Procédure administrative

Art. 16 al. 3 Cst. et 20 LIPAD/GE

Dans cet arrêt se pose la question de l’accès d’une avocate à la jurisprudence pénale de première instance dans le canton de Genève. Le principe fondamental qui est en jeu dans ce litige est celui de la publicité de la justice tel que garanti par les art. 6 par. 1 CEDH, 14 Pacte ONU II et 30 al. 3 Cst. Dans le domaine de la procédure judiciaire, il concrétise la liberté d’information de l’art. 16 al. 3 Cst. qui permet généralement le libre accès aux débats et décisions judiciaires. Ce principe peut être réalisé de diverses manières, laissées au choix des cantons dont les pratiques sont d’ailleurs très variables. Concernant le cas particulier du canton de Genève, ce dernier a une loi spécifique qui règle ce domaine (art. 20 LIPAD/GE pour le pouvoir judiciaire) et autorise en principe la mise à disposition du public de toutes les décisions judiciaires. Il s’agit d’une obligation de résultat et les tribunaux genevois devraient être en conformité avec ce qui est prévu par la LIPAD/GE depuis 2004. Tant que cette obligation n’est pas réalisée, l’autorité doit permettre la consultation des décisions au siège du tribunal concerné. Cependant, il faut mettre ces principes en balance avec la protection de la personnalité des parties à la procédure. Le TF pose donc deux conditions valables pour le cas particulier du canton de Genève : la personne requérante doit préciser raisonnablement sa demande de consultation et prendre un engagement de confidentialité. En l’espèce, le recours est admis et renvoyé au Tribunal pénal pour nouvelle décision dans ce sens.

Art. 2 al. 7 LMI

Dans cette affaire, le recourant se plaint du refus de la part de la ville de Genève et de la Cour de justice de rendre une décision concernant l’attribution de la direction de deux théâtres municipaux, poste pour lequel il a postulé sans succès. La première question qui se pose est celle de la qualité pour recourir et en particulier l’intérêt actuel (art. 89 al. 1 let. b et c LTF), les saisons de théâtre ayant déjà commencé. La contestation relative à l’absence de décision concernant la désignation de la direction des deux théâtres est susceptible de se reproduire en tout temps et la solution de la question litigieuse présente un intérêt public suffisamment important puisqu’elle pose la question du régime applicable au cas d’espèce et en particulier de la portée de l’art. 2 al. 7 LMI. Dès lors, il est fait exception à l’exigence de l’intérêt actuel et il est entré en matière sur le fond. La première condition pour l’application de l’art. 2 al. 7 LMI est de savoir si on se trouve en présence du transfert d’un monopole cantonal ou communal (consid. 6.1.1). Il faut ensuite que la transmission du monopole se fasse en faveur du secteur privé (consid. 6.1.2). Finalement, deux exigences doivent encore être remplies, à savoir un appel d’offres et l’interdiction de discriminer des personnes ayant leur siège en Suisse (consid. 6.4). En l’espèce, toutes les conditions sont remplies. C’est partant avec raison que le recourant se plaint du refus de rendre une décision susceptible de recours pour cet acte qui constitue une attribution de concession et aurait dès lors dû respecter les conditions d’un appel d’offres (cf. art. 9 LMI). L’autorité ne peut pas non plus arguer que la gestion de son patrimoine administratif relève exclusivement du domaine privé lui permettant ainsi de refuser de rendre une décision. En effet, même lorsqu’elle agit comme partenaire privé la collectivité demeure contrainte de respecter les principes généraux de l’activité administrative. Finalement, le TF laisse ouverte la question de savoir si le refus de décision constitue une violation de l’accès au juge (art. 29a Cst.) puisque le prononcé de ladite décision s’impose déjà en vertu de l’art. 2 al. 7 LMI. Le recours est dès lors admis et la décision renvoyée à la ville de Genève qui aurait dû attribuer une concession par le biais d’une décision.

ATF 144 II 406 (f)

2018-2019

Art. 1 et 2 LAVI

Cet arrêt est l’occasion pour le TF de se pencher sur la question du degré de preuve requis s’agissant de la preuve de l’infraction, respectivement de l’établissement du statut de victime LAVI en l’absence de procédure pénale. Dans le domaine de l’aide aux victimes, au regard de la nature juridique des prestations prévues par la LAVI, la doctrine se prononce en faveur – comme c’est le cas en procédure civile et dans le domaine des assurances sociales – de la vraisemblance prépondérante, tant pour établir le lien entre l’infraction et l’atteinte à la santé que pour arrêter le statut de victime en cas d’absence ou d’échec de la procédure pénale. Cet avis est aussi partagé par la Conférence suisse des offices de liaison LAVI ainsi que par le Conseil fédéral et c’est également ce que retient le TF en l’espèce.

ATF 144 II 401 (d)

2018-2019

Art. 21 al. 1 et 38 PA

Dans cette affaire, la recourante, résidant en Afrique du Sud, fait recours auprès du TAF contre la décision du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) lui refusant la naturalisation facilitée. Elle envoie le courrier par poste normale ce qui a comme conséquence qu’une fois que son acte arrive finalement en Suisse, il est hors délai et donc considéré irrecevable par le TAF. Se pose alors la question de savoir si on peut en faire grief à la recourante ou si le SEM aurait dû préciser, dans sa décision avec les voies de droit, les spécificités du respect du délai (cf. art. 21 al. 1 PA) ? La recourante, destinataire domiciliée à l’étranger, qui n’est pas familiarisée avec le droit suisse ni n’est représentée par un avocat, a le droit d’être informée de manière appropriée par l’autorité administrative sur les règles en matière de respect du délai de recours. En effet, selon l’art. 38 PA qui concrétise le principe général de protection de la bonne foi (« Vertrauensschutz ») au sens de l’art. 29 al. 1 et 2 Cst., il ne doit pas y avoir de préjudice à l’égard du recourant si l’inobservation du délai résulte de communication insuffisante de la part de l’autorité à ce propos (résumé par Aurélie Mariotti in : Achermann Alberto et al. (édit.), Jahrbuch für Migrationsrecht/Annuaire du droit de la migration, 2018/2019, Berne 2019, p. 154).

ATF 145 I 52 (d)

2018-2019

Art. 5 al. 2, 8 et 9 Cst. ; 18 al. 1 Cst./ZH

Une commune recourt au TF notamment contre le montant, selon elle, excessif des frais judiciaires mis à sa charge par le Tribunal de dernière instance cantonale zurichois. Les frais judiciaires constituent des contributions causales représentant la contrepartie d’une prestation étatique et, selon le principe de l’équivalence, les frais de justice doivent être dans un rapport raisonnable avec la valeur objective de la prestation fournie. Dans le canton de Zurich, le cadre tarifaire de l’émolument judiciaire s’étend de CHF 1’000.- à CHF 50’000.-. Une fourchette si large peut porter atteinte à la sécurité du droit et c’est pourquoi quand les autorités disposent d’une si grande marge de manœuvre pour se déterminer, elles se doivent de respecter les principes fondamentaux comme le principe d’équivalence et être en adéquation avec les montants usuels suisses dans de telles procédures. Au vu de la difficulté de la cause et de la charge effective pour le tribunal précédent, les frais judiciaires sont considérés comme excessifs pour un cas relevant du droit de la construction ne présentant aucune circonstance exceptionnelle et partant non compatibles avec le principe d’équivalence. En l’espèce, ils sont réduits de CHF 13’000.- à CHF 8’000.-.

Art. 111 al. 1 et 89 al. 1 LTF et Loi cantonale genevoise sur la restauration, le débit de boissons l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD/GE)

Dans cet arrêt, le TF se penche pour la première fois sur la qualité de partie des voisins en matière de surveillance des établissements publics. Afin d’admettre la qualité pour recourir à un dénonciateur, il faut que ce dernier ait un rapport étroit et spécial avec la situation litigieuse ainsi qu’il puisse invoquer un intérêt digne de protection à ce que l’autorité de surveillance intervienne. En outre, la qualité de partie est reconnue restrictivement au dénonciateur lorsque celui-ci peut sauvegarder ses intérêts d’une autre manière et cela afin d’opérer une distinction avec le « recours populaire ». En l’espèce, il est indéniable que l’issue de la procédure pendante contre l’établissement concerné peut influencer la situation du recourant (voisin direct de l’établissement), lui permettant de se prévaloir d’un intérêt particulier digne de protection. De plus, la gêne subie par les voisins directs d’un établissement se caractérise à Genève par une multiplicité de compétences car plusieurs lois et règlements peuvent s’appliquer. La gestion des plaintes s’avère complexe à cause des problèmes de délimitation des compétences et de coordination des procédures. Dès lors, les instances cantonales ne peuvent pas juste dénier la qualité de partie au motif de la possible sauvegarde des intérêts par une autre voie. Il s’ensuit que le recourant a un intérêt digne de protection dans le cadre de la procédure d’instruction de plainte contre l’établissement. La Cour de justice a donc violé l’art. 111 LTF en lien avec l’art. 89 al. 1 LTF en ne reconnaissant pas la qualité de partie de l’intéressé et cela amène à l’admission du recours.

Art. 89 al. 1 et al. 2 let. c LTF

Dans cet arrêt rendu à cinq juges, le TF doit se pencher sur la question de savoir si la République et canton de Genève, par son exécutif, peut invoquer l’art. 89 al. 2 let. c pour fonder sa qualité pour recourir contre un arrêt de la Cour de Justice dudit canton. Le TF relève d’abord que la possibilité pour un canton de se prévaloir de l’art. 89 al. 2 let. c LTF pour se plaindre de la violation de sa souveraineté garantie par l’art. 3 Cst. n’est pas clairement tranchée par la jurisprudence et est controversée en doctrine. Toutefois, le TF a eu l’occasion de préciser que le canton ne peut pas se prévaloir d’une telle garantie à l’encontre d’un acte de puissance publique cantonal rendu par son propre tribunal administratif. Tel est le cas en l’espèce, ce qui ne permet pas de reconnaître la qualité pour recourir sur cette base. Le canton invoque subsidiairement l’art. 89 al. 1 LTF. Ce dernier, admis restrictivement pour les collectivités publiques, ne permet pas non plus en l’espèce de fonder la qualité pour recourir, faute au canton d’avoir clairement allégué en quoi cette décision le touchait fortement dans des intérêts publics importants. Dès lors, faute de qualité pour recourir, le recours est déclaré irrecevable.

Art. 89 al. 1 et 111 LTF ; 60 LPA/GE

Dans cet arrêt, le TF examine la question de la qualité pour recourir de locataires ayant fait recours contre l’autorisation de construire demandée par leurs voisins occupant les étages supérieurs de l’immeuble. Cette qualité leur a été déniée au niveau cantonal. La qualité pour recourir prévue par le droit de procédure genevois n’est pas plus étendue que celle prévue au niveau fédéral. Dès lors, le TF examine cette question sur la base de l’art. 89 al. 1 en lien avec l’art. 111 LTF. La question de la proximité avec l’objet du litige est centrale dans cet examen, elle n’est cependant pas à elle seule déterminante pour admettre la qualité pour recourir des voisins (propriétaires ou locataires). Pour l’admettre, il faut que ces derniers soient atteints de manière certaine ou du moins avec une probabilité suffisante par la gêne que la décision peut occasionner. Il faut qu’ils retirent un avantage pratique à l’annulation ou à la modification de l’arrêt contesté qui permette d’admettre qu’ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant de l’intérêt général. Tel est le cas en l’espèce car les recourants louent les étages entourant ceux où les travaux sont prévus. De plus, ils sont particulièrement atteints par le fait que l’exploitation de leur centre de chirurgie et de thérapie de la main requiert un niveau de silence supérieur à celui de la plupart des activités commerciales. Ils arrivent donc à rendre vraisemblable un accroissement potentiel du bruit intérieur des locaux voisins liés aux travaux litigieux et à l’exploitation qui suivra. Ces circonstances suffisent à leur reconnaître la qualité pour recourir. Dès lors, l’instance précédente a violé le droit fédéral et fait une application arbitraire de l’art. 60 LPA/GE en leur déniant la qualité pour recourir. Le recours est admis.

Art. 115 let. b LTF

Le recourant dépose une plainte pour harcèlement psychologique auprès du groupe de confiance du Département de l’instruction publique, de la culture et du sport du canton de Genève. Lorsque le groupe de confiance rend finalement son rapport, les deux personnes mises en cause ont pris leur retraite, ce qui a pour conséquence qu’une décision ne peut plus être rendue à leur égard, n’étant plus soumises à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (LPAC). La Cour de justice n’entre pas en matière sur le recours. Le recours en matière de droit public étant exclu (cf. art. 83 let. g LTF), c’est à juste titre que le recourant dépose un recours constitutionnel subsidiaire. Par cette voie, il peut se plaindre d’une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel pour autant qu’il s’agisse de moyens pouvant être séparés du fond. Dans ce contexte, une partie peut notamment recourir contre la décision qui déclare son recours irrecevable comme tel est le cas en l’espèce. Le recourant allègue en outre une application arbitraire du droit (consid. 5) ainsi qu’une violation de la garantie d’accès au juge telle que consacrée par les art. 29a Cst. et 6 CEDH (consid. 6) ; griefs rejetés par le TF.

ATF 145 II 168 (f)

2018-2019

Art. 83 let. h LTF

Dans cet arrêt, le TF se penche pour la première fois sur la recevabilité, sous l’angle de l’art. 83 let. h LTF, d’un recours dirigé contre la reconnaissance de mesures applicables en cas d’insolvabilité d’une banque qui auraient été prononcées à l’étranger. En l’espèce, la décision de la FINMA reconnaît le plan de résolution de l’autorité étrangère requérante. En autorisant cette dernière à exécuter son plan de résolution bancaire en Suisse, la FINMA a procédé à un acte de collaboration impliquant deux autorités appartenant à des Etats différents mais se soutenant dans l’accomplissement de leurs tâches, ce qui est constitutif d’un acte d’entraide internationale. Le fait que la FINMA n’ait pas elle-même fait une procédure de faillite ancillaire n’est pas déterminant puisque l’entraide couvre tous les actes de procédure requis par une autorité étrangère qui lui servent à instruire une cause ou à exécuter une décision. Il faut encore que l’entraide soit administrative pour tomber sous le coup de la clause d’irrecevabilité. Tel est le cas en l’espèce puisque l’assistance fournie par la FINMA représente un mécanisme administratif régi par le droit public suisse et en l’occurrence par l’art. 37g LB sur lequel la FINMA s’est basée afin de rendre sa décision. Dès lors, le recours est déclaré irrecevable sur la base de l’art. 83 let. h LTF.

Art. 83 let. g et 115 LTF

Dans ces arrêts en droit de la fonction publique dont les causes sont jointes, le TF se penche sur la question de la qualité pour recourir d’une commune dans le cadre d’un recours constitutionnel subsidiaire. Le recours en matière de droit public est déclaré irrecevable (art. 83 let. g LTF). Le TF se penche donc sur la recevabilité du recours constitutionnel subsidiaire et en particulier sur la question de savoir si on peut exceptionnellement reconnaître la qualité pour recourir à une collectivité publique en tant qu’employeur comme c’est le cas dans la procédure de recours ordinaire. Le rapport juridique qui nous occupe ne présente pas une structure que l’on pourrait trouver de manière analogue en droit privé, mais il a plutôt trait à la portée des lois en matière de traitement du personnel de l’Etat. Dès lors, la nature juridique du litige se rapporte purement et directement au processus législatif cantonal, tel que cela ressort également des griefs des recourants. La voie du recours constitutionnel subsidiaire ne tend toutefois pas à la sauvegarde des intérêts publics. Dès lors que le canton agit en sa qualité de détenteur de la puissance publique, il n’est pas légitimé à former un recours constitutionnel subsidiaire. En outre, le canton ne se trouve pas dans la sphère de protection des dispositions qu’il invoque et ne dispose que d’un intérêt de fait, de nature économique, à l’annulation ou à la modification du jugement attaqué ce qui n’est pas suffisant dans le cadre de l’art. 115 let. b LTF. En conclusion, il ne se justifie pas de reconnaître à la collectivité publique, en raison de son seul statut d’employeur, la qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire dans le domaine du droit de la fonction publique. Le recours est donc irrecevable.