il importe peu qu’elles se succèdent à de brefs intervalles

Art. 112 CP.

Assassinat de l’époux (BJP N°647).

Sont particulièrement odieux le mobile, la façon d’agir et le comportement après l’infraction de l’auteur qui, avec son couteau de poche et en pleine rue, inflige à son épouse, qui vit séparée de lui, 13 coups à la tête, dans la poitrine, aux bras et au dos. Témoignent avant tout d’une brutalité et d’une insensibilité particulières les coups de couteau portés au visage et dans le dos de la victime agonisante alors que celle-ci tentait de fuir. Ce, en raison du fait que l’auteur a ainsi infligé à son épouse davantage de souffrances physiques que ce qui était nécessaire pour la tuer. L’acte de l’auteur procédait uniquement de sa volonté de punir par la mort sa femme qui – contrairement à lui – s’était bien intégrée en Suisse, au motif qu’elle lui avait refusé l’obéissance qu’il exigeait d’elle.

Art. 125 CP.

Lésions corporelles par négligence (BJP N°713).

L’art. 125 al. 1 CP présuppose que l’auteur ait violé un devoir de prudence, qu’une victime subisse des lésions corporelles, qu’il y ait un rapport de causalité entre le comportement de l’auteur et les lésions et que l’auteur ait été négligent. La violation du devoir de prudence, qui est généralement commise par action, peut aussi être réalisée par omission, notamment lorsque l’auteur n’a pas empêché le résultat dommageable de se produire, alors qu’il aurait pu le faire et qu’il avait, de par sa position de garant, l’obligation juridique d’agir pour prévenir la lésion de l’intérêt protégé (délit d’omission improprement dit). Violation de son devoir de prudence par le propriétaire d’une génisse maintenue dans un enclos accessible par autrui, qui n’avait pas réagi immédiatement après avoir été informé que cet animal s’en était pris à une autre promeneuse.

Art. 126 CP.

Voies de fait, droit de correction des parents (BJP N°674).

Des gifles, des fessés et des coups de pied constituent des voies de fait s’ils ne causent pas de lésions corporelles. La poursuite doit avoir lieu d’office si l’auteur a agi à réitérées reprises contre une personne, notamment un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoir de veiller (art. 126 al. 2 lit. a CP). Dans son ATF 129 IV 216 (consid. 2.5), le TF a laissé sans réponse la question de savoir dans quelle mesure le droit d’infliger de légères corrections corporelles à des enfants existait encore. Quant à la délégation du droit de correction, il s’est abstenu de rechercher si un parent pouvait déléguer contre la volonté de l’autre parent le droit de corriger ses enfants à une tierce personne, dès lors qu’en infligeant aux enfants des gifles et des coups de pied au derrière à une dizaine de reprises, l’intimé avait in casu dépassé ce qui était admissible.

ž Réd : Un consensus européen semble s’être instauré autour de l’interdiction de toute forme de châtiments corporels, y compris dans la famille. Au sein de la Charte sociale européenne, à laquelle la Suisse n’a toutefois pas encore adhéré ni dans sa forme originaire ni révisée, l’art. 17 (protection des enfants) a été interprété par le Comité européen des droits sociaux comme obligeant tout Etat à interdire les châtiments corporels non seulement dans son Code pénal, mais dans l’ensemble de sa législation, ainsi que dans l’application pratique de celle-ci (cf. parmi d’autres : Décision sur réclamation collective, DCEDS 17/2003 (fond) du 07.12.2004), ceci ayant entraîné la condamnation de plusieurs Etats européens pour violation de la Charte, qui est le pendant de la CEDH s’agissant des droits sociaux fondamentaux. Dans le cas d’un enfant de neuf ans corrigé à plusieurs reprises par son beau-père à l’aide d’un bâton, la Cour européenne des droits de l’Homme a, quant à elle, condamné le Royaume-Uni pour violation de l’art. 3 CEDH (et a donc renoncé à examiner une violation de l’art. 8 CEDH pour ce motif) du fait que le droit anglais avait permis à l’auteur de se retrancher derrière le fait justificatif légal du châtiment raisonnable et de se faire acquitter par la justice pénale (ACEDH A. c/ Royaume-Uni, du 23.09.1998, Rec. 1998-IV). Bien que le TF semble encore éprouver une certaine gêne à trancher la question de l’interdiction des voies de fait à des fins éducatives et du droit de correction (ATF 129 IV 216 ), l’évolution de la pratique européenne penche en faveur de leur prohibition généralisée en tant qu’« atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré » (définition tirée de l’ATF 134 IV 189, consid. 1.2), concernant deux tonsures intégrales infligées par son père à une adolescente récalcitrante afin de l’empêcher de sortir; infraction à l’art. 123 ch. 2 al. 2 CP au vu de l’humiliation et des souffrances psychiques intenses provoquées.

Art. 140 al. 2 CP (Jusletter du 31.08.2009).

Brigandage.

Le coup de poing américain compte parmi les armes dites dangereuses. En effet, le Tribunal fédéral, pour qualifier le coup de poing américain d’arme dangereuse au sens de l’art. 140 al. 2 CP, s’est basé sur l’art. 4 al. 1 let. d de la loi sur les armes (LArm), qui considère cet objet comme une arme. Chaque objet est donc réputé être une arme selon son utilité finale d’attaque ou de défense. En effet, une arme est considérée comme dangereuse et donc assimilée à une arme à feu selon la réalité objective, à savoir le caractère objectivement dangereux de l’objet en question, et a fortiori, s’il pouvait causer des lésions corporelles graves. Ainsi, le coup de poing américain est qualifié d’arme dangereuse car il implique le même degré élevé de menace qu’une arme à feu, ceci sans égard au résultat (cf. ATF 113 IV 60 consid. 1a).

Art. 122 CP.

Lésions corporelles graves.

Il y a lésion corporelle grave selon l’art. 122 al. 2 CP lorsque l’auteur aura gravement et de manière permanente défiguré le visage de sa victime. Ainsi, une mutilation importante mais temporaire ne peut être considérée comme une lésion corporelle grave (cf. ATF 115 IV 17 consid. 2a). Pour déterminer si une mutilation est une lésion corporelle grave ou non, il faut prendre en considération les critères objectifs et non l’appréciation subjective de la victime. Par exemple, la durée d’hospitalisation ou le processus de guérison ne peuvent être déterminants ; quant à l’utilisation de cosmétiques pour dissimuler les mutilations, le TF a considéré que cela n’empêchait pas les préjugés/stigmates, et ce d’autant plus quand la victime décide – pour des raisons d’allergies par exemple – de ne pas recourir aux cosmétiques pour masquer ces mutilations/cicatrices. Bien que l’intention fût difficile à prouver, et a fortiori l’application l’art. 122 CP, l’art. 125 CP – lésions corporelles par négligence – n’a pas été retenu. En effet, il est difficile de soutenir une application de l’art. 125 al. 2 CP lorsque tous les éléments constitutifs objectifs des lésions corporelles graves de l’art. 122 CP sont remplis. Cependant, l’art. 125 al. 2 CP s’applique à toutes les variantes possibles de l’art. 122 CP.

Art. 111 et 112 CP (BJP N°712).

Meurtre par omission. La dénégation d’un lien de causalité hypothétique entre l’omission de la belle-mère (pas d’alerte donnée au médecin en dépit de l’aggravation rapide de l’état général) et le décès de la belle-fille ne viole pas le droit fédéral dans le cas concret. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une aggravation du risque doit dans tous les cas se trouver dans un rapport de causalité (hypothétique) avec le résultat. Dans cette jurisprudence, le critère de l’aggravation du risque doit être pris en considération uniquement dans le cadre d’une appréciation globale. L’on ne peut renoncer à rassembler des preuves même dans le cas où l’on se fonde sur la théorie de l’aggravation du risque. Lorsque l’on ne peut clarifier ni l’origine du décès ni la question de savoir si et jusqu’à quel moment le recours à un médecin urgentiste aurait pu éviter la mort de la belle-fille, il est possible d’acquitter l’accusée, in dubio pro reo, de l’accusation de meurtre par omission. Il n’y a pas assassinat mais meurtre quand l’homicide du mari, qui était l’aîné de 36 ans, à l’aide d’une injection d’insuline, visait à résoudre des problèmes financiers et personnels, mais que n’ont pu être retenues ni perfidie ni cupidité au sens propre.

Art. 117 et 129 CP.

Concours entre homicide par négligence et mise en danger de la vie d’autrui. La doctrine majoritaire affirme qu’il existe un concours parfait entre l’homicide par négligence (art. 117 CP) et la mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP). L’énoncé de fait légal objectif de l’homicide par négligence (art. 117 CP) est supérieur à celui de l’art. 129 CP. L’art. 117 CP exige non seulement la menace du bien juridique protégé (la vie) mais également sa réalisation (la mort). D’un point de vue subjectif, l’art. 117 CP résulte d’une négligence alors que l’art. 129 CP est non seulement intentionnel, mais participe en plus d’une absence particulière de scrupules.

Dans le cas d’espèce, la conscience de la possible survenance du résultat préjudiciable se recoupe avec l’énoncé de fait légal subjectif des art. 129 et 117 CP, le recourant ayant agi par négligence consciente. Par sa conduite, le recourant était conscient du risque élevé d’accidents, notamment des dangers pour la vie et les potentielles conséquences mortelles. En revanche, il existe une différence notable quant au moment de la formation de la volonté entre les deux types de délits. Alors même que dans le cas d’espèce le recourant est, d’un côté, précisément confiant que la réalisation de l’énoncé de fait légal n’est pas réalisé et que personne ne sera tué (énoncé de fait légal subjectif de l’art. 117 CP), d’un autre côté, il s’accommode du risque de mise en danger de mort imminente comme étant une conséquence nécessaire à sa conduite extrêmement rapide. Il remplit la condition de l’intention de la mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP) et les conditions de l’homicide par négligence de l’art. 117 CP ainsi que l’art. 12 al. 3 CP. Même si l’énoncé de fait légal de la mise en danger d’autrui ayant entraîné la mort de l’art. a129 al. 3 CP a été aboli, rien n’indique dans la volonté du législateur de ne pas également punir l’auteur d’un homicide par négligence, dans la mesure où ce dernier pourrait prévoir la mort. Bien plus, le Conseil Fédéral a estimé, dans le cadre de la suppression des lésions corporelles graves ayant entrainés la mort, que l’auteur devrait être puni selon les règles du concours de l’art. a68 al. 1 CP, soit à la fois pour lésions corporelles graves et homicide par négligence, quand la victime est vraisemblablement morte des suites de ses blessures. Le même rapport entre l’énoncé de fait légal de la mise en danger pour la vie d’autrui (art. 129 CP) et celui de l’homicide par négligence (art. 117 CP) doit être repris, où le message fait explicitement état de la réalisation des lésions corporelles graves. Par conséquent, conformément à la doctrine majoritaire, l’existence d’un concours parfait entre les art. 117 et 129 est confirmée.

Art. 146 al. 1-2 CP.

Escroquerie par métier, commandes via Internet (BJP N°651).

Dans le cadre de commandes passées via Internet, l’on peut s’attendre à ce que la vendeuse procède à un contrôle de la solvabilité de l’acheteur à partir de valeurs de CHF 1'000.-.

Art- 139 et 254 CP.

Vol ou suppression de titres (BJP N°714).

Ne commet pas un vol, à défaut d’avoir agi dans un dessein d’enrichissement illégitime, celui qui, après la remise de locaux loués, soustrait une convention de sortie contenant une reconnaissance de dette afin de priver le bailleur de la preuve de la créance. L’examen doit porter sur l’art. 254 CP.

Art. 146 CP.

Escroquerie (BJP N°675).

Le recourant ne saurait se dégager de toute responsabilité en prétendant que le site Ebay procurait une garantie suffisante. L’expérience générale de la vie enseigne en effet à quiconque d’agir avec prudence lors de transactions sur Internet, d’autant plus lorsque la marchandise achetée provient de Chine, pays notoirement connu pour sa production de marchandises contrefaites. Dans la mesure où la marchandise achetée par le recourant était destinée à être revendue, ce dernier devait se montrer des plus vigilants quant à son authenticité, à la différence de ses clients qui, en tant que simples consommateurs, ne tombaient pas sous le coup de la loi pénale en se procurant des vêtements contrefaits. Par ailleurs, contrairement à ses clients, le recourant avait la possibilité de procéder à un contrôle attentif de l’authenticité de sa marchandise avant de la revendre. Dès lors que ce n’est pas le fait d’acheter de la marchandise contrefaite qui est incriminé, mais celui d’en faire commerce, il se justifie de traiter différemment le comportement du recourant de celui de ses clients.

Art. 165 ch. 1 CP (BJP N°676).

Gestion fautive.

Viole son devoir de diligence selon l’art. 717 CO et commet une gestion fautive, l’administrateur d’une SA qui omet de procéder à l’avis de surendettement durant plus de 60 jours après la clôture de l’exercice annuel et en dépit du surendettement et de l’absence de perspectives durables d’assainissement.

Art. 156 ch. 1 et 181 CP (BJP N°652).

Extorsion et contrainte. Faits : la caisse de compensation Z. a cédé à A. SA l’acte de défaut de biens qu’elle détenait contre X., pour moins du dixième de sa valeur nominale. A. SA a ensuite entrepris des démarches pour recouvrer cette créance. X. a dénoncé pénalement Me Y., membre du conseil d’administration de A. SA, pour contrainte, extorsion, chantage et usure. En effet, l’épouse de Y. est impliquée dans un contentieux de voisinage lié à un projet immobilier de X., et X. reproche à Me Y., par le biais de A SA, de faire pression sur lui pour obtenir l’inscription d’un droit de passage en faveur de sa belle-famille. Droit : l’art. 156 ch. 1 CP constitue une lex specialis par rapport à l’art. 181 CP. S’agissant d’opposition à un projet de construction, l’application de l’art. 156 CP suppose que l’illicéité ressorte déjà du but de la contrainte, même si le moyen est conforme au droit. En revanche, l’examen doit être opéré sous l’angle de l’art. 181 CP lorsque la prétention à l’avantage patrimonial se justifie en droit mais que le moyen utilisé est illicite ou sans rapport de connexité avec le but à atteindre ou constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs. Il n’y a commercialisation immorale de la position de l’opposant que lorsque celui-ci réclame une indemnisation – exorbitante – alors qu’aucun intérêt digne de protection n’est lésé et qu’ainsi le projet de construction est manifestement conforme aux règles applicables en la matière; tel n’est donc pas le cas si la situation juridique est incertaine.

Art. 146 CP (Jusletter du 17 août 2009).

Escroquerie aux fausses pilules d’ecstasy.

Condamnation pour escroquerie après avoir écoulé de fausses pilules d’ecstasy que l’auteur avait concoctées lui-même. Au lieu de substances euphorisantes, elles contenaient un mélange d’eau, de calcium et de fortifiants. Dès lors, il y a dissimulation d’un fait vrai concernant le produit – dans le cas d’espèce l’absence d’amphétamines ou d’ecstasy dans les pilules –, ce qui constitue une illusion sur l’authenticité du produit à des fins d’enrichissement illégitime.

Art. 144 al. 3 CP.

Dommages (considérables) à la propriété.

Le TF qualifie de dommage considérable le préjudice patrimonial de 40'000.- (ATF 106 IV 24), respectivement celui de CHF 82'000.- (ATF 117 IV 437). Selon la doctrine majoritaire, le seuil de CHF 10'000.-, en tenant compte de la valeur (subjective) pour la personne concernée, est déterminant. La doctrine minoritaire soutient, quant à elle, que le préjudice patrimonial doit être calculé objectivement, sans le quantifier. Enfin, pour les personnes morales, le préjudice patrimonial – qui doit être de plus CHF 10'000.- – devrait être calculé de manière objective. Quant à la fixation de la peine, si le dommage est qualifié de simple, le juge pourra sanctionner d’une peine privative de liberté de maximum 3 ans ou d’une peine pécuniaire, alors que s’il est qualifié de grave, le condamné risque jusqu’à cinq ans de peine privative de liberté. Ainsi, est considéré comme dommage considérable au sens de l’art. 144 al. 3 CP, le dommage s’élevant au moins à CHF 10'000.-.

Art. 173 ch. 2 CP.

Diffamation (BJP N°716).

La preuve de la bonne foi prévue à l’art. 173 ch. 2 CP est apportée lorsque l’auteur établit qu’il avait des raisons sérieuses de tenir de bonne foi ses allégations pour vraies. Il doit ainsi prouver qu’il a cru à la véracité de ses allégations après avoir fait consciencieusement tout ce que l’on pouvait attendre de lui pour s’assurer de leur exactitude. Une prudence particulière doit être exigée de celui qui donne une large diffusion à ses allégations par la voie d’un média.

Art. 173 ch. 1 et 385 CP (BJP N°715)

Révision.

Un avocat a été condamné pour diffamation parce qu’il avait dans une plainte pénale accusé un médecin-conseil de la SUVA d’avoir infligé des lésions corporelles graves par dol éventuel à sa cliente. Il a toutefois été acquitté en relation avec son grief subsidiaire portant sur des lésions corporelles graves par négligence. Par la suite, la Ière Cour de droit social du TF a reconnu que le médecin-conseil a infligé illicitement des lésions corporelles à sa patiente par le biais d’une retraumatisation grave accompagnée d’un dommage significatif porté aux structures de l’épaule droite qui étaient en cours de guérison, ce, de manière à causer à la blessure préexistante de l’épaule une aggravation à tout le moins décisive. Il ne s’agit toutefois pas là d’un fait nouveau mais de l’appréciation juridique de faits déjà largement connus de toutes les parties. Moyennant l’acquittement (partiel) prononcé, l’instance cantonale avait exprimé son avis selon lequel le médecin-conseil de la SUVA avait illicitement causé une lésion corporelle grave à la cliente de l’avocat.

Art. 190 al. 3 CP.

Viol (BJP N°653).

Le fait pour le violeur de ne pas avoir fait usage d’une arme ou d’un autre objet dangereux ne permet pas de conclure automatiquement à l’absence de cruauté. L’abus sexuel par voie anale et vaginale (en concours idéal) perpétré par un inconnu sur une fillette de quatre ans, à la suite duquel la victime a subi des douleurs importantes et souffert d’une blessure grave à l’anus, remplit la condition aggravante de la cruauté au sens de l’art. 190 al. 3 CP. En effet, les douleurs liées au rapport anal ne sont pas à considérer comme les suites nécessaires de l’infraction de base. Que la victime ait dû, immédiatement avant l’infraction, assister à la scène où sa grand-mère a été brutalement frappée à terre et grièvement blessée, a encore accru davantage ses souffrances et sa peur, ce qui est un élément additionnel plaidant en faveur de la réalisation de ce qualificatif.

Art. 198 al. 2 CP.

Attouchements d’ordre sexuel (BJP N°679).

L’art. 198 al. 2 CP entend moins protéger la pudeur ou la décence publiques que la pudeur personnelle et l’honneur de la victime. L’accent est mis sur la forme en laquelle la victime a été importunée (un acte qui doit être d’ordre sexuel) et non plus seulement sur l’intention de l’auteur. L’attouchement est une notion subsidiaire par rapport à l’acte d’ordre sexuel, le législateur ayant visé un comportement moins grave, à savoir un contact rapide, par surprise, avec le corps d’autrui, l’acte devant avoir objectivement une connotation sexuelle. Des tentatives de rapprochement corporel ou des pressions moins intenses que des actes d’ordre sexuel proprement dits suffisent déjà. Ainsi, le seul fait de toucher des parties du corps proches de la poitrine, des fesses ou des organes sexuels (comme les cuisses ou le bas-ventre), même par-dessus les vêtements, suffit pour être qualifié d’attouchement. De même, le lieu dans lequel les attouchements ont lieu n’est pas indifférent, la place de travail n’étant, par exemple, pas un lieu où ces actes pourraient être tolérés, à l’inverse d’un night-club par exemple. Ce qui compte davantage, c’est le comportement de l’auteur vis-à-vis de la victime dans son ensemble, et non dans chacun des détails factuels.

Art. 197 CP.

Pornographie (Jusletter du 21 septembre 2009).

Confirmation de la jurisprudence sur le téléchargement d’images pédophiles (ATF 131 IV 16). De tels actes reviennent à fabriquer de la pornographie dure. En effet, télécharger des images pornographiques va au-delà de la simple possession d’images. Le téléchargement, dans la mesure où il incorpore un risque de transmission à des tiers, excède la simple possession et doit, pour cette raison, être appréhendé comme un acte de fabrication. Ainsi, en téléchargeant des clichés sur son ordinateur, un pédophile devient un « petit producteur ».

Art. 19 ch. 2 let. c LStup.

Violation de la LStup, métier (BJP N°730).

Dans le cadre de la LStup, l’on doit être en la présence d’un trafic par métier qualifié. Doit en effet être remplie l’exigence additionnelle de la réalisation d’un chiffre d’affaires ou d’un gain important. Selon la jurisprudence consolidée un chiffre d’affaires de CHF 100'000.- doit être considéré comme grand et un gain de CHF 10'000.- comme important. Le chiffre d’affaires, respectivement le gain important, doit être atteint, c’est-à-dire qu’il doit avoir été réalisé. Pour calculer le gain par métier au sens de l’art. 19 ch. 2 lit. c LStup, il convient de partir du principe du gain brut modéré. Peuvent ensuite en être déduits les frais d’acquisition et les autres coûts variables, mais pas les frais fixes tels que le loyer etc.

Art. 19 ch. 2 let. a LStup.

Violation de la LStup, cas grave (BJP N°729).

Un cas grave peut également être donné en relation avec les pilules thaï (méthamphétamine). Il a été admis par rapport à l’importation de près de 1'800 pilules présentant un degré de pureté moyen de 18,5 mg (cas échéant aussi de 15 mg), ce qui correspondait à près de 33 g (cas échéant 27 g) de méthamphétamine pure.