Procédure administrative

Art. 16 Cst. ; 11 Cst./SO

Dans cette affaire, le recourant demande à l’Office AI du canton de Soleure l’accès à certaines données statistiques afin de savoir si des certificats de travail sont délivrés de manière plutôt généreuse ou stricte de la part de certains experts. Dès lors qu’il est directement touché par cette procédure, le recourant a un intérêt digne de protection à avoir accès à de tels documents, dans la mesure où il doit s’attendre spécifiquement à la participation de l’un ou des deux médecins en question en tant qu’experts dans sa procédure. Cependant, une restriction peut être prévue par la loi cantonale si un intérêt public prévaut et que l’effort à fournir par l’autorité est particulièrement important comme cela pourrait être le cas en l’espèce puisque l’autorité devrait anonymiser de nombreux documents avant de les remettre au plaignant. En l’état du dossier, le TF ne peut évaluer clairement le temps et l’énergie que l’Office AI devrait investir et renvoie donc la cause au tribunal administratif cantonal. Le TF précise encore que le recourant ne devrait se voir refuser l’accès aux dossiers que s’il est établi que l’effort nécessaire pour fournir les informations en question paralyserait presque totalement le cours normal des affaires de l’Office AI. Dans le cas contraire, les informations ou documents demandés devraient être fournis sous une forme appropriée (cf. consid. 8).

ATF 144 II 56 (f)

2017-2018

Art. 1 al. 2 LTF ; 63 al. 4 PA

Une dénonciation est adressée au TF qui doit se déterminer sur la question de l’avance de frais pour les mineurs non accompagnés en procédure d’asile. Il ressort de l’enquête menée auprès du TAF que cette manière de procéder relève d’une décision adoptée au terme d’un processus visant à restreindre la charge de travail du TAF. C’est l’art. 63 al. 4 PA qui prévoit la possibilité de l’avance de frais. Il peut cependant être renoncé à la demander si des motifs particuliers le justifient. Le TF conclut ainsi : « [l]a procédure d’asile ne relève pas de mécanismes portant sur des bagatelles. Les enjeux qui en résultent ont trait au respect de l’intégrité physique et psychique des personnes concernées, respectivement à leur droit à la dignité, voire même à la vie. Dans un tel contexte, exiger des avances de frais de mineurs non accompagnés, même en procédure de recours, se relève une mesure restreignant de manière démesurée l’accès à la justice de personnes en situation de grande vulnérabilité » (consid. 5.3). La commission administrative du TF enjoint donc le TAF à modifier sa pratique en ce sens qu’il est, dans la règle, renoncé à percevoir des avances de frais pour les mineurs non accompagnés.

ATF 144 I 37 (d)

2017-2018

Art. 6 CEDH ; 30 Cst.

Dans cette affaire, le TF précise que le droit à un tribunal indépendant et impartial au sens des art. 6 CEDH et 30 Cst. n’exclut pas un certain pouvoir d’appréciation dans la composition de l’organe appelé à statuer, pour autant qu’il soit prévu par la loi et repose sur des critères objectifs déterminés d’avance, permettant ainsi un traitement approprié du cas dans un délai convenable. Les art. 20 et 32 LTF, concrétisés à l’art. 40 RTF satisfont à ces critères.

Art. 54 LPFisc/GE

Dans cet arrêt, l’Administration fiscale cantonale du canton de Genève fait grief à la Cour de justice d’avoir fait preuve d’arbitraire et d’avoir violé plusieurs dispositions de la LIFD, respectivement LHID en ne prenant pas en compte la découverte de nouveaux comptes non déclarés dans la procédure de rappel d’impôts. Afin de déterminer quels faits doivent être pris en compte par la Cour de justice, le TF commence par déterminer l’objet de la contestation auprès de ladite Cour. Pour rappel, l’objet de la contestation est déterminé par la décision qui détermine également ce qui peut être déféré en justice par la voie d’un recours. Il est à distinguer de l’objet du litige avec lequel il ne se recoupe que quand la décision est attaquée dans son ensemble. En outre, bien que la reformatio in pejus soit prévue par l’art. 54 LPFisc/GE, la Cour de justice ne peut aller au-delà de l’objet de la contestation. En l’espèce, l’objet de la contestation porte sur les motifs à l’origine du rappel ainsi que sur les conséquences fiscales de la découverte d’un compte non déclaré. Dès lors, c’est à juste titre que la Cour de justice n’a pas pris en compte les faits nouveaux amenés par l’administration fiscale cantonale car n’entrant pas dans l’objet de la contestation. En agissant à l’inverse, elle aurait empêché le contribuable de contester les rappels d’impôts dans le cadre des voies de droit ordinaire et l’aurait ainsi privé de la garantie de la double instance.

Art. 87 al. 4 LPA/GE

Dans cette affaire se pose la question de savoir si la Cour de justice de la République et canton de Genève peut rendre une décision dans une procédure de réclamation en matière de frais et dépens (cf. art. 87 al. 4 LPA/GE) alors que le TF s’est déjà prononcé sur le fond de l’affaire. L’arrêt du TF sur le fond se substitue à l’arrêt de la Cour de justice : en rejetant le recours, le TF a implicitement confirmé l’arrêt de la Cour de justice, y compris concernant la question des frais et des dépens. La réclamation pendante devant la Cour de justice est donc devenue sans objet par le rendu de l’arrêt du TF. L’arrêt entrepris doit donc être annulé. De manière générale, le TF précise que, pour éviter qu’une telle situation se reproduise et lorsqu’on se trouve dans cette configuration spécifique, il appartient aux parties devant le TF d’informer ce dernier de la réclamation et de demander la suspension de la procédure fédérale. Cela implique que la Cour de justice ne suspende pas la procédure de réclamation mais au contraire statue sans tarder. Au cas où un arrêt serait formé au TF contre la décision sur réclamation, la jonction de cause peut être envisagée.

Art. 25a PA

En 2014, 35 enfants et adolescents représentés par leurs parents ont saisi l’OFSP pour que ce dernier rende une décision attaquable concernant la campagne contre le VIH « LOVE LIFE – Ne regrette rien » afin de pouvoir ensuite l’attaquer en justice. L’OFSP n’est pas entrée en matière sur cette demande et sa décision a été confirmée par le TAF. Saisi d’un recours, le TF considère que les avertissements et recommandations véhiculés par cette campagne sont des actes matériels au sens de l’art. 25a PA. Cependant, pour qu’un tel acte puisse être soumis à un contrôle judiciaire il faut qu’il touche à des droits ou des obligations des plaignants, ce qui a pour conséquences de leur conférer un intérêt digne de protection. En l’espèce, les recourants se prévalent de la protection de l’art. 11 Cst. dont la portée dépend du contexte social. Après un examen de la situation, le TF arrive à la conclusion que les droits et obligations des plaignants ne sont pas touchés et que c’est donc à juste droit que l’OFSP a refusé de rendre une décision attaquable.

Art. 48 al. 2 PA ; 12 al. 1 let. b LPN

Dans cette affaire de mise en circulation de produits phytosanitaires, se pose la question de savoir si le WWF, en tant qu’association à but idéal, a qualité pour agir quand bien même la décision ne se réfère pas à un territoire particulier. Après une analyse jurisprudentielle et doctrinale de l’art. 12 al. 1 let. b LPN, le TF arrive à la conclusion que le critère de la pertinence spatiale (« Raumrelevanz ») ne joue pas de rôle dans sa jurisprudence et ne peut être déduit ni de la lettre, ni de l’historique, ni du sens et de l’objectif de la disposition. Les effets d’un produit phytosanitaire pouvant toucher les sols, les eaux et les milieux naturels de toute la Suisse, ils entrent donc dans le champ de protection de la faune et la flore contre les substances toxiques dans le cadre de la lutte contre les parasites qui est une préoccupation essentielle de la LPN. Dès lors, dans ce cas de figure aussi la qualité pour agir des associations à but idéal doit être ouvert.

ATF 144 I 43 (f)

2017-2018

Art. 60 al. 1 let. b LPA/GE ; 89 al. 1 let. c et 111 LTF

Se pose ici la question de la qualité pour recourir d’un député du Grand Conseil genevois contre une modification législative. Le Tribunal fédéral examine la qualité pour recourir sous l’angle de l’art. 89 al. 1 let. c LTF. Concernant l’intérêt digne de protection, il n’est pas nécessaire qu’il soit de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant. Cependant, afin d’éviter l’action populaire, le recourant doit prouver l’existence d’un rapport particulièrement étroit et digne de protection. La modification légale élargit le cercle des députés disposant du droit d’initiative parlementaire et touche donc à l’activité d’un député titulaire, lequel pourra être amené à traiter d’initiatives parlementaires qui n’ont pas été déposées par le cercle des députés élus qui siègent dans la composition ordinaire du Grand Conseil. Les députés titulaires se trouvent donc dans un rapport particulièrement étroit avec la modification légale et disposent d’un intérêt de fait à ce que la conformité au droit supérieur de l’étendue du droit d’initiative parlementaire aux députés suppléants soit contrôlée. Le recourant, député titulaire, ne poursuit ainsi pas un intérêt général et abstrait tendant à garantir une application correcte du droit. Cet arrêt assouplit la jurisprudence du TF rendue sous ATF 91 I 110 notamment car pour que la qualité pour recourir au sens de l’art. 89 al. 1 let. c LTF soit admise, il suffit qu’il y ait un intérêt digne de protection alors qu’il fallait un intérêt juridiquement protégé sous l’ancienne OJ.

Art. 122 LTF

Suite à la décision de confiscation de ses avoirs en 2006 faisant suite à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, M. Al-Dulimi ainsi que sa société (ci-après les recourants) déposent un recours auprès du TF. Ce dernier le rejette en limitant son examen au contrôle de la présence des recourants sur la liste établie par le Comité des sanctions. Les recourants déposent alors un recours auprès de la CourEDH qui conclut à une violation de l’art. 6 CEDH au motif que les autorités suisses auraient dû s’assurer de l’absence de caractère arbitraire de cette inscription avant d’exécuter la mesure à l’encontre des recourants. Suite à cet arrêt, les recourants déposent une demande de révision auprès du TF basée sur l’art. 122 LTF. Le TF procède alors en deux phases : d’abord, il examine la recevabilité et s’il considère la demande recevable, il entre en matière sur le fond. Il rend ensuite deux décisions : le rescindant (annulation de l’arrêt dont la révision est demandée) et le rescisoire (statue sur le recours dont il avait précédemment été saisi). Les conditions de l’art. 122 LTF étant remplies, le TF reprend le dossier et statue sur le fond de la cause. En l’espèce, au vu des nouveaux éléments portés au dossier, une instruction complémentaire est nécessaire. Le TF renvoie donc la cause à l’instance précédente qui doit déterminer si l’inscription des recourants sur la liste du Comité des sanctions est arbitraire, en se basant sur les faits et la situation juridique actuels et en respectant les exigences découlant de l’arrêt de la Cour EDH.