Droit des migrations

ATF 144 II 16 (d)

2017-2018

Art. 74 al. 1 let. b LEtr

Le TF s’intéresse ici à la portée de l’art. 74 al. 1 let. b LEtr permettant l’assignation à un périmètre de personnes dont il est douteux qu’elles se soumettront à la décision de renvoi les concernant. Plus précisément, la question est de savoir si l’assignation et l’exclusion de périmètre ne sont applicables qu’en vue de la préparation et de l’exécution d’un renvoi (forcé) ou si elles sont également envisageables lorsque celui-ci est impossible. Plusieurs éléments de l’analyse du TF méritent d’être mentionnés. Premièrement, le texte de la loi ne laisse pas apparaître de limitation aux renvois forcés. Deuxièmement, la jurisprudence estime certes que le but de la mesure est de contrôler le séjour de la personne et d’assurer sa disponibilité pour la préparation et l’exécution du renvoi mais, d’une part, il ne ressort pas de ladite jurisprudence que c’est là l’unique but et, d’autre part, cette interprétation ne s’appuie que sur une doctrine non argumentée. Le TF estime donc que l’assignation doit également pouvoir servir de moyen de pression en vue de l’exécution de la décision de renvoi. Troisièmement, l’interprétation systématique relève que l’art. 74 ne se trouve pas dans la section 4 (exécution du renvoi) mais dans la section 5 (mesures de contrainte). Les mesures de cette section ne sont qu’en partie en lien avec l’exécution du renvoi, mais en sont pour partie détachées (tel est le cas de la détention pour insoumission qui peut être ordonnée même lorsque le renvoi n’est pas possible). Le TF estime que l’assignation suit – en tant que mesure plus légère – les mêmes buts que la détention et peut donc aussi servir à encourager le départ volontaire. Quatrièmement, une interprétation historique amène au même résultat, car aussi bien le Conseil des Etats que le Conseil national ont montré une volonté d’élargir le but de l’assignation et l’exclusion de périmètre pour permettre de viser également les personnes ne quittant pas la Suisse au terme de leur délai de départ. En conclusion, le TF est d’avis, d’une part, que le sens et le but de l’art. 74 al. 1 let. b LEtr tel qu’il ressort des différents critères d’interprétation est que la décision de renvoi entrée en force soit exécutée et, d’autre part, qu’il n’existe pas de raison de limiter ce but au seul renvoi forcé en excluant le retour volontaire.

Art. 74 al. 1 let. b LEtr

Sur le même sujet que l’ATF ci-dessus, cet arrêt soulève deux questions. La première est la même que celle au centre de l’ATF 144 II 16 résumé ci-dessus, le TF ne fait dès lors que confirmer la jurisprudence rendue quelques mois plus tôt. La seconde est davantage procédurale mais liée à la proportionnalité de la mesure. En effet, dans son mémoire de recours, l’intéressé demandait principalement la levée complète de la mesure et, subsidiairement, la limitation de la durée de celle-ci à un an. Or, dans sa décision, l’autorité cantonale de recours s’est contentée de juger l’assignation de périmètre fondamentalement licite, sans prendre position explicitement sur la demande subsidiaire. Le TF juge cette manière de faire inadéquate dans la mesure où le fait de juger une mesure fondamentalement licite ne signifie pas qu’elle l’est nécessairement ad eternam. Dès lors, l’autorité inférieure aurait dû se prononcer sur la requête subsidiaire, le recours est donc admis.

Art. 74 al. 1 let. b LEtr

Toujours au sujet d’une assignation à un territoire, un recourant estime que la mesure prononcée à son encontre est disproportionnée, premièrement, car le retour n’est pas possible contre sa volonté ce qui, selon lui, rend la mesure inadaptée et, secondement, car la mesure restreint ses possibilités de contact avec sa fille placée en foyer dans un autre canton. Le premier motif recoupe celui développé dans l’ATF ci-dessus et le TF se borne à y faire référence. Le second argument est également rejeté par les juges qui, de manière logique, estiment que l’intéressé est de toute façon privé de contact avec sa fille car interdit de séjour sur l’ensemble du territoire suisse suite au retrait de son autorisation de séjour et à la décision de renvoi le visant, deux décisions entrées en force et ne pouvant plus être remises en cause dans la présente procédure

Art. 62, 63 LEtr

Dans cet arrêt, le TF rappelle plusieurs principes liés au retrait de l’autorisation d’établissement suite à des infractions pénales. Tout d’abord, le TF rappelle qu’une décision de retrait dépend d’une prise en compte globale des éléments dans le cadre de la liberté d’appréciation de l’autorité et qu’à ce titre, une condamnation ayant débouché sur un avertissement formel peut être prise en compte suite à une récidive, même moins grave, pour justifier un retrait du titre de séjour. Ensuite, le Tribunal rappelle qu’aucun délai strict ne peut être fixé s’agissant de l’évaluation du caractère actuel de la condamnation justifiant le retrait. La décision devant être fonction des circonstances du cas d’espèce. En l’occurrence, le TF est d’avis que les deux condamnations de 2002 et 2003 ne peuvent plus être considérées comme suffisamment actuelles. S’agissant ensuite de la notion d’atteinte très grave à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger (art. 63 al. 1 let. b LEtr), le TF rappelle qu’elle s’examine au travers de deux éléments principaux : un comportement portant atteinte à des biens juridiques particulièrement importants et une évaluation générale montrant une incapacité à se conformer à l’ordre juridique. Le Tribunal passe ensuite en revue la jurisprudence rendue à ce sujet avant de s’intéresser plus précisément à la situation du recourant. Au final, deux éléments sont retenus : d’une part, le fait que deux des infractions commises par l’intéressé touchaient des intérêts juridiques importants et, d’autre part, le fait que l’intéressé n’a commis de telles infractions que de manière ponctuelle ce qui atténue la gravité de son comportement. Le TF en conclut que le recours doit être admis.

Art. 98, 106 al. 2 LTF

Le Tribunal fédéral s’intéresse à la recevabilité d’un recours du Secrétariat d’Etat aux migrations contre une décision d’octroi de mesures superprovisionnelles sous la forme d’une suspension du renvoi d’un ressortissant tunisien débouté de l’asile. Selon l’art. 98 LTF, un tel recours est possible mais seule la violation des droits constitutionnels peut être invoquée. Or, en vertu de l’art. 106 al. 2 LTF une telle violation n’est examinée que pour autant qu’elle ait été invoquée et motivée. L’arrêt parle même d’« exigences accrues de motivation ». Dans la mesure où une telle motivation fait défaut dans le mémoire de recours du SEM, le TF déclare le recours irrecevable.

Art. 44, 99 LEtr et 8 CEDH

Changement de jurisprudence. Dans cette affaire évoluant dans le cadre de la procédure d’approbation, le point juridique déterminant est de savoir si le recours des autorités prévu par l’art. 89 al. 2 let. a LTF – in casu le SEM – est ouvert car la recourante peut se prévaloir d’un droit à une autorisation ou si, à l’inverse, seule la procédure d’approbation entre en considération. Le TAF rappelle les conditions d’un revirement de jurisprudence ainsi que la jurisprudence pertinente concernant le moment déterminant à prendre en considération concernant l’âge de l’intéressé (consid. 5-7). La jurisprudence actuelle veut que le moment déterminant concernant l’âge de la personne qui invoque un droit au regroupement familial basé sur l’art. 8 CEDH est celui qu’elle a au moment du rendu de la décision. La solution inverse est retenue pour un droit basé sur le droit interne puisque le moment déterminant est celui du dépôt de la demande de regroupement familial. Le fait de subordonner l’existence d’un droit à la durée de la procédure peut porter atteinte à la sécurité et à la prévisibilité du droit, au principe de la bonne foi ainsi que constituer une inégalité de traitement en faisant peser sur l’intéressé la durée de la procédure sur laquelle il ne peut avoir que très peu d’influence. Au vu de toutes ces considérations, il se justifie de modifier la jurisprudence et d’admettre que le droit au regroupement familial ne doit pas s’éteindre lorsque l’enfant qui pouvait s’en prévaloir sur la base de l’art. 8 CEDH devient majeur en cours de procédure. Dès lors, le SEM qui entendait contester la décision aurait dû déposer un recours en matière de droit public auprès du TF plutôt que de court-circuiter la procédure d’octroi de l’autorisation par le biais de la procédure d’approbation.

Art. 42, 47 LEtr

Cet arrêt pose la question des conditions auxquelles une autorité est tenue d’entrer en matière sur une demande de reconsidération d’une décision de refus d’un regroupement familial. Le TF rappelle tout d’abord qu’un motif de révocation « ne peut pas indéfiniment faire obstacle à l’octroi d’une (nouvelle) autorisation » et que la jurisprudence a retenu qu’un nouvel examen peut être demandé après un délai de cinq ans – à compter de la date d’entrée en force du refus initial – à condition que la personne ait respecté son obligation de quitter la Suisse. Il faut en outre pouvoir démontrer une modification notable des circonstances ou l’existence d’un cas de révision. En l’occurrence, la décision initiale est entrée en force le 21 mars 2017 et la demande de reconsidération est déposée le 28 avril 2017. Le TF juge ce délai beaucoup trop court pour qu’un changement de circonstances à même de justifier une reconsidération bien avant le délai de cinq ans ait pu se produire. Ce d’autant moins que le recourant n’a pas respecté l’obligation de quitter la Suisse. Notons encore que le Tribunal confirme le fait que le délai de cinq ans prévu pour le regroupement familial (art. 47 LEtr) ne saurait être opposé à une personne ayant déjà essuyé un premier refus dans la mesure où cela viderait de son sens le droit de déposer une demande de reconsidération après avoir fait ses preuves durant cinq ans dans son pays d’origine.