Droit des migrations

Art. 2, 3 CEDH

Ce cas concerne un requérant d’asile iranien dont la demande d’asile déposée en Suisse est rejetée en raison d’invraisemblances et de contradictions. Il dépose une demande de réexamen – traitée comme deuxième demande d’asile – suite à sa conversion au christianisme. Celle-ci est rejetée car le SEM estime qu’il n’y a pas de réel risque de persécution. Saisi sur recours, le TAF est d’avis qu’il n’y aurait un risque que si la foi avait été manifestée publiquement en Suisse de sorte à la rendre visible. La CourEDH retient que la sincérité de la conversion doit être admise même si des doutes subsistent mais que les conséquences de celle-ci ont été évaluées dans la procédure d’asile. En outre, les autorités suisses considèrent qu’il n’y a un risque de violation des art. 2 et 3 que si le requérant manifeste publiquement sa foi « d’une manière perçue comme une menace par les autorités iraniennes » (critère posé par CJUE dans les arrêts C-71/11 et C-99/11). Dans le cas contraire, comme ici, il n’y a pas de vrai risque car les autorités iraniennes savent que certaines personnes se convertissent pour renforcer leur demande d’asile et en tiennent compte.

Art. 3 CEDH

Cette affaire concerne un requérant d’asile sierra-léonais dont la demande d’asile, dans laquelle il invoquait des persécutions liées à son orientation sexuelle, est rejetée pour manque de vraisemblance. Dans son arrêt, la CourEDH reprend la grille d’analyse posée par le HCR dans ses principes directeurs sur la protection internationale n° 9, la Cour reconnaît la difficulté à établir les faits pertinents dans les cas liés à l’orientation sexuelle des requérants et estime que l’appréciation de la crédibilité doit donc « être menée de manière individualisée et avec délicatesse ». En outre, la Cour prend également en compte la difficulté pour le requérant, « au regard du caractère sensible des questions ayant trait à la sphère personnelle d’une personne et notamment à sa sexualité » d’étayer ses allégations.

ATF 144 I 91 (f)

2017-2018

Art. 8 CEDH

L’intéressé est un ressortissant algérien, entré en Suisse en 2009 suite à son mariage avec une Française titulaire d’une autorisation d’établissement et père d’un enfant né en 2009 également. Suite au divorce, l’autorité cantonale refuse de prolonger l’autorisation de séjour basée sur le regroupement familial mais propose, sous réserve de l’approbation du SEM, de lui en octroyer une nouvelle sur la base de l’art. 50 LEtr. Suite au refus du SEM d’approuver l’octroi, l’intéressé saisi le TF et invoque l’art. 8 CEDH. Après un état des lieux de la jurisprudence relative à cet article, le TF rappelle que trois conditions doivent être remplies pour qu’un droit de séjour puisse être accordé sur cette base : 1) des relations affectives et économiques étroites et effectives avec l’enfant ; 2) l’impossibilité de maintenir la relation en raison de l’éloignement du parent concerné ; 3) un comportement irréprochable de celui-ci. Une approche « exclusivement objective » de la relation économique, ne prenant en compte ni les éventuels motifs indépendants de la volonté de l’intéressé pouvant expliquer l’absence de paiement d’une pension, ni les éventuelles prestations en nature découlant d’un droit de garde quasiment équivalent à une garde alternée n’est pas admissible. Il en va de même du fait de considérer une condamnation pour non-paiement d’une obligation d’entretien comme permettant de nier le comportement irréprochable car, il « est nécessaire d’éviter que les difficultés que l’étranger a rencontrées par le passé s’agissant du paiement de la pension alimentaire ne s’ajoutent au reproche tiré d’une éventuelle condamnation pénale pour défaut de paiement de ladite pension, lorsqu’il apparaît, les années passant, que le lien économique s’est renforcé ensuite à la faveur de l’écoulement du temps au point que cette relation doive être qualifiée à l’heure actuelle d’étroite et forte » (consid. 6.2).

Art. 8 CEDH

Un ressortissant argentin se voit mis au bénéfice d’une autorisation de séjour suite à son mariage, puis à un concubinage. A l’issue de ce dernier, le canton de Zurich refuse de lui renouveler son autorisation. Etant au bénéfice d’une autorisation qui ne garantit pas un droit de séjour, le recourant invoque donc devant le TF la garantie du droit à la vie privée prévue par l’art. 8 CEDH. Le TF procède à une évaluation globale de la situation afin de savoir si la mesure de renvoi est compatible avec la garantie de la vie privée. Afin de garantir la sécurité du droit et l’égalité de traitement, certaines lignes directrices sont posées : après un séjour légal d’une dizaine d’années, il est considéré que les relations sociales avec le pays sont d’une intensité telle qu’il faut des raisons particulières pour mettre fin au séjour. Le droit à la vie privée peut également être touché après une période moins longue si la personne concernée présente une intégration particulièrement réussie. Dans un tel cas de figure, il est notamment dans l’intérêt économique du pays de permettre à la personne concernée de continuer son séjour. Dès lors, l’intérêt légitime de la Suisse à limiter l’immigration ne suffit pas à lui seul à refuser une prolongation de l’autorisation de séjour. En l’espèce, le recourant est parfaitement intégré sur les plans sociaux et professionnels. Il manque donc une raison particulière de lui refuser la prolongation de son autorisation de séjour, ce qui amène le TF à admettre le recours du ressortissant argentin. Cet arrêt primordial constitue une concrétisation de la pratique du TF qui évalue le droit de séjour d’un étranger sur la seule base du droit au respect de la vie privée.

Art. 6 CEDH ; 30 Cst.

Dans cet arrêt, sur un cas de placement en détention, un ressortissant turc critique le fait que le juge de l’instance inférieure ait lui-même et en tant que juge unique tranché la demande de récusation dont il faisait l’objet. Il estime cette manière de faire contraire à la loi cantonale et aux garanties des art. 6 CEDH et 30 Cst. Les juges fédéraux rappellent qu’il n’est en principe pas autorisé à un magistrat de rendre une décision sur une demande de récusation le visant sauf si celle-ci est abusive ou inutile. Autre principe rappelé par le TF : une demande de récusation basée sur le seul argument que le juge ciblé a déjà tranché dans une procédure antérieure contre l’une des parties impliquées est inadmissible et peut faire l’objet d’une décision de non-entrée en matière à laquelle participe le juge ciblé. Après une revue des cas dans lesquels une récusation a été prononcée ou refusée, le TF estime qu’au vu du principe selon lequel une personne ne peut être impartiale dans une cause la concernant et de la jurisprudence très variée en la matière, la demande de récusation de l’intéressé ne devait pas être considérée comme à ce point mal fondée que le juge concerné puisse s’en saisir lui-même puisque le du juge de la détention a participé précédemment à la procédure relative à la levée de l’autorisation d’établissement et à la procédure de reconsidération.