Procédure administrative

ATF 148 I 104 (d)

2021-2022

Conflit de compétence négatif. Dans la mesure où la Commission de recours CDIP/CDS n’est pas subordonnée au tribunal administratif cantonal, ce dernier ne peut pas statuer avec effet contraignant sur la compétence de cette Commission. La Commission était donc habilitée à examiner sa compétence sans être liée par le jugement du tribunal administratif, lequel avait considéré qu’elle était compétente pour traiter du recours. La Commission n’a pas violé le droit d’être entendu de A. sous l’angle de l’obligation de motiver en fournissant au recourant cette explication (consid. 3.2). Le conflit de compétence négatif du cas d’espèce équivaut pour le justiciable concerné à un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.), et contrevient également à la garantie de l’accès au juge selon l’art. 29a Cst. (consid. 6.1). Il revient aux cantons concordataires d’aménager la protection juridique contre les décisions de la CDIP ou de ses agences de manière conforme à la Constitution (cf. art. 48 al. 4 Cst.) et d’instituer un tribunal qui réponde aux exigences de l’art. 30 al. 1 Cst. Il convient en l’espèce de désigner une autorité judiciaire chargée de garantir le respect des droits constitutionnels du recourant jusqu’à ce que la situation juridique soit clarifiée par les cantons concordataires, au sens d’une réglementation transitoire. Le Tribunal administratif du canton de Berne est désigné comme autorité compétente dans l’attente de cette clarification (consid. 6.2).

ATF 148 I 145 (f)

2021-2022

Responsabilité de l’Etat pour une détention dans des conditions illicites. Le litige dont il est question, à savoir un cas de responsabilité de l’Etat de Vaud en lien avec les conditions de détention provisoires régnant dans l’une de ses prisons, relève du droit public, quand bien même le droit cantonal vaudois place l’action en responsabilité contre l’Etat de Vaud dans la compétence des autorités judiciaires civiles. La IIe Cour de droit public du TF est compétente pour traiter d’un cas de reconnaissance d’une éventuelle responsabilité de l’Etat pour un acte de procédure pénale sur la base du droit public cantonal ; il convient donc, d’entente avec la Cour de droit pénal, de réviser l’ancienne pratique d’après laquelle cette dernière se chargeait de telles causes (consid. 1.1). La question de l’indemnisation d’une éventuelle détention dans des conditions illicites avant jugement ne relève plus que du droit cantonal ordinaire en matière de responsabilité de l’Etat lorsque la procédure pénale est achevée. Tel est le cas en l’espèce, puisque le recourant a entamé ses démarches judiciaires en vue de son indemnisation par l’Etat après son jugement de condamnation (consid. 3.2). Le délai de prescription relatif d’un an prévu par l’art. 7 LRECA/VD pour se prévaloir d’une créance en responsabilité contre l’Etat de Vaud est très bref. A l’instar du délai de l’art. 60 CO, il ne court que lorsque le lésé peut se faire une idée précise de l’importance de l’atteinte dans son ensemble, même si certains actes antérieurs suffisaient déjà à fonder une action ; dans le cadre d’une situation évolutive, le délai de prescription ne court pas avant le terme de l’évolution (consid. 6.3-6.5). Le raisonnement poursuivi par l’instance inférieure aboutit à une application extrêmement stricte des règles en matière de prescription, allant à l’encontre de la jurisprudence établie et restreignant de manière importante le droit fondamental d’accès à la justice des détenus garanti par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 CEDH. La motivation à la base de l’arrêt attaqué s’avère ainsi arbitraire (consid. 10).

ATF 148 I 53 (d)

2021-2022

Contestation d’une adjudication ; coordination de la procédure ; droits procéduraux. L’exigence de coordination dans le temps signifie que le TAF, en tant qu’instance inférieure du TF, doit instruire et statuer en parallèle sur tous les recours contre une décision d’adjudication dont il est saisi, du moins lorsqu’il entre en matière sur les recours de différents soumissionnaires, afin de garantir que l’affaire sera tranchée sur la base des mêmes faits (consid. 4.3.1). On ne peut pas attendre du soumissionnaire non retenu qu’il aborde à titre préventif les offres de ses concurrents dans son recours. Les droits procéduraux de tous les soumissionnaires impliqués dans les différentes procédures doivent être respectés, d’autant plus si l’instance de recours envisage, dans l’une des affaires menées en parallèle, d’admettre le recours et de procéder à une nouvelle adjudication (consid. 4.3.2). Dans un souci d’harmonisation des différentes procédures de recours, il est également impératif que les juges statuent dans la même composition (consid. 4.3.3).

La jurisprudence rappelle, dans cet arrêt, qu’il découle du caractère inconditionnel du droit de réplique garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. que celui-ci peut être exercé par les parties après chaque prise de position de la partie adverse. Le droit de réplique n’impose cependant pas à l’autorité judiciaire l’obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d’éventuelles observations ; elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision pour qu’elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l’estime nécessaire. A cet égard, le TF considère qu’un délai inférieur à dix jours ne suffit pas à garantir l’exercice du droit de répliquer, tandis qu’un délai supérieur à vingt jours permet, en l’absence de réaction, d’inférer qu’il a été renoncé au droit de répliquer. En d’autres termes, une autorité ne peut considérer, après un délai de moins de dix jours depuis la communication d’une détermination à une partie, que celle-ci a renoncé à répliquer et rendre sa décision (consid. 2.1). En l’espèce, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (VD) a rendu son arrêt deux jours après avoir communiqué au recourant la réponse de la Municipalité de Lausanne. Elle n’a, ainsi, pas été en mesure de prendre connaissance de la réplique spontanée que celui-ci a lui adressée dans les dix jours. Pour ces motifs, le recours est admis et la cause est renvoyée à l’autorité précédente afin qu’elle statue à nouveau en tenant compte des observations spontanées du recourant (consid. 2.2).

Condamnation d’une autorité fédérale aux frais de justice dans le cadre de la procédure de recours cantonale. La prise en charge des frais de justice par une autorité fédérale de surveillance qui exerce son droit de recours au niveau cantonal contrevient au sens et à l’esprit des art. 49 al. 2 Cst. et 111 al. 2 LTF. Dans la mesure où le but poursuivi par ce droit de recours est d’assurer l’application uniforme et correcte du droit fédéral, une telle condamnation serait susceptible de rendre plus difficile l’exercice du recours des autorités fédérales au niveau cantonal, partant d’entraver la réalisation du droit fédéral. Sont toutefois réservés les cas où une disposition fédérale prévoit expressément la prise en charge des frais de justice cantonaux par la partie qui succombe et où l’autorité fédérale n’exerce pas seulement une fonction de surveillance mais poursuit également des intérêts patrimoniaux, ou lorsque l’autorité fédérale a occasionné des frais inutiles (consid. 3.3.7).

Dans cette affaire, le recourant, A., recourt auprès du TF dans la mesure où l’autorité précédente, soit la Chambre administrative de la Cour de justice (GE) a déclaré son recours irrecevable pour défaut de paiement de l’avance de frais. Plus précisément, un délai lui avait été fixé au 15 août 2021 pour ce faire et la somme de CHF 400.-, correspondant au montant de l’avance de frais, a été perçue par l’Autorité seulement le 18 août 2021. Le TF rappelle, dans cet arrêt, que la procédure administrative devant les autorités cantonales n’est pas unifiée. Ainsi, l’exigence de l’avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement relèvent du droit de procédure et, par conséquent, les cantons restent libres d’organiser cette matière à leur guise. Dans le canton de GE, cette matière est régie par l’art. 86 LPA/GE mais force est de constater, à la lecture de cette disposition, qu’il n’est pas précisé à quel moment le délai pour verser l’avance est réputé observé. Or, lorsqu’il existe un doute sur la tardiveté du paiement l’avance de frais, l’autorité doit demander à l’intéressé de lui fournir la preuve que l’obligation de verser ladite avance a été effectuée dans le délai imparti (consid. 3.1). Dans la mesure où cette vérification n’a pas été effectuée dans le cas d’espèce, le recours de A. est admis et la cause est renvoyée à l’autorité précédente pour réexamen de la recevabilité de son recours (consid. 3.2).

ATF 147 II 476 (f)

2021-2022

Publicité des délibérations de l’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision. Le TF s’exprime pour la première fois sur la portée du principe de la publicité des délibérations introduit lors de la dernière révision de la LRTV. Les délibérations de l’Autorité de plainte sont publiques. Le huis clos constitue l’exception. Si l’Autorité de plainte décide du maintien de la délibération publique, elle peut renoncer à prononcer le nom de l’auteur de la plainte lors des débats (consid. 2). L’Autorité de plainte est assimilable à un tribunal indépendant lorsqu’elle est saisie d’une plainte individuelle sur la base de l’art. 97 al. 1 LRTV ; aucun motif ne justifie donc d’appliquer des standards différents en matière de publicité (consid. 3.2). L’intérêt public à la publicité des délibérations de l’Autorité de plainte est le même que le principe de publicité de la justice, à savoir assurer la transparence de la justice pour permettre au public de vérifier de quelle manière les procédures sont menées et la jurisprudence rendue ; toutefois, le principe de la publicité des délibérations poursuit un but de transparence accru. Les parties n’ont ainsi pas un droit à obtenir sur requête le huis clos ; des exceptions ne peuvent être accordées que de manière restrictive et dans la mesure où des intérêts prépondérants l’imposent clairement (consid. 3.3). Le refus du huis clos est compatible avec la garantie d’accès au juge et le droit à la protection de la vie privée (consid. 4). En l’espèce, les conditions pour une exception au principe des délibérations publiques ne sont pas réunies, dans la mesure où l’affaire ne comprend pas de documents non publics ou d’informations sur la sphère privée du plaignant ; en outre, la décision de l’Autorité de plaintes de conserver l’anonymat du plaignant lors des délibérations publiques établit un juste équilibre entre ses intérêts privés et l’intérêt public à la publicité des délibérations.

ATF 148 V 2 (i)

2021-2022

Intérêt à recourir auprès du tribunal des assurances d’une partie qui n’a pas formé opposition. En principe, seule une personne qui a participé à la procédure d’opposition est admise à la procédure de recours (consid. 4.2). Toutefois, selon l’ATF 127 V 107, si une partie a valablement formé opposition, empêchant ainsi que la décision administrative entre en force, une autre partie restée passive jusqu’alors peut également déposer un recours contre la décision sur opposition auprès du tribunal des assurances (consid. 5.2). Dans la mesure où la décision administrative n’était pas entrée en force de chose jugée, la partie restée passive, qui n’a jamais exprimé explicitement son retrait de la procédure, était en droit de recourir auprès du Tribunal cantonal des assurances contre la décision sur opposition (consid. 5.3). Les conditions d’un changement de jurisprudence ne sont pas remplies ; la jurisprudence de l’ATF 127 V 107 est donc maintenue (consid. 5.4).

Le TF rappelle, dans cette jurisprudence, à quelles conditions un architecte a la qualité pour recourir, ou non, contre une décision n’autorisant pas un projet de construction. Sur le principe, l’architecte n’a qu’un intérêt indirect et économique à la délivrance d’une telle autorisation de construire, raison pour laquelle il n’a pas la qualité pour recourir contre celle-ci. Tel n’est en revanche pas le cas de l’architecte habilité par le droit cantonal à déposer, avec l’accord du propriétaire, une demande de permis de construire : celui-ci est autorisé à former un recours contre la décision de rejet de celle-ci. Quant au promoteur immobilier, il faut que le lien contractuel avec le propriétaire du terrain soit toujours existant au moment du dépôt du recours, à défaut de quoi, faute d’intérêt actuel, il ne peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection (consid. 5.1). Dans le cas d’espèce, l’architecte recourante ne remplit pas les conditions précitées, raison pour laquelle son recours est rejeté (consid. 5.2).

Le TF rappelle, dans cet arrêt, les principes relatifs à la qualité pour recourir du dénonciateur. En principe, la seule qualité de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise à la suite de la dénonciation et ne confère donc pas la qualité de partie dans cette procédure. Pour jouir de la qualité pour recourir, le dénonciateur doit non seulement se trouver dans un rapport étroit et spécial avec la situation litigieuse, mais aussi pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l’autorité de surveillance, lorsqu’il y en a une, comme en l’espèce, intervienne. Savoir si un dénonciateur remplit les conditions précitées et donc jouit de la qualité de partie doit être résolue différemment selon les matières et les circonstances d’espèce. Afin d’opérer une délimitation raisonnable avec le « recours populaire », la jurisprudence reconnaît restrictivement la qualité de partie au dénonciateur, lorsque celui-ci pourrait sauvegarder ses intérêts d’une autre manière, notamment par le biais d’une procédure pénale ou civile (consid. 3.4). En l’espèce, les dénonciateurs sont les parents de deux élèves qui ont initié une procédure devant le Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (GE) (ci-après : le Département) afin de lui rapporter les problématiques auxquelles auraient été confrontées leurs filles au sein de l’école. L’école n’ayant pas été inquiétée ni par décision du Département, ni par arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice (GE) – la qualité pour recourir ayant été niée aux dénonciateurs – ceux-ci recourent auprès du TF. Le TF nie, toutefois, leur qualité pour recourir dans la mesure où ils n’établissent pas, premièrement, l’avantage pratique qu’eux-mêmes et leurs filles obtiendraient si le Département constatait que l’école avait enfreint les règles applicables. En outre, les dénonciateurs ne démontrent pas non plus en quoi ils disposeraient d’un intérêt personnel et actuel digne de protection, dans la mesure notamment où leurs filles ne sont plus scolarisées dans cette école et qu’elles ne seraient, ainsi, pas directement visées par les mesures que pourrait prendre le Département à l’encontre de l’école (consid. 3.6). Enfin, le TF constate que les recourants disposent d’autres moyens pour préserver leurs intérêts, notamment sur la base du contrat qui les lie à l’établissement ou en saisissant, au besoin, les autorités pénales (consid. 3.7). Pour ces motifs et selon le TF, l’autorité précédente n’a pas violé le droit fédéral en niant la qualité pour recourir aux recourants (consid. 3.7).

Dans cette jurisprudence, le TF rappelle que la qualité pour recourir d’un tiers qui n’est pas destinataire de la décision dont il est fait recours n’est admise que restrictivement. En effet, les tiers ne sont pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ou leur impose des obligations. Pour avoir la qualité pour recourir, le tiers doit ainsi être touché directement et plus fortement que tout autre tiers et se trouver, avec l’objet de la contestation, dans une relation particulière, étroite et digne d’être prise en considération ; une atteinte indirecte ou médiate ne suffit pas. Un simple intérêt de fait ne permet en particulier pas de fonder une relation suffisamment étroite avec l’objet du litige. En outre, le tiers doit avoir un intérêt pratique à l’annulation ou à la modification de la décision qu’il attaque, autrement dit l’issue de la procédure doit pouvoir influencer sa situation de manière significative. Enfin, lorsque le recours intervient en faveur du destinataire de la décision dont il est fait recours, comme c’est le cas en l’espèce, la qualité pour recourir suppose que le tiers lui-même tire un désavantage immédiat de la décision contestée (consid. 4.2). Dans cette affaire, le TF parvient à la conclusion que le recourant, locataire, ne dispose pas de la qualité pour recourir contre la décision d’émolument en matière de ramonage. En effet et parmi d’autres arguments, on ne se trouve pas dans une situation permettant d’admettre, exceptionnellement, la qualité pour recourir au tiers non destinataire de la décision dans la mesure où le recourant n’est pas débiteur solidaire des émoluments litigieux. Par conséquent, l’autorité précédente n’a pas violé le droit fédéral en niant au recourant sa qualité pour recourir (consid. 4.5).

Selon la jurisprudence, la demande de révision est soumise aux exigences de motivation découlant de l’art. 42 al. 1 et 2 LTF ; il incombe ainsi au requérant de mentionner le motif de révision dont il se prévaut et d’expliquer en quoi ce motif serait réalisé sous peine de voir sa demande déclarée irrecevable. Pour rappel, la révision d’un arrêt du TF peut notamment être demandée si les dispositions concernant la composition du tribunal ou la récusation n’ont pas été observées (art. 121 let. a LTF), si le tribunal a accordé à une partie soit plus ou, sans que la loi ne le permette, autre chose que ce qu’elle a demandé, soit moins que ce que la partie adverse a reconnu devoir (art. 121 let. b LTF), si le tribunal n’a pas statué sur certaines conclusions (art. 121 let. c LTF) ou si, par inadvertance, le tribunal n’a pas pris en considération des faits pertinents qui ressortent du dossier (art. 121 let. d LTF) (consid. 3). En l’espèce, le requérant argumente qu’il existe un motif de révision dans la mesure où le TF a transmis sa réplique à la Cour cantonale, autorité précédente, en même temps que l’arrêt du TF. Or, selon le TF, cet élément ne constitue pas un motif de révision au sens des dispositions précitées. Plus précisément, le TF rappelle que, lors de la procédure devant son Autorité, le fait de transmettre la réplique du recourant à la Cour cantonale – dont l’arrêt est attaqué – en même temps que la notification de l’arrêt du TF ne consiste pas en une violation du droit d’être entendu du recourant. L’art. 102 al. 3 LTF prévoit, en effet, qu’en règle générale il n’y a pas d’échange ultérieur d’écritures. En outre et en cas de réplique, la possibilité de présenter une duplique (ou une écriture encore ultérieure) doit être soumise à des règles restrictives : il faudrait que la dernière écriture présente des arguments nouveaux décisifs et que ces éléments nouveaux soient recevables dans le recours (consid. 4). Pour ces motifs, la demande de révision du requérant est déclarée irrecevable (consid. 5).